Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 14 octobre 2009 à 14h30
Victimes des essais nucléaires français — Article 3

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Comme l’a rappelé Guy Fischer, la présomption d’un lien de causalité entre les maladies radio-induites et les essais n’est pas fermement inscrite dans ce projet de loi. Les victimes des essais nucléaires ne comprennent pas cet entêtement.

Ainsi que l’avait souligné M. le rapporteur lui-même, il y a effectivement contradiction entre, d’une part, l’article 3, aux termes duquel il est simplement exigé des victimes de prouver qu’elles se sont trouvées dans les zones contaminées pendant les périodes où s’y abattirent des retombées radioactives et qu’elles souffrent bien d’une maladie radio-induite, et, d’autre part, l’article 4, qui dispose ceci : « Ce comité examine si les conditions de l’indemnisation sont réunies. Lorsque celles-ci sont réunies, le demandeur bénéficie d’une présomption de causalité à moins qu’au regard de la nature de la maladie et des conditions d’exposition de l’intéressé, le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable ».

Dans ce dernier article, ce principe de présomption d’un lien de causalité est soumis à de telles restrictions qu’il en perd sa substance : le « négligeable » reste une appréciation des plus floues et expose la victime au risque d’interprétations négatives. En règle générale, s’agissant des victimes de risques professionnels, l’indemnisation se fait en raison de la présence sur un site exposé et de l’apparition d’une maladie correspondant à cette exposition.

Choisirait-on, dans le cas des victimes des essais nucléaires, de se placer en complet recul avec les dispositions du code de la sécurité sociale ? Pour les victimes de l’amiante, la seule présence sur le site exposé suffit, sous réserve que la maladie figure parmi la liste des maladies mentionnées sur le tableau. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les maladies des essais nucléaires, qui seront également arrêtées dans un tableau ?

La volonté du Gouvernement d’être juge et partie dans ce type d’affaire se fera au détriment des victimes elles-mêmes. Il ne s’agit pas de ma part d’un procès d’intention. Je veux simplement rappeler que tout le monde a en tête la persistance du ministère de la défense, durant toutes ces dernières années, à faire systématiquement appel de tout jugement favorable aux victimes.

L’exemple de M. Mézières, un habitant de ma commune qui avait obtenu un jugement favorable du tribunal des pensions militaires d’Indre-et-Loire, est en cela très révélateur.

Cet homme, décédé voilà un peu plus d’un an, a été très affecté par le dur combat qu’il a mené, non pour lui seul, mais pour tous ceux qui ont connu les mêmes souffrances que lui.

La dernière expertise demandée par le ministère mettait sur le compte de l’absorption de certains médicaments la responsabilité de sa maladie. Cette annonce, ajoutée aux multiples tracasseries judiciaires et administratives, a été pour lui un coup fatal. Alors que le tribunal des pensions militaires de Tours lui attribuait en 2005 une pension d’invalidité au taux de 70 %, le ministère de la défense a fait appel de cette décision la veille de la forclusion.

Dans un courrier, je vous écrivais, monsieur le ministre, qu’ « il est difficile d’admettre que lorsque les juges reconnaissent le principe de présomption d’origine des maladies, vous fassiez systématiquement appel de ces décisions. » Vous comprendrez donc nos réserves par rapport à la rédaction de l’article 4 !

Interviewé par France 3 Centre, André Mézières déclarait ceci : « La montre tourne, le temps passe...pour obtenir quoi ? Que faut-il faire ? Est-ce qu’il faut être au cimetière pour être reconnu ? » C’est malheureusement le cas de beaucoup d’entre eux !

« De nombreuses victimes sont dans le même cas, leur vie est en danger. Monsieur le ministre, il est temps que la nation reconnaisse à ces militaires malades, tout comme elle le fait envers les travailleurs civils, le droit à la reconnaissance dans la mesure où ils ont été présents sur les sites lors de ces essais nucléaires. » C’est ce que je vous écrivais, monsieur le ministre, au lendemain des obsèques de ce corpopétrussien. Si, aujourd’hui, la décision vous appartient en dernier ressort, permettez-nous d’être réellement inquiets !

Vous aurez compris que, pour nous, pour les victimes des essais nucléaires, il est important que le principe de présomption de causalité entre les maladies radio-induites et les essais soit fermement inscrit dans la loi pour être, enfin, clairement reconnu.

Tel est le sens de notre amendement, qui exprime notre réserve par rapport à l’article 4.

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