Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 15 juin 2023 à 14h45
Mécénat culturel — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi dont le thème a déjà donné lieu à de nombreuses interventions des uns et des autres au Sénat.

L’irrigation des sociétés publiques locales culturelles par des fonds issus du mécénat privé est un sujet que nous avons examiné lors de trois précédentes lois de finances, comme l’a rappelé notre collègue Sylvie Robert.

Je tiens à préciser d’emblée que nous soutiendrons cette proposition aujourd’hui, car la culture est dans l’ADN des élus communistes.

Cependant, nous devons relativiser la portée de ce texte, qui donnera lieu à un montant de dons relativement modique et emportera des conséquences marginales sur le secteur culturel, ainsi que sur le mécénat dans son ensemble.

Pour étayer cet argument, il suffit de se référer aux travaux de notre rapporteur, qui estime le coût pour les finances publiques à 1, 7 million d’euros, un montant qui pourrait même être neutralisé en cas de report des dons défiscalisés vers les SPL.

Un rapide produit en croix invite à considérer que les dons escomptés, si tous sont défiscalisés à hauteur de 60 %, comme le permettrait la proposition de loi, pourraient contribuer à hauteur de 2, 85 millions d’euros à cette forme d’action publique culturelle.

À ce jour, notre territoire ne compte que 51 sociétés publiques locales à vocation culturelle, dont une seule dans mon département du Nord.

Contrairement aux crédits budgétaires, qui garantissent une péréquation de l’offre culturelle, le mécénat, par son caractère territorial, est fortement concentré en Île-de-France. Ainsi les entreprises franciliennes déclarent-elles 56, 7 % des dons du pays, contre 4 % dans les Hauts-de-France, par exemple. Pourtant, le PIB de l’Île-de-France s’élève à 30 % du PIB national, contre 7, 1 % pour ma région.

La concentration des dons est donc extrême : la région parisienne ne compte que 20 % d’entreprises mécènes de plus que ma région, pour 93 % de dons supplémentaires. Il en résulte que le mécénat, en quelque sorte, sanctuarise, voire fige les inégalités territoriales. Il ne peut donc en aucun cas se substituer à l’action publique au service de la culture, action financée essentiellement par l’impôt.

La raison en est simple et va à l’encontre de la rhétorique sur la nature et la qualité des mécènes : ce sont non pas les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) qui contribuent le plus à l’expansion massive du mécénat depuis la loi Aillagon, mais bien les grandes entreprises, lesquelles représentent 0, 23 % des entreprises donatrices, mais 47, 4 % des dons, pour la coquette somme de 1, 08 milliard d’euros.

Si l’on ajoute les entreprises de taille intermédiaire (ETI), ce sont trois quarts des dons qui sont versés par 3, 4 % des entreprises.

Malgré ces données, qui nuancent une certaine mythification du don privé, nous devons admettre l’inégalité de traitement entre les sociétés publiques locales, selon leur statut, et les associations culturelles. Cette situation est difficilement justifiable, sauf à reconnaître un oubli remontant à la création desdites sociétés publiques locales.

Pour l’expliquer, il nous faudrait sans doute nous adonner à de l’« anthropologie » fiscale et faire l’hypothèse que le législateur n’a pas souhaité que les dons aux sociétés publiques locales à capitaux totalement publics soient conditionnés à des contre-dons, pour extrapoler sur les travaux de Marcel Mauss.

En effet, pour une SEM et une société publique locale, verser des contreparties à hauteur de 25 % du don pour attirer les investisseurs privés n’emporte pas les mêmes conséquences !

Enfin, l’incitation fiscale ainsi introduite entre quelque peu en contradiction avec la décision du Conseil d’État du 14 novembre 2018, laquelle remet en cause la participation d’une collectivité à une SPL lorsque cette collectivité a délégué une partie des compétences exercées par la SPL à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Malgré ces réserves, nous voterons en faveur de cette proposition, qui corrige une inégalité de traitement, d’une part, et qui répond, d’autre part, à une demande des acteurs du secteur. Son impact sera minime, voire nul, sur les finances publiques, et guère plus important sur le secteur public culturel.

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