Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voilà réunis pour le débat préalable au Conseil européen du 29 et du 30 juin prochain. À la fin de ce mois, la Suède cédera la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne à l’Espagne. Stockholm avait fixé quatre priorités pour ce semestre de présidence suédoise : la sécurité, la compétitivité, la transition écologique et énergétique et les valeurs de l’Union européenne.
La sécurité du continent renvoie évidemment à la guerre russo-ukrainienne. Oui, nous y sommes : la contre-offensive ukrainienne a débuté, comme l’a confirmé le Président de la République. L’escalade des tensions et la situation précaire à l’Est viennent mettre à l’épreuve la stabilité et la sécurité de la région européenne dans son ensemble.
Le soutien apporté à l’Ukraine dans sa lutte pour la préservation de son intégrité territoriale doit se poursuivre. Le combat que mène ce pays force le respect. Le groupe Union Centriste, comme d’autres, se tient évidemment derrière le peuple ukrainien et apporte son plein soutien à nos amis qui se battent pour les valeurs de l’Union européenne.
L’année 2023 nous invite aussi à célébrer les trente ans du marché unique, qui appelle à une meilleure compétitivité de nos entreprises européennes.
Si notre union économique et monétaire permet à l’Europe de demeurer une puissance commerciale mondiale, ses bénéfices n’ont pas été uniformes pour tous les États membres. Nous le savons, certains secteurs ont, dans chacun des pays européens, gagné en compétitivité du fait de leurs avantages absolus ou comparatifs – l’industrie en Allemagne, le luxe en France ou encore l’agriculture en Espagne – tandis que d’autres secteurs ont pâti du marché unique.
À la suite des crises successives que nous avons traversées, l’objectif d’une souveraineté économique européenne semble faire consensus. Médicaments, batteries électriques, avions propres : nombre de pistes se dessinent. Il faut s’en saisir, mais les Européens doivent aussi faire preuve de cohérence.
À titre d’illustration, l’aéronautique est, depuis longtemps, un domaine fécond pour la coopération européenne. En témoignent les contrats signés ces derniers jours dans le cadre du salon du Bourget. Pourtant, l’année dernière, le Gouvernement allemand annonçait l’achat de 35 avions de combats américains F-16, au détriment du Rafale français. C’est d’autant plus dommageable que nos deux pays coopèrent sur le programme Scaf, le système de combat aérien du futur.
La compétitivité européenne ne dépend donc pas uniquement de la qualité des investissements réalisés ou de l’étendue de nos innovations ; elle repose également sur leur bonne adéquation avec notre politique commerciale. Il y va de la prospérité de nos filières d’avenir, à l’instar de l’agriculture en France.
Alors que les moyens financiers de la politique agricole commune ont été revus à la hausse, le Pacte vert européen prévoit une baisse de la production agricole. Dans le même temps, nous investissons dans un modèle agricole plus respectueux de l’environnement, mais la Commission européenne continue de négocier des traités de libre-échange défavorables à nos producteurs, avec l’Amérique du Sud ou la Nouvelle-Zélande. La logique est donc dure à suivre, particulièrement pour les exploitants agricoles de notre pays !
C’est surtout dans le domaine de la transition énergétique que les États membres s’opposent actuellement. En ce qui concerne la réforme du marché de l’électricité, un point de désaccord majeur subsiste. Les Vingt-Sept se déchirent sur les modalités des contrats pour la différence, à prix garanti par l’État.
Dans ce mécanisme, le producteur d’électricité doit reverser les revenus engrangés si les cours du marché de gros sont supérieurs au prix garanti, mais perçoit une compensation dans le cas contraire. La Commission européenne proposait que tout soutien public à de nouveaux investissements dans la production d’électricité décarbonée se fasse impérativement via ce type de contrat. Si la France s’en réjouit, d’autres États, tels que l’Allemagne ou le Luxembourg, y sont hostiles.
Madame la secrétaire d’État, que pouvez-vous nous dire sur l’état d’avancée de ces discussions importantes pour nos territoires ? Je pense à certaines TPE ou encore à des structures qui gèrent des remontées mécaniques dans les stations de sports d’hiver de mon département.
A contrario, s’il y a une problématique sur laquelle un consensus a su émerger sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne, c’est celle de la régulation numérique. Les règlements dits Digital Markets Act (DMA) et Digital Services Act (DSA) vont dans le bon sens.
Le DMA vise à prévenir les abus de position dominante des géants du numérique que sont en particulier les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – et à offrir un plus grand choix aux consommateurs européens. Tel est par exemple l’objet de la plateforme de marketing digital Utiq, récemment lancée par des opérateurs français, allemand et espagnol, afin de concurrencer les géants américains.
Le DSA vise pour sa part à lutter contre les contenus et produits illégaux en ligne. Le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, que le Sénat examinera prochainement, viendra adapter notre droit national à la nouvelle réglementation européenne.
Oui, l’espace numérique est un espace public comme un autre, mais il s’agit d’un espace où la souveraineté est diffuse et dans lequel ni la censure ni l’anarchie n’ont leur place. Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale constituée sur ce texte, vous en dira plus dans quelques minutes.
La France doit également être un moteur de la défense des valeurs fondamentales qui nous unissent. C’était la quatrième priorité définie par la Suède pour sa présidence du Conseil de l’Union européenne. Nous devons rester conscients de l’équilibre instable sur lequel repose la démocratie, surtout lorsqu’elle est confrontée à une importante montée des extrémismes à l’échelle de notre continent.
En ce sens, la Communauté politique européenne (CPE), dont le Président de la République a pris l’initiative lors de son discours de la Sorbonne, incarne l’union dans la diversité. Madame la secrétaire d’État, après le sommet de la CPE tenu en Moldavie il y a quelques semaines, pourriez-vous nous indiquer la feuille de route à venir pour cette communauté ?
Avant de conclure mon propos, je souhaite évoquer brièvement deux sujets.
Je veux en premier lieu appeler votre attention, madame la secrétaire d’État, sur les problématiques de gestion de la coopération transfrontalière, notamment entre la France et l’Italie, et sur l’absence persistante d’accords bilatéraux, en particulier sur les questions de coopération hospitalière, entre nos deux pays.
Le traité du Quirinal prévoit de renforcer la coopération transfrontalière. J’apprécierais que nous avancions sur ce dossier. Contrairement à ce qui m’a été dit récemment à l’hôpital de Briançon, les patients venant d’Italie doivent, encore aujourd’hui, avancer les frais de santé, ce qui ne me paraît pas une bonne façon de consolider la coopération transfrontalière.
Je veux en second lieu dire un mot de l’immigration, notamment à la frontière entre la France et l’Italie. J’ai rendu visite cette semaine à la police aux frontières, qui est en grande difficulté du fait d’un manque de moyens et de coopération avec l’Italie, mais surtout parce qu’elle doit gérer à cette frontière une problématique migratoire qui devrait être appréhendée à l’extérieur des frontières européennes.
Je souhaite conclure mon propos sur une note plus positive, en saluant la panthéonisation à venir des résistants Missak et Mélinée Manouchian. Ce couple, rescapé du génocide arménien, s’est illustré par sa lutte armée contre l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ils incarnent l’héritage de nos aïeux et nous invitent, par les valeurs qu’ils ont portées, à poursuivre cette quête de préservation de la paix et de la liberté, pour les Européens d’aujourd’hui et de demain.