Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi traite d’une question spécifique aux territoires d’outre-mer visés à l’article 73 de la Constitution, soit la Guadeloupe, la Réunion, la Martinique, la Guyane et Mayotte. Elle concerne vingt et un établissements actifs en 2022, dont certains comportent plusieurs salles.
Sur ces territoires plus encore qu’ailleurs, les salles de cinéma sont un vecteur essentiel de divertissement populaire, d’ouverture au monde et de socialisation. La crise sanitaire a pu faire craindre, avec l’effondrement des entrées, une mise en danger de l’exploitation des films en outre-mer, d’autant qu’une partie du public a découvert l’usage des plateformes durant la crise.
En outre-mer comme en métropole, le public a cependant regagné les salles, confirmant la solidité du secteur, ce dont nous nous réjouissons.
Je citerai les récents travaux de la mission d’information sur la situation de la filière cinématographique en France, dont j’ai eu l’honneur d’être l’un des rapporteurs, avec mes collègues Sonia de La Provôté et Jérémy Bacchi. Notre rapport, intitulé Le Cinéma contre-attaque : entre résilience et exception culturelle, un art majeur qui a de l ’ avenir, analyse le succès du cinéma français et de la fréquentation de nos salles.
Nous avons identifié trois atouts majeurs : la richesse et la diversité de l’offre de films, un succès populaire jamais démenti et une structuration de la filière dans laquelle les financements publics comptent pour un quart. C’est une véritable exception culturelle française !
Dans ce paysage, la diffusion des films en outre-mer comporte plusieurs particularités. Le niveau des charges d’exploitation y est plus élevé. Le respect des normes anticycloniques et parasismiques, l’usure des matériaux provoquée par un climat humide et les contraintes liées à l’éloignement des salles entraînent des coûts spécifiques. La sécurité est également un poste important pour les exploitants de salles : elle représente en moyenne 10 % du chiffre d’affaires des salles ultramarines, contre environ 1 % en métropole.
En raison de ces contraintes financières, les territoires outre-mer bénéficient d’avantages fiscaux : une TVA plus faible qu’en métropole, ainsi qu’une taxe allégée sur les prix des entrées aux séances (TSA).
Par ailleurs, et cela fait l’objet de cette proposition de loi, les salles bénéficient d’un taux de location plus avantageux qu’en métropole.
Cela a été dit, le taux de location des films, dû au distributeur par l’exploitant de la salle, représente historiquement 25 % du chiffre d’affaires de ce dernier. Ce pourcentage fluctue au contraire en métropole, où il est aujourd’hui de 47 % en moyenne.
Cette différence, fruit d’un consensus datant d’une cinquantaine d’années, est remise en cause par les distributeurs. Ils souhaitent un alignement du taux sur celui qui est pratiqué en métropole, faisant valoir leurs difficultés financières à la suite de la crise sanitaire et une différence de traitement qui leur paraît aujourd’hui injustifiée. Ils invoquent également les coûts suscités par le récent passage à une distribution directe.
Notre rapporteure Sylvie Robert, dont je tiens à souligner la qualité du travail, rejetant tout a priori, relativise cependant la portée de cette différence de traitement, la position des distributeurs semblant être surtout une question de principe.
Les exploitants de films, quant à eux, estiment qu’ils ne pourraient pas faire face à une augmentation du taux de location, car elle remettrait en cause leur viabilité. Il faut souligner que, malgré les aides, le prix du billet en outre-mer reste sensiblement plus élevé qu’en métropole. Augmenter le taux de location conduirait à augmenter encore ce prix, ce qui risque de devenir dissuasif pour les familles dans un contexte déjà inflationniste.
Les auteurs de la présente proposition de loi sont intervenus pour éviter les conséquences d’un alignement des taux sur la diffusion et la diversité des films en outre-mer. Je pense que les intérêts ultramarins imposent en effet pour le moment un plafonnement du taux de location à 35 %, afin d’éviter la mise en danger de l’équilibre économique du secteur. Il s’agit d’ailleurs de la recommandation figurant dans un rapport de l’inspection des finances en 2018.
Je tiens à souligner également que notre intervention législative se justifie par l’absence de conciliation des acteurs en présence, car, je le rappelle, les négociations menées sur l’initiative du CNC n’ont pas abouti. À l’image de Mme la rapporteure, nous souhaitons une reprise de ces négociations commerciales dans un climat apaisé, qui est dans l’intérêt de tous et surtout du public ultramarin.
Dans cette attente, notre groupe apportera son soutien au texte.