Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, « ce changement confronte notre espèce, et la nature, à leurs dernières extrémités ; parce qu’il nous approche du bord de nos modes de vie, de nos ressources ; parce qu’il nous pousse tout au bout des contradictions de nos économies centrées sur la consommation », écrivait la semaine dernière Jérôme Fenoglio, le directeur du journal Le Monde.
Si la sobriété fut à l’honneur l’hiver dernier, non seulement par peur d’un black-out, mais aussi en raison du coût, devenu insoutenable pour bon nombre de Français, de l’énergie, il nous appartient désormais de promouvoir une forme de sobriété heureuse. Car c’est fait, nous avons, pour reprendre le titre d’un livre paru l’an dernier, « mangé la terre » : à force de produire toujours plus et mal en utilisant toujours plus de matière, d’eau et d’énergie, le grand écosystème est à son point de bascule – c’est grave !
Nous devons parvenir à définir clairement ce que vous entendez par l’oxymore « industrie verte ». En effet, tout progrès doit maintenant être envisagé dans les limites planétaires. Il s’agit d’une nécessité absolue, qui engage notre responsabilité envers ceux qui viendront après nous. Le vert ne peut pas être un effet d’aubaine ; il nous oblige !
Oui, il est indispensable de produire en France le fameux big five. Il eût même fallu le faire il y a quinze ou vingt ans. Toutefois, le champ de ce texte est trop restreint. Nous avons urgemment besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de l’industrie, voire de l’écologie, à revoir tous les cinq ans, pour nous adapter efficacement à ce qui vient.
De plus, quel sera le coût réel de notre production en matière de dégradation de la santé et d’effondrement de la biodiversité ? Évoquer une industrie verte doit être l’occasion de prévoir la satisfaction de nos besoins essentiels et de remettre à l’honneur – pourquoi pas – la manufacture et l’artisanat, qui sont les seules véritables expressions de l’industrie, au sens de l’inventivité humaine.
Autrement, l’industrie verte ne sera qu’un avatar sémantique de plus. Nous devons, comme l’écrit le romancier Jean Rouaud, « sortir de la centrifugeuse infernale du consumérisme ».
Combien d’années faudra-t-il pour que soit pris à bras-le-corps le problème de la fast fashion ? Nous sommes dans un égarement total : des vêtements en plastique, fabriqués à des milliers de kilomètres, sont portés une ou deux fois, puis exportés en tant que vêtements et deviennent instantanément, en arrivant en Afrique, des déchets. Nous avons une énorme responsabilité.
Comment expliquer que le chapitre dédié à l’économie circulaire soit si pauvre ? C’est dommage ! Quelle occasion manquée, alors qu’il y a tant à faire sur le sujet ! Pour trouver une voie alternative entre la Chine et les États-Unis et nous émanciper de la polarisation exacerbée qui gagne la planète, nous devons accroître la coopération européenne et nous appuyer sur le tissu démocratique solide de notre continent.
L’examen du texte en commission a permis d’obtenir des avancées.
À l’article 2, nous avons ajouté à la consultation numérique la consultation par voie postale, qui est absolument indispensable, sachant qu’un Français sur trois est concerné par l’illectronisme.
À l’article 4, nous avons allongé le délai dont dispose le ministre pour sanctionner un transfert illicite de déchets, ainsi que le plafond de l’amende, pour la rendre suffisamment dissuasive. S’agissant d’un sujet particulièrement préoccupant, cela nous paraît être la moindre des choses.
En ce qui concerne l’article 7, la compensation environnementale, qui consiste à créer des sites naturels de restauration et de renaturation, doit conduire non pas à organiser la pollution, mais à réduire cette dernière jusqu’à la faire disparaître.
S’agissant du volet dédié à la commande publique, nous proposerons des amendements pour en faire un véritable levier de progrès.
Vous l’aurez compris, messieurs les ministres, nous attendons davantage, bien davantage, car les défis sont colossaux. Réindustrialisons, mais faisons-le bien : l’argent public doit être mieux utilisé, et, surtout, les collectivités territoriales, qui sont parfaitement légitimes, doivent garder la main !
Nous serons vigilants sur l’article 9, dont la rédaction initiale était inacceptable et pourrait constituer une ligne rouge. Ce serait folie que d’ignorer l’expertise et les synergies territoriales.