Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il me semble important d’intervenir aujourd’hui sur l’article 13 du projet de loi organique. Certes, on nous dit que son objet n’intéressera pas le Sénat, puisqu’il est prévu que cette disposition ne s’appliquera pas à notre chambre. Doit-on pour autant laisser passer sans rien dire un article dont le contenu même est une insulte au travail parlementaire ?
Le droit d’amendement constitue l’une des prérogatives essentielles de la fonction de parlementaire, que nous soyons députés ou sénateurs. L’article 13, qui prévoit une limitation des débats dans le temps, présuppose donc que l’on ne pourra plus discuter certains amendements une fois ce délai dépassé. Il s’agit donc bel et bien d’une atteinte au droit d’amendement, contraire à l’esprit de notre Constitution. Nous ne pouvons que nous élever contre une attaque constituant une remise en cause du rôle du Parlement.
On justifie cette disposition par la nécessité de ne pas retarder le travail gouvernemental. Cette explication, apparemment simple et légitime, ne saurait résister à l’épreuve des faits et je ne puis que m’élever contre une telle mauvaise foi. Plusieurs rapports ont souligné que notre droit devient de plus en plus « bavard » à mesure qu’il tend à intervenir sur un nombre croissant de sujets. Cette inflation législative, dangereuse pour la loi dont elle mine le pouvoir, est le véritable frein à l’action gouvernementale.
Votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, tend à vouloir légiférer rapidement dans tous les domaines. On voit donc se multiplier des textes mal ficelés, sans étude d’impact préalable. Le vrai frein à une action efficace résulte de cette précipitation qui frise l’agitation pathologique, sous couvert de réformes.
Pire, nous sommes bien placés pour savoir que la plupart des lois votées ne sont pas applicables, faute d’une publication rapide de leurs décrets d’application. On multiplie donc des textes de qualité médiocre, sans les appliquer ensuite, et l’on voudrait nous faire croire que le Parlement, dont le rôle n’est pas d’enregistrer les décisions de l’exécutif mais bien de les discuter, est responsable de cette situation calamiteuse ! De qui se moque-t-on ?
Enfin, alors qu’une révision de la Constitution a été entreprise l’année passée pour reconnaître un rôle plus important au Parlement, voici qu’un texte censé mettre en application cette révision tâche de limiter le droit d’amendement, donc le droit du Parlement. Il y a donc une contradiction majeure, et inacceptable, entre l’esprit de la révision constitutionnelle et ce projet de loi organique. Bien des parlementaires de la majorité auraient sans doute refusé de voter la révision constitutionnelle s’il leur avait été annoncé qu’elle aboutirait à cet article 13 !
Après toutes les atteintes aux libertés publiques, après tous ces textes liberticides fondés sur des réactions émotionnelles et non sur l’intérêt général, vous vous attaquez maintenant à un droit consubstantiel à la fonction de parlementaire !
Cet article 13 est un déni de démocratie puisque le droit d’amendement du parlementaire est la manifestation, voire le prolongement, de la liberté d’expression du citoyen. Nous sommes les dépositaires de ce droit démocratique que le citoyen remet entre nos mains. Je m’adresse donc à mes collègues de la majorité : refusons ensemble cette régression démocratique ! C’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de voter unanimement pour la suppression de cet article 13.