Intervention de Louis Mermaz

Réunion du 17 février 2009 à 16h00
Application des articles 34-1 39 et 44 de la constitution — Article 13 priorité

Photo de Louis MermazLouis Mermaz :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quand tant de questions nous assaillent – la crise, le chômage, la situation qui se détériore aux Antilles, l’indépendance de la France à l’égard de l’OTAN, la justice, les prisons, le sort fait aux libertés publiques (M. Jean-Pierre Sueur acquiesce.) –, certains pourraient se demander ce que nous faisons là. On pourrait croire que ce débat est de pur juridisme, mais il n’en est rien !

Pour le démontrer, je remonterai non pas à la cour des pharaons, mais seulement à la Révolution française. À l’époque où celle-ci commence à s’essouffler, après Thermidor, démarrent les combats autour du droit d’amendement. C’est dire comme la défense des droits du Parlement – sujet universel – est vieille comme la République, même si elle concerne aussi parfois les régimes qui ont renversé la République.

À la fin du XVIIIe siècle, le Directoire voulut restreindre les pouvoirs très importants du Corps législatif, composé de deux assemblées, et s’introduire dans le domaine législatif. Cela a certainement préparé, après des coups d’État secondaires, le coup d’État décisif du 18 brumaire et l’instauration du Consulat.

À cette époque, le Conseil d’État, qui n’a rien à voir avec notre actuelle haute juridiction, prépare les projets de loi et les présente devant le Corps législatif. Le Tribunat, composé de cent députés, discute les projets de loi du Gouvernement, mais n’a surtout pas le droit de les amender. Le Corps législatif, composé de trois cents membres, vote les lois sans pouvoir les discuter. Le Sénat conservateur surveille de près le fonctionnement des assemblées.

La constitution de l’An X, qui instaure le Consulat à vie, abaisse un peu plus les assemblées et confirme le pouvoir de contrôle du Sénat, dont les membres sont très largement nommés par Bonaparte lui-même.

Avec la proclamation de l’Empire, en 1804, et la constitution de l’An XII, les choses deviennent encore plus simples : le Tribunat est supprimé par le Sénat, et le Corps législatif obtient un droit de parole, mais à huis clos.

Sous la Restauration, seul le roi a l’initiative des lois et peut s’opposer à leur promulgation. Il peut refuser tout amendement qui ne lui convient pas. Cependant, l’évolution du droit d’amendement commence à cette époque, où l’on a même parfois le droit de contrôler, de critiquer le gouvernement, ce que ne permettent pas les fameuses résolutions dont nous avons débattu récemment …

Sous la Monarchie de Juillet, après d’âpres batailles parlementaires, les Chambres arrachent un droit d’amendement dont elles usent à nouveau pour critiquer le Gouvernement, pour faire de la politique en somme. C’est probablement pourquoi les résolutions parlementaires inquiètent autant le Gouvernement aujourd’hui …

Après l’intermède de la IIe République, la constitution du 14 janvier 1852, au lendemain du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, reprend largement les termes de la constitution de l’An VIII. Le Conseil d’État examine les amendements du Corps législatif, celui-ci n’ayant guère le droit de se mêler des affaires politiques. Sa faculté d’amendement est ainsi réduite. La tribune est même supprimée, monsieur le président, afin d’éviter les « éloquences » jugées superfétatoires par le pouvoir d’alors.

Quant au Sénat, plus que jamais, il contrôle les autres chambres et la législation. D’ailleurs, tenez-vous bien, mes chers collègues, on parlait à l’époque non pas des « dignitaires » du Sénat, mais des « illustrations ».

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