Le président de l’Assemblée nationale a déclaré ceci : « Il n’y aura jamais, de ma part, de volonté de contenir ou de limiter en quoi que ce soit ce que je crois être l’un des droits les plus fondamentaux des parlementaires, le droit d’amendement ». Cela signifie qu’il n’y portera jamais atteinte.
Le droit d’amendement est devenu très important, et ce pour une raison très simple. Les textes législatifs devenant de plus en plus techniques, le droit d’initiative parlementaire est plus difficile à mettre en œuvre, ce qui n’est pas le cas du droit d’amendement.
L’objet même du droit d’amendement est devenu très large. À cet égard, la disposition que nous avons insérée au premier alinéa de l’article 45 de la Constitution va dans ce sens, puisqu’il est précisé que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Ce droit est donc fondamental ; il est au cœur de la vie parlementaire.
Monsieur le secrétaire d’État, il faut bien remarquer que les seules limites apportées au droit d’amendement sont de nature constitutionnelle. L’article 40 définit les irrecevabilités financières, l’article 41 concerne l’irrecevabilité matérielle, lorsque l’objet d’un amendement ne relève pas du domaine de la loi, le deuxième alinéa de l’article 44 fixe une irrecevabilité procédurale, afin de protéger le droit des commissions d’étudier tout amendement avant son examen en séance publique, et le troisième alinéa de ce même article autorise le Gouvernement à solliciter un vote unique sur l’ensemble d’un texte, ce que l’on appelle communément le « vote bloqué ».
Le droit d’amendement est si large que l’on y a adjoint le droit de sous-amendement, tout aussi essentiel. D’ailleurs, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce dernier obéit aux mêmes règles que le premier.
Au demeurant, le Conseil constitutionnel a garanti à de très nombreuses reprises l’existence du droit d’amendement. Je pense par exemple à une décision du 3 juin 1986 par laquelle cette juridiction a précisé qu’il ne saurait être porté atteinte au droit d’amendement – cela vaut donc également pour le droit de sous-amendement – prévu par l’article 44 de la Constitution.
Il s’agit donc d’un droit constitutionnellement établi, qui, de mon point de vue, a deux composantes.
La première est le droit de présentation d’un amendement par son auteur. D’ailleurs, et cela a été souligné tout à l’heure, c’est ce qu’écrivait M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, dans son rapport sur le projet de loi organique. Il me semble donc inutile de continuer cette démonstration, qui est suffisamment parlante par elle-même.
La seconde composante est le droit de discussion et de vote en séance publique d’un amendement. Même lorsque le Gouvernement décide de recourir à la procédure de vote bloqué prévue par le deuxième alinéa de l’article 44, les amendements font l’objet d’une présentation et d’une discussion. Dans ce cas de figure, la seule différence réside dans le vote final, qui porte sur l’ensemble du texte en retenant seulement les amendements déposés ou acceptés par le Gouvernement.
Vous le voyez, le droit d’amendement est bien ancré dans notre droit public positif.
À cet égard, l’article 13 soulève, me semble-t-il, deux questions sur lesquelles je centrerai mon propos, mon collègue Pierre Fauchon intervenant tout à l’heure sur d’autres aspects de notre débat.
Premièrement, le droit d’amendement est un droit individuel. Chaque parlementaire peut déposer autant d’amendements qu’il le souhaite. Et même si l’institution d’un crédit-temps peut avoir ses partisans, peut-on appliquer une mesure collective à un droit individuel ? C’est un véritable problème.
Comme chacun peut déposer autant d’amendements qu’il le souhaite, il arrivera que des parlementaires soient empêchés de présenter ou de défendre certains de leurs amendements tout simplement parce que le temps de parole de leur groupe sera expiré, indépendamment de toute volonté d’obstruction. D’ailleurs, cette dernière notion est quelque peu difficile à définir. Où commence l’obstruction ? Au dépôt d’un seul amendement ou au dépôt de 10 000 amendements ? Vous en conviendrez, il y a un vaste éventail de possibilités entre ces deux options…
Deuxièmement, et il s’agit d’un problème très technique, supposons qu’un amendement soit appelé sans présentation ni discussion. J’indique d’ailleurs que, pour nous, il est impensable qu’un amendement ne soit pas présenté : dans notre esprit, un amendement appelé « sans discussion » fait quand même l’objet d’une présentation. Mais imaginons cependant que, faute de temps de parole, un amendement ne puisse pas être discuté. N’importe quel parlementaire appartenant à un groupe qui n’aurait pas épuisé son crédit-temps pourrait présenter un sous-amendement : nous nous retrouverions donc dans une situation où il serait interdit de discuter d’un amendement, mais pas du sous-amendement visant à le modifier ! Il y aurait là un véritable problème de constitutionnalité.
Les limites du droit d’amendement se trouvent toutes dans la Constitution, et nulle part ailleurs. Peut-on instituer une nouvelle restriction dans un texte qui ne serait pas de nature constitutionnelle ? Je souhaite connaître votre sentiment sur cette question, monsieur le secrétaire d’État.
Certes, le Conseil constitutionnel, qui sera amené à se prononcer sur le présent projet de loi organique, devra décider si le droit d’amendement s’applique dans les conditions qu’il a lui-même fixées ou si son exercice peut être modifié par une simple loi organique. Mais, en attendant, nous aimerions disposer d’une interprétation claire de l’article 13.