Intervention de Christian Cambon

Réunion du 27 juin 2023 à 14h30
Programmation militaire pour les années 2024 à 2030 — Question préalable

Photo de Christian CambonChristian Cambon, rapporteur :

Il me semble utile de resituer dans son contexte cette motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de programmation militaire.

Il y a un an, à la fin du printemps 2022, le Président de la République a estimé que l'agression de l'Ukraine par la Russie était un événement d'une telle ampleur géopolitique qu'elle imposait d'arrêter prématurément la LPM 2019-2025 pour adopter une nouvelle programmation militaire.

Chacun pourra penser ce qu'il veut de cette décision. Certains disaient : puisque la LPM précédente prévoit déjà des marches d'augmentation des crédits de 3 milliards d'euros, allons au bout de ce texte et nous ferons une nouvelle LPM en 2025, lorsqu'on nous aurons une vision plus claire de la situation nouvelle.

Le projet de loi a été déposé, après une revue stratégique qui n'a convaincu ni par sa méthode, ni par ses groupes de travail préparatoires aux contours mal définis, ni par son calendrier, jugé précipité et trop resserré pour permettre un travail approfondi.

Cette revue n'a pas non plus convaincu par ses conclusions succinctes, qui n'abordent pas la question fondamentale : quel modèle d'armée voulons-nous pour les années qui viennent ? Ou, pour dire les choses en termes plus politiques et moins militaires, quelle est notre ambition pour la France dans un monde de plus en plus instable et dangereux et quels moyens dégageons-nous ?

Ces constats amènent le groupe CRCE à déposer une motion tendant à opposer la question préalable. La commission appelle le Sénat à ne pas la voter, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, nos concitoyens s'attendent légitimement, alors que la guerre frappe de nouveau le sol européen, à ce que nous débattions sereinement des moyens mis à la disposition de nos forces armées.

Ensuite, nos armées attendent des adaptations nécessaires pour se préparer à la haute intensité et à l'hypothèse d'engagements majeurs.

Nos industriels ont besoin de la visibilité requise par l'émergence de la notion d'économie de guerre, introduite par le projet de loi.

Enfin, nos alliés et partenaires, mais aussi nos compétiteurs et nos adversaires, sont attentifs aux signaux que nous enverrons, en examinant ce projet de loi. Le premier signal sera celui d'un Parlement investi. Ce fut le cas à l'Assemblée nationale, et cela le sera aussi au Sénat.

Je crois que nous pouvons raisonnablement dire que nous n'aurons jamais autant préparé, et aussi en amont, une LPM ! Tout en désapprouvant la méthode proposée par le Gouvernement, le bureau de la commission a choisi de lancer des travaux en vue de publier pas moins de sept rapports d'information : la guerre en Ukraine ; Barkhane et la lutte contre le terrorisme ; chacun des cinq programmes budgétaires de la mission « Défense ». Je voudrais ici rendre hommage à toutes nos collègues qui ont enrichi la réflexion de la commission par ces rapports riches et fouillés.

En tant que président de la commission, je suis fier des conditions dans lesquelles a été mené ce travail colossal. Je suis tout aussi fier de la manière dans laquelle ces travaux se sont déroulés, faite du respect de chacun et d'un esprit républicain qui a associé tous les groupes politiques. Je pense que cet esprit de responsabilité et ce consensus républicain autour d'un socle de valeurs partagées, au-delà de nos sensibilités politiques, sont la marque de fabrique du Sénat et contribuent à son rayonnement.

Nous sommes donc prêts, et nous avons débuté en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées le travail d'examen du projet de LPM le 14 juin dernier. Deux commissions, celle des lois et celle des finances, se sont saisies pour avis.

Nous avons adopté 171 amendements pour établir le texte de la commission, dont d'ailleurs 11 amendements du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

C'est donc un texte déjà largement amélioré par les commissions et les groupes politiques dont nous allons débattre. Nos armées l'attendent, car elles en ont besoin. Ne différons pas le débat et le travail parlementaire sur ce texte essentiel, dans un contexte géopolitique si différent de ce qu'il était en 2018, lorsque nous avions adopté la précédente LPM.

Je demande donc le rejet de cette question préalable. §

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