L’objectif affiché par le Président de la République, le Premier ministre, son gouvernement et sa majorité, était de renforcer les droits du Parlement. C’était naturellement tentant !
Pourtant, nous étions un certain nombre à nous montrer méfiants. Aujourd'hui, la démonstration est faite que nous avions raison.
En effet, comment faire confiance au président du pouvoir d’achat et du « travailler plus pour gagner plus » et croire qu’il suffit de réviser la Constitution pour renforcer les pouvoirs du Parlement, quand, au retour de Versailles, se dresse au coin d’un bois un projet de loi organique qui, sous couvert de renforcer les droits du Parlement, nous invite à nous taire, après nous avoir octroyé un temps de parole limité tout de même ?
L’article 13 du projet de loi organique, en contradiction flagrante avec les principes énoncés lors de l’examen du projet de loi de révision constitutionnelle tant à l’Assemblée nationale et au Sénat qu’au Congrès de Versailles, apporte à lui seul la démonstration que le discours d’alors était un leurre.
M. le président du Sénat estime que le droit d’amendement est un droit « consubstantiel » au statut des parlementaires : c’est le droit de s’exprimer, de défendre une idée nouvelle et d’essayer de la faire partager.
On a même entendu affirmer par certains que le droit d’amendement était « sacré » pour les parlementaires. Mais les défenseurs de l’article 13 disent en substance : « le droit d’amendement est sacré, mais nous avons droit au sacrilège » !
Certes, monsieur le président, lors des réunions du groupe de travail sur la révision constitutionnelle et la réforme du règlement, nous avons entendu des propos à même de nous rassurer quant au règlement intérieur du Sénat applicable à partir du mois de mars. Mais de quelles garanties disposons-nous pour l’avenir, que ce soit d’ici à quelques mois ou à quelques années ?
Déclarer que l’Assemblée nationale peut s’organiser comme elle l’entend et que le Sénat peut faire ce qu’il veut, c’est oublier que les droits et les devoirs des députés et des sénateurs doivent être identiques et traités de la même façon.
Les évolutions à l’Assemblée nationale nous préoccupent autant que celles du Sénat. Dans cette optique, globaliser le temps de parole à l’Assemblée nationale ou au Sénat reviendrait à bafouer le droit d’amendement des parlementaires, tant au niveau des groupes qu’à titre individuel.
Supposons que le temps de parole accordé à un groupe soit épuisé après l’examen de son amendement n° 100 et que l’un de ses membres intervienne au motif que, ayant déposé l’amendement n° 101 et ne s’étant pas encore exprimé, il estime devoir bénéficier du droit que lui confère la Constitution de défendre son texte et de le faire voter : comment appliquer alors un tel règlement pour respecter le droit individuel et inaliénable de ce parlementaire ?
Je le dis résolument, il faut supprimer purement et simplement l’article 13, que vous allez traîner comme un boulet au pied.
À l’occasion de cet article 13, j’ai entendu les intervenants précédents se référer aux périodes de l’histoire où la démocratie était la plus malmenée. Je serais particulièrement peiné, comme nombre de mes collègues, de faire partie d’une assemblée à une époque où le Parlement n’a que le droit de se taire !