Intervention de Jean-Luc Fichet

Réunion du 21 juin 2023 à 15h00
Lutte contre le dumping social dans le transport maritime transmanche — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Luc FichetJean-Luc Fichet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui au Sénat pour examiner la proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime, l'intitulé du texte ayant été complété à la suite de l'adoption de l'amendement de notre rapporteur, dont je salue la qualité du travail.

Cette proposition de loi est la réponse aux agissements scandaleux de la compagnie P&O Ferries, dont les navires battent pavillon chypriote : le 17 mars 2022, elle a licencié 786 marins britanniques sans préavis ni la moindre consultation des organisations syndicales. Dans la foulée, cette compagnie a embauché des salariés venant de pays où la main-d'œuvre est à bas coût et où le droit du travail et le salaire minimum britannique ne sont pas respectés.

Face à cette situation intolérable, les acteurs français de la liaison transmanche et les élus ont lancé un appel, le 5 novembre 2022, à Saint-Malo, pour demander collectivement d'agir contre le dumping social. Cette initiative a été relayée par l'ensemble des parlementaires bretons, qui vous ont alerté dans un courrier commun, monsieur le secrétaire d'État.

Le trafic maritime transmanche représente la zone de navigation la plus dense d'Europe : un camion fait la traversée par bateau toutes les cinq secondes ; un navire y entre et en sort toutes les trois minutes ; 91 000 personnes la traversent quotidiennement.

La bonne nouvelle, c'est que le besoin de légiférer est partagé des deux côtés de la Manche. En effet, un projet de loi de même nature doit être adopté côté britannique. J'insiste par ailleurs sur le fait que les scandaleux licenciements de marins le 17 mars 2022 ont été rendus possibles par le Brexit.

Cette proposition de loi vise donc à protéger tous les marins et à imposer le versement du salaire minimum français aux équipages de toutes les compagnies maritimes, peu importe leur pavillon, dès lors qu'elles assurent des liaisons régulières internationales de passagers touchant un port français. Les lignes concernées seront définies par décret.

La proposition de loi impose également une durée de repos à terre au moins équivalente à la durée d'embarquement des marins afin d'assurer la sécurité de la navigation et de lutter contre les pollutions marines. La durée maximale d'embarquement sera également déterminée par décret.

Je serai donc très attentif, monsieur le secrétaire d'État, à la rédaction de ces décrets, qui doivent répondre aux attentes des différents acteurs.

Je suis par ailleurs très conscient du caractère contraint de cette proposition de loi. Nous devons veiller à ce qu'elle ne soit pas considérée comme contraire à la Constitution ou au droit de l'Union européenne.

Il faut sécuriser le dispositif en veillant, en particulier, à la stricte proportionnalité des sanctions prévues en cas de manquement à ces obligations. De plus, il ne faut pas brouiller notre message commun de lutte contre le dumping social sur le transmanche en introduisant des mesures sans rapport avec l'objet du texte.

Il est urgent de tordre le cou à la concurrence déloyale que nous connaissons aujourd'hui et que l'on peut assimiler à une forme d'esclavage dans le milieu marin.

Notre groupe est également favorable à l'alignement des sanctions pénales prévues en cas de non-conformité des certificats d'aptitude médicale étrangers, ainsi qu'à l'adoption de l'amendement de notre rapporteur, qui vise à étendre cette disposition aux gens de mer autres que les marins.

Si nous sommes favorables à ce texte, nous serons toutefois vigilants sur un certain nombre de points, tout d'abord, je l'ai déjà dit, à la rédaction des décrets, instruits que nous sommes sur la propension du Gouvernement à passer en force sans dialogue ni écoute.

Nous serons ensuite attentifs à l'évolution de la législation côté britannique. Un texte a certes été voté par le Parlement britannique le 28 mars dernier, mais il n'entrera pleinement en vigueur qu'après l'adoption de dispositions réglementaires au début de l'année 2024.

Cette proposition de loi est un appel à la responsabilité et à la mobilisation partout en Europe pour lutter contre le dumping social dans le domaine maritime. Que compte faire le gouvernement français, monsieur le secrétaire d'État, pour promouvoir cette législation ?

Tout en restant très vigilants sur ces différents points, nous voterons bien sûr ce texte visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime. §

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