Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme il l’a fait avec la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et avec le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, le Gouvernement nous soumet, une nouvelle fois, un texte très technique, procédural, dont le contenu est très réducteur au regard des enjeux de société qui le sous-tendent.
Loin des débats stériles sur la décroissance ou le productivisme, nous devrions d’abord, en nous fondant sur les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), nous interroger ici, sur l’initiative du Gouvernement et en lien avec nos concitoyens, sur les caractéristiques de l’économie dont nous avons besoin.
L’économie qui se dessine sera non plus une économie des choses, mais une économie des usages et des expériences. Nous allons passer d’une économie de la possession à une économie de l’accès, d’un monde manufacturier à un monde de services, ou « serviciel ».
Cette économie sera, à n’en point douter, plus industrielle encore que celle d’aujourd’hui : en réalité, elle sera « hyperindustrielle », et son empreinte écologique devra être sensiblement moins importante.
Il s’agira d’une économie qui donne toute sa place aux territoires français, dans la diversité de leurs potentiels et de leurs initiatives, parce que les territoires seront déterminants dans la réussite nationale.
Ce changement, qui relève plus d’une bifurcation que d’une transition, ne pourra pas advenir s’il procède uniquement de la dynamique des green tech. Des politiques de grande ampleur, des investissements massifs et une planification seront nécessaires. Il faudra aussi mettre en place certains dispositifs financiers, comme le suggère Jean Pisani-Ferry, et instaurer une fiscalité climatique spécifique.
Dans ce contexte, je reprends à mon compte les propos du professeur Pierre Veltz, qui appelle, « dans une perspective positive, à construire le récit d’une économie désirable ».
Ce grand récit positif, nécessaire pour entraîner la Nation, c’est au Gouvernement qu’il appartient de commencer à l’écrire, avec le Parlement, le peuple français et les territoires. Il revient au Président de la République de le porter.
Or ce dernier semble distiller par bribes, au cours de ses déplacements et de ses rencontres, une vision : la sienne ! Pis encore, on a même l’impression que, en fait, il n’en a pas vraiment et qu’il compte sur le marché pour surmonter les contraintes et cheminer sans boussole.
Que devons-nous produire ? Quels secteurs, quelles activités et quels types d’emplois doit-on développer ? Telles sont les questions que nous devrions nous poser pour faire les bons choix de politiques publiques.
J’espère, messieurs les ministres, que vous nous préciserez le contenu de l’action publique que vous entendez mener. Peut-être cela constituera-t-il l’esquisse du grand récit mobilisateur dont notre nation a besoin !
La réindustrialisation verte consiste avant tout à faire face aux contraintes écologiques et sociales. Il est nécessaire d’investir massivement dans l’éducation, la formation et l’enseignement supérieur, de même que dans la recherche et l’innovation, en procédant notamment à une réforme radicale du crédit d’impôt recherche. Il convient de faire de la protection de l’environnement un vecteur de la transition de notre industrie et de l’amélioration du bien-être de nos concitoyens.
Or nous ne voyons rien de tel dans ce projet de loi.
Mon groupe fera des propositions pour définir ce que devrait être le périmètre de ce projet de loi au regard des enjeux de transformation de l’économie que je viens d’évoquer. Commençons par définir exactement ce qu’est l’industrie verte !
Nous chercherons ensuite à donner à ce texte la dimension territoriale qui doit être la sienne : je pense notamment à l’articulation avec le programme Territoires d’industrie ou à la prise en compte des activités de sous-traitance dans les « grands sites industriels ».
Nous proposerons de préserver les prérogatives des présidents de conseil régional, des maires et des présidents d’EPCI en matière de planification stratégique et d’évolution des documents d’urbanisme.
Enfin, nous demanderons au Gouvernement de clarifier sa position sur la prise en compte du ZAN dans le cadre de la loi Climat et résilience et des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous estimons que la pertinence et la réussite des politiques publiques nécessaires à la réorientation de notre modèle de développement sont conditionnées à plusieurs points fondamentaux.
La question majeure est de savoir de quelle économie nous avons besoin pour demain et de quelles politiques publiques nous devons nous doter pour l’établir. Il convient de veiller à ce que le plus grand nombre possible de nos concitoyens participent à cette réflexion.
La position finale de mon groupe dépendra de la réponse à ces questions. Pour l’heure, nous considérons que ce texte, utile à certains égards, est avant tout technique – ce n’est pas la première fois ! C’est dommage, voilà encore une occasion manquée – mais il n’est jamais trop tard.