Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du 20 juin 2023 à 14h30
Industrie verte — Discussion générale

Bruno Le Maire :

Nous avons mis en place des dispositifs pour améliorer la formation et la qualification ; nous avons fait de l’apprentissage la voie royale d’accès à l’emploi – nous avons désormais près d’un million d’apprentis chaque année.

Et nous avons, avec la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, simplifié l’ouverture des sites industriels.

Résultat : les chiffres sont, là aussi, sans appel. La France est devenue la nation la plus attractive en Europe pour les investissements étrangers, comme en témoignent toutes les annonces faites lors du récent sommet Choose France. Nous avons rouvert trois cents usines et nous avons créé, pour la première fois depuis quarante ans, 90 000 emplois industriels.

Nous disposons aussi d’une base européenne, résultat d’une longue confrontation avec une idéologie européenne dépassée qui refusait systématiquement, contrairement à ce qui se fait en Chine ou aux États-Unis, qu’un État soutienne, par des subventions ou des crédits d’impôt, le développement d’une industrie à ses débuts.

Avec le Président de la République, nous avons obtenu cette révolution idéologique consistant à laisser les États membres apporter des soutiens financiers au développement de leur industrie sous forme de subventions ou de crédits d’impôt.

Nous avons obtenu cette autre révolution consistant – Dieu sait que cela devrait être de bon sens – à protéger nos technologies et nos savoir-faire contre des investissements de prédation et à protéger nos qualifications.

Nous avons, enfin, les circonstances. Après la crise de la covid, chacun a compris qu’il fallait réorganiser les chaînes de valeur, arrêter d’être trop dépendants des autres nations pour les approvisionnements essentiels et faire revenir sur notre sol les approvisionnements critiques et les chaînes de valeur stratégiques.

Parmi ces circonstances, il en est une des plus difficiles : l’accélération du changement climatique, qui montre qu’il n’y a désormais pas d’autre issue que de prendre le problème à bras-le-corps et d’y apporter des réponses massives, rapides et efficaces.

À partir de là, maintenant que nous avons cette base nationale et cette base européenne et que nous faisons face aux circonstances que je viens de décrire, nous avons devant nous des choix politiques qui sont simples et qui doivent être tranchés.

Il y a trois choix possibles.

Le premier choix, c’est le statu quo : on continue comme avant, la croissance pour la croissance, l’ouverture de sites pour l’ouverture de sites, et peu importe le climat ! Ce statu quo serait criminel pour la planète, criminel pour les générations futures et, de toute façon, inacceptable pour nos compatriotes. La croissance pour la croissance au détriment du climat est une impasse.

Le deuxième choix, c’est la décroissance. Je sais qu’elle a la faveur de certains en France. Je tiens à dire à quel point elle conduira à la relégation de la nation française, à notre affaiblissement collectif et à l’appauvrissement de chacune et de chacun de nos compatriotes. Surtout, elle donnera les résultats inverses de ceux qui sont recherchés : nos compatriotes ne vont pas arrêter d’acheter des voitures, des vélos, des batteries ou des pompes à chaleur, mais, au lieu d’acheter des produits fabriqués sur notre territoire avec nos technologies et nos emplois, ils achèteront les mêmes produits importés, réalisés dans des conditions environnementales moins satisfaisantes.

Avec la décroissance, nous sommes perdants sur tous les tableaux : celui de l’emploi, celui de la richesse et celui du climat.

Le troisième choix, celui que nous vous proposons avec le Président de la République, avec la Première ministre, avec Roland Lescure, c’est la croissance verte, une croissance qui permet de réduire les émissions de CO2 et de lutter contre le réchauffement climatique – c’est le cœur de ce projet de loi relatif à l’industrie verte.

Qu’entend-on par industrie verte ? Deux choses distinctes, mais complémentaires.

L’industrie verte, c’est d’abord la décarbonation de l’industrie existante : on ne construira pas l’industrie de l’avenir sur les ruines de l’industrie du passé. Tous ceux qui nous ont vendu ces sornettes pendant des années et des décennies comme quoi il fallait faire table rase des vieilles industries pour construire dessus des industries nouvelles se trompaient totalement sur le lent processus qui permet d’améliorer les technologies, de profiter des savoir-faire passés pour construire ceux de l’avenir.

L’industrie existante, c’est 18 % des émissions actuelles de CO2 en France. Avec ce projet de loi, nous voulons accélérer la décarbonation des grands sites industriels français.

L’industrie verte, c’est aussi la production des nouvelles technologies vertes qui vont nous permettre d’accélérer la décarbonation de l’industrie française et celle de toute l’économie. C’est ce que j’appelle les Big Five : les pompes à chaleur, les éoliennes, les panneaux photovoltaïques, les batteries électriques et l’hydrogène vert. Ces cinq technologies clés feront la différence entre les nations qui réussissent au XXIe siècle et celles qui importent et qui sont dominées.

Nous voulons que la France exporte, qu’elle soit indépendante et puissante industriellement. Nous voulons investir sur la production de ces cinq technologies vertes.

De ce point de vue, contrairement à ce que j’ai entendu dire parfois, l’industrie verte n’est pas une contradiction dans les termes : c’est une évidence et même une tautologie. Si nous voulons une industrie, elle doit être verte et, pour que nous soyons verts, nous avons besoin de notre industrie.

Alors, comment faire pour avancer dans la direction de la croissance verte que nous vous proposons et qui nous paraît la seule option raisonnable pour la nation française ? Soyons très pragmatiques, très simples. Je crois que c’est l’intérêt de ce projet de loi et je me réjouis que son examen commence au Sénat, dont la sagesse est bien connue – je suis sûr que le texte en sortira encore meilleur.

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