Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2018, une mission d’information sénatoriale créée sur l’initiative de mon groupe dressait dans son rapport Violences sexuelles sur mineurs en institutions : pouvoir confier ses enfants en toute sécurité un terrible constat : le contrôle de l’honorabilité des éducateurs sportifs bénévoles est « un dispositif aléatoire et insuffisant qui présente des failles exploitables par les auteurs de violences sexuelles ». Quelque 90 % des éducateurs sportifs ne faisaient l’objet que d’un contrôle très partiel dans un secteur où l’omerta a régné pendant longtemps.
Néanmoins, on constate un tournant depuis quelques années du fait d’une triple action.
En premier lieu, du côté du mouvement sportif, les révélations de plusieurs athlètes de haut niveau, comme Sarah Abitbol, ont fait l’effet d’un électrochoc.
En deuxième lieu, du côté du ministère, l’ancienne ministre Roxana Maracineanu a fait preuve de volontarisme à ce sujet, un volontarisme confirmé depuis. En 2020, le ministère a mis en place une cellule de signalement de faits de violences. Ainsi, depuis son lancement, ce sont plus de 907 signalements qui ont été réalisés, conduisant à 424 interdictions d’exercer. Vous-même, madame la ministre, venez de lancer un comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport, coprésidé par Marie-George Buffet et par Stéphane Diagana, dont l’une des missions est la protection renforcée des pratiquantes et des pratiquants, notamment contre toutes les formes de violence et de discrimination.
En troisième lieu, du côté du Parlement, plus particulièrement du Sénat, les jalons législatifs d’un contrôle renforcé ont été posés. Nous avons ainsi introduit dans la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République l’obligation pour les clubs sportifs de relever l’identité complète des personnes susceptibles d’être éducatrices sportives ou d’intervenir auprès des mineurs. C’est un préalable indispensable à la mise en place d’un contrôle automatisé de l’honorabilité des éducateurs sportifs. En quelques mois, les progrès réalisés sont notables.
La mise en place de ce procédé, en lien avec les clubs et avec les fédérations, qui en sont des rouages essentiels, a déjà permis de vérifier l’honorabilité de la moitié des éducateurs sportifs. Certes, le système reste perfectible et demande en ses premiers mois un travail considérable aux fédérations. Mais regardons le chemin parcouru : nous sommes passés de contrôles aléatoires et restreints en 2021 à 500 000 éducateurs sportifs contrôlés fin 2022 et à un million en mai 2023. Une fois les problèmes informatiques réglés et les bonnes pratiques dans la transmission des noms intégrées, ce contrôle sera bientôt routinier.
La proposition de loi de notre collègue Sebastien Pla tend à renforcer la protection des mineurs et le contrôle de l’honorabilité dans le sport. Je salue cette initiative, qui permet de combler certains trous dans la raquette. Elle vise notamment à la vérification de la capacité des éducateurs sportifs à la fois au regard du Fijais et du bulletin n° 2 du casier judiciaire, celui qu’on appelle le B2.
Je tiens à souligner les échanges très constructifs que j’ai pu avoir avec le mouvement sportif, ainsi qu’avec vos services, madame la ministre, dans le cadre de la préparation de ce texte. Nous partageons tous un même objectif : lutter contre les violences, notamment sexuelles, dans le milieu sportif.
Sur mon initiative, la commission de la culture a réécrit le texte avec un triple objectif : aligner, alléger et responsabiliser.
Premièrement, nous avons aligné les modalités de contrôle des éducateurs sportifs sur celles qui sont applicables dans le secteur social et médico-social pour les personnes encadrant des publics fragiles. Ces modalités ont en effet été renforcées par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants. La présente proposition de loi vise notamment, par exception au principe de réhabilitation pénale, à ce que l’inscription d’une condamnation au Fijais entraîne l’interdiction d’exercer, même si cette condamnation n’est plus inscrite dans le B2. En effet, certaines condamnations peuvent être effacées de ce bulletin dès six mois après le prononcé de la peine, à la demande de la personne condamnée. Elles restent toutefois inscrites au Fijais au minimum vingt ans ; les faits commis lorsque la personne était mineure restent également inscrits pendant dix ans.
Ce nouveau dispositif répond à une attente forte des fédérations et des services déconcentrés du ministère. Ils sont actuellement confrontés à des contentieux lorsqu’ils souhaitent écarter un éducateur sportif inscrit au Fijais dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire ne mentionne plus la condamnation. Comme l’exception au principe de réhabilitation pénale n’est actuellement pas prévue pour le domaine sportif, certains de ces éducateurs contestent leur incapacité d’exercer. Selon les informations qui m’ont été transmises, plusieurs arrêtés d’interdiction d’exercer pour des personnes inscrites au Fijais ont été annulés par la justice.
Nous complétons également la liste des incapacités en interdisant d’exercer la fonction d’éducateur sportif aux personnes condamnées à l’étranger pour des faits qui, commis en France, auraient entraîné cette même incapacité.
Nous inscrivons aussi dans la loi le principe d’un contrôle annuel de l’honorabilité.
Deuxièmement, nous avons allégé les obligations pesant sur les dirigeants des clubs. Le texte initial tendait à leur faire porter la responsabilité du contrôle du bulletin n° 3 du casier judiciaire du futur éducateur sportif. Nous avons supprimé cette obligation pour plusieurs raisons : le contrôle de l’honorabilité doit rester une prérogative régalienne ; par ailleurs, tant les fédérations que le ministère nous ont alertés sur un risque d’alourdissement des charges pesant sur les présidents de club dans un contexte de crise du bénévolat. Je tiens au demeurant à saluer l’engagement des milliers de bénévoles qui rendent possible la pratique sportive sur l’ensemble du territoire.
Troisièmement, le bulletin n° 3 n’est pas exhaustif : il ne comprend que les condamnations les plus graves. Un dirigeant de club pourrait, de bonne foi, à la consultation de l’extrait judiciaire transmis par l’éducateur sportif, penser que celui-ci remplit les conditions d’honorabilité sans que cela soit juridiquement le cas.
Nous souhaitons toutefois responsabiliser les dirigeants en instaurant l’obligation de signaler au préfet des comportements au sein de leurs clubs présentant un danger pour les sportifs. Je pense notamment aux agissements déviants d’un éducateur.
Si les présidents de clubs ont le réflexe de prévenir le procureur, certains sont réticents à faire de même avec l’administration, en l’absence de base légale. Or le préfet dispose de pouvoirs de police lui permettant d’écarter rapidement une personne potentiellement dangereuse.
Par ailleurs, nous luttons contre des dirigeants qui pourraient fermer les yeux sur les violences commises dans leurs clubs. Ils pourront désormais être sanctionnés.
Nous créons une nouvelle sanction administrative d’interdiction de diriger un club sportif. Il existe aujourd’hui un vide juridique. Alors que le préfet peut prendre une mesure administrative d’interdiction d’exercer pour les éducateurs sportifs potentiellement dangereux, il n’existe aucune interdiction similaire pour les dirigeants de club. Le préfet dispose seulement de la faculté de fermer administrativement l’établissement.
La sanction administrative que nous créons pourra être prise dans trois cas : lorsque le comportement même du dirigeant de club fait peser un risque sur les sportifs ; lorsqu’il emploie ou maintient en emploi un éducateur sportif frappé d’incapacité d’exercer ; lorsqu’il refuse d’informer le préfet de comportements déviants au sein de son club.
Les premiers jalons d’une meilleure prévention des violences contre les sportifs et d’une protection renforcée des mineurs ont ainsi été mis en place. Cette proposition de loi permet de les compléter. Elle est attendue par tout le mouvement sportif.