Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions et de vos nombreuses questions, auxquelles je vais tâcher de répondre rapidement et efficacement. Je me tiens bien entendu à votre disposition pour toute demande de précision.
Vous êtes nombreux à avoir évoqué – je pense notamment à MM. les sénateurs Rapin et Allizard – le projet de règlement européen sur les munitions. La France soutient le projet de la Commission européenne en faveur de la production de munition et de la mobilisation du budget européen au profit de projets capacitaires militaires. Toutefois, nous veillerons évidemment, lors de l’examen du texte, à préserver à la fois nos intérêts de sécurité nationale et la répartition des compétences qui est prévue par les traités.
Monsieur Rapin, madame Guillotin, monsieur Cadec, l’élargissement européen sera discuté au mois de décembre prochain. Le Président de la République a été clair : l’élargissement doit s’accompagner de réformes des politiques européennes, du budget et de la gouvernance de l’Union européenne.
À cet égard, madame la sénatrice Mélot, l’instauration d’un vote à la majorité qualifiée dans certains domaines, que ce soit la politique fiscale ou bien la sécurité, fera en effet partie des réformes qui seront engagées.
J’ai également été interrogée sur l’adoption du onzième paquet de sanctions, qui est prévue pour le prochain conseil des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne le 26 juin prochain. Il comporte deux volets : le premier, sur la mise en œuvre d’un mécanisme anti-contournement des sanctions, pour s’assurer de l’efficacité de celles-ci, le second, sur l’ajout d’une centaine de désignations individuelles contre des responsables russes qui soutiennent l’effort de guerre, que ce soient des militaires, des responsables d’enlèvements d’enfants ou des propagandistes dans les médias.
Monsieur Laurent, au sommet de Bucarest, en 2008, l’Otan a, comme vous le savez, estimé que l’Ukraine avait vocation à rejoindre l’organisation. L’Ukraine a le statut de partenaire « nouvelles opportunités » et le Président de la République a déclaré, à Bratislava, que le sommet de Vilnius serait l’occasion de lui apporter des garanties de sécurité tangibles et crédibles. Voilà la position de la France.
Venons-en à l’économie.
Monsieur le sénateur Raynal, vous m’avez interrogé sur la révision du cadre financier pluriannuel et la réforme de la gouvernance économique européenne, dont le contenu, comme vous le savez, a été communiqué par la Commission européenne aujourd’hui même. Dans ces circonstances, la tenue d’une discussion entre chefs d’État et de gouvernement dès la semaine prochaine nous semble pour le moins prématurée, car elle est « impréparée » d’un point de vue technique.
Nous continuerons donc de travailler sur ce projet de réforme et de demander, monsieur le sénateur Joly, que l’accent soit mis sur les ressources propres.
Monsieur le sénateur Pellevat, nous poussons également pour la création d’un fonds de souveraineté européen, pour la réciprocité des marchés publics et pour l’instauration d’un contrôle des prises de participation et des investissements dans les secteurs stratégiques.
Sur la gouvernance économique, nous soutenons les principes directeurs de la réforme proposée par la Commission européenne, sur la base du triptyque différenciation, appropriation et promotion des investissements et des réformes. Nous pensons bien entendu, monsieur le sénateur Laurent, aux transitions énergétique et numérique.
Nous regrettons que la proposition d’avril réintroduise des règles numériques automatiques, car elles se sont révélées procycliques dans les années précédentes. Il nous semble important de préserver l’esprit des réformes, ce qui inclut bien sûr la soutenabilité des finances publiques. Ces règles numériques automatiques devront probablement être retirées.
Par ailleurs, vous avez été nombreux à m’interroger sur les migrations. J’essaierai de répondre de façon synthétique à MM. les sénateurs Rapin, Fernique, Leconte, Reichardt et Cadec. Nous pouvons nous féliciter de l’accord obtenu le 8 juin au Conseil européen sur les deux textes au cœur du pacte sur la migration et l’asile qui, comme vous l’avez soulevé, était bloqué depuis plus d’une dizaine d’années.
Ces textes représentent une avancée non négligeable. Ils prévoient la mise en œuvre d’un mécanisme de solidarité obligatoire entre États membres et laissent à leur discrétion la nature de cette solidarité entre relocalisations et contributions financières. Le compromis permet de dépasser des blocages qui ont trop longtemps perduré.
Bien entendu, nous devons encore progresser, notamment sur le sauvetage en mer – j’y reviendrai – et sur la dimension extérieure. C’est d’ailleurs sur cette dernière que devraient porter les discussions lors du prochain Conseil européen. La volonté commune des Vingt-Sept est assez claire : travailler de concert avec nos partenaires des pays tiers pour prévenir les migrations et les drames.
C’est dans cette optique que la France entretient un dialogue nourri avec Tunis. Le Président de la République va ainsi s’entretenir avec le président Saïed en marge du sommet pour un nouveau pacte financier mondial. De plus, nous nous mobilisions auprès de nos partenaires européens pour soutenir la Tunisie : Ursula von der Leyen, Giorgia Meloni et Mark Rutte s’y sont ainsi rendus le 12 juin dernier pour annoncer un paquet global de soutien que nous avons contribué à élaborer et dont nous approuvons les orientations.
Nous devons tout faire pour que cesse le drame épouvantable dont nous avons vu l’expression la semaine dernière. Nous y travaillons encore davantage : le nouveau président de Frontex vient de prendre ses fonctions, des embauches supplémentaires d’agents vont s’ajouter à nos propres garde-côtes et un groupe de contact sur le sauvetage en mer répondra en partie aux inquiétudes.
Sur l’accord avec le Mercosur, messieurs les sénateurs Rapin, Allizard, Fernique, Arnaud et Joly, je répète que la position de la France n’a pas changé. Elle a été rappelée la semaine dernière par le ministre délégué chargé du commerce extérieur, Olivier Becht : nous ne pouvons pas accepter l’accord en l’état.
Comme je le dis à tous nos partenaires européens, cet accord doit être complété par des engagements additionnels contraignants et ambitieux sur le développement durable. L’accord de Paris doit en être une clause essentielle, et l’accord avec le Mercosur doit être aligné avec la nouvelle approche de l’Union européenne en matière de commerce et de développement durable.
Nous portons cette position auprès de la Commission européenne, qui travaille en ce moment avec les États du Mercosur, et nous la relayons à la future présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne et à nos partenaires sud-américains. Je vous assure qu’il n’y a aucune ambiguïté sur le sujet.
Le prochain sommet de la Communauté politique européenne se tiendra le 5 octobre en Espagne. Il devrait nous permettre de nous concentrer davantage sur des projets concrets de coopération, notamment en matière d’interconnexions.
Enfin, sur les sujets transfrontaliers avec l’Italie, la réunion qui s’est tenue aujourd’hui entre le Président de la République et la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni va nous permettre d’accélérer sur la mise en œuvre du traité du Quirinal, qui inclut un volet en la matière.
Madame Mélot, les stocks de gaz pour cet hiver sont élevés et la plateforme d’achat conjoint est opérationnelle.
En ce qui concerne la réforme du marché de l’électricité, madame la sénatrice de Cidrac, messieurs les sénateurs Laurent et Arnaud, notre ambition est très claire : que les travaux soient finalisés avant la fin de l’année et le plus vite possible. C’est indispensable pour protéger les consommateurs, pour lutter contre la volatilité des prix et pour encourager les investissements dans les énergies décarbonées. Nous travaillons en ce sens.
Sur les sujets numériques, mesdames les sénatrices Mélot et Morin-Desailly, je centrerai mon propos sur l’intelligence artificielle. Comme vous le savez, un texte visant à encadrer l’intelligence artificielle à l’échelle européenne est en cours de discussion au Parlement européen. Pour notre part, nous nous concentrons sur les répercussions sociétales et sociales de l’IA, au travers d’un cadre de régulation qui promouvra le modèle et les valeurs européens dans le domaine du numérique, auprès de nos partenaires et de manière multilatérale, avec le même succès, je l’espère, que pour le règlement général sur la protection des données (RGPD).
Pour conclure, je remercie chaleureusement le sénateur Gattolin de son engagement, son action et son éloquence. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos questions, de votre participation à ce débat et je me réjouis par avance d’avoir l’occasion de revenir devant votre commission à l’issue du Conseil européen.