Intervention de Daniel Breuiller

Réunion du 15 juin 2023 à 14h45
Mécénat culturel — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Daniel BreuillerDaniel Breuiller :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, je tiens à saluer les travaux de nos quatre collègues, portés par Sylvie Robert, ainsi que celui du rapporteur Michel Canévet. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient sans ambiguïté cette proposition de loi.

Ce texte permet aux sociétés publiques locales d’accéder au mécénat culturel, comme c’est d’ores et déjà le cas des sociétés de capitaux lorsque l’État en est actionnaire. Monsieur le ministre, l’État, ce sont aussi les collectivités territoriales !

Ce texte répond aux demandes de la Fédération des élus des entreprises publiques locales, de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), mais aussi de nombreux élus exerçant la présidence de musées, de monuments, de salles de cinémas et de spectacle, et dont les collectivités sont rassemblées dans une société publique locale culturelle. L’accès au mécénat est important pour elles.

Le propos de notre collègue Sylvie Robert sur le volet décentralisateur est limpide et je le partage entièrement.

Malgré le soutien massif des pouvoirs publics, la pandémie a fortement affecté le secteur de la culture. Le spectacle vivant retrouve difficilement son public. L’inflation a pour effet d’accroître plus encore la baisse de la fréquentation et surtout de réduire la mixité des publics.

Ainsi, 70 % des médiathèques et des bibliothèques n’ont pas retrouvé la fréquentation antérieure à la pandémie. Les métiers techniques sont en tension. De nombreux artistes et auteurs n’arrivent plus à faire face à la triple précarité – contrats courts, pluriactivité, bas salaires – qui caractérise les emplois du secteur, comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport de mai 2022.

À ces difficultés post-covid s’ajoute l’inquiétude que suscite la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques. Les grands rendez-vous estivaux culturels disposeront-ils des ressources financières, humaines et techniques nécessaires ? C’est pour le moins incertain, malgré le volontarisme dont font preuve la ministre de la culture et les collectivités, et alors que le secteur se doit déjà de reconquérir le public.

La crise de l’énergie n’épargne personne, pas même le secteur de la culture, qui reste, malheureusement, particulièrement énergivore. La décarbonation est d’ailleurs l’un des défis que ce dernier doit relever. Ce n’est pas facile – on le voit pour l’industrie et l’agriculture –, d’autant moins que le secteur doit faire face à un contexte financier aussi imprévisible qu’instable.

Les collectivités territoriales subissent une baisse des aides et des financements de l’État. Le secteur de la culture, dont elles sont le principal financeur, est ainsi victime d’une double peine, les SPL ne pouvant pas bénéficier des dispositions fiscales liées au mécénat.

J’ai ainsi une pensée pour l’Institut supérieur des arts et du design de Toulouse, qui connaît une crise sans précédent, laquelle compromet gravement son fonctionnement et l’avenir des étudiants, tandis que trente-neuf postes d’enseignants sont menacés.

D’après les travaux du Conseil économique, social et environnemental, la situation ne va pas s’améliorer, puisque les directions des affaires culturelles annoncent, dans leurs notes de cadrage budgétaire, des baisses de financement oscillant entre 10 % et 20 %.

Les choses se font par petites touches : on supprime un ou deux spectacles et expositions dans la programmation de la saison ; on diminue les subventions de fonctionnement des équipements et des structures ; on réduit les interventions dans les écoles et les actions d’éducation artistique et culturelle.

Lorsque les collectivités sont contraintes de réduire leurs budgets, ces restrictions s’appliquent à tous les domaines, mais, bien souvent, le budget culturel est le premier touché. Cela m’inquiète et m’attriste.

Nous ne sommes pas toujours conscients que la diversité culturelle repose avant tout sur les collectivités : si ces dernières ne soutiennent plus la culture, celle-ci deviendra plus homogène, produite par quelques-uns pour quelques-uns. La diversité des esthétiques, des créations et des modes de diffusion est indispensable à la vivacité culturelle et à ses évolutions.

La biodiversité doit être défendue partout ; il en va de même s’agissant de la biodiversité culturelle : les jeunes pousses et les esthétiques nouvelles sont indispensables à l’équilibre de l’écosystème.

Mes chers collègues, la culture est fondamentale et il est essentiel de lui redonner du souffle. Nous le ferons, modestement, aujourd’hui en votant ce dispositif fiscal.

Je terminerai par ces vœux d’Ariane Mnouchkine formulés en 2014 :

« Surtout, disons à nos enfants qu’ils arrivent sur terre quasiment au début d’une histoire et non pas à sa fin désenchantée. […]

« Il faut qu’ils sachent que, ô merveille, ils ont une œuvre, faite de mille œuvres, à accomplir, ensemble […].

« Quel plus riche héritage pouvons-nous léguer à nos enfants que la joie de savoir que la genèse n’est pas encore terminée et qu’elle leur appartient ? »

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