Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis très heureux de retrouver un certain nombre d'entre vous cet après-midi, dans la continuité de la réunion de Saint-Malo qui s'est tenue sur ce sujet en novembre dernier.
Portée par la mondialisation des échanges, l'accélération de la production, notamment chinoise, et l'essor du tourisme, la maritimisation de l'économie est devenue une réalité.
En quelques années, les flux maritimes ont fortement augmenté : même si certaines années sont moins bonnes que d'autres, la tendance est là. Ils devraient continuer à croître sur les principales routes commerciales.
Dès lors, un bilan s'impose.
Je pense d'abord aux conséquences environnementales induites par tous ces mouvements de navires. La décarbonation du transport maritime, la lutte contre les dégazages sauvages, la sécurité des navires et de la navigation ont connu des évolutions, mais restent, je le pense, des enjeux majeurs pour les prochaines années.
Il convient également d'évoquer, et c'est le cœur de notre sujet d'aujourd'hui, les conséquences sociales liées à un besoin de main-d'œuvre et à une compétition acharnée sur les tarifs dans ce secteur.
De nombreux gens de mer ont été recrutés avec des rémunérations et une protection sociale faibles, pour des rythmes de travail élevés, dès lors que le droit international et européen est, en réalité, peu exigeant.
Les armateurs étant libres de leurs choix, la concurrence entre pavillons conduit un certain nombre d'États à n'imposer que peu de contraintes aux navires qui battent leur pavillon.
Ces exigences minimales sont très éloignées des règles applicables en France, puisque les navires battant pavillon français doivent respecter le droit du travail français.
Sur le transmanche, dans une zone parmi les plus fréquentées au monde, la concurrence fait rage et des pratiques déloyales existent.
Pour diminuer les coûts, certaines compagnies exploitent désormais des liaisons avec un équipage international et des effectifs réduits, sous des pavillons moins protecteurs que les pavillons français et britannique. Des centaines de licenciements ont ainsi eu lieu.
Ce faisant, ces compagnies peuvent proposer des tarifs significativement inférieurs à ceux des autres opérateurs, au détriment des gens de mer qu'elles emploient dans des conditions précaires.
Cette économie du transport maritime transmanche est très importante pour les compagnies, les marins et les territoires, comme c'est le cas en Normandie. Les ports normands de Cherbourg, Caen-Ouistreham, Le Havre et Dieppe sont particulièrement concernés, ainsi que mes collègues normands l'ont rappelé.
Depuis l'achat du port du Pirée, en Grèce, par les Chinois et leurs investissements intéressés dans de nombreux ports du monde, les Européens redécouvrent, avec un certain retard, que les ports sont des actifs stratégiques à protéger. Il faut donc préserver l'activité économique de nos ports, déjà distancés par Rotterdam, Anvers ou Hambourg, et la pérennité du pavillon français.
L'affaiblissement des compagnies sous pavillon français, la baisse des normes sociales auraient de lourdes conséquences. J'ajoute que, avec des personnels moins formés, moins reposés, les risques d'accidents et de pollutions marines sont accrus dans cette zone à forte densité de trafic.
Il est utile que la question de la sécurité de la navigation soit prise en compte pour déterminer la durée maximale d'embarquement des personnels.
Dans ces efforts de régulation du transmanche, la coopération avec le Royaume-Uni est essentielle. J'avais d'ailleurs été, en janvier dernier, le rapporteur au Sénat du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et le Royaume-Uni relatif à la coopération sur les questions de sûreté maritime et portuaire s'agissant spécifiquement des navires à passagers dans la Manche.
La proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise, si elle est adoptée – ce que bien évidemment je souhaite – et mise en œuvre rapidement, permettrait de préserver nos intérêts et ceux des personnels employés sous pavillon français. Comme dans de nombreux autres domaines, nous devons résister au nivellement par le bas et à la concurrence faussée.
L'ubérisation du transport maritime n'est pas une fatalité. Pour l'éviter, défendons notre modèle, comme notre souveraineté.