Intervention de Jean Louis Masson

Réunion du 14 octobre 2009 à 14h30
Victimes des essais nucléaires français — Article 4

Photo de Jean Louis MassonJean Louis Masson :

Lorsque l’on ouvre des droits dans une loi, on met souvent ensuite en place des commissions d’admission et des circuits administratifs dont, l’expérience le prouve, la vocation est de tenter de vider la loi de sa substance en admettant aussi peu que possible de personnes susceptibles de bénéficier des mesures prises en leur faveur au niveau législatif.

Il n’y a qu’à voir comment fonctionnaient les COTOREP, les commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel : tout était fait pour dissuader les personnes handicapées de faire valoir leurs droits, notamment en faisant traîner les dossiers pendant neuf mois, un an et parfois deux ans !

À l’une de mes questions écrites, un ministre a ainsi répondu qu’il était parfaitement normal qu’une personne handicapée, qui n’avait pourtant strictement rien pour vivre, attende encore que l’on traite son dossier puisque le délai moyen d’instruction d’un dossier COTOREP était de dix-huit mois…

Je crains que l’on ne s’achemine vers un système analogue pour les irradiés des expériences nucléaires. Toutes sortes de barrières vont être dressées – une commission, des circuits administratifs, une décision, qui pourra être complètement arbitraire, à l’échelon ministériel… –, et rien ne nous garantit que les mesures très positives que nous pourrions, en toute bonne foi, prendre aujourd'hui au niveau législatif se concrétiseront comme elles devraient normalement le faire pour que soient pris en compte les problèmes des victimes des irradiations.

Permettez-moi d’évoquer un souvenir, monsieur le président.

J’ai eu l’honneur de siéger pendant dix ans comme député de la Moselle aux côtés de Pierre Messmer, qui m’a raconté que, lorsqu’il était ministre des armées, il avait assisté à une expérience nucléaire dans le Sahara. Eh bien, à la suite d’une erreur de calcul, c’est une montagne entière qui, littéralement, s’était désintégrée dans l’atmosphère ! C’est véridique, mes chers collègues !

Cet accident a été tenu secret pendant vingt-cinq ans et, pendant plus de trente ans – en fait jusqu’à ce jour puisque nous n’avons pas encore voté la loi –, l’administration, quand elle a eu affaire à des irradiés – je le sais, car quelques-uns m’ont écrit – a fait mine de croire qu’il n’y avait jamais eu de problème.

Je ne jette pas la pierre à l’administration de l’époque, car on ne se rendait pas compte alors des conséquences des irradiations, mais je jette la pierre à ceux qui ont continué au cours des dernières années à freiner toute indemnisation en prétendant contre l’évidence qu’il n’y avait jamais eu d’irradiés…

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