Intervention de Monique de Marco

Réunion du 15 juin 2023 à 10h30
Établissements de spectacles cinématographiques dans les outre-mer — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Monique de MarcoMonique de Marco :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parlons tout d’abord des salles de cinéma. Ce sont non seulement des salles obscures, mais aussi des lieux de fraîcheur où les passants vont se réfugier pendant les vagues de chaleur. Des propositions émergent d’ailleurs pour pratiquer des tarifs réduits en période de canicule, comme l’a proposé dans son rapport Paris à 50°C le conseil de Paris.

Dans les territoires ultramarins, pays de la « saison unique » selon le romancier et philosophe martiniquais Édouard Glissant, la climatisation des salles est permanente. Le contraste climatique explique l’énorme différence de coût d’investissement par fauteuil ; il faut y ajouter le respect des normes parasismiques et anticycloniques ou encore l’usure du matériel liée au taux d’humidité supérieur. De ce fait, les coûts d’investissement sont deux fois plus élevés outre-mer que dans l’Hexagone : jusqu’à 11 000 euros, contre 4 500 euros.

C’est pourquoi, depuis cinquante ans, les exploitants de salle ultramarins bénéficient d’un taux de location plus faible que dans la France hexagonale : 35 % de taux de location, contre 46 % en moyenne. Cela est désormais remis en cause par les distributeurs de films, essentiellement basés hors de ces territoires, qui demandent un alignement sur le taux applicable en métropole. Cela intervient après le contournement des intermédiaires locaux par des distributeurs hexagonaux, pour une distribution dite « en direct ».

Dans le même temps, la forte inflation a réactivé la question du coût de la vie dans les territoires ultramarins. Une commission d’enquête a été créée à l’Assemblée nationale pour enjoindre au Gouvernement de réagir alors que la dernière étude de l’Insee sur le différentiel des prix avec l’outre-mer date de 2016. On pourrait appliquer l’analyse générale de son rapporteur au secteur du cinéma : les exploitants de salles, eux aussi, y subissent une forme de « captivité économique ». A contrario, les distributeurs avec qui ils traitent établissent leurs marges sur l’ensemble du territoire national. Les exploitants, qui sont attachés à leur territoire, ne peuvent pas ajuster leur activité au gré des aléas. Ce fut particulièrement le cas pendant le covid-19.

Les territoires ultramarins ont également été plus durement touchés par la crise sanitaire, ce qui s’est répercuté sur la fréquentation des salles. Selon le bilan d’activité du CNC pour 2022, la fréquentation y serait toujours en recul de 32, 1 % par rapport à la moyenne 2017-2019. De plus, la forte concentration des salles à la Guadeloupe, en Guyane et à la Martinique y rend leur survie essentielle.

Nous soutenons donc cette proposition de loi de Catherine Conconne, qui offre une solution pour garantir le prix des places, donc l’accès au cinéma dans les territoires visés par l’article 73 de la Constitution.

À long terme, le goût de la salle continuera de faire naître – je l’espère – de nouvelles vocations dans des territoires disposant de tous les atouts pour attirer les tournages. La formation des jeunes doit s’y renforcer, en appui avec les régions et le CNC. Cela s’inscrit également dans la logique de l’aide sélective du CNC intéressant les cultures d’outre-mer : à quoi bon soutenir le développement de films si les salles mettent la clé sous la porte ?

Nous ne pouvons qu’encourager l’accès à la culture cinématographique, qui passe par le maintien d’un tarif raisonnable. En espérant que les négociations entre exploitants et distributeurs puissent être relancées prochainement dans l’intérêt de toutes et de tous, nous voterons en faveur de cette proposition de loi.

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