Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je débuterai mon intervention en ayant une pensée pour les soixante-dix-huit morts et les centaines de disparus lors du naufrage d'un navire la semaine dernière au large du Péloponnèse, ainsi que pour les migrants qui meurent chaque mois dans la Manche.
Ces drames doivent nous conduire à renforcer les sanctions internationales contre les passeurs, qui profitent de la détresse au mépris des vies humaines.
La proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise vise à lutter contre le dumping social sur le transmanche. L'objectif est de fixer des normes minimales de travail pour les marins des navires en activité dans le transmanche afin de lutter contre la concurrence des compagnies maritimes qui tirent les droits sociaux vers le bas. Cette concurrence affecte nos compagnies qui opèrent sur les lignes au départ de Bretagne, de Normandie, des Hauts-de-France, ainsi que l'activité du port sec de Calais-Eurotunnel.
Le transport maritime fait l'objet depuis de nombreuses années d'un dumping social massif, y compris sous l'égide de l'Union européenne, dont le principe de concurrence libre et non faussée a brisé beaucoup de normes et même remis en cause la continuité territoriale et les liaisons intérieures.
Les compagnies les moins regardantes socialement ont vu dans le Brexit l'occasion de développer des stratégies commerciales agressives, afin de s'imposer sur le marché du cabotage entre le continent et les côtes britanniques. Elles ont cassé les prix et appliqué les droits sociaux les plus réduits possible en ayant recours au pavillon chypriote.
Le point de départ de cette proposition de loi est le licenciement de 786 marins le 17 mars 2022 par la société P&O Ferries, au cours d'une visioconférence de trois minutes, et leur remplacement par des personnels issus de pays extraeuropéens à faible coût de main-d'œuvre.
À 6 dollars de l'heure, le groupe propose un salaire inférieur de moitié au minimum français ou britannique, alors que les rythmes de travail sont particulièrement intenses.
La rotation des équipages est un puissant élément de réduction des coûts de la main-d'œuvre. Chez P&O Ferries, les contrats de travail temporaires prévoient jusqu'à 17 semaines consécutives passées à bord des navires et 82 heures de travail hebdomadaire pour les personnels d'exécution. En outre, ils n'intègrent pas les repos compensateurs et les congés payés.
Cette situation n'est pas complètement nouvelle, puisqu'en 2014, déjà, mon collègue Éric Bocquet avait rédigé un rapport d'information, Le droit en soute : le dumping social dans les transports européens, dans lequel il mettait en garde contre les conséquences du dumping social dans le transport maritime et recommandait d'appliquer le critère de rattachement au droit du pays du port dans lequel les gens de mer exercent régulièrement leur activité.
Le 31 janvier 2023, nos collègues députés communistes Sébastien Jumel et Jean-Paul Lecoq ont déposé une proposition de loi visant à lutter contre le dumping social dans le cabotage maritime transmanche, qui allait plus loin que le texte proposé par le groupe Renaissance.
Ce dernier constitue néanmoins un progrès pour les marins en fixant l'obligation de verser un salaire minimum équivalent au Smic français et en prévoyant une organisation du travail fondée sur l'équivalence entre la durée d'embarquement et le temps de repos à terre.
Cette proposition de loi va dans le bon sens, mais elle reste au milieu du gué. En effet, elle ne prend pas en compte les rythmes de travail, élément essentiel à la sécurité en mer.
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera néanmoins ce texte. Nous pensons en effet qu'il y a véritablement urgence. Cette proposition de loi ne réglera pas l'ensemble des problèmes et il nous reste beaucoup à faire pour lutter efficacement contre le dumping social, mais il s'agit d'un premier pas. Monsieur le secrétaire d'État, faites en sorte qu'un véritable travail soit engagé pour aller encore plus loin. §