La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (projet n° 712, texte de la commission n° 740, rapport n° 739, avis n° 730 et 726).
En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées demande la réserve de l’examen de l’article 2, qui inclut les amendements déposés sur le rapport annexé, afin qu’il soit examiné à la fin du texte.
Je suis saisi d’une demande de la commission tendant à réserver l’examen de l’article 2, qui inclut les amendements déposés sur le rapport annexé, afin qu’il soit examiné à la fin du texte.
Selon l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la réserve est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Alain Cazabonne applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter cet après-midi un projet de loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2024-2030, le quinzième depuis le début de la Ve République et depuis que ces lois de programme en matière de défense nationale – une spécificité bien française – existent.
Ce texte, sur lequel nos armées et les directions et services du ministère travaillent depuis un an, a été préparé sous l’autorité du Président de la République, chef des armées, en lien étroit et très en amont avec le Parlement et les acteurs du monde de la défense. Il vise à traduire une conviction simple, la seule qui vaille : les menaces qui pèsent sur la nation française n’ont jamais été aussi diverses et protéiformes que depuis la fin de la guerre froide. À bien des égards, ces menaces nous placent face à un défi aussi important que celui qu’ont dû relever les gouvernements de la fin de la IVe République et plus encore les gaullistes dans les années 1960.
Cette programmation prend en effet acte du retour d’une compétition plus dure entre grandes puissances, sur fond de prolifération nucléaire, de permanence d’un risque terroriste, qui n’a pas disparu et dont malheureusement on ne parle plus assez – cela me donne l’occasion de remercier le Sénat pour le débat que nous avons eu il y a quelques semaines sur l’Afrique –, mais aussi d’émergence de nouveaux espaces de conflictualité, qui découlent ou sont le reflet de sauts technologiques, rapides et brutaux, comme en témoigne la militarisation du cyber, de l’espace ou des fonds marins.
Ces menaces s’entendent dans leur approche classique, mais aussi, et surtout, pour une puissance nucléaire comme la nôtre, dans une « hybridité » qui nous invite à penser nécessairement de manière différente. C’est là que la dimension de transformation – ce qui ne signifie pas rupture – de cette LPM prend tout son sens.
Ces menaces, nouvelles ou anciennes, se cumulent désormais plus qu’elles ne se succèdent. Cette programmation militaire a été construite en les analysant froidement et en y intégrant les spécificités françaises : avec nos forces, mais aussi – il faut le reconnaître – avec nos vulnérabilités. Elle n’a pas pour but de tirer les conclusions, comme certains commentateurs ou pseudo-experts nous y ont souvent incités, de conflits qui ne sont pas les nôtres et qui, structurellement, ne pourront jamais l’être.
La France a un modèle de défense singulier, qui lui est propre, fruit d’une construction historique gaullienne reposant sur une autonomie stratégique française, laquelle va bien au-delà de la seule dissuasion nucléaire et puise sa force dans le sentiment profond que la France n’aurait jamais dû perdre la drôle de guerre de 1940, connaître les difficultés de l’expédition de Suez ou vivre les guerres d’Indochine et d’Algérie.
Cette programmation militaire doit permettre non seulement de poursuivre la réparation d’un outil de défense, hélas ! abîmé dans le passé par des politiques parfois court-termistes et une forme de déni de la réalité du monde, mais aussi de transformer nos forces sur des fonctions militaires concrètes, avec des objectifs opérationnels précis.
Elle ne prévoit pas de rupture fondamentale avec notre modèle historique. Au contraire, elle tend, à sa manière, à y revenir, dans sa force conceptuelle initiale, c’est-à-dire dans sa capacité à s’adapter vite, en prenant en compte les défis du monde d’aujourd’hui – donc les menaces sécuritaires actuelles –, ainsi que les sauts technologiques qui emportent inévitablement avec eux des sauts stratégiques ou tactiques, notamment le champ de l’hybridité.
À cela s’ajoute la nécessité d’articuler ces nouveaux domaines de lutte avec notre dissuasion nucléaire et nos capacités expéditionnaires.
Permettez-moi de former le vœu que l’on ne perde jamais de vue, lors du débat parlementaire, notre modèle global de défense dans la discussion de nombreux détails techniques, sémantiques ou budgétaires, lesquels peuvent toujours avoir leur intérêt, mais ne doivent pas nous écarter de l’essentiel : c’est-à-dire l’exigence de cohérence et l’efficacité opérationnelle de notre modèle d’armée, qui reste, et doit rester, une armée d’emploi. C’est là l’enjeu, et c’est aussi l’héritage que nous avons reçu de nos anciens et que nous devons protéger et laisser aux générations futures.
Ce que nous avons souhaité faire primer dans ce projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, c’est notamment un impératif de cohérence, sur lequel je suis revenu longuement ici lors des travaux de la commission comme à l’Assemblée nationale, entre les livraisons capacitaires, les stocks de munitions ou de pièces détachées, le renforcement des soutiens, le maintien en condition opérationnelle et la formation – autant d’éléments qui accompagnent nos soldats sur le terrain.
Certains ont parfois le goût de la masse, de cibles capacitaires généreuses. La tentation d’acheter en grand nombre des équipements sans y intégrer leur vie opérationnelle est un piège dans lequel beaucoup de pays voisins sont hélas, et encore récemment, tombés. Nous avons nous-mêmes parfois privilégié dans le passé, pour des raisons d’affichage ou industrielles, un nombre d’hélicoptères livrés aux armées, alors qu’il aurait été préférable pour elles de fixer le nombre d’hélicoptères en capacité réelle de voler… Nous devons collectivement apprendre de nos erreurs passées, même si je note parfois chez les uns ou les autres une forme de facilité, en tout cas un refus d’obstacle intellectuel, à considérer cette question dans son ensemble.
Une loi de programme n’est pas qu’un tableau capacitaire. C’est un tout logique et efficace qui s’appuie d’abord sur le tableau des contrats opérationnels. La vraie transformation est à chercher dans ces contrats, ou missions, détaillés dans le rapport annexé : c’est notre capacité, demain, à concevoir et à dérouler des opérations – terre, air, mer, cyber, espace, monde informationnel, cohésion nationale – de manière combinée. Je remercie les parlementaires, notamment le président Cambon, qui ont pris le temps d’intégrer cette dimension nouvelle de transformation, visible en particulier avec l’exercice Orion, lequel nous a permis de faire œuvre de pédagogie à bien des égards.
C’est cela, je le crois, la véritable leçon de la guerre en Ukraine à tirer pour nous-mêmes. Si nous devons donner de la visibilité à notre base industrielle et technologique de défense (BITD), si nous devons la protéger et la promouvoir – nous y reviendrons –, la LPM doit être l’occasion pour le Parlement de se pencher sur l’effectivité opérationnelle. Cela a – hélas ! – été trop souvent négligé dans le passé et a pu placer nos forces en situation de vulnérabilité face aux menaces. En effet, précisément, et je sais que ce constat est partagé, nous ne tenons pas ces menaces pour illusoires.
Les choix pour notre modèle de défense nationale répondent à la volonté du Président de la République exprimée lors de sa première élection en 2017, mais aussi aux besoins exprimés par nos armées depuis lors, après un long travail d’introspection demandé aux états-majors et à la direction générale de l’armement (DGA). Cet exercice, assez inédit, n’a pas été sans difficulté et je tiens à remercier les chefs d’état-major, le directeur général de la sécurité extérieure, le secrétaire général pour l’administration et le délégué général pour l’armement de s’être livrés à cet exercice délicat. Tout cela a abouti au projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter, mesdames, messieurs les sénateurs, et sur lequel vous aurez à vous prononcer en responsabilité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Parlement a un rôle majeur à jouer dans les choix stratégiques qui assureront notre défense nationale au cours des sept prochaines années. Ce rôle a d’ailleurs été largement renforcé par l’Assemblée nationale en lien étroit et en amont avec votre rapporteur, ainsi que par des amendements adoptés par votre commission.
Ces dispositions, relativement inédites dans l’histoire de la Ve République, viendront renforcer le contrôle du Parlement sur l’exécution et l’actualisation de la programmation, notamment chaque année en amont de l’examen des projets de loi de finances, qui restent, on le sait, les véritables actes parlementaires pour engager concrètement les moyens.
Dans le respect des grands principes de la Ve République, il est évident que le moment dans lequel nous sommes doit être celui du Parlement. Depuis un an que je suis ministre des armées, à votre contact lors des nombreuses auditions auxquelles j’ai pu participer, ma conviction sur l’importance du rôle des deux chambres n’a cessé de croître. C’est pourquoi je ne proposerai pas de revenir sur les enrichissements de la copie que vous avez décidé d’intégrer en commission.
Je pense notamment aux nouvelles dispositions introduites pour densifier le bilan annuel de l’exécution de la LPM, que ce soit sur l’inflation, sur les stocks de munitions, sur les commandes capacitaires, sur la réalisation des objectifs de préparation opérationnelle ou sur les moyens pour parvenir à nos objectifs en matière d’accroissement des réserves.
Je pense aussi aux nouvelles dispositions qui permettront à la délégation parlementaire au renseignement (DPR) de mieux contrôler les politiques publiques de renseignement : c’est tout à l’honneur de Sénat que de montrer que la France est une grande démocratie. J’ai essayé, à ma manière et lors d’une récente audition devant la DPR, d’accorder plus de visibilité, en confiance et dans le respect du secret-défense, aux « politiques », mais aussi aux « sujets » de renseignement – nous avançons donc, je le crois, dans le bon sens.
Par ailleurs, comme je m’y suis engagé en commission, devant son président et les rapporteurs des différents programmes budgétaires, nous ferons preuve d’une plus grande transparence envers le Parlement, en communiquant aux présidents des commissions chargées de la défense des deux chambres la disponibilité technique des matériels, et ce dès le prochain exercice budgétaire. Je viens de l’écrire aux deux présidents : il s’agit là d’une avancée majeure et je me savais attendu sur le sujet. La communication de ces chiffres permettra de mieux suivre les efforts consentis par la Nation et illustrera l’équation subtile à trouver entre cohérence et masse.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les débats que nous nous apprêtons à avoir dans cet hémicycle seront sans doute moins un moment de vérité politique, au sens noble du terme, qu’ils le furent à l’Assemblée nationale où, au fond, on a assisté à un véritable choc : modèle contre modèle, chaque sensibilité ayant tenté de décliner les choix qu’elle proposait pour nos armées en fonction de son analyse de la situation du monde. Vous le savez, ce débat a eu lieu, pour la première fois, avec des sensibilités politiques qui ne sont pas représentées ici au Sénat – il n’est pas besoin de les citer.
Le débat a été sain, et il n’a rien eu de médiocre. L’adoption par scrutin public du texte à l’Assemblée nationale a été claire, mais ce vote n’occulte pas des visions du monde, donc de notre défense, qui sont irrémédiablement – je le crois – divergentes et peut-être même irréconciliables.
Néanmoins, le débat, avec ses 2 500 amendements et ses 90 heures d’examen, a contribué à renforcer le modèle français, car il a permis une nouvelle fois au plus grand nombre de s’approprier celui-ci. Il serait faux de soutenir qu’il y a toujours eu dans notre histoire un consensus sur tout – cela n’a jamais été le cas depuis 1960.
Je m’engage naturellement à la même disponibilité et ouverture d’esprit pour les débats au Sénat, qui permettront d’enrichir encore ce projet de loi.
Dans cet exercice, l’examen du texte par le Parlement depuis plusieurs mois, jusqu’à présent essentiellement à l’Assemblée nationale, m’a permis de tirer quelques premiers constats que je me partagerai ici, tant ils me semblent importants pour notre défense nationale, mais aussi pour le débat démocratique.
Certaines sensibilités politiques qui ne sont pas représentées ici me semblent tout d’abord avancer dans une forme de flou. Je ne veux pas dire qu’elles avancent masquées, en tout cas elles n’ont pas encore formalisé clairement leur schéma d’alliances, leur position sur la dissuasion nucléaire et in fine le modèle qu’elles souhaitent pour nos armées. Les deux semaines de débat à l’Assemblée nationale nous ont parfois permis, mais pas toujours, de mieux comprendre en quoi elles s’opposaient au modèle français actuel, sans qu’émerge pour autant une contre-proposition crédible militairement et encore moins budgétairement.
D’autres courants demeurent, quant à eux, fidèles à leurs positions historiques depuis la première loi de programmation militaire en 1960 – il faut reconnaître cette clarté et cette cohérence au parti communiste français. Il n’en demeure pas moins que le modèle d’armée proposé nous exposerait immédiatement à des risques imminents. Si je ne les partage pas, je tiens néanmoins à saluer les explications en séance du député Fabien Roussel sur la dissuasion nucléaire.
D’autres encore ne voudraient regarder ces débats que sous l’angle budgétaire, sans toujours en définir leur finalité militaire, bien que, directement ou indirectement, ils aient parfois réduit jadis les budgets de nos armées quand ils étaient aux responsabilités. Je n’y reviendrai pas, mais tenons cette approche comme un avertissement pour l’avenir : nos dépenses militaires doivent rester soutenables pour nos finances publiques et être connectées à nos besoins militaires d’abord et industriels ensuite – dans cet ordre, j’y insiste. C’est la condition de la performance opérationnelle dans la durée.
D’autres enfin estiment que nous dépensons trop, sans pour autant expliquer comment répondre aux menaces, à moins qu’ils ne croient pas en la réalité de celles-ci, ce qui me semble dangereux et naïf.
Quoi qu’il en soit, je respecte la position de chacun et je m’efforcerai de défendre ce projet de loi de programmation et les convictions dont il rend compte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si des sujets créent le débat, je me réjouis que les discussions à l’Assemblée nationale et au sein de la Haute Assemblée dessinent des consensus fermes, d’abord sur quelques points précis du texte qu’il faut mentionner.
C’est notamment le cas du renforcement du lien entre la nation, ses armées et leur histoire, que nous réaffirmons à l’article 11, avec la pérennisation de l’activité de l’Ordre de la Libération.
C’est aussi le cas des efforts que nous proposons pour l’accompagnement de nos soldats et de leurs familles au travers de l’augmentation des moyens consacrés au plan Famille II : ils entraînent une forme de consensus, tout comme les objectifs de politique salariale qui renforcent la progression par les grilles indiciaires, notamment pour les militaires du rang et les premiers grades des sous-officiers, dès la fin de l’année 2023.
Enfin, l’importance de l’inscription des conséquences liées au réchauffement climatique dans les missions que nous confions à nos armées est partagée par tous. La programmation militaire actera donc que notre modèle d’armée devra intégrer dans ses missions les effets du changement climatique, tout comme l’effort de sobriété énergétique dans lequel il nous faut collectivement nous engager. Nous y reviendrons, mais cet aspect n’a rien de neutre, notamment pour nos différents territoires d’outre-mer dont je salue les représentants ici présents.
Il me semble que la convergence, à la lecture des travaux menés par la commission – et je remercie une nouvelle fois le président Cambon de leur qualité –, va bien au-delà des points que je viens d’énumérer. Nous pouvons collectivement tracer un constat : dans la majorité des groupes ici représentés, personne ne remet en cause le modèle d’armée prévu dans cette programmation qui s’inscrit dans une continuité historique.
La discussion doit maintenant nous permettre de nous accorder sur les voies et moyens, ce qui est une finalité tout autre que celle qui fut la mienne lors des débats à l’Assemblée nationale, afin d’atteindre les objectifs militaires que – je le crois – nous partageons majoritairement.
Je ne reviendrai pas en détail sur l’ensemble des sujets, l’examen du texte en séance publique nous permettant d’avoir des discussions approfondies. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé une cinquantaine d’amendements au nom du Gouvernement afin que nous puissions revenir en détail et débattre utilement sur les thématiques qui méritent une attention particulière.
Je souhaite maintenant revenir quelques instants sur les questions pour lesquelles les débats devront nous permettre de dégager des compromis et des accords.
Je veux d’abord aborder les sujets pour lesquels la version du texte telle qu’elle ressort des travaux de la commission est potentiellement incompatible avec le texte issu de l’Assemblée nationale.
J’espère que nos discussions en séance nous permettront de retravailler le texte pour répondre à la volonté du Sénat, tout en nous assurant de la cohérence, que vous souhaitez autant que moi, du texte final.
Commençons par évoquer l’éléphant dans la pièce : le sujet budgétaire, qui est naturellement structurant.
Avec ce texte, le Gouvernement avait l’ambition de proposer une trajectoire budgétaire au service d’une ambition militaire documentée et crédible, c’est-à-dire le fait de financer des capacités concrètes d’agir, en cohérence avec les menaces et la défense de nos intérêts. Évidemment, à cela s’ajoute notre pratique d’exécution à l’euro près – et même, à vrai dire, de surexécution sur la fin de période de la LPM actuelle, un sujet que j’ai déjà longuement évoqué – qui doit nous conduire à nous assurer de la soutenabilité de la trajectoire et de l’enveloppe globale pour nos finances publiques dans la durée.
J’entends dire que nous reportons l’essentiel de l’effort après l’élection présidentielle de 2027. Je rappelle qu’en 2017 le budget des armées était de 32, 3 milliards d’euros ; qu’en 2023, vous avez voté, sur proposition du Gouvernement, un budget de 43, 9 milliards d’euros ; qu’en 2027, à la fin du second quinquennat d’Emmanuel Macron, en l’état actuel du texte, le budget des armées sera de 56 milliards d’euros, soit une marche d’augmentation de 23, 7 milliards par rapport à 2017 ; pour finalement aboutir à 68, 9 milliards d’euros, ce qui aura permis de plus que doubler le budget de nos armées en deux LPM. C’est cela la réalité de l’effort consenti par la Nation pour ses armées, sous l’impulsion du chef de l’État.
Avec l’appui du chef d’état-major des armées, nous avons pris le parti de privilégier la cohérence sur la seule masse. C’est au fond l’exigence de regarder dans le rapport annexé autant le tableau des contrats opérationnels que celui des équipements capacitaires – le dernier n’étant au service que du premier, je le rappelle.
La même logique s’applique pour nos soutiens, comme le service de santé des armées ou le commissariat. Il en va de même pour notre politique d’innovation, qui nous permettra d’être au rendez-vous des sauts technologiques de demain : je pense notamment au spatial, au cyber, à l’intelligence artificielle, à l’application du quantique dans le domaine militaire et, bien sûr, monsieur le sénateur Perrin, aux drones.
Le Sénat propose, au-delà même de la seule trajectoire, une enveloppe globale financière différente – nous y reviendrons tout à l’heure, en abordant les détails techniques –, passant l’effort global de 413 milliards à 420 milliards d’euros. Comme je le disais, je suis ouvert au débat, et je tiens à le répéter solennellement ici, à la tribune. Je serai donc heureux que nous puissions avoir une discussion nourrie, précise et cohérente sur ces 7 milliards d’euros supplémentaires votés en commission. Mais j’y insiste : à ce stade de la rédaction du texte, je m’interroge sur la soutenabilité de cette mesure pour nos finances publiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, un autre point me tient à cœur, qui ne sera une découverte pour personne ici, puisque je l’évoque chaque fois que l’occasion m’en est donnée depuis plus d’un an. La LPM ne doit pas être un carcan qui contraint nos armées, et je sais que vous en conviendrez, puisque vous défendez, par ailleurs, plus de libertés pour nos collectivités locales.
Comparaison n’est pas raison, mais certaines modifications adoptées en commission apportent une forme de rigidité au texte, là où une loi de programmation militaire, au sens gaulliste du terme, doit non pas être une loi de prescription technique, mais au contraire prendre de la hauteur et assigner des objectifs stratégiques.
Ces prescriptions peuvent créer un cadre trop strict pour nos états-majors et surtout ne pas être adaptées à la réalité de la vie des armées. Or je leur fais personnellement toute confiance – et je ne doute pas un seul instant que vous aussi – pour réaliser les objectifs assignés. Je pense particulièrement à la trajectoire de montée en puissance des réserves ou à la chronique annuelle pour le maintien en condition opérationnelle (MCO) et pour l’innovation. De mon point de vue, ce n’est pas le rôle d’une LPM que de fixer ce niveau de détails.
Je proposerai donc, par voie d’amendement, que nous revenions à une épure plus traditionnelle de ce que doit être à mon sens une loi de programmation. Un certain nombre d’entre vous m’ont fait savoir que leurs propositions sont des amendements d’appel pour que le Gouvernement prenne des engagements. Je serai à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, pour nourrir les débats, et les amendements du Gouvernement me serviront aussi de support à cette fin.
Si je milite pour que le Parlement prenne une place plus importante en matière de défense, je souhaite comme corollaire que la loi reste crédible dans son exécution, et plus encore dans sa pratique quotidienne par le ministère.
Si nous devons retravailler certains points, je veux tout de même affirmer que le Gouvernement soutiendra de nombreuses mesures adoptées par le Sénat, qui à mon sens enrichissent profondément le texte et renforcent de manière bienvenue notre défense nationale et notre modèle d’armée.
C’est en premier lieu le cas de la mesure qui intègre les objectifs de la politique de défense dans la loi, dans le nouvel article 1er bis. C’est important de s’y référer, car c’est sur cela que l’on s’appuie en partie pour construire le reste.
Les mesures qui viennent sécuriser la trajectoire financière, comme les chroniques sur les recettes extrabudgétaires ou encore le mécanisme pour les carburants opérationnels que le Sénat souhaite renforcer, vont dans le bon sens, même si la copie initiale était, de mon point de vue, solide. Grâce aux amendements de la commission, les doutes sont complètement dissipés.
En ce qui concerne le service national universel (SNU), même s’il nous faudra renforcer la cohérence de la légistique sur l’ensemble du texte au fur et à mesure de l’examen des amendements, vous avez souhaité mettre au clair qu’il ne figurait pas dans la LPM : c’est ce que je dis depuis le début des discussions, je le partage donc complètement. Ces modifications sont bienvenues.
Je partage également la volonté des sénateurs, notamment du président Cambon, de développer des mécanismes pour mieux financer les entreprises, en particulier les PME, de notre BITD. Cette LPM ne clôture pas ce chantier, mais les réflexions permettront – j’en suis certain – de trouver des solutions adaptées pour ces entreprises qui font partie de notre modèle de défense. On ne peut pas balayer d’un revers de main ce sujet d’actualité. Je suis à votre disposition pour améliorer le texte.
Vous avez enfin tenu à développer le « patch » sur la souveraineté dans nos outre-mer, vous savez que c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, ainsi qu’au président du Sénat – nous avons échangé sur ce point encore récemment. J’ai pris la plupart des engagements oralement au gré des différents débats. Votre version enrichit le rapport annexé, elle est donc la bienvenue, j’y souscris là aussi pleinement. C’est un signal stratégique particulièrement fort qu’envoie le Sénat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour conclure, je pense sincèrement que nous sommes d’accord sur l’essentiel, c’est-à-dire sur ce qui est bon pour nos armées. Les débats que nous ne manquerons pas d’avoir ces prochains jours nous donneront l’occasion de combler les écarts entre nos positions – peut-être tout simplement en les explicitant, ce qui nous permettra de les comprendre –, écarts qui concernent non pas tant les objectifs que les voies et moyens pour y parvenir.
Si l’on considère que le principe de réalité s’applique à chacun, ce que je crois, je ne vois rien d’insurmontable et je sais que la qualité du travail de votre assemblée confirmera nos convictions communes et l’indispensable cohérence que nous devons préserver entre les objectifs que nous assignons à nos armées pour la protection de la Nation et les moyens que nous leur attribuons pour les sept prochaines années.
Nous le faisons pour nos soldats, en ayant une pensée pour les tués et les blessés. Nous le faisons aussi pour notre nation, car ce projet de loi de programmation militaire doit garantir notre sécurité en assurant, pour les sept prochaines années et plus longtemps encore, le succès des armes de la France.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, « La défense ! C'est la première raison d'être de l'État. » Cette affirmation du général de Gaulle résonne gravement à la lueur des événements survenus ces derniers jours en Russie. En matière de géopolitique, en matière militaire, des basculements soudains, violents et imprévisibles se produisent chaque jour sous nos yeux.
Pourtant, il nous faut aujourd'hui sortir de l'actualité pour nous projeter dans le temps long : c'est le difficile exercice, tout à fait stimulant par ailleurs, auquel nous invite l'élaboration d'une loi de programmation militaire.
Une LPM, ce sont précisément les moyens que, collectivement, nous mettons à la disposition de nos soldats pour leur permettre d'atteindre cet objectif. Mais ce sont aussi des moyens pour prémunir nos militaires du danger auquel ils s'exposent pour nous en protéger. Face au péril, nous rendons hommage à leur courage, leur détermination et leur compétence qui n'ont jamais fait, et qui ne feront jamais, défaut à la nation. Au travers de cette LPM, c'est la nation qui leur rend hommage et leur affirme son soutien.
Nos débats revêtent donc une importance singulière, et ce d'autant plus qu'ils interviennent dans un contexte de grand chamboulement.
Bien sûr, nous ne pouvons placer nos travaux sur ce texte fondamental sous le seul prisme de la guerre en Ukraine, car bien d'autres paramètres, actuels ou en devenir, doivent être pris en considération.
Reconnaissons tout de même que l'agression russe est un événement majeur, qui a tout changé, aussi bien les équilibres diplomatiques mondiaux que la donne stratégique de notre continent. Du reste, c'est précisément pour cela que le Président de la République a souhaité interrompre la programmation actuelle deux ans avant son terme pour en proposer une nouvelle.
Monsieur le ministre, il est important de rappeler ce contexte, car il permet de bien comprendre la démarche de notre commission. Le point de départ logique de toute LPM, c'est l'analyse des menaces. Or, si nous sommes réunis pour étudier ce projet de loi aujourd'hui et non en 2025, c'est parce que les menaces se sont accrues – hélas !
Dès lors, nous nous attendions à une accélération de l'effort de remontée en puissance des moyens de nos armées. Monsieur le ministre, vous le savez, ce sera là l'un des principaux points de débat entre le Gouvernement et le Sénat : en l'état, la trajectoire que vous nous proposez ne marque, selon nous, aucune différence avec celle qui a été prévue par la LPM actuelle. Ce n'est pas logique, car si les menaces sont avérées, alors les besoins qui en découlent le sont tout autant.
Notre commission ne conteste pas l'effort louable – je dirais même qu'elle le salue – du Gouvernement qui propose une enveloppe de 413 milliards d'euros répartis sur sept ans. Au total, si cette programmation va à son terme, notre effort de défense aura bien plus que doublé entre 2019 et 2030, ce dont je peux témoigner en tant que rapporteur du précédent et du présent projet de loi de programmation militaire.
Mais notre commission, après avoir salué cet effort, a aussi identifié plusieurs sujets de préoccupation.
Tout d'abord, il s'agit bien entendu de la question de l'inflation. Vous avez évalué son impact à 30 milliards d'euros sur l'ensemble de la programmation. Quoique considérable, cette estimation est sans doute assez optimiste.
Ensuite, il s'agit de la question des ressources extrabudgétaires. Comme vous le savez, notre commission s'est toujours opposée dans les LPM précédentes au recours à ce type de financement pour boucler les besoins de programmation.
Certes, une partie de ces recettes affectées sera très probablement au rendez-vous. Leur affectation nous semble donc logique et juste. Je pense par exemple aux ressources générées par l'activité du service de santé des armées, par les ventes de fréquences ou par les cessions immobilières.
En revanche, une seconde catégorie nous paraît beaucoup plus incertaine. Il s'agit des fameux 7 milliards d'euros que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a pudiquement qualifiés de ressources non documentées. Tout le problème est là, monsieur le ministre.
Contrairement à vos déclarations, le Sénat est une assemblée raisonnable et très attentive à l'équilibre des finances publiques. Aussi, nous n'entendons pas dépasser l'enveloppe des besoins de 413 milliards d'euros. Peut-être avez-vous changé votre méthodologie, mais nous, nous comptons bien suivre nos principes. Dans une volonté de clarté, la commission a simplement voulu sécuriser les crédits correspondant à l'objectif annoncé par le Président de la République à Mont-de-Marsan, soit 413 milliards d'euros, ce qui était absent de votre texte.
Naturellement, si des marges frictionnelles – des retards de livraison, par exemple – doivent être prises en considération, ces crédits ne seront pas dépensés. Concrètement, si un Airbus A400M commandé n'est pas livré, il ne sera pas payé ! Et vous pourrez en tirer les conséquences dans chaque projet de loi de finances à venir.
Dans les circonstances actuelles, le but est non pas de préparer la guerre en Ukraine – nous ne sommes pas belligérants –, mais d'anticiper au mieux les menaces de demain. Alors, ne perdons pas de temps !
Par le biais d'un cadencement des dépenses beaucoup plus ambitieux, renforçons immédiatement l'entraînement de nos armées, les soutiens qui sont indispensables à leur efficacité et la condition militaire, à un moment où la question de l'attractivité du métier des armes se pose de façon brûlante. Je rappelle que, sur les 1 500 postes ouverts au recrutement, seuls 700 ont été pourvus.
Les réponses de notre modèle d'armée sont encore trop marquées – hélas ! – par les dividendes de la paix : une masse et des stocks insuffisants, des réductions temporaires de capacités, des niveaux d'entraînement insatisfaisants au regard des objectifs. Ainsi, selon le bleu budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2023, les pilotes de Rafale devraient accomplir 147 heures de vol d'entraînement par an, alors que l'objectif minimum est de 220 heures selon les normes édictées par l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan).
La valeur, l'engagement et le professionnalisme de nos armées sont largement reconnus par nos alliés, et même par nos adversaires. Mais ils ne peuvent compenser les effets de vingt-cinq ans d'éreintement, conséquence des dividendes de la paix. À la suite des opérations menées en Afghanistan, en Libye, dans la bande sahélo-saharienne, nos références ont été recentrées sur un modèle de conflit asymétrique, dans le cadre de la projection de nos forces.
Pour autant, un autre type de conflit est revenu au premier plan à la suite de l'invasion de l'Ukraine : la guerre de haute intensité.
C'est pourquoi, à l'annonce d'un nouveau projet de LPM, notre commission a voulu fonder ses choix sur une analyse rétrospective de ces dernières années, ce qui ne revient pas simplement à regarder dans le rétroviseur, monsieur le ministre...
Nous avons ainsi lancé sept rapports préparatoires : un retour d'expérience de l'opération Barkhane et de la guerre contre le terrorisme, un autre relatif à la guerre d'Ukraine, dont je souligne à nouveau qu'elle doit nous éclairer sans nous aveugler, et cinq rapports thématiques correspondant à chaque programme budgétaire intéressant nos armées.
À l'issue de cet important travail préparatoire, nous tirons principalement deux conclusions, que le texte adopté par la commission traduit concrètement.
Premièrement, nous devons mobiliser plus rapidement les crédits prévus sur l'ensemble de la programmation. Ce cadencement révisé de nos efforts doit notamment permettre de mieux financer, dès l'année prochaine, tout ce qui conditionne le niveau d'activité de nos forces, qu'il s'agisse de leur entraînement à proprement parler, de l'entretien du matériel, des stocks ou encore des capacités du service de santé des armées. En additionnant les heures d'utilisation des chars Leclerc par les quatre régiments qui les possèdent, on s'aperçoit qu'ils ne sont employés qu'à la moitié de leurs capacités.
Parallèlement, dans une moindre mesure, nous pourrions améliorer très rapidement les étalements de quelques programmes capacitaires. Je pense, pour l'armée de terre, au programme Scorpion, dont le déploiement est freiné, alors qu'il constitue l'une des priorités de la LPM actuelle. Je pense également au programme relatif aux patrouilleurs hauturiers, afin de redonner un peu d'air à notre marine, ou au programme de l'A400M, afin d'accroître les chances de maintenir la chaîne de production et de ne pas compromettre ce produit qui tient maintenant toutes ses promesses.
Deuxièmement, nous devons renforcer les moyens de contrôle du Parlement. Monsieur le ministre, je le redis devant vous : le Sénat n'entend pas se substituer à l'exécutif ni empiéter sur ses prérogatives. En revanche, nous sommes absolument convaincus qu'il est impossible de demander aux Français de consentir dans la durée un tel effort budgétaire sans leur garantir en même temps que le Parlement exécutera pleinement la mission de contrôle que la Constitution lui confie. Pour le dire franchement, l'actualisation ratée de 2021 a laissé ici un souvenir amer.
Notre commission a donc adopté un certain nombre de modifications qui, dans leur esprit, sont en cohérence avec plusieurs des ajouts proposés par nos collègues de l'Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, il s'agit de sujets sur lesquels notre commission travaille depuis de nombreuses années. Nos propositions dans ce domaine nous paraissent à la fois raisonnables et, plus que jamais, opportunes.
En conclusion, et avant d'ouvrir nos débats, je souhaiterais remercier tous nos collègues qui ont participé à la préparation de ce texte si important. Je salue, en premier lieu, les onze commissaires qui m'ont assisté dans la préparation du rapport. Je remercie, en second lieu, les rapporteurs pour avis de la commission des lois, M. François-Noël Buffet, et de la commission des finances, M. Dominique de Legge, qui ont enrichi le texte de leurs apports. Je suis reconnaissant, en troisième lieu, envers tous mes collègues qui ont déposé des amendements, qui illustrent l'importance de ce texte pour notre pays. J'ai veillé à ce que chaque groupe puisse contribuer à la rédaction de ce texte.
Monsieur le ministre, le Sénat, plein de bonne volonté, souhaite aboutir sur ce texte. Nous comptons sur votre écoute – vous avez fait preuve d'ouverture sur certains sujets, voilà quelques instants. Vous pourrez compter sur notre mobilisation et surtout sur notre ambition pour nos armées ! §
Aussi, je me bornerai à vous proposer trois considérations.
La première porte sur le contexte économique général. Monsieur le ministre, vous aimez citer le général de Gaulle, dont les décisions et actions ont été guidées par le souci de l'indépendance et de la souveraineté de la France, auxquelles l'armée et la dissuasion nucléaire contribuent au premier rang.
Mais cela ne suffit pas, hélas ! Que signifient la souveraineté et l'indépendance d'un pays qui consacre plus d'argent à la charge de sa dette qu'à sa défense ? Cette charge sera supérieure de près de 10 milliards d'euros au budget de la défense en 2025, soit le coût d'un porte-avions !
Que signifient la souveraineté et l'indépendance d'un pays dont le déficit du commerce extérieur est trois fois supérieur au montant du budget des armées ? Du reste, une partie de ce déficit est liée aux approvisionnements alimentaires et énergétiques, voire aux matières premières indispensables à notre industrie de défense !
Je vous concède bien volontiers que la trajectoire budgétaire de la LPM en vigueur a été respectée. Pour autant, le projet que vous nous soumettez, dans un contexte où les textes programmatiques se multiplient, entre en concurrence avec les lois de programmation des ministères de l'intérieur, de la recherche et de la justice et avec tant d'autres projets annoncés, qu'il s'agisse de transition énergétique, d'accès aux soins ou d'éducation. Or l'objectif demeure la réduction à 3 % du déficit public en 2027. C'est une gageure, comme l'a démontré le Haut Conseil des finances publiques. Lorsque tout devient prioritaire, il est urgent de faire des choix !
La deuxième considération porte sur la crédibilité financière.
Rien ne vous obligeait à déposer un nouveau projet de LPM dès cette année ni à recourir à la procédure accélérée, puisque l'actuelle loi court jusqu'en 2025. Sans contester la nécessité de l'ajuster pour mieux intégrer le maintien en condition opérationnelle (MCO), qui conditionne la disponibilité effective de nos armements, et la montée en puissance du cyber, j'observe que l'ambition capacitaire de 2030 est reportée à 2035, sur fond de retour de la guerre sur le sol européen.
Encore plus problématique est la trajectoire proposée, puisque le Président de la République, qui vantera les mérites de cette programmation dès le 14 juillet prochain, n'est pas celui qui aura à trouver les milliards annoncés à compter de 2028. Laisser à d'autres le soin de financer dans cinq ans les décisions prises aujourd'hui n'est acceptable ni politiquement ni démocratiquement.
Et c'est sans compter qu'une telle trajectoire des crédits serait en contradiction avec le concept d'« économie de guerre », que vous avez introduit dans ce projet de LPM avec la définition suivante : produire plus, plus vite et moins cher. Mais, à la fin des fins, on risque de produire moins, moins vite et plus cher. La montée en puissance doit donc débuter dès cette législature.
Par ailleurs, on peut s'interroger sur les fameuses marges frictionnelles, qui consistent à anticiper des retards de livraison ou de paiement. Les reports de charges devraient approcher les 5 milliards d'euros en 2023, auxquels il faudrait ajouter les 6, 2 milliards d'euros que vous projetez pour la période 2024-2030. Au total, il manquerait donc 11 milliards d'euros, soit 20 % d'une année de fonctionnement ou encore un porte-avions !
De notre point de vue, dès lors qu'un besoin financier estimé à 413 milliards d'euros est inscrit dans un projet de loi de programmation, il doit être intégralement couvert par des crédits budgétaires, exception faite de recettes extrabudgétaires dûment documentées. C'est pourquoi nous proposons de porter a minima l'enveloppe de crédits budgétaires à 407, 4 milliards d'euros sur la période.
À défaut de garanties sur la révision de la trajectoire pour la rendre plus linéaire sur la période et sur la réévaluation plus réaliste du besoin de financement, nous considérons que la crédibilité et la sincérité de ce texte ne sont pas acquises.
La troisième considération porte sur la méthode.
Monsieur le ministre, vous êtes en quelque sorte la victime de la manière dont le Gouvernement a traité le Parlement tout au long de l'actuelle LPM et singulièrement de son refus d'appliquer l'article 7 de ce texte, selon lequel la programmation devrait faire l'objet d'actualisations.
Nous vous avons cru dans un autre état d'esprit, jusqu'aux propos que vous avez récemment tenus, et nous nous en réjouissions. Échaudés, nous souhaitons avoir des garanties. C'est le sens de nombre d'amendements, qui visent non pas à modifier le rôle du Parlement, mais tout simplement à ce que celui-ci dispose des informations indispensables pour lui permettre de remplir sa mission.
La situation géopolitique, économique et sociale, voire intérieure, requiert plus que jamais lucidité et courage. Tout au long de la discussion, nous serons guidés par deux objectifs : adopter un texte de vérité plutôt que d'affichage ; prendre toutes nos responsabilités constitutionnelles de parlementaires, c'est-à-dire voter et contrôler.
C'est le sens des amendements de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dont je salue le travail de qualité. C'est également le sens des amendements et des précisions que nous lui avons proposés et qu'elle a bien voulu retenir. Sous réserve de leur adoption, la commission des finances émet un avis favorable à ce projet de LPM. §
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que su r des travées des groupes UC et INDEP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission des lois s'est saisie des dispositions du texte relatives au renseignement, à la sécurité des systèmes d'information et à la protection contre les drones malveillants.
Tout d'abord, nous devons nous féliciter que les trois services de renseignement relevant du ministre des armées – la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et la direction du renseignement militaire (DRM) – voient leurs effectifs augmenter et leurs investissements immobiliers et opérationnels être financés. Tel est l'objet premier d'un projet de loi de programmation.
Les dispositions prévues dans le texte du Gouvernement s'inscrivent dans le prolongement des textes antérieurs. La commission des lois les a approuvées, sous réserve de précisions.
Le projet de loi ne comportait aucune disposition visant à renforcer le contrôle des services de renseignement. Or l'équilibre entre l'extension des pouvoirs des services et les instruments de leur contrôle est essentiel pour garantir la conformité de notre régime aux exigences constitutionnelles en matière de protection des libertés et à la jurisprudence européenne.
La commission des lois, tout comme la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et les sénateursmembres de la délégation parlementaire au renseignement (DPR), a souhaité que l'information de celle-ci et le contrôle exercé par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) soient renforcés.
Il s'agit de garantir que, lorsque des sujets d'actualité concernant une action des services de renseignement sont révélés par la presse et admis par le Gouvernement, ils puissent faire l'objet d'un suivi par la DPR. Ce point a donné lieu l'année dernière à une divergence d'interprétation entre la DPR et le Gouvernement, mais depuis, il a fait l'objet d'un arbitrage au plus haut niveau de l'État – nous souhaitons le consacrer dans la loi.
Les ajouts apportés au texte par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées permettent également de renforcer les liens entre la DPR et la CNCTR, en prévoyant la présentation à la délégation d'un bilan annuel des recommandations de la commission, ainsi que son information sur les saisines du procureur de la République dans le cadre du dispositif de lanceur d'alerte.
Enfin, le dernier amendement, devenu l'article 22 quater, tend à permettre l'accès immédiat de la CNCTR aux éléments collectés par les services de renseignement lors de la mise en œuvre des techniques les plus intrusives, dont nous ne contestons pas la légitimité. Je note que le Gouvernement souhaite la suppression de cet article pour des raisons de principe et de calendrier.
En ce qui concerne les principes, il est important que le développement des techniques les plus intrusives s'accompagne d'une amélioration des moyens du contrôle, ce que nous souhaitons assurer par cet article.
En ce qui concerne le calendrier, il est bien sûr nécessaire de prendre en compte les contraintes opérationnelles. Nous pourrons donc y revenir une fois les principes posés. Il n'est pas question de mettre en difficulté nos services – ce serait bien sûr inacceptable –, d'autant plus que nous partageons avec vous les mêmes objectifs en la matière, monsieur le ministre.
Dans la même logique, afin d'éviter l'émiettement du contrôle, nous avons souhaité que la CNCTR puisse donner un avis avant l'adoption des décrets renforçant les pouvoirs de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). Je rappelle que l'Anssi n'est pas un service de renseignement, même si ses liens avec eux sont étroits et que la nature de son intervention nécessite un regard informé par leur pratique.
Je terminerai par un mot sur le régime encadrant les échanges d'information entre les services de renseignement français et étrangers. Il s'agit d'un sujet extrêmement sensible, qui va peser sur le cadre légal du renseignement. Aussi, je n'ai pas souhaité qu'il soit intégré dans le texte par voie d'amendement. En revanche, cette situation devra être réglée rapidement. Pour ce faire, la délégation parlementaire au renseignement reste le lieu d'échanges le plus opportun.
En ce qui concerne la sécurité des systèmes d'information, les articles 32 à 35 tendent à renforcer la capacité de l'Anssi à détecter, à identifier et à prévenir les attaques informatiques visant les systèmes d'information des autorités publiques, des opérateurs stratégiques ou de leurs sous-traitants. Ces dispositions vont dans le sens d'une meilleure défense de la France. Aussi, nous y sommes favorables, sous réserve de quelques précisions.
En ce qui concerne le régime de lutte contre les drones malveillants, l'article 27 du projet de loi vise à doter les services de l'État des moyens pour parer sans délai à une menace imminente. Il a paru nécessaire à notre commission de renforcer les garanties en matière de protection du droit de propriété et de liberté d'informer : un amendement a été adopté en ce sens en commission.
Sous réserve des amendements qu'elle a soumis et qui ont été adoptés par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, la commission des lois a considéré que le projet de loi comporte des mesures utiles pour les services de renseignement et pour la sécurité des systèmes d'information. Notre commission a donc émis un avis favorable à l'adoption de ce texte. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « La défense ! C’est la première raison d’être de l’État. » Cette affirmation du général de Gaulle résonne gravement à la lueur des événements survenus ces derniers jours en Russie. En matière de géopolitique, en matière militaire, des basculements soudains, violents et imprévisibles se produisent chaque jour sous nos yeux.
Pourtant, il nous faut aujourd’hui sortir de l’actualité pour nous projeter dans le temps long : c’est le difficile exercice, tout à fait stimulant par ailleurs, auquel nous invite l’élaboration d’une loi de programmation militaire.
Une LPM, ce sont précisément les moyens que, collectivement, nous mettons à la disposition de nos soldats pour leur permettre d’atteindre cet objectif. Mais ce sont aussi des moyens pour prémunir nos militaires du danger auquel ils s’exposent pour nous en protéger. Face au péril, nous rendons hommage à leur courage, leur détermination et leur compétence qui n’ont jamais fait, et qui ne feront jamais, défaut à la nation. Au travers de cette LPM, c’est la nation qui leur rend hommage et leur affirme son soutien.
Nos débats revêtent donc une importance singulière, et ce d’autant plus qu’ils interviennent dans un contexte de grand chamboulement.
Bien sûr, nous ne pouvons placer nos travaux sur ce texte fondamental sous le seul prisme de la guerre en Ukraine, car bien d’autres paramètres, actuels ou en devenir, doivent être pris en considération.
Reconnaissons tout de même que l’agression russe est un événement majeur, qui a tout changé, aussi bien les équilibres diplomatiques mondiaux que la donne stratégique de notre continent. Du reste, c’est précisément pour cela que le Président de la République a souhaité interrompre la programmation actuelle deux ans avant son terme pour en proposer une nouvelle.
Monsieur le ministre, il est important de rappeler ce contexte, car il permet de bien comprendre la démarche de notre commission. Le point de départ logique de toute LPM, c’est l’analyse des menaces. Or, si nous sommes réunis pour étudier ce projet de loi aujourd’hui et non en 2025, c’est parce que les menaces se sont accrues – hélas !
Dès lors, nous nous attendions à une accélération de l’effort de remontée en puissance des moyens de nos armées. Monsieur le ministre, vous le savez, ce sera là l’un des principaux points de débat entre le Gouvernement et le Sénat : en l’état, la trajectoire que vous nous proposez ne marque, selon nous, aucune différence avec celle qui a été prévue par la LPM actuelle. Ce n’est pas logique, car si les menaces sont avérées, alors les besoins qui en découlent le sont tout autant.
Notre commission ne conteste pas l’effort louable – je dirais même qu’elle le salue – du Gouvernement qui propose une enveloppe de 413 milliards d’euros répartis sur sept ans. Au total, si cette programmation va à son terme, notre effort de défense aura bien plus que doublé entre 2019 et 2030, ce dont je peux témoigner en tant que rapporteur du précédent et du présent projet de loi de programmation militaire.
Mais notre commission, après avoir salué cet effort, a aussi identifié plusieurs sujets de préoccupation.
Tout d’abord, il s’agit bien entendu de la question de l’inflation. Vous avez évalué son impact à 30 milliards d’euros sur l’ensemble de la programmation. Quoique considérable, cette estimation est sans doute assez optimiste.
Ensuite, il s’agit de la question des ressources extrabudgétaires. Comme vous le savez, notre commission s’est toujours opposée dans les LPM précédentes au recours à ce type de financement pour boucler les besoins de programmation.
Certes, une partie de ces recettes affectées sera très probablement au rendez-vous. Leur affectation nous semble donc logique et juste. Je pense par exemple aux ressources générées par l’activité du service de santé des armées, par les ventes de fréquences ou par les cessions immobilières.
En revanche, une seconde catégorie nous paraît beaucoup plus incertaine. Il s’agit des fameux 7 milliards d’euros que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a pudiquement qualifiés de ressources non documentées. Tout le problème est là, monsieur le ministre.
Contrairement à vos déclarations, le Sénat est une assemblée raisonnable et très attentive à l’équilibre des finances publiques. Aussi, nous n’entendons pas dépasser l’enveloppe des besoins de 413 milliards d’euros. Peut-être avez-vous changé votre méthodologie, mais nous, nous comptons bien suivre nos principes. Dans une volonté de clarté, la commission a simplement voulu sécuriser les crédits correspondant à l’objectif annoncé par le Président de la République à Mont-de-Marsan, soit 413 milliards d’euros, ce qui était absent de votre texte.
Naturellement, si des marges frictionnelles – des retards de livraison, par exemple – doivent être prises en considération, ces crédits ne seront pas dépensés. Concrètement, si un Airbus A400M commandé n’est pas livré, il ne sera pas payé ! Et vous pourrez en tirer les conséquences dans chaque projet de loi de finances à venir.
Dans les circonstances actuelles, le but est non pas de préparer la guerre en Ukraine – nous ne sommes pas belligérants –, mais d’anticiper au mieux les menaces de demain. Alors, ne perdons pas de temps !
Par le biais d’un cadencement des dépenses beaucoup plus ambitieux, renforçons immédiatement l’entraînement de nos armées, les soutiens qui sont indispensables à leur efficacité et la condition militaire, à un moment où la question de l’attractivité du métier des armes se pose de façon brûlante. Je rappelle que, sur les 1 500 postes ouverts au recrutement, seuls 700 ont été pourvus.
Les réponses de notre modèle d’armée sont encore trop marquées – hélas ! – par les dividendes de la paix : une masse et des stocks insuffisants, des réductions temporaires de capacités, des niveaux d’entraînement insatisfaisants au regard des objectifs. Ainsi, selon le bleu budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2023, les pilotes de Rafale devraient accomplir 147 heures de vol d’entraînement par an, alors que l’objectif minimum est de 220 heures selon les normes édictées par l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan).
La valeur, l’engagement et le professionnalisme de nos armées sont largement reconnus par nos alliés, et même par nos adversaires. Mais ils ne peuvent compenser les effets de vingt-cinq ans d’éreintement, conséquence des dividendes de la paix. À la suite des opérations menées en Afghanistan, en Libye, dans la bande sahélo-saharienne, nos références ont été recentrées sur un modèle de conflit asymétrique, dans le cadre de la projection de nos forces.
Pour autant, un autre type de conflit est revenu au premier plan à la suite de l’invasion de l’Ukraine : la guerre de haute intensité.
C’est pourquoi, à l’annonce d’un nouveau projet de LPM, notre commission a voulu fonder ses choix sur une analyse rétrospective de ces dernières années, ce qui ne revient pas simplement à regarder dans le rétroviseur, monsieur le ministre…
Nous avons ainsi lancé sept rapports préparatoires : un retour d’expérience de l’opération Barkhane et de la guerre contre le terrorisme, un autre relatif à la guerre d’Ukraine, dont je souligne à nouveau qu’elle doit nous éclairer sans nous aveugler, et cinq rapports thématiques correspondant à chaque programme budgétaire intéressant nos armées.
À l’issue de cet important travail préparatoire, nous tirons principalement deux conclusions, que le texte adopté par la commission traduit concrètement.
Premièrement, nous devons mobiliser plus rapidement les crédits prévus sur l’ensemble de la programmation. Ce cadencement révisé de nos efforts doit notamment permettre de mieux financer, dès l’année prochaine, tout ce qui conditionne le niveau d’activité de nos forces, qu’il s’agisse de leur entraînement à proprement parler, de l’entretien du matériel, des stocks ou encore des capacités du service de santé des armées. En additionnant les heures d’utilisation des chars Leclerc par les quatre régiments qui les possèdent, on s’aperçoit qu’ils ne sont employés qu’à la moitié de leurs capacités.
Parallèlement, dans une moindre mesure, nous pourrions améliorer très rapidement les étalements de quelques programmes capacitaires. Je pense, pour l’armée de terre, au programme Scorpion, dont le déploiement est freiné, alors qu’il constitue l’une des priorités de la LPM actuelle. Je pense également au programme relatif aux patrouilleurs hauturiers, afin de redonner un peu d’air à notre marine, ou au programme de l’A400M, afin d’accroître les chances de maintenir la chaîne de production et de ne pas compromettre ce produit qui tient maintenant toutes ses promesses.
Deuxièmement, nous devons renforcer les moyens de contrôle du Parlement. Monsieur le ministre, je le redis devant vous : le Sénat n’entend pas se substituer à l’exécutif ni empiéter sur ses prérogatives. En revanche, nous sommes absolument convaincus qu’il est impossible de demander aux Français de consentir dans la durée un tel effort budgétaire sans leur garantir en même temps que le Parlement exécutera pleinement la mission de contrôle que la Constitution lui confie. Pour le dire franchement, l’actualisation ratée de 2021 a laissé ici un souvenir amer.
Notre commission a donc adopté un certain nombre de modifications qui, dans leur esprit, sont en cohérence avec plusieurs des ajouts proposés par nos collègues de l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, il s’agit de sujets sur lesquels notre commission travaille depuis de nombreuses années. Nos propositions dans ce domaine nous paraissent à la fois raisonnables et, plus que jamais, opportunes.
En conclusion, et avant d’ouvrir nos débats, je souhaiterais remercier tous nos collègues qui ont participé à la préparation de ce texte si important. Je salue, en premier lieu, les onze commissaires qui m’ont assisté dans la préparation du rapport. Je remercie, en second lieu, les rapporteurs pour avis de la commission des lois, M. François-Noël Buffet, et de la commission des finances, M. Dominique de Legge, qui ont enrichi le texte de leurs apports. Je suis reconnaissant, en troisième lieu, envers tous mes collègues qui ont déposé des amendements, qui illustrent l’importance de ce texte pour notre pays. J’ai veillé à ce que chaque groupe puisse contribuer à la rédaction de ce texte.
Monsieur le ministre, le Sénat, plein de bonne volonté, souhaite aboutir sur ce texte. Nous comptons sur votre écoute – vous avez fait preuve d’ouverture sur certains sujets, voilà quelques instants. Vous pourrez compter sur notre mobilisation et surtout sur notre ambition pour nos armées !
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « La défense ! C’est la première raison d’être de l’État ». Cette affirmation du général de Gaulle résonne gravement à la lueur des événements survenus ces derniers jours en Russie. En matière de géopolitique, en matière militaire, des basculements soudains, violents et imprévisibles se produisent chaque jour sous nos yeux.
Pourtant, il nous faut aujourd’hui sortir de l’actualité pour nous projeter dans le temps long. C’est le difficile exercice, tout à fait stimulant par ailleurs, auquel nous invite l’élaboration d’une loi de programmation militaire.
Une LPM, ce sont précisément les moyens que, collectivement, nous mettons à la disposition de nos soldats pour leur permettre d’atteindre cet objectif. Ce sont aussi des moyens pour prémunir nos militaires du danger auquel ils s’exposent pour nous en protéger. Face au péril, nous rendons hommage à leur courage, leur détermination et leur compétence qui n’ont jamais fait, et qui ne feront jamais, défaut à la nation. Au travers de cette LPM, c’est la Nation qui leur rend hommage et leur affirme son soutien.
Nos débats revêtent donc une importance singulière, et ce d’autant plus qu’ils interviennent dans un contexte de grand chamboulement.
Bien sûr, nous ne pouvons placer nos travaux sur ce texte fondamental sous le seul prisme de la guerre en Ukraine, car bien d’autres paramètres, actuels ou en devenir, doivent être pris en considération.
Reconnaissons tout de même que l’agression russe est un événement majeur, qui a tout changé, aussi bien les équilibres diplomatiques mondiaux que la donne stratégique de notre continent. Du reste, c’est précisément pour cela que le Président de la République a souhaité interrompre la programmation actuelle deux ans avant son terme pour en proposer une nouvelle.
Monsieur le ministre, il est important de rappeler ce contexte, car il permet de bien comprendre la démarche de notre commission. Le point de départ logique de toute LPM, c’est l’analyse des menaces. Or, si nous sommes réunis pour étudier ce projet de loi aujourd’hui et non en 2025, c’est parce que les menaces se sont accrues – hélas !
Dès lors, nous nous attendions à une accélération de l’effort de remontée en puissance des moyens de nos armées. Monsieur le ministre, vous le savez, ce sera là l’un des principaux points de débat entre le Gouvernement et le Sénat : en l’état, la trajectoire que vous nous proposez ne marque, selon nous, aucune différence avec celle qui a été prévue par la LPM actuelle. Ce n’est pas logique, car, si les menaces sont avérées, alors les besoins qui en découlent le sont tout autant.
Notre commission ne conteste pas l’effort louable du Gouvernement qui propose une enveloppe de 413 milliards d’euros répartis sur sept ans – je dirais même qu’elle le salue. Au total, si cette programmation va à son terme, notre effort de défense aura bien plus que doublé entre 2019 et 2030, ce dont je peux témoigner en tant que rapporteur du précédent et du présent projet de loi de programmation militaire.
Toutefois, notre commission, après avoir salué cet effort, a aussi identifié plusieurs sujets de préoccupation.
Tout d’abord, il s’agit bien entendu de la question de l’inflation. Vous avez évalué son impact à 30 milliards d’euros sur l’ensemble de la programmation. Quoiqu’elle soit considérable, cette estimation est sans doute assez optimiste.
Ensuite, il s’agit de la question des ressources extrabudgétaires. Comme vous le savez, notre commission s’est toujours opposée dans les LPM précédentes au recours à ce type de financement pour boucler les besoins de programmation.
Certes, une partie de ces recettes affectées sera très probablement au rendez-vous. Leur affectation nous semble donc logique et juste. Je pense par exemple aux ressources générées par l’activité du service de santé des armées, par les ventes de fréquences ou par les cessions immobilières.
En revanche, une seconde catégorie nous paraît beaucoup plus incertaine. Il s’agit des fameux 7 milliards d’euros que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a pudiquement qualifiés de ressources non documentées. Tout le problème est là, monsieur le ministre.
Contrairement à vos déclarations, le Sénat est une assemblée raisonnable et très attentive à l’équilibre des finances publiques. Aussi, nous n’entendons pas dépasser l’enveloppe des besoins de 413 milliards d’euros. Peut-être avez-vous changé votre méthodologie, mais nous, nous comptons bien suivre nos principes. Dans une volonté de clarté, la commission a simplement voulu sécuriser les crédits correspondant à l’objectif annoncé par le Président de la République à Mont-de-Marsan, soit 413 milliards d’euros, ce qui était absent de votre texte.
Naturellement, si des marges frictionnelles – des retards de livraison, par exemple – doivent être prises en considération, ces crédits ne seront pas dépensés. Concrètement, si un Airbus A400M commandé n’est pas livré, il ne sera pas payé ! Et vous pourrez en tirer les conséquences dans chaque projet de loi de finances à venir.
Dans les circonstances actuelles, le but est non pas de préparer la guerre en Ukraine – nous ne sommes pas belligérants –, mais d’anticiper au mieux les menaces de demain. Alors, ne perdons pas de temps !
Par le biais d’un cadencement des dépenses beaucoup plus ambitieux, renforçons immédiatement l’entraînement de nos armées, les soutiens qui sont indispensables à leur efficacité et la condition militaire, à un moment où la question de l’attractivité du métier des armes se pose de façon brûlante. Je rappelle que, sur les 1 500 postes ouverts au recrutement, seuls 700 ont été pourvus.
Les réponses de notre modèle d’armée sont encore trop marquées – hélas ! – par les dividendes de la paix : une masse et des stocks insuffisants, des réductions temporaires de capacités, des niveaux d’entraînement insatisfaisants au regard des objectifs. Ainsi, selon le bleu budgétaire annexé à la loi de finances pour 2023, les pilotes de Rafale devraient accomplir 147 heures de vol d’entraînement par an, alors que l’objectif minimum est de 220 heures selon les normes édictées par l’Otan.
La valeur, l’engagement et le professionnalisme de nos armées sont largement reconnus par nos alliés, et même par nos adversaires. Toutefois, ils ne peuvent compenser les effets de vingt-cinq ans d’éreintement, conséquence des dividendes de la paix. À la suite des opérations menées en Afghanistan, en Libye, dans la bande sahélo-saharienne, nos références ont été recentrées sur un modèle de conflit asymétrique, dans le cadre de la projection de nos forces.
Pour autant, un autre type de conflit est revenu au premier plan à la suite de l’invasion de l’Ukraine : la guerre de haute intensité.
C’est pourquoi, à l’annonce d’un nouveau projet de LPM, notre commission a voulu fonder ses choix sur une analyse rétrospective de ces dernières années, ce qui ne revient pas simplement à regarder dans le rétroviseur, monsieur le ministre…
Nous avons ainsi lancé sept rapports préparatoires : un retour d’expérience de l’opération Barkhane et de la guerre contre le terrorisme, un autre relatif à la guerre d’Ukraine, dont je souligne de nouveau qu’elle doit nous éclairer sans nous aveugler, et cinq rapports thématiques correspondant à chaque programme budgétaire intéressant nos armées.
À l’issue de cet important travail préparatoire, nous tirons principalement deux conclusions, que le texte adopté par la commission traduit concrètement.
D’une part, nous devons mobiliser plus rapidement les crédits prévus sur l’ensemble de la programmation. Ce cadencement révisé de nos efforts doit notamment permettre de mieux financer, dès l’année prochaine, tout ce qui conditionne le niveau d’activité de nos forces, qu’il s’agisse de leur entraînement à proprement parler, de l’entretien du matériel, des stocks ou encore des capacités du service de santé des armées. En additionnant les heures d’utilisation des chars Leclerc par les quatre régiments qui les possèdent, on s’aperçoit qu’ils ne sont employés qu’à la moitié de leurs capacités.
Parallèlement, dans une moindre mesure, nous pourrions améliorer très rapidement les étalements de quelques programmes capacitaires. Je pense, pour l’armée de terre, au programme Scorpion, dont le déploiement est freiné, alors qu’il constitue l’une des priorités de la LPM actuelle. Je pense également au programme relatif aux patrouilleurs hauturiers, afin de redonner un peu d’air à notre marine, ou au programme de l’A400M, afin d’accroître les chances de maintenir la chaîne de production et de ne pas compromettre ce produit qui tient maintenant toutes ses promesses.
D’autre part, nous devons renforcer les moyens de contrôle du Parlement. Monsieur le ministre, je le redis devant vous : le Sénat n’entend pas se substituer à l’exécutif ni empiéter sur ses prérogatives. En revanche, nous sommes absolument convaincus qu’il est impossible de demander aux Français de consentir dans la durée un tel effort budgétaire sans leur garantir en même temps que le Parlement exécutera pleinement la mission de contrôle que la Constitution lui confie. Pour le dire franchement, l’actualisation ratée de 2021 a laissé ici un souvenir amer.
Notre commission a donc adopté un certain nombre de modifications qui, dans leur esprit, sont en cohérence avec plusieurs des ajouts proposés par nos collègues de l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, il s’agit de sujets sur lesquels notre commission travaille depuis de nombreuses années. Nos propositions dans ce domaine nous paraissent à la fois raisonnables et, plus que jamais, opportunes.
En conclusion, et avant d’ouvrir nos débats, je souhaite remercier tous nos collègues qui ont participé à la préparation de ce texte si important. Je salue, en premier lieu, les onze commissaires qui m’ont assisté dans la préparation du rapport. Je remercie, en second lieu, les rapporteurs pour avis de la commission des lois, M. François-Noël Buffet, et de la commission des finances, M. Dominique de Legge, qui ont enrichi le texte de leurs apports. Je suis reconnaissant, en troisième lieu, envers tous mes collègues qui ont déposé des amendements, qui illustrent l’importance de ce texte pour notre pays. J’ai veillé à ce que chaque groupe puisse contribuer à la rédaction de ce texte.
Monsieur le ministre, le Sénat, plein de bonne volonté, souhaite aboutir sur ce texte. Nous comptons sur votre écoute – vous avez fait preuve d’ouverture sur certains sujets, voilà quelques instants. Vous pourrez compter sur notre mobilisation et, surtout, sur notre ambition pour nos armées !
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE et SER.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE et SER.
Je suis saisi, par M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d'une motion n°37 rectifiée.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024-2030 (n° 740, 2022-2023).
La parole est à M. Pierre Laurent, pour la motion.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, au travers de cette question préalable, le groupe CRCE souhaite poser à notre Haute Assemblée une question simple : est-il vraiment sérieux de débattre dans ces conditions d'un projet de loi de programmation militaire d'un montant exceptionnel de 413 milliards d'euros ?
Son ampleur, le tournant stratégique qu'il opère, son poids énorme en comparaison de tous les autres budgets de la nation pour le climat, la réindustrialisation, le logement, la santé, l'éducation, tout appelait à ce qu'il fasse l'objet d'un large débat avec la nation. Le terme initial de l'actuelle LPM en 2025 le permettait.
Monsieur le ministre, le 22 mai dernier à l'Assemblée nationale, vous avez vous-même déclaré que ce projet de LPM est « un défi aussi important que celui qu'ont dû relever les gaullistes dans les années 1960 ». C'est vrai, mais il y a une différence de taille : le général de Gaulle faisait alors le choix de construire l'indépendance de notre défense, tandis que vous faites aujourd'hui celui de l'« otanisation » et celui de la guerre.
Le débat démocratique à propos de vos choix n'en était donc que plus impérieux, mais vous en avez décidé autrement. Le Président de la République a confisqué l'évaluation stratégique, préalable nécessaire à tout projet de LPM. Il l'a réduite à l'écriture, en cercle restreint, d'une revue nationale stratégique.
Jusqu'à présent, sous la Ve République, les grands tournants de la stratégie militaire française avaient pourtant tous été pris à la suite de la publication de Livres blancs.
Je ne vous apprendrai pas que les communistes, constants et cohérents, attachés à une défense nationale indépendante, ont souvent fait valoir des désaccords absolus avec les orientations de ces Livres blancs. Mais ces documents avaient au moins le mérite de permettre un débat stratégique d'ampleur, animé par une commission dédiée, associant pendant une année entière la représentation parlementaire, les grandes administrations de l'État et les hiérarchies militaires.
Aujourd'hui, plus rien, si ce n'est une consultation confinant à la parodie, avec un questionnaire remis aux commissions parlementaires douze jours avant le discours de Mont-de-Marsan ! Voilà la tare originelle de ce projet de LPM. Il porte la marque d'un grave défaut de conception démocratique.
Dans le cadre de l'examen de cette motion tendant à opposer la question préalable, je m'en tiendrai à trois critiques majeures.
Je veux tenter de vous convaincre, mes chers collègues, de la nécessité de reprendre le débat sur de nouvelles bases, car une autre politique de défense est possible pour notre pays. Ce projet de LPM nous éloigne des objectifs de défense de la nation, au profit du choix de la guerre, en l'occurrence la guerre projetée hors de nos frontières.
« Avoir une guerre d'avance », tel est votre nouveau mantra. Derrière le panache apparent de cette formule se cache un profond défaitisme, un choix dangereux pour la sécurité collective. C'est nous dire que la paix n'est plus une option et qu'il faut prendre place dans la grande dérive militariste mondiale.
C'est oublier toutes les leçons du XXe siècle. La militarisation et le surarmement, singulièrement en Europe, ont toujours préparé la guerre et bien pire encore ; jamais la paix !
C'est oublier toutes les leçons des trente dernières années. Après la chute du mur, le monde n'a pas été en paix. L'Occident a usé de sa puissance pour multiplier les guerres : dans le Golfe, en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak, en Libye, au Sahel… Pour quels résultats ? Le chaos, l'insécurité, la déstabilisation durable des États et la militarisation des sociétés ; jamais la paix !
C'est oublier que la guerre affame les peuples et nourrit les fauteurs de guerre. Dans ce chaos prolifèrent monstres et entrepreneurs de violence – terroristes, milices et sociétés paramilitaires privées –, trafics de drogue et d'armes, traite des êtres humains, nationalismes guerriers et impérialismes régionaux, extrêmes droites et radicalismes religieux… Le surarmement nourrit la guerre ; il ne la désarme jamais !
Les arsenaux nucléaires prolifèrent à nouveau. Le réarmement naval est à un niveau inédit depuis 1945. Les budgets militaires explosent, en Europe comme au Moyen-Orient et en Asie.
Face à la Chine, les États-Unis veulent entraîner tous leurs alliés dans un dangereux continuum compétition économique-guerre militaire. La Russie s'enfonce dans une guerre en Ukraine aux coûts humains, économiques et militaires astronomiques, aux conséquences imprévisibles pour l'Europe et pour elle-même, comme vient de le révéler l'incroyable épisode de la rébellion Wagner.
Quand allons-nous nous réveiller ? Quand allons-nous cesser cette insupportable banalisation de la guerre ? Pour notre part, nous appelons toutes les consciences libres à s'insurger contre cette folie, car d'autres chemins sont possibles pour le monde.
Vous allez me rétorquer que nous sommes naïfs, que la menace est partout, que la guerre en Ukraine désigne l'ennemi et qu'il faut bien riposter, se réarmer dans tous les domaines.
Oui, le monde a effectivement changé. Oui, les menaces sont nombreuses. Mais vous vous trompez sur le diagnostic de ces bouleversements et sur les moyens de conjurer les menaces. Vous vous trompez d'époque ! La guerre de Poutine en Ukraine est non pas le symptôme du retour des blocs d'hier, mais un signe de plus de la décivilisation du monde qu'entraînent la militarisation des relations internationales et l'affrontement de plus en plus violent des logiques de puissance.
Le chaos mondial est paradoxalement le résultat d'un monde plus interdépendant, mais pourtant toujours plus inégal. Pour relever les grands défis mondiaux, tout appelle le partage, mais les plus riches le refusent. La loi du plus fort et la puissance militaire ne régleront plus les problèmes, bien au contraire.
Faut-il alors suivre les États-Unis, ou tout autre d'ailleurs, dans l'escalade militaire ? Faut-il les suivre quand ils cherchent à déstabiliser toute puissance émergente pour maintenir coûte que coûte leur leadership planétaire ? Est-ce la voie que la France doit suivre ?
Je ne le crois pas, et c'est la deuxième conviction que je veux partager avec vous. La stratégie d'alignement derrière les États-Unis et le bloc occidental que poursuit de facto ce projet de LPM est dangereuse pour notre pays, pour l'Europe et pour la paix mondiale.
Les paradoxes apparents du projet de LPM, soulignés au cours des débats de la commission des affaires étrangères du Sénat, n'en sont pas ! Dans tous les domaines – dissuasion nucléaire, porte-avions, espace, fonds marins –, les dispositions de cette programmation courent après la sophistication militaire, au risque d'en perdre notre boussole et la mesure de nos moyens réels.
Et tout cela au titre de la perspective d'une guerre de haute intensité, uniquement entendue comme la capacité de projection de nos armées dans des opérations militaires de l'Otan hors de nos frontières. L'intégralité du vocabulaire du concept stratégique de l'Otan, révisé à Madrid, est recyclée dans ce projet de LPM.
L'« otanisation » complète de l'Europe est en cours. Elle met à bas toute velléité d'autonomie stratégique européenne. Elle finance en premier lieu les industries américaines de l'armement.
Le bloc atlantiste n'offre qu'une cohérence de façade. Il est incapable d'enrayer les velléités bellicistes et expansionnistes de certains de ses membres. La Turquie d'Erdogan, à l'opportunisme géopolitique décomplexé, en est l'exemple le plus criant. Et que dire de nos alliés des monarchies du Golfe ? Que dire, en Europe même, de la Hongrie, de la Pologne, de l'Italie, où s'accroît le poids des partis d'extrême droite racistes et militaristes ?
Pour notre part, nous vous proposons de remettre le projet de LPM en chantier, car ses dispositions se trompent de cible sur le monde à construire. Vous sautez comme des cabris en disant « La guerre, la guerre, la guerre ! », mais vous ne voyez pas le nouveau monde qui s'avance.
Quand accepterez-vous d'entendre qu'une majorité de peuples du monde ne veut plus avoir à s'affilier à telle ou telle superpuissance ? Les peuples aspirent à maîtriser leur destin, à disposer d'une souveraineté pleine et entière, à décider librement de leurs alliances et coopérations. Vous restez accrochés à vos vieux schémas : hors de l'Otan, vous ne voyez que la main de Moscou ou de Pékin, alors que tant de pays cherchent en fait de nouveaux partenariats, plus équilibrés.
Comment pouvez-vous ignorer que les insécurités sanitaires, alimentaires, énergétiques et climatiques, ainsi que l'absence de partage réel de la gouvernance politique de la mondialisation sont au cœur de tous les conflits, et par conséquent à la racine de toutes les guerres ?
Entendez le constat lucide du secrétaire général des Nations unies : « Si nous ne nourrissons pas les gens, nous nourrissons les conflits. »
Vous persistez ad nauseam à recourir à des mécanismes qui ont échoué à construire la paix. Vingt ans de « guerre au terrorisme » s'achèvent par le départ des troupes américaines d'Afghanistan. En proie à la famine, ce pays, sous domination des talibans, est devenu un narco-État pour financer la guerre. Dix ans de Barkhane au Sahel n'ont ni éteint le djihadisme ni permis le développement de la région.
Il est temps de changer de paradigme. L'agenda pour la paix et la sécurité collective, c'est la construction d'une sécurité humaine globale, répondant aux besoins vitaux des populations, leur permettant de cohabiter en paix, dans la durée et autour de perspectives de développement !
La France dispose encore d'une voix écoutée dans le monde. Utilisons-la pour relancer tous les processus multilatéraux de désarmement, tant pour le conventionnel que pour le nucléaire ! Utilisons-la pour clamer le droit à la paix, ce mot que certains voudraient aujourd'hui tabou !
Jamais nous ne nous rallierons à cette affirmation absurde selon laquelle est désormais dépassé le temps des « dividendes de la paix ». Non seulement la paix n'a pas de prix, mais elle est et restera le seul horizon raisonnable pour l'humanité.
C'est pourquoi, constants et cohérents, nous serons animés, tout au long des débats, par une double conviction : garantir à notre pays une défense souveraine et solide et agir pour que grandissent partout des coalitions de la paix. §
Aussi, je me bornerai à vous proposer trois considérations.
La première porte sur le contexte économique général. Monsieur le ministre, vous aimez citer le général de Gaulle, dont les décisions et actions ont été guidées par le souci de l’indépendance et de la souveraineté de la France, auxquelles l’armée et la dissuasion nucléaire contribuent au premier rang.
Mais cela ne suffit pas, hélas ! Que signifient la souveraineté et l’indépendance d’un pays qui consacre plus d’argent à la charge de sa dette qu’à sa défense ? Cette charge sera supérieure de près de 10 milliards d’euros au budget de la défense en 2025, soit le coût d’un porte-avions !
Que signifient la souveraineté et l’indépendance d’un pays dont le déficit du commerce extérieur est trois fois supérieur au montant du budget des armées ? Du reste, une partie de ce déficit est liée aux approvisionnements alimentaires et énergétiques, voire aux matières premières indispensables à notre industrie de défense !
Je vous concède bien volontiers que la trajectoire budgétaire de la LPM en vigueur a été respectée. Pour autant, le projet que vous nous soumettez, dans un contexte où les textes programmatiques se multiplient, entre en concurrence avec les lois de programmation des ministères de l’intérieur, de la recherche et de la justice et avec tant d’autres projets annoncés, qu’il s’agisse de transition énergétique, d’accès aux soins ou d’éducation. Or l’objectif demeure la réduction à 3 % du déficit public en 2027. C’est une gageure, comme l’a démontré le Haut Conseil des finances publiques. Lorsque tout devient prioritaire, il est urgent de faire des choix !
La deuxième considération porte sur la crédibilité financière.
Rien ne vous obligeait à déposer un nouveau projet de LPM dès cette année ni à recourir à la procédure accélérée, puisque l’actuelle loi court jusqu’en 2025. Sans contester la nécessité de l’ajuster pour mieux intégrer le maintien en condition opérationnelle (MCO), qui conditionne la disponibilité effective de nos armements, et la montée en puissance du cyber, j’observe que l’ambition capacitaire de 2030 est reportée à 2035, sur fond de retour de la guerre sur le sol européen.
Encore plus problématique est la trajectoire proposée, puisque le Président de la République, qui vantera les mérites de cette programmation dès le 14 juillet prochain, n’est pas celui qui aura à trouver les milliards annoncés à compter de 2028. Laisser à d’autres le soin de financer dans cinq ans les décisions prises aujourd’hui n’est acceptable ni politiquement ni démocratiquement.
Et c’est sans compter qu’une telle trajectoire des crédits serait en contradiction avec le concept d’« économie de guerre », que vous avez introduit dans ce projet de LPM avec la définition suivante : produire plus, plus vite et moins cher. Mais, à la fin des fins, on risque de produire moins, moins vite et plus cher. La montée en puissance doit donc débuter dès cette législature.
Par ailleurs, on peut s’interroger sur les fameuses marges frictionnelles, qui consistent à anticiper des retards de livraison ou de paiement. Les reports de charges devraient approcher les 5 milliards d’euros en 2023, auxquels il faudrait ajouter les 6, 2 milliards d’euros que vous projetez pour la période 2024-2030. Au total, il manquerait donc 11 milliards d’euros, soit 20 % d’une année de fonctionnement ou encore un porte-avions !
De notre point de vue, dès lors qu’un besoin financier estimé à 413 milliards d’euros est inscrit dans un projet de loi de programmation, il doit être intégralement couvert par des crédits budgétaires, exception faite de recettes extrabudgétaires dûment documentées. C’est pourquoi nous proposons de porter a minima l’enveloppe de crédits budgétaires à 407, 4 milliards d’euros sur la période.
À défaut de garanties sur la révision de la trajectoire pour la rendre plus linéaire sur la période et sur la réévaluation plus réaliste du besoin de financement, nous considérons que la crédibilité et la sincérité de ce texte ne sont pas acquises.
La troisième considération porte sur la méthode.
Monsieur le ministre, vous êtes en quelque sorte la victime de la manière dont le Gouvernement a traité le Parlement tout au long de l’actuelle LPM et singulièrement de son refus d’appliquer l’article 7 de ce texte, selon lequel la programmation devrait faire l’objet d’actualisations.
Nous vous avons cru dans un autre état d’esprit, jusqu’aux propos que vous avez récemment tenus, et nous nous en réjouissions. Échaudés, nous souhaitons avoir des garanties. C’est le sens de nombre d’amendements, qui visent non pas à modifier le rôle du Parlement, mais tout simplement à ce que celui-ci dispose des informations indispensables pour lui permettre de remplir sa mission.
La situation géopolitique, économique et sociale, voire intérieure, requiert plus que jamais lucidité et courage. Tout au long de la discussion, nous serons guidés par deux objectifs : adopter un texte de vérité plutôt que d’affichage ; prendre toutes nos responsabilités constitutionnelles de parlementaires, c’est-à-dire voter et contrôler.
C’est le sens des amendements de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dont je salue le travail de qualité. C’est également le sens des amendements et des précisions que nous lui avons proposés et qu’elle a bien voulu retenir. Sous réserve de leur adoption, la commission des finances émet un avis favorable à ce projet de LPM.
Aussi, je me bornerai à vous soumettre trois considérations.
La première considération porte sur le contexte économique général. Monsieur le ministre, vous aimez citer le général de Gaulle, dont les décisions et actions ont été guidées par le souci de l’indépendance et de la souveraineté de la France, auxquelles l’armée et la dissuasion nucléaire contribuent au premier rang.
Hélas, cela ne suffit pas ! Que signifient la souveraineté et l’indépendance d’un pays qui consacre plus d’argent à la charge de sa dette qu’à sa défense ? Cette charge sera supérieure de près de 10 milliards d’euros au budget de la défense en 2025, soit le coût d’un porte-avions !
Que signifient la souveraineté et l’indépendance d’un pays dont le déficit du commerce extérieur est trois fois supérieur au montant du budget des armées ? Du reste, une partie de ce déficit est liée aux approvisionnements alimentaires et énergétiques, voire aux matières premières indispensables à notre industrie de défense !
Je vous concède bien volontiers que la trajectoire budgétaire de la LPM en vigueur a été respectée. Pour autant, le projet que vous nous soumettez, dans un contexte où les textes programmatiques se multiplient, entre en concurrence avec les lois de programmation des ministères de l’intérieur, de la recherche et de la justice et avec tant d’autres projets annoncés, qu’il s’agisse de transition énergétique, d’accès aux soins ou d’éducation. Or l’objectif demeure la réduction à 3 % du déficit public en 2027. C’est une gageure, comme l’a démontré le Haut Conseil des finances publiques. Lorsque tout devient prioritaire, il est urgent de faire des choix !
La deuxième considération porte sur la crédibilité financière.
Rien ne vous obligeait à déposer un nouveau projet de LPM dès cette année ni à recourir à la procédure accélérée, puisque l’actuelle loi court jusqu’en 2025. Sans contester la nécessité de l’ajuster pour mieux intégrer le maintien en condition opérationnelle, qui conditionne la disponibilité effective de nos armements, et la montée en puissance du cyber, j’observe que l’ambition capacitaire de 2030 est reportée à 2035, sur fond de retour de la guerre sur le sol européen.
Encore plus problématique est la trajectoire proposée, puisque le Président de la République, qui vantera les mérites de cette programmation dès le 14 juillet prochain, n’est pas celui qui aura à trouver les milliards annoncés à compter de 2028. Laisser à d’autres le soin de financer dans cinq ans les décisions prises aujourd’hui n’est acceptable ni politiquement ni démocratiquement.
Et c’est sans compter qu’une telle trajectoire des crédits serait en contradiction avec le concept d’« économie de guerre », que vous avez introduit dans ce projet de LPM avec la définition suivante : produire plus, plus vite et moins cher. À la fin des fins, on risque de produire moins, moins vite et plus cher. La montée en puissance doit donc débuter dès cette législature.
Par ailleurs, on peut s’interroger sur les fameuses marges frictionnelles, qui consistent à anticiper des retards de livraison ou de paiement. Les reports de charges devraient approcher les 5 milliards d’euros en 2023, auxquels il faudrait ajouter les 6, 2 milliards d’euros que vous projetez pour la période 2024-2030. Au total, il manquerait donc 11 milliards d’euros, soit 20 % d’une année de fonctionnement ou encore un porte-avions !
De notre point de vue, dès lors qu’un besoin financier estimé à 413 milliards d’euros est inscrit dans un projet de loi de programmation, il doit être intégralement couvert par des crédits budgétaires, exception faite de recettes extrabudgétaires dûment documentées. C’est pourquoi nous proposons de porter a minima l’enveloppe de crédits budgétaires à 407, 4 milliards d’euros sur la période.
À défaut de garanties sur la révision de la trajectoire pour la rendre plus linéaire sur la période et sur la réévaluation plus réaliste du besoin de financement, nous considérons que la crédibilité et la sincérité de ce texte ne sont pas acquises.
La troisième considération porte sur la méthode.
Monsieur le ministre, vous êtes en quelque sorte la victime de la manière dont le Gouvernement a traité le Parlement tout au long de l’actuelle LPM et singulièrement de son refus d’appliquer l’article 7 de ce texte, selon lequel la programmation devrait faire l’objet d’actualisations.
Nous vous avons cru dans un autre état d’esprit, jusqu’aux propos que vous avez récemment tenus, et nous nous en réjouissions. Échaudés, nous souhaitons avoir des garanties. C’est le sens de nombre d’amendements, qui visent non pas à modifier le rôle du Parlement, mais tout simplement à ce que celui-ci dispose des informations indispensables pour lui permettre de remplir sa mission.
La situation géopolitique, économique et sociale, voire intérieure, requiert plus que jamais lucidité et courage. Tout au long de la discussion, nous serons guidés par deux objectifs : adopter un texte de vérité plutôt que d’affichage ; prendre toutes nos responsabilités constitutionnelles de parlementaires, c’est-à-dire voter et contrôler.
C’est le sens des amendements de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dont je salue le travail de qualité. C’est également le sens des amendements et des précisions que nous lui avons proposés et qu’elle a bien voulu retenir. Sous réserve de leur adoption, la commission des finances émet un avis favorable à ce projet de LPM.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ains i que sur des travées du groupe RDSE.
Il me semble utile de resituer dans son contexte cette motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de programmation militaire.
Il y a un an, à la fin du printemps 2022, le Président de la République a estimé que l'agression de l'Ukraine par la Russie était un événement d'une telle ampleur géopolitique qu'elle imposait d'arrêter prématurément la LPM 2019-2025 pour adopter une nouvelle programmation militaire.
Chacun pourra penser ce qu'il veut de cette décision. Certains disaient : puisque la LPM précédente prévoit déjà des marches d'augmentation des crédits de 3 milliards d'euros, allons au bout de ce texte et nous ferons une nouvelle LPM en 2025, lorsqu'on nous aurons une vision plus claire de la situation nouvelle.
Le projet de loi a été déposé, après une revue stratégique qui n'a convaincu ni par sa méthode, ni par ses groupes de travail préparatoires aux contours mal définis, ni par son calendrier, jugé précipité et trop resserré pour permettre un travail approfondi.
Cette revue n'a pas non plus convaincu par ses conclusions succinctes, qui n'abordent pas la question fondamentale : quel modèle d'armée voulons-nous pour les années qui viennent ? Ou, pour dire les choses en termes plus politiques et moins militaires, quelle est notre ambition pour la France dans un monde de plus en plus instable et dangereux et quels moyens dégageons-nous ?
Ces constats amènent le groupe CRCE à déposer une motion tendant à opposer la question préalable. La commission appelle le Sénat à ne pas la voter, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, nos concitoyens s'attendent légitimement, alors que la guerre frappe de nouveau le sol européen, à ce que nous débattions sereinement des moyens mis à la disposition de nos forces armées.
Ensuite, nos armées attendent des adaptations nécessaires pour se préparer à la haute intensité et à l'hypothèse d'engagements majeurs.
Nos industriels ont besoin de la visibilité requise par l'émergence de la notion d'économie de guerre, introduite par le projet de loi.
Enfin, nos alliés et partenaires, mais aussi nos compétiteurs et nos adversaires, sont attentifs aux signaux que nous enverrons, en examinant ce projet de loi. Le premier signal sera celui d'un Parlement investi. Ce fut le cas à l'Assemblée nationale, et cela le sera aussi au Sénat.
Je crois que nous pouvons raisonnablement dire que nous n'aurons jamais autant préparé, et aussi en amont, une LPM ! Tout en désapprouvant la méthode proposée par le Gouvernement, le bureau de la commission a choisi de lancer des travaux en vue de publier pas moins de sept rapports d'information : la guerre en Ukraine ; Barkhane et la lutte contre le terrorisme ; chacun des cinq programmes budgétaires de la mission « Défense ». Je voudrais ici rendre hommage à toutes nos collègues qui ont enrichi la réflexion de la commission par ces rapports riches et fouillés.
En tant que président de la commission, je suis fier des conditions dans lesquelles a été mené ce travail colossal. Je suis tout aussi fier de la manière dans laquelle ces travaux se sont déroulés, faite du respect de chacun et d'un esprit républicain qui a associé tous les groupes politiques. Je pense que cet esprit de responsabilité et ce consensus républicain autour d'un socle de valeurs partagées, au-delà de nos sensibilités politiques, sont la marque de fabrique du Sénat et contribuent à son rayonnement.
Nous sommes donc prêts, et nous avons débuté en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées le travail d'examen du projet de LPM le 14 juin dernier. Deux commissions, celle des lois et celle des finances, se sont saisies pour avis.
Nous avons adopté 171 amendements pour établir le texte de la commission, dont d'ailleurs 11 amendements du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
C'est donc un texte déjà largement amélioré par les commissions et les groupes politiques dont nous allons débattre. Nos armées l'attendent, car elles en ont besoin. Ne différons pas le débat et le travail parlementaire sur ce texte essentiel, dans un contexte géopolitique si différent de ce qu'il était en 2018, lorsque nous avions adopté la précédente LPM.
Je demande donc le rejet de cette question préalable. §
Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.
Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à cette motion, dont l'adoption aurait pour effet d'empêcher tout débat.
Si j'en crois ce qui a été dit à de nombreuses reprises en commission, à l'Assemblée nationale ou dans la presse, la démocratie représentative a besoin de s'emparer du sujet de notre modèle de sécurité collective.
Nos désaccords sur la dissuasion nucléaire, nos alliances, les coopérations industrielles ou le modèle économique de nos industries feront justement l'objet du débat, monsieur Laurent.
Adopter cette question préalable, c'est tout simplement mettre au classeur cylindrique – pardonnez-moi cette expression – ce projet de loi de programmation militaire. Malheureusement, nous ne pourrons pas opposer une question préalable aux menaces actuelles pesant sur la nation française !
Nous sommes confrontés à une accélération stratégique, qui remet parfois au goût du jour, malheureusement, les problèmes sécuritaires que nous connaissions au temps de la guerre froide ou les questions liées à la prolifération nucléaire.
Certaines menaces se déploient sous nos yeux et ne sont pas suffisamment évoquées. Je le répète, je remercie les sénateurs du groupe socialiste d'avoir demandé un débat sur l'Afrique, la question du terrorisme devant continuer de nous mobiliser. Nous devrons apporter des réponses à ce problème.
Par ailleurs, nous sommes confrontés à des sauts technologiques, qui s'imposent à nous. Je pense notamment à la militarisation du cyber : on ne peut pas, d'un côté, déplorer les cyberattaques menées contre différents hôpitaux français – il s'agit là de cybercriminalité – et, d'un autre côté, ne pas voir que, demain, le cyber sera évidemment utilisé en matière militaire.
On ne peut pas non plus ne pas voir la militarisation de l'espace, que l'on peut regretter sur le terrain des valeurs, mais qui s'imposera à nous, y compris pour l'ensemble de nos infrastructures civiles. Je pense également à la question des fonds sous-marins ou à la guerre des mines.
Ces sujets n'ont pas fait l'objet de longs débats dans cet hémicycle en 2018. Les technologies nous ont rattrapés, ce qui explique la raison pour laquelle nous examinons ce texte avant le terme de la loi de programmation militaire actuelle. En effet, au-delà de la guerre en Ukraine, un certain nombre d'éléments nous conduisent à solliciter de nouveau la représentation nationale.
Il ne s'agit pas uniquement d'une trajectoire budgétaire ou d'aspects normatifs. Il s'agit de soumettre des orientations politiques nouvelles, pivots, en quelque sorte, de notre modèle d'armée.
En outre, ce texte comprend des mesures qu'on peut qualifier de sociales, en particulier la revalorisation des grilles indiciaires et indemnitaires. Je vois mal comment le Gouvernement aurait pu les insérer en loi de finances, sans passer par une mise à jour a minima de la programmation militaire.
Nous souhaitons donc conduire un débat dans le cadre duquel nous pourrons examiner l'ensemble des amendements, y compris ceux du groupe CRCE. Cela permettra de mieux redessiner nos modèles de sécurité ; nous n'aurons peut-être pas la même perspective, monsieur Laurent, mais nos échanges permettront de nourrir les réflexions de chacun.
Je remercie M. le rapporteur d'avoir dit que jamais une programmation militaire n'avait été autant préparée. Certes, cela ne s'est pas fait comme d'habitude. Au moins, les contributions ont été foisonnantes et les rapports parlementaires ont tous été intégrés dans la réflexion globale.
Pour ma part, je saurai défendre les choix militaires qui ont été retenus dans ce texte, sur proposition des états-majors au Président de la République.
Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter cette question préalable. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois s’est saisie des dispositions du texte relatives au renseignement, à la sécurité des systèmes d’information et à la protection contre les drones malveillants.
Tout d’abord, nous devons nous féliciter que les trois services de renseignement relevant du ministre des armées – la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et la direction du renseignement militaire (DRM) – voient leurs effectifs augmenter et leurs investissements immobiliers et opérationnels être financés. Tel est l’objet premier d’un projet de loi de programmation.
Les dispositions prévues dans le texte du Gouvernement s’inscrivent dans le prolongement des textes antérieurs. La commission des lois les a approuvées, sous réserve de précisions.
Le projet de loi ne comportait aucune disposition visant à renforcer le contrôle des services de renseignement. Or l’équilibre entre l’extension des pouvoirs des services et les instruments de leur contrôle est essentiel pour garantir la conformité de notre régime aux exigences constitutionnelles en matière de protection des libertés et à la jurisprudence européenne.
La commission des lois, tout comme la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et les sénateurs membres de la délégation parlementaire au renseignement (DPR), a souhaité que l’information de celle-ci et le contrôle exercé par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) soient renforcés.
Il s’agit de garantir que, lorsque des sujets d’actualité concernant une action des services de renseignement sont révélés par la presse et admis par le Gouvernement, ils puissent faire l’objet d’un suivi par la DPR. Ce point a donné lieu l’année dernière à une divergence d’interprétation entre la DPR et le Gouvernement, mais depuis, il a fait l’objet d’un arbitrage au plus haut niveau de l’État – nous souhaitons le consacrer dans la loi.
Les ajouts apportés au texte par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées permettent également de renforcer les liens entre la DPR et la CNCTR, en prévoyant la présentation à la délégation d’un bilan annuel des recommandations de la commission, ainsi que son information sur les saisines du procureur de la République dans le cadre du dispositif de lanceur d’alerte.
Enfin, le dernier amendement, devenu l’article 22 quater, tend à permettre l’accès immédiat de la CNCTR aux éléments collectés par les services de renseignement lors de la mise en œuvre des techniques les plus intrusives, dont nous ne contestons pas la légitimité. Je note que le Gouvernement souhaite la suppression de cet article pour des raisons de principe et de calendrier.
En ce qui concerne les principes, il est important que le développement des techniques les plus intrusives s’accompagne d’une amélioration des moyens du contrôle, ce que nous souhaitons assurer par cet article.
En ce qui concerne le calendrier, il est bien sûr nécessaire de prendre en compte les contraintes opérationnelles. Nous pourrons donc y revenir une fois les principes posés. Il n’est pas question de mettre en difficulté nos services – ce serait bien sûr inacceptable –, d’autant plus que nous partageons avec vous les mêmes objectifs en la matière, monsieur le ministre.
Dans la même logique, afin d’éviter l’émiettement du contrôle, nous avons souhaité que la CNCTR puisse donner un avis avant l’adoption des décrets renforçant les pouvoirs de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). Je rappelle que l’Anssi n’est pas un service de renseignement, même si ses liens avec eux sont étroits et que la nature de son intervention nécessite un regard informé par leur pratique.
Je terminerai par un mot sur le régime encadrant les échanges d’information entre les services de renseignement français et étrangers. Il s’agit d’un sujet extrêmement sensible, qui va peser sur le cadre légal du renseignement. Aussi, je n’ai pas souhaité qu’il soit intégré dans le texte par voie d’amendement. En revanche, cette situation devra être réglée rapidement. Pour ce faire, la délégation parlementaire au renseignement reste le lieu d’échanges le plus opportun.
En ce qui concerne la sécurité des systèmes d’information, les articles 32 à 35 tendent à renforcer la capacité de l’Anssi à détecter, à identifier et à prévenir les attaques informatiques visant les systèmes d’information des autorités publiques, des opérateurs stratégiques ou de leurs sous-traitants. Ces dispositions vont dans le sens d’une meilleure défense de la France. Aussi, nous y sommes favorables, sous réserve de quelques précisions.
En ce qui concerne le régime de lutte contre les drones malveillants, l’article 27 du projet de loi vise à doter les services de l’État des moyens pour parer sans délai à une menace imminente. Il a paru nécessaire à notre commission de renforcer les garanties en matière de protection du droit de propriété et de liberté d’informer : un amendement a été adopté en ce sens en commission.
Sous réserve des amendements qu’elle a soumis et qui ont été adoptés par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, la commission des lois a considéré que le projet de loi comporte des mesures utiles pour les services de renseignement et pour la sécurité des systèmes d’information. Notre commission a donc émis un avis favorable à l’adoption de ce texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois s’est saisie des dispositions du texte relatives au renseignement, à la sécurité des systèmes d’information et à la protection contre les drones malveillants.
Tout d’abord, nous devons nous féliciter que les trois services de renseignement relevant du ministre des armées – la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et la direction du renseignement militaire (DRM) – voient leurs effectifs augmenter et leurs investissements immobiliers et opérationnels être financés. Tel est l’objet premier d’un projet de loi de programmation.
Les dispositions prévues dans le texte du Gouvernement s’inscrivent dans le prolongement des textes antérieurs. La commission des lois les a approuvées, sous réserve de précisions.
Le projet de loi ne comportait aucune disposition visant à renforcer le contrôle des services de renseignement. Or l’équilibre entre l’extension des pouvoirs des services et les instruments de leur contrôle est essentiel pour garantir la conformité de notre régime aux exigences constitutionnelles en matière de protection des libertés et à la jurisprudence européenne.
La commission des lois, tout comme la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et les sénateurs membres de la DPR, a souhaité que l’information de celle-ci et le contrôle exercé par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) soient renforcés.
Il s’agit de garantir que, lorsque des sujets d’actualité concernant une action des services de renseignement sont révélés par la presse et admis par le Gouvernement, ils puissent faire l’objet d’un suivi par la DPR. Ce point a donné lieu l’année dernière à une divergence d’interprétation entre la DPR et le Gouvernement, mais, depuis, il a fait l’objet d’un arbitrage au plus haut niveau de l’État – nous souhaitons le consacrer dans la loi.
Les ajouts apportés au texte par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées permettent également de renforcer les liens entre la DPR et la CNCTR, en prévoyant la présentation à la délégation d’un bilan annuel des recommandations de la commission, ainsi que son information sur les saisines du procureur de la République dans le cadre du dispositif de lanceur d’alerte.
Enfin, le dernier amendement, devenu l’article 22 quater, tend à permettre l’accès immédiat de la CNCTR aux éléments collectés par les services de renseignement lors de la mise en œuvre des techniques les plus intrusives, dont nous ne contestons pas la légitimité. Je note que le Gouvernement souhaite la suppression de cet article pour des raisons de principe et de calendrier.
En ce qui concerne les principes, il est important que le développement des techniques les plus intrusives s’accompagne d’une amélioration des moyens du contrôle, ce que nous souhaitons assurer par cet article.
En ce qui concerne le calendrier, il est bien sûr nécessaire de prendre en compte les contraintes opérationnelles. Nous pourrons donc y revenir une fois les principes posés. Il n’est pas question de mettre en difficulté nos services – ce serait bien sûr inacceptable –, d’autant plus que nous partageons avec vous les mêmes objectifs en la matière, monsieur le ministre.
Dans la même logique, afin d’éviter l’émiettement du contrôle, nous avons souhaité que la CNCTR puisse donner un avis avant l’adoption des décrets renforçant les pouvoirs de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). Je rappelle que l’Anssi n’est pas un service de renseignement, même si ses liens avec eux sont étroits et que la nature de son intervention nécessite un regard informé par leur pratique.
Je terminerai par un mot sur le régime encadrant les échanges d’information entre les services de renseignement français et étrangers. Il s’agit d’un sujet extrêmement sensible, qui va peser sur le cadre légal du renseignement. Aussi, je n’ai pas souhaité qu’il soit intégré dans le texte par voie d’amendement. En revanche, cette situation devra être réglée rapidement. Pour ce faire, la délégation parlementaire au renseignement reste le lieu d’échanges le plus opportun.
En ce qui concerne la sécurité des systèmes d’information, les articles 32 à 35 tendent à renforcer la capacité de l’Anssi à détecter, à identifier et à prévenir les attaques informatiques visant les systèmes d’information des autorités publiques, des opérateurs stratégiques ou de leurs sous-traitants. Ces dispositions vont dans le sens d’une meilleure défense de la France. Aussi y sommes-nous favorables, sous réserve de quelques précisions.
En ce qui concerne le régime de lutte contre les drones malveillants, l’article 27 du projet de loi vise à doter les services de l’État des moyens pour parer sans délai à une menace imminente. Il a paru nécessaire à notre commission de renforcer les garanties en matière de protection du droit de propriété et de liberté d’informer : un amendement a été adopté en ce sens en commission.
Sous réserve des amendements qu’elle a soumis et qui ont été adoptés par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, la commission des lois a considéré que le projet de loi comportait des mesures utiles pour les services de renseignement et pour la sécurité des systèmes d’information. Notre commission a donc émis un avis favorable à l’adoption de ce texte.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, RDSE et SER.
Le groupe RDPI voudrait mettre en exergue un certain nombre d'éléments justifiant son opposition à cette motion.
Alors qu'une immaturité du texte a été mise en avant, je veux rappeler que celui-ci a été élaboré sous l'autorité du Président de la République, chef des armées, dans la concertation et en étroite relation avec les militaires, la direction générale de l'armement et les directions de nombreux ministères en raison de sa transversalité.
Il a aussi été préparé très en amont – je tiens ici à saluer votre démarche, monsieur le ministre – avec les deux chambres du Parlement et, plus généralement, les acteurs du monde de la défense.
Ce texte tend aussi à répondre à un enjeu fort de sécurité et de souveraineté. Nous avons la conviction que les menaces pesant sur la nation n'ont jamais été aussi protéiformes. Elles placent la France face à des défis majeurs l'obligeant à anticiper et à prévoir.
Ce projet de loi de programmation militaire nous oblige à bien des égards. Personnellement, je retiendrai deux points qu'il me semble particulièrement important de souligner.
Tout d'abord, cette loi de programmation se mettra en place de manière cohérente pour un certain nombre d'années. La programmation est « le geste stratégique par excellence », indiquait dernièrement le Président de la République à Mont-de-Marsan. Je crois qu'aucune politique sérieuse ne peut se passer de vision à long terme. Il faut voir loin, et les enjeux et défis d'aujourd'hui justifient amplement les efforts qu'il nous faut mener demain.
Ensuite, ce texte nous oblige au regard des sommes engagées : 413 milliards d'euros – ce n'est pas rien ! Et si ce chiffre peut parfois être critiqué et discuté, chacun s'accorde à dire qu'il ne s'agit pas de dépenses passives. Il faut rééquiper et moderniser nos armées, leur donner les capacités de nous défendre et d'agir dans des champs hybrides – espace, fonds marins, cyber ou encore monde informationnel.
Pour ces différentes raisons, notre groupe votera contre la motion tendant à opposer la question préalable. §
Question préalable
La motion n'est pas adoptée.
Je suis saisi, par M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 37 rectifiée.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024-2030 (n° 740, 2022-2023).
La parole est à M. Pierre Laurent, pour la motion.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au travers de cette question préalable, le groupe CRCE souhaite poser à notre Haute Assemblée une question simple : est-il vraiment sérieux de débattre dans ces conditions d’un projet de loi de programmation militaire d’un montant exceptionnel de 413 milliards d’euros ?
Son ampleur, le tournant stratégique qu’il opère, son poids énorme en comparaison de tous les autres budgets de la nation pour le climat, la réindustrialisation, le logement, la santé, l’éducation, tout appelait à ce qu’il fasse l’objet d’un large débat avec la nation. Le terme initial de l’actuelle LPM en 2025 le permettait.
Monsieur le ministre, le 22 mai dernier à l’Assemblée nationale, vous avez vous-même déclaré que ce projet de LPM est « un défi aussi important que celui qu’ont dû relever les gaullistes dans les années 1960 ». C’est vrai, mais il y a une différence de taille : le général de Gaulle faisait alors le choix de construire l’indépendance de notre défense, tandis que vous faites aujourd’hui celui de l’« otanisation » et celui de la guerre.
Le débat démocratique à propos de vos choix n’en était donc que plus impérieux, mais vous en avez décidé autrement. Le Président de la République a confisqué l’évaluation stratégique, préalable nécessaire à tout projet de LPM. Il l’a réduite à l’écriture, en cercle restreint, d’une revue nationale stratégique.
Jusqu’à présent, sous la Ve République, les grands tournants de la stratégie militaire française avaient pourtant tous été pris à la suite de la publication de Livres blancs.
Je ne vous apprendrai pas que les communistes, constants et cohérents, attachés à une défense nationale indépendante, ont souvent fait valoir des désaccords absolus avec les orientations de ces Livres blancs. Mais ces documents avaient au moins le mérite de permettre un débat stratégique d’ampleur, animé par une commission dédiée, associant pendant une année entière la représentation parlementaire, les grandes administrations de l’État et les hiérarchies militaires.
Aujourd’hui, plus rien, si ce n’est une consultation confinant à la parodie, avec un questionnaire remis aux commissions parlementaires douze jours avant le discours de Mont-de-Marsan ! Voilà la tare originelle de ce projet de LPM. Il porte la marque d’un grave défaut de conception démocratique.
Dans le cadre de l’examen de cette motion tendant à opposer la question préalable, je m’en tiendrai à trois critiques majeures.
Je veux tenter de vous convaincre, mes chers collègues, de la nécessité de reprendre le débat sur de nouvelles bases, car une autre politique de défense est possible pour notre pays. Ce projet de LPM nous éloigne des objectifs de défense de la nation, au profit du choix de la guerre, en l’occurrence la guerre projetée hors de nos frontières.
« Avoir une guerre d’avance », tel est votre nouveau mantra. Derrière le panache apparent de cette formule se cache un profond défaitisme, un choix dangereux pour la sécurité collective. C’est nous dire que la paix n’est plus une option et qu’il faut prendre place dans la grande dérive militariste mondiale.
C’est oublier toutes les leçons du XXe siècle. La militarisation et le surarmement, singulièrement en Europe, ont toujours préparé la guerre et bien pire encore ; jamais la paix !
C’est oublier toutes les leçons des trente dernières années. Après la chute du mur, le monde n’a pas été en paix. L’Occident a usé de sa puissance pour multiplier les guerres : dans le Golfe, en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak, en Libye, au Sahel… Pour quels résultats ? Le chaos, l’insécurité, la déstabilisation durable des États et la militarisation des sociétés ; jamais la paix !
C’est oublier que la guerre affame les peuples et nourrit les fauteurs de guerre. Dans ce chaos prolifèrent monstres et entrepreneurs de violence – terroristes, milices et sociétés paramilitaires privées –, trafics de drogue et d’armes, traite des êtres humains, nationalismes guerriers et impérialismes régionaux, extrêmes droites et radicalismes religieux… Le surarmement nourrit la guerre ; il ne la désarme jamais !
Les arsenaux nucléaires prolifèrent à nouveau. Le réarmement naval est à un niveau inédit depuis 1945. Les budgets militaires explosent, en Europe comme au Moyen-Orient et en Asie.
Face à la Chine, les États-Unis veulent entraîner tous leurs alliés dans un dangereux continuum compétition économique-guerre militaire. La Russie s’enfonce dans une guerre en Ukraine aux coûts humains, économiques et militaires astronomiques, aux conséquences imprévisibles pour l’Europe et pour elle-même, comme vient de le révéler l’incroyable épisode de la rébellion Wagner.
Quand allons-nous nous réveiller ? Quand allons-nous cesser cette insupportable banalisation de la guerre ? Pour notre part, nous appelons toutes les consciences libres à s’insurger contre cette folie, car d’autres chemins sont possibles pour le monde.
Vous allez me rétorquer que nous sommes naïfs, que la menace est partout, que la guerre en Ukraine désigne l’ennemi et qu’il faut bien riposter, se réarmer dans tous les domaines.
Oui, le monde a effectivement changé. Oui, les menaces sont nombreuses. Mais vous vous trompez sur le diagnostic de ces bouleversements et sur les moyens de conjurer les menaces. Vous vous trompez d’époque ! La guerre de Poutine en Ukraine est non pas le symptôme du retour des blocs d’hier, mais un signe de plus de la décivilisation du monde qu’entraînent la militarisation des relations internationales et l’affrontement de plus en plus violent des logiques de puissance.
Le chaos mondial est paradoxalement le résultat d’un monde plus interdépendant, mais pourtant toujours plus inégal. Pour relever les grands défis mondiaux, tout appelle le partage, mais les plus riches le refusent. La loi du plus fort et la puissance militaire ne régleront plus les problèmes, bien au contraire.
Faut-il alors suivre les États-Unis, ou tout autre d’ailleurs, dans l’escalade militaire ? Faut-il les suivre quand ils cherchent à déstabiliser toute puissance émergente pour maintenir coûte que coûte leur leadership planétaire ? Est-ce la voie que la France doit suivre ?
Je ne le crois pas, et c’est la deuxième conviction que je veux partager avec vous. La stratégie d’alignement derrière les États-Unis et le bloc occidental que poursuit de facto ce projet de LPM est dangereuse pour notre pays, pour l’Europe et pour la paix mondiale.
Les paradoxes apparents du projet de LPM, soulignés au cours des débats de la commission des affaires étrangères du Sénat, n’en sont pas ! Dans tous les domaines – dissuasion nucléaire, porte-avions, espace, fonds marins –, les dispositions de cette programmation courent après la sophistication militaire, au risque d’en perdre notre boussole et la mesure de nos moyens réels.
Et tout cela au titre de la perspective d’une guerre de haute intensité, uniquement entendue comme la capacité de projection de nos armées dans des opérations militaires de l’Otan hors de nos frontières. L’intégralité du vocabulaire du concept stratégique de l’Otan, révisé à Madrid, est recyclée dans ce projet de LPM.
L’« otanisation » complète de l’Europe est en cours. Elle met à bas toute velléité d’autonomie stratégique européenne. Elle finance en premier lieu les industries américaines de l’armement.
Le bloc atlantiste n’offre qu’une cohérence de façade. Il est incapable d’enrayer les velléités bellicistes et expansionnistes de certains de ses membres. La Turquie d’Erdogan, à l’opportunisme géopolitique décomplexé, en est l’exemple le plus criant. Et que dire de nos alliés des monarchies du Golfe ? Que dire, en Europe même, de la Hongrie, de la Pologne, de l’Italie, où s’accroît le poids des partis d’extrême droite racistes et militaristes ?
Pour notre part, nous vous proposons de remettre le projet de LPM en chantier, car ses dispositions se trompent de cible sur le monde à construire. Vous sautez comme des cabris en disant « La guerre, la guerre, la guerre ! », mais vous ne voyez pas le nouveau monde qui s’avance.
Quand accepterez-vous d’entendre qu’une majorité de peuples du monde ne veut plus avoir à s’affilier à telle ou telle superpuissance ? Les peuples aspirent à maîtriser leur destin, à disposer d’une souveraineté pleine et entière, à décider librement de leurs alliances et coopérations. Vous restez accrochés à vos vieux schémas : hors de l’Otan, vous ne voyez que la main de Moscou ou de Pékin, alors que tant de pays cherchent en fait de nouveaux partenariats, plus équilibrés.
Comment pouvez-vous ignorer que les insécurités sanitaires, alimentaires, énergétiques et climatiques, ainsi que l’absence de partage réel de la gouvernance politique de la mondialisation sont au cœur de tous les conflits, et par conséquent à la racine de toutes les guerres ?
Entendez le constat lucide du secrétaire général des Nations unies : « Si nous ne nourrissons pas les gens, nous nourrissons les conflits. »
Vous persistez ad nauseam à recourir à des mécanismes qui ont échoué à construire la paix. Vingt ans de « guerre au terrorisme » s’achèvent par le départ des troupes américaines d’Afghanistan. En proie à la famine, ce pays, sous domination des talibans, est devenu un narco-État pour financer la guerre. Dix ans de Barkhane au Sahel n’ont ni éteint le djihadisme ni permis le développement de la région.
Il est temps de changer de paradigme. L’agenda pour la paix et la sécurité collective, c’est la construction d’une sécurité humaine globale, répondant aux besoins vitaux des populations, leur permettant de cohabiter en paix, dans la durée et autour de perspectives de développement !
La France dispose encore d’une voix écoutée dans le monde. Utilisons-la pour relancer tous les processus multilatéraux de désarmement, tant pour le conventionnel que pour le nucléaire ! Utilisons-la pour clamer le droit à la paix, ce mot que certains voudraient aujourd’hui tabou !
Jamais nous ne nous rallierons à cette affirmation absurde selon laquelle est désormais dépassé le temps des « dividendes de la paix ». Non seulement la paix n’a pas de prix, mais elle est et restera le seul horizon raisonnable pour l’humanité.
C’est pourquoi, constants et cohérents, nous serons animés, tout au long des débats, par une double conviction : garantir à notre pays une défense souveraine et solide et agir pour que grandissent partout des coalitions de la paix.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au travers de cette question préalable, le groupe CRCE souhaite poser à la Haute Assemblée une question simple : est-il vraiment sérieux de débattre dans ces conditions d’un projet de loi de programmation militaire d’un montant exceptionnel de 413 milliards d’euros ?
Son ampleur, le tournant stratégique qu’il opère, son poids énorme en comparaison de tous les autres budgets de la Nation pour le climat, la réindustrialisation, le logement, la santé, l’éducation, tout appelait à ce qu’il fasse l’objet d’un large débat avec la nation. Le terme initial de l’actuelle LPM, 2025, le permettait.
Monsieur le ministre, le 22 mai dernier, à l’Assemblée nationale, vous avez vous-même déclaré que ce projet de LPM était « un défi aussi important que celui qu’ont dû relever les gaullistes dans les années 1960 ». C’est vrai, mais il y a une différence de taille : le général de Gaulle faisait alors le choix de construire l’indépendance de notre défense, tandis que vous faites aujourd’hui celui de l’« otanisation » et celui de la guerre.
Le débat démocratique à propos de vos choix n’en était donc que plus impérieux, mais vous en avez décidé autrement. Le Président de la République a confisqué l’évaluation stratégique, préalable nécessaire à tout projet de LPM. Il l’a réduite à l’écriture, en cercle restreint, d’une revue nationale stratégique.
Jusqu’à présent, sous la Ve République, les grands tournants de la stratégie militaire française avaient pourtant tous été pris à la suite de la publication de Livres blancs.
Je ne vous apprendrai pas que les communistes, constants et cohérents, attachés à une défense nationale indépendante, ont souvent fait valoir des désaccords absolus avec les orientations de ces Livres blancs. Ces documents avaient toutefois au moins le mérite de permettre un débat stratégique d’ampleur, animé par une commission dédiée, associant pendant une année entière la représentation parlementaire, les grandes administrations de l’État et les hiérarchies militaires.
Aujourd’hui, plus rien, si ce n’est une consultation confinant à la parodie, avec un questionnaire remis aux commissions parlementaires douze jours avant le discours de Mont-de-Marsan ! Voilà la tare originelle de ce projet de LPM. Il porte la marque d’un grave défaut de conception démocratique.
Dans le cadre de l’examen de cette motion tendant à opposer la question préalable, je m’en tiendrai à trois critiques majeures.
Je veux tenter de vous convaincre, mes chers collègues, de la nécessité de reprendre le débat sur de nouvelles bases, car une autre politique de défense est possible pour notre pays. Ce projet de LPM nous éloigne des objectifs de défense de la nation, au profit du choix de la guerre, en l’occurrence la guerre projetée hors de nos frontières.
« Avoir une guerre d’avance », tel est votre nouveau mantra. Derrière le panache apparent de cette formule se cache un profond défaitisme, un choix dangereux pour la sécurité collective. C’est nous dire que la paix n’est plus une option et qu’il faut prendre place dans la grande dérive militariste mondiale.
C’est oublier toutes les leçons du XXe siècle. La militarisation et le surarmement, singulièrement en Europe, ont toujours préparé la guerre et bien pire encore – jamais la paix !
C’est oublier toutes les leçons des trente dernières années. Après la chute du mur, le monde n’a pas été en paix. L’Occident a usé de sa puissance pour multiplier les guerres : dans le Golfe, en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak, en Libye, au Sahel… Pour quels résultats ? Le chaos, l’insécurité, la déstabilisation durable des États et la militarisation des sociétés – jamais la paix !
C’est oublier que la guerre affame les peuples et nourrit les fauteurs de guerre. Dans ce chaos prolifèrent monstres et entrepreneurs de violence – terroristes, milices et sociétés paramilitaires privées –, trafics de drogue et d’armes, traite des êtres humains, nationalismes guerriers et impérialismes régionaux, extrêmes droites et radicalismes religieux… Le surarmement nourrit la guerre ; il ne la désarme jamais !
Les arsenaux nucléaires prolifèrent à nouveau. Le réarmement naval est à un niveau inédit depuis 1945. Les budgets militaires explosent, en Europe comme au Moyen-Orient et en Asie.
Face à la Chine, les États-Unis veulent entraîner tous leurs alliés dans un dangereux continuum compétition économique-guerre militaire. La Russie s’enfonce dans une guerre en Ukraine aux coûts humain, économique et militaire astronomiques, aux conséquences imprévisibles pour l’Europe et pour elle-même, comme vient de le révéler l’incroyable épisode de la rébellion Wagner.
Quand allons-nous nous réveiller ? Quand allons-nous cesser cette insupportable banalisation de la guerre ? Pour notre part, nous appelons toutes les consciences libres à s’insurger contre cette folie, car d’autres chemins sont possibles pour le monde.
Vous allez me rétorquer que nous sommes naïfs, que la menace est partout, que la guerre en Ukraine désigne l’ennemi et qu’il faut bien riposter, se réarmer dans tous les domaines.
Oui, le monde a en effet changé. Oui, les menaces sont nombreuses. Mais vous vous trompez sur le diagnostic de ces bouleversements et sur les moyens de conjurer les menaces. Vous vous trompez d’époque ! La guerre de Poutine en Ukraine est non pas le symptôme du retour des blocs d’hier, mais un signe de plus de la décivilisation du monde qu’entraînent la militarisation des relations internationales et l’affrontement de plus en plus violent des logiques de puissance.
Le chaos mondial est paradoxalement le résultat d’un monde plus interdépendant, mais pourtant toujours plus inégal. Pour relever les grands défis mondiaux, tout appelle le partage, mais les plus riches le refusent. La loi du plus fort et la puissance militaire ne régleront plus les problèmes, bien au contraire.
Faut-il alors suivre les États-Unis, ou tout autre d’ailleurs, dans l’escalade militaire ? Faut-il les suivre quand ils cherchent à déstabiliser toute puissance émergente pour maintenir coûte que coûte leur leadership planétaire ? Est-ce la voie que la France doit suivre ?
Je ne le crois pas, et c’est la deuxième conviction que je veux partager avec vous. La stratégie d’alignement derrière les États-Unis et le bloc occidental que poursuit de facto ce projet de LPM est dangereuse pour notre pays, pour l’Europe et pour la paix mondiale.
Les paradoxes apparents du projet de LPM, soulignés au cours des débats de la commission des affaires étrangères du Sénat, n’en sont pas ! Dans tous les domaines – dissuasion nucléaire, porte-avions, espace, fonds marins –, les dispositions de cette programmation courent après la sophistication militaire, au risque d’en perdre notre boussole et la mesure de nos moyens réels.
Et tout cela au titre de la perspective d’une guerre de haute intensité, uniquement entendue comme la capacité de projection de nos armées dans des opérations militaires de l’Otan hors de nos frontières. L’intégralité du vocabulaire du concept stratégique de l’Otan, révisé à Madrid, est recyclée dans ce projet de LPM.
L’« otanisation » complète de l’Europe est en cours. Elle met à bas toute velléité d’autonomie stratégique européenne. Elle finance en premier lieu les industries américaines de l’armement.
Le bloc atlantiste n’offre qu’une cohérence de façade. Il est incapable d’enrayer les velléités bellicistes et expansionnistes de certains de ses membres. La Turquie d’Erdogan, à l’opportunisme géopolitique décomplexé, en est l’exemple le plus criant. Et que dire de nos alliés des monarchies du Golfe ? Que dire, en Europe même, de la Hongrie, de la Pologne, de l’Italie, où s’accroît le poids des partis d’extrême droite racistes et militaristes ?
Pour notre part, nous vous proposons de remettre le projet de LPM en chantier, car ses dispositions se trompent de cible sur le monde à construire. Vous sautez comme des cabris en disant « La guerre, la guerre, la guerre ! », mais vous ne voyez pas le nouveau monde qui s’avance.
Quand accepterez-vous d’entendre qu’une majorité de peuples du monde ne veulent plus avoir à s’affilier à telle ou telle superpuissance ? Les peuples aspirent à maîtriser leur destin, à disposer d’une souveraineté pleine et entière, à décider librement de leurs alliances et coopérations. Vous restez accrochés à vos vieux schémas : hors de l’Otan, vous ne voyez que la main de Moscou ou de Pékin, alors que tant de pays cherchent en fait de nouveaux partenariats, plus équilibrés.
Comment pouvez-vous ignorer que les insécurités sanitaire, alimentaire, énergétique et climatique, ainsi que l’absence de partage réel de la gouvernance politique de la mondialisation sont au cœur de tous les conflits et, par conséquent, à la racine de toutes les guerres ?
Entendez le constat lucide du secrétaire général des Nations unies : « Si nous ne nourrissons pas les gens, nous nourrissons les conflits. »
Vous persistez ad nauseam à recourir à des mécanismes qui ont échoué à construire la paix. Vingt ans de « guerre au terrorisme » s’achèvent par le départ des troupes américaines d’Afghanistan. En proie à la famine, ce pays, sous domination des talibans, est devenu un narco-État pour financer la guerre. Dix ans de Barkhane au Sahel n’ont ni éteint le djihadisme ni permis le développement de la région.
Il est temps de changer de paradigme. L’agenda pour la paix et la sécurité collective, c’est la construction d’une sécurité humaine globale, répondant aux besoins vitaux des populations, leur permettant de cohabiter en paix, dans la durée et autour de perspectives de développement !
La France dispose encore d’une voix écoutée dans le monde. Utilisons-la pour relancer tous les processus multilatéraux de désarmement, tant pour le conventionnel que pour le nucléaire ! Utilisons-la pour clamer le droit à la paix, ce mot que certains voudraient aujourd’hui tabou !
Jamais nous ne nous rallierons à cette affirmation absurde selon laquelle est désormais dépassé le temps des « dividendes de la paix ». Non seulement la paix n’a pas de prix, mais elle est et restera le seul horizon raisonnable pour l’humanité.
C’est pourquoi, constants et cohérents, nous serons animés, tout au long des débats, par une double conviction : garantir à notre pays une défense souveraine et solide et agir pour que grandissent partout des coalitions de la paix.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner le projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030.
Permettez-moi tout d'abord de saluer l'engagement et le professionnalisme des femmes et des hommes qui composent nos forces armées et mettent leur vie en péril pour défendre notre pays et nos intérêts vitaux.
Je tenterai de résumer mon propos en trois points. Je rappellerai d'abord le contexte, puis j'évoquerai le contenu de ce texte et, enfin, le travail réalisé par le Sénat.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure le fait que les lois de programmation militaire couvrent non seulement un temps long – certains programmes sont lancés pour trente, quarante ou cinquante ans –, mais aussi un temps court – parfois, d'une élection présidentielle à une autre, il faut revoir la programmation militaire.
À cet égard, permettez-moi de revenir sur quelques dates témoignant, au cours des trente dernières années, des changements du monde.
Nombreux sont ceux, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, à évoquer les « dividendes de la paix » : quand le mur de Berlin est tombé le 9 novembre 1989, chacun a pu légitimement penser qu'un nouveau temps, celui de la démocratie, pouvait s'ouvrir – il existait même une théorie sur la fin de l'histoire…
Quant aux attentats du 11 septembre 2001, ils ont gravement perturbé le monde, plaçant sur le devant de la scène la question du terrorisme. D'autres attentats ont suivi, en Europe et dans le monde occidental. Cette menace touche aussi directement l'Afrique et elle continue de perturber l'équilibre du monde. L'opération Barkhane en a découlé et nous nous posons maintenant la question du redéploiement de nos bases.
Je veux aussi évoquer le 15 août 2021, jour du départ des troupes américaines de Kaboul. Cet événement soulève la question, un peu passée sous les radars, me semble-t-il, du positionnement des Américains, dont la volonté oscille entre être présents dans le monde et rester à l'intérieur de leurs frontières.
Autre date, le 24 février 2022 marque le début de la guerre en Ukraine. Pour la première fois, un pays doté de l'arme nucléaire décide de faire franchir ses frontières à ses forces armées et de semer le doute et le chaos, provoquant les conséquences que nous connaissons.
Si on se tourne vers l'avenir, je pense à l'année 2049, année du centenaire de la République populaire de Chine. Chacun a pu entendre les déclarations du président de ce pays, également premier secrétaire du parti communiste chinois et responsable des forces armées, selon lesquelles, avant 2049, Taïwan aura intégré la RPC. Cela soulève évidemment beaucoup de questions.
L'évocation de ces quelques dates permet de mettre en perspective l'évolution du contexte et je crois qu'un travail pédagogique doit être fait sur la réalité du monde d'aujourd'hui. De ce point de vue, je comprends qu'il soit nécessaire de revoir notre loi de programmation militaire.
Et encore ! Je n'ai pas évoqué la question des relations entre ces empires contrariés – la Chine et la Russie. Je vous le rappelle, depuis plusieurs années, les rencontres entre les dirigeants de ces deux pays sont régulières et nombreuses, comme on peut d'ailleurs le constater depuis le début de la guerre en Ukraine.
Je veux aussi évoquer, parmi les empires contrariés, la Turquie, qui a la volonté de pousser ses propres pions, en Libye ou ailleurs, comme on peut déjà le constater à la suite de la récente réélection – malheureusement ! – de son président.
La donne a également beaucoup changé dans le contexte de la guerre en Ukraine, pays envahi par un de ses voisins qui est doté de l'arme nucléaire et qui menace régulièrement de s'en servir. Nous devons donc mener une réflexion sur les conflits de haute intensité comme sur nos capacités, notamment en termes d'armement.
Pour ce qui concerne l'Indo-Pacifique, plusieurs questions se posent pour notre pays, y compris sur notre présence elle-même – il suffit de regarder les résultats électoraux en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.
Par ailleurs, nous observons, dans cette zone, la volonté de la Chine de pousser ses pions, par exemple en accroissant sa flotte, qui ne représente aujourd'hui que la moitié de la flotte américaine, mais qui se développe.
Se pose ainsi la question du rôle de la France, seule puissance européenne présente en Indo-Pacifique, ainsi que de sa capacité non pas à porter le fer contre la Chine, mais à protéger ses territoires et sa zone économique exclusive, la plus vaste du monde. Nous souhaitons que ce projet de loi de programmation miliaire réponde à ces enjeux.
J'ajoute un mot sur le continent africain, bien souvent oublié, où se déploient aussi les puissances chinoise et russe. Un orateur a évoqué le groupe Wagner et les événements des derniers jours. Or cette milice est présente dans un certain nombre de pays africains ; elle spolie et martyrise les populations et elle capte à son profit les minerais du sous-sol.
La question de notre propre présence en Afrique est posée. Ce texte est le premier à voir le jour après la fin de l'opération Barkhane, ce qui n'est pas neutre. Je pense notamment à l'annonce d'un redéploiement de nos bases.
Ne voulant pas être trop long, je n'évoquerai pas la prolifération nucléaire. Toutefois, je veux dire un mot de ce qu'on appelle le Sud global.
Nombre des pays de ce Sud global ont décidé de ne pas condamner aux Nations unies l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Ils souhaitent changer les normes, dénonçant des règles occidentales trop prégnantes. Ils travaillent également sur l'idée de créer une nouvelle monnaie. Ainsi, la question de la puissance occidentale est, désormais, largement posée.
J'en viens maintenant à ce projet de loi de programmation militaire, le quinzième du genre. Monsieur le ministre, vous citez souvent le général de Gaulle, …
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.
Il me semble utile de resituer dans son contexte cette motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de programmation militaire.
Il y a un an, à la fin du printemps 2022, le Président de la République a estimé que l’agression de l’Ukraine par la Russie était un événement d’une telle ampleur géopolitique qu’elle imposait d’arrêter prématurément la LPM 2019-2025 pour adopter une nouvelle programmation militaire.
Chacun pourra penser ce qu’il veut de cette décision. Certains disaient : puisque la LPM précédente prévoit déjà des marches d’augmentation des crédits de 3 milliards d’euros, allons au bout de ce texte et nous ferons une nouvelle LPM en 2025, lorsqu’on nous aurons une vision plus claire de la situation nouvelle.
Le projet de loi a été déposé, après une revue stratégique qui n’a convaincu ni par sa méthode, ni par ses groupes de travail préparatoires aux contours mal définis, ni par son calendrier, jugé précipité et trop resserré pour permettre un travail approfondi.
Cette revue n’a pas non plus convaincu par ses conclusions succinctes, qui n’abordent pas la question fondamentale : quel modèle d’armée voulons-nous pour les années qui viennent ? Ou, pour dire les choses en termes plus politiques et moins militaires, quelle est notre ambition pour la France dans un monde de plus en plus instable et dangereux et quels moyens dégageons-nous ?
Ces constats amènent le groupe CRCE à déposer une motion tendant à opposer la question préalable. La commission appelle le Sénat à ne pas la voter, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, nos concitoyens s’attendent légitimement, alors que la guerre frappe de nouveau le sol européen, à ce que nous débattions sereinement des moyens mis à la disposition de nos forces armées.
Ensuite, nos armées attendent des adaptations nécessaires pour se préparer à la haute intensité et à l’hypothèse d’engagements majeurs.
Nos industriels ont besoin de la visibilité requise par l’émergence de la notion d’économie de guerre, introduite par le projet de loi.
Enfin, nos alliés et partenaires, mais aussi nos compétiteurs et nos adversaires, sont attentifs aux signaux que nous enverrons, en examinant ce projet de loi. Le premier signal sera celui d’un Parlement investi. Ce fut le cas à l’Assemblée nationale, et cela le sera aussi au Sénat.
Je crois que nous pouvons raisonnablement dire que nous n’aurons jamais autant préparé, et aussi en amont, une LPM ! Tout en désapprouvant la méthode proposée par le Gouvernement, le bureau de la commission a choisi de lancer des travaux en vue de publier pas moins de sept rapports d’information : la guerre en Ukraine ; Barkhane et la lutte contre le terrorisme ; chacun des cinq programmes budgétaires de la mission « Défense ». Je voudrais ici rendre hommage à toutes nos collègues qui ont enrichi la réflexion de la commission par ces rapports riches et fouillés.
En tant que président de la commission, je suis fier des conditions dans lesquelles a été mené ce travail colossal. Je suis tout aussi fier de la manière dans laquelle ces travaux se sont déroulés, faite du respect de chacun et d’un esprit républicain qui a associé tous les groupes politiques. Je pense que cet esprit de responsabilité et ce consensus républicain autour d’un socle de valeurs partagées, au-delà de nos sensibilités politiques, sont la marque de fabrique du Sénat et contribuent à son rayonnement.
Nous sommes donc prêts, et nous avons débuté en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées le travail d’examen du projet de LPM le 14 juin dernier. Deux commissions, celle des lois et celle des finances, se sont saisies pour avis.
Nous avons adopté 171 amendements pour établir le texte de la commission, dont d’ailleurs 11 amendements du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
C’est donc un texte déjà largement amélioré par les commissions et les groupes politiques dont nous allons débattre. Nos armées l’attendent, car elles en ont besoin. Ne différons pas le débat et le travail parlementaire sur ce texte essentiel, dans un contexte géopolitique si différent de ce qu’il était en 2018, lorsque nous avions adopté la précédente LPM.
Je demande donc le rejet de cette question préalable.
Il me semble utile de resituer dans son contexte cette motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de programmation militaire.
Il y a un an, à la fin du printemps 2022, le Président de la République a estimé que l’agression de l’Ukraine par la Russie était un événement d’une ampleur géopolitique telle qu’elle imposait d’arrêter prématurément la LPM 2019-2025 pour adopter une nouvelle programmation militaire.
Chacun pourra penser ce qu’il veut de cette décision. Certains disaient : puisque la LPM précédente prévoit déjà des marches d’augmentation des crédits de 3 milliards d’euros, allons au bout de ce texte et nous ferons une nouvelle LPM en 2025, lorsque nous aurons une vision plus claire de la situation nouvelle.
Le projet de loi a été déposé, après une revue stratégique qui n’a convaincu ni par sa méthode, ni par ses groupes de travail préparatoires aux contours mal définis, ni par son calendrier, jugé précipité et trop resserré pour permettre un travail approfondi.
Cette revue n’a pas non plus convaincu par ses conclusions succinctes, qui n’abordent pas la question fondamentale : quel modèle d’armée voulons-nous pour les années qui viennent ? Ou, pour dire les choses en termes plus politiques et moins militaires, quelle est notre ambition pour la France dans un monde de plus en plus instable et dangereux et quels moyens dégageons-nous ?
Ces constats amènent le groupe CRCE à déposer une motion tendant à opposer la question préalable. La commission appelle le Sénat à ne pas la voter, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, nos concitoyens s’attendent légitimement, alors que la guerre frappe de nouveau le sol européen, à ce que nous débattions sereinement des moyens mis à la disposition de nos forces armées.
Ensuite, nos armées attendent des adaptations nécessaires pour se préparer à la haute intensité et à l’hypothèse d’engagements majeurs.
Nos industriels ont besoin de la visibilité requise par l’émergence de la notion d’économie de guerre, introduite par le projet de loi.
Enfin, nos alliés et partenaires, mais aussi nos compétiteurs et nos adversaires, sont attentifs aux signaux que nous enverrons, en examinant ce projet de loi. Le premier signal sera celui d’un Parlement investi. Ce fut le cas à l’Assemblée nationale, cela le sera aussi au Sénat.
Je crois que nous pouvons raisonnablement dire que nous n’aurons jamais autant préparé, et aussi en amont, une LPM ! Tout en désapprouvant la méthode proposée par le Gouvernement, le bureau de la commission a choisi de lancer des travaux en vue de publier pas moins de sept rapports : la guerre en Ukraine ; Barkhane et la lutte contre le terrorisme ; chacun des cinq programmes budgétaires de la mission « Défense ». Je voudrais ici rendre hommage à toutes nos collègues qui ont enrichi la réflexion de la commission par ces rapports riches et fouillés.
En tant que président de la commission, je suis fier des conditions dans lesquelles a été mené ce travail colossal. Je suis tout aussi fier de la manière dont ces travaux se sont déroulés, faite du respect de chacun et d’un esprit républicain qui a associé tous les groupes politiques. Je pense que cet esprit de responsabilité et ce consensus républicain autour d’un socle de valeurs partagées, au-delà de nos sensibilités politiques sont la marque de fabrique du Sénat et contribuent à son rayonnement.
Nous sommes donc prêts, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a entamé le travail d’examen du projet de LPM le 14 juin dernier. Deux commissions, celle des lois et celle des finances, se sont saisies pour avis.
Nous avons adopté 171 amendements pour établir le texte de la commission, notamment 11 amendements du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
C’est donc un texte déjà largement amélioré par les commissions et les groupes politiques dont nous allons débattre. Nos armées l’attendent, car elles en ont besoin. Ne différons pas le débat et le travail parlementaire sur ce texte essentiel, dans un contexte géopolitique si différent de ce qu’il était en 2018, lorsque nous avons adopté la précédente LPM.
Je demande donc le rejet de cette question préalable.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.
Toutefois, je tiens à rappeler que la logique de la dissuasion nucléaire s'est poursuivie après l'élection, en 1981, de François Mitterrand, lequel considérait que la force de la dissuasion nucléaire reposait sur son lien avec le Président de la République, le reste n'étant que « matières inertes ».
Il est également important de redire que ma famille politique, de François Mitterrand à François Hollande, en passant par Lionel Jospin, a œuvré en faveur de la dissuasion nucléaire et d'une armée à la hauteur des enjeux de la défense de notre territoire.
Comme l'ont indiqué certains de mes collègues, le Sénat est quelque peu chagriné, monsieur le ministre, à cause de l'expérience qu'il a vécue pour l'actuelle loi de programmation militaire. En effet, il a souhaité sa mise à jour, ce qui lui a été refusé.
Par ailleurs, notre assemblée a voulu jouer tout son rôle dans le cadre de la construction de ce nouveau texte, ce qui n'a pas été possible, puisqu'il n'y a pas eu de Livre blanc. Certes, une revue nationale stratégique a été menée, mais sans le Parlement, qui est pourtant chargé du contrôle du Gouvernement et de l'évaluation des politiques publiques.
Je pourrais également évoquer la question financière – les 2 %, les 7 milliards d'euros, les 13 milliards, etc. –, mais je m'arrêterai simplement sur le montage financier.
Si on met de côté les fameux 13 milliards d'euros, il reste 400 milliards de crédits budgétaires. Convenez-en, monsieur le ministre, les années 2024 et 2025 doivent déjà bénéficier de 97 milliards d'euros aux termes de l'actuelle loi de programmation militaire – ils sont, d'une certaine façon, comptés deux fois...
Si l'on y ajoute les 30 milliards d'euros correspondant à l'inflation – je mets de côté, à ce stade, les 100 milliards d'euros de reports de charges –, les besoins de financement sont réels.
Par ailleurs, l'élection présidentielle étant prévue en 2027, le nouveau Président de la République – ce ne sera pas le même qu'aujourd'hui, si nous conservons la rédaction actuelle de la Constitution… – présentera, à n'en pas douter, une nouvelle programmation militaire. En tout cas, vous le savez bien, la facture sera payée par la prochaine majorité !
Soyons honnêtes ! Toute autre majorité souhaiterait également disposer d'une armée complète permettant de mettre en place une dissuasion et des forces conventionnelles, tout en étant tenue par les finances publiques. L'épure serait donc à peu près la même. Dans ces conditions, voulons-nous une armée complète miniature, un bonsaï ?
La question que nous devons nous poser est différente : agissons-nous seuls ou avec des alliés ? Que doit faire la France pour maintenir sa capacité de défense et d'armement ? Quel doit être son rapport à l'Otan ? En l'absence de Livre blanc, il est extrêmement difficile de comprendre les tenants et les aboutissants de la stratégie du Gouvernement de ce point de vue.
Une grande partie du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dans laquelle je me situe, est favorable à une meilleure intégration de la France au sein de l'Otan. Il ne s'agit pas de réduire notre indépendance ou notre capacité à agir ou à décider. Il ne s'agit pas non plus de mettre en partage notre dissuasion nucléaire – bien au contraire !
Ces derniers temps, les Allemands ont joué un rôle pilote pour ce qui concerne la protection antimissile. C'est ce que devrait faire la France ! Et il est dommage qu'un projet de loi de programmation militaire n'évoque pas ce type de sujet. Dans ces conditions, comment pourrions-nous être leaders au sein de l'Otan pour ce qui concerne un certain nombre de grandes questions ?
Nous aurons certainement un débat sur la défense européenne, mais quid de l'Otan ? Pourquoi le projet de loi n'aborde-t-il pas cette question ? Il est vraiment dommage de ne pas pouvoir en débattre et cela rejoint une difficulté intrinsèque de ce texte : l'absence de Livre blanc préparatoire.
Nous devons assumer une politique européenne de défense beaucoup plus forte, en particulier en termes de recherche et développement, de commandes communes ou de projets communs d'armements, points qui ne figurent pas dans ce texte.
J'évoquerai également le contrôle parlementaire, qui a été renforcé par la commission. Sur ce point, nous avons travaillé en parfait accord avec Christian Cambon et l'ensemble de la commission, ce dont je me réjouis.
Nous avons fait adopter un amendement relatif à la mise en place d'une commission chargée de l'élaboration d'un Livre blanc en vue de l'actualisation de la programmation. J'ai bien compris que cela posait parfois problème à certains. Dès lors, appelons-le Livre bleu ! §Il s'agit simplement de permettre au Parlement de travailler. Il n'est pas normal que nous ne connaissions pas le prix d'un porte-avions, alors que nous l'avons demandé à plusieurs reprises, que ce soit au chef d'état-major des armées ou au ministre !
Pour conclure, j'en viens à la position du groupe socialiste sur ce texte. Nous souhaitons, conformément à notre position initiale, bonifier la LPM. C'est ce que nous avons fait, par le biais de nos amendements – je parle sous le contrôle du président de la commission –, en particulier pour ce qui concerne le service national universel (SNU), le contrôle de l'armement ou encore les questions sociales pour les militaires.
Monsieur le ministre, nous avons lu votre interview publiée aujourd'hui dans Le Figaro. C'est vrai, nous avons déposé de nombreux amendements. Nous souhaitons en effet co-construire avec vous la défense nationale, car il y aura une nouvelle majorité en 2027, et nous espérons en être !
Nous souhaitons que le Gouvernement, dans sa sagesse, soutienne un certain nombre de ces amendements, qui visent à bonifier le texte. Notre souhait est également celui de l'ensemble des groupes du Sénat en ce qui concerne leurs propres amendements.
Faisons en sorte que notre pays ait une armée à un niveau adapté et que les hommes et les femmes qui la composent soient fiers de porter nos couleurs ! §
Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à cette motion, dont l’adoption aurait pour effet d’empêcher tout débat.
Si j’en crois ce qui a été dit à de nombreuses reprises en commission, à l’Assemblée nationale ou dans la presse, la démocratie représentative a besoin de s’emparer du sujet de notre modèle de sécurité collective.
Nos désaccords sur la dissuasion nucléaire, nos alliances, les coopérations industrielles ou le modèle économique de nos industries feront justement l’objet du débat, monsieur Laurent.
Adopter cette question préalable, c’est tout simplement mettre au classeur cylindrique – pardonnez-moi cette expression – ce projet de loi de programmation militaire. Malheureusement, nous ne pourrons pas opposer une question préalable aux menaces actuelles pesant sur la nation française !
Nous sommes confrontés à une accélération stratégique, qui remet parfois au goût du jour, malheureusement, les problèmes sécuritaires que nous connaissions au temps de la guerre froide ou les questions liées à la prolifération nucléaire.
Certaines menaces se déploient sous nos yeux et ne sont pas suffisamment évoquées. Je le répète, je remercie les sénateurs du groupe socialiste d’avoir demandé un débat sur l’Afrique, la question du terrorisme devant continuer de nous mobiliser. Nous devrons apporter des réponses à ce problème.
Par ailleurs, nous sommes confrontés à des sauts technologiques, qui s’imposent à nous. Je pense notamment à la militarisation du cyber : on ne peut pas, d’un côté, déplorer les cyberattaques menées contre différents hôpitaux français – il s’agit là de cybercriminalité – et, d’un autre côté, ne pas voir que, demain, le cyber sera évidemment utilisé en matière militaire.
On ne peut pas non plus ne pas voir la militarisation de l’espace, que l’on peut regretter sur le terrain des valeurs, mais qui s’imposera à nous, y compris pour l’ensemble de nos infrastructures civiles. Je pense également à la question des fonds sous-marins ou à la guerre des mines.
Ces sujets n’ont pas fait l’objet de longs débats dans cet hémicycle en 2018. Les technologies nous ont rattrapés, ce qui explique la raison pour laquelle nous examinons ce texte avant le terme de la loi de programmation militaire actuelle. En effet, au-delà de la guerre en Ukraine, un certain nombre d’éléments nous conduisent à solliciter de nouveau la représentation nationale.
Il ne s’agit pas uniquement d’une trajectoire budgétaire ou d’aspects normatifs. Il s’agit de soumettre des orientations politiques nouvelles, pivots, en quelque sorte, de notre modèle d’armée.
En outre, ce texte comprend des mesures qu’on peut qualifier de sociales, en particulier la revalorisation des grilles indiciaires et indemnitaires. Je vois mal comment le Gouvernement aurait pu les insérer en loi de finances, sans passer par une mise à jour a minima de la programmation militaire.
Nous souhaitons donc conduire un débat dans le cadre duquel nous pourrons examiner l’ensemble des amendements, y compris ceux du groupe CRCE. Cela permettra de mieux redessiner nos modèles de sécurité ; nous n’aurons peut-être pas la même perspective, monsieur Laurent, mais nos échanges permettront de nourrir les réflexions de chacun.
Je remercie M. le rapporteur d’avoir dit que jamais une programmation militaire n’avait été autant préparée. Certes, cela ne s’est pas fait comme d’habitude. Au moins, les contributions ont été foisonnantes et les rapports parlementaires ont tous été intégrés dans la réflexion globale.
Pour ma part, je saurai défendre les choix militaires qui ont été retenus dans ce texte, sur proposition des états-majors au Président de la République.
Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter cette question préalable.
Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à cette motion, dont l’adoption aurait pour effet d’empêcher tout débat.
Si j’en crois ce qui a été dit à de nombreuses reprises en commission, à l’Assemblée nationale ou dans la presse, la démocratie représentative a besoin de s’emparer du sujet de notre modèle de sécurité collective.
Nos désaccords sur la dissuasion nucléaire, nos alliances, les coopérations industrielles ou le modèle économique de nos industries feront justement l’objet du débat, monsieur Laurent.
Adopter cette question préalable, c’est tout simplement mettre au classeur cylindrique – pardonnez-moi cette expression – ce projet de loi de programmation militaire. Malheureusement, nous ne pourrons pas opposer une question préalable aux menaces actuelles pesant sur la nation française !
Nous sommes confrontés à une accélération stratégique, qui remet parfois au goût du jour, malheureusement, les problèmes sécuritaires que nous connaissions au temps de la guerre froide ou les questions liées à la prolifération nucléaire.
Certaines menaces se déploient sous nos yeux et ne sont pas suffisamment évoquées. Je le répète, je remercie les sénateurs du groupe socialiste d’avoir demandé un débat sur l’Afrique, la question du terrorisme devant continuer de nous mobiliser. Nous devrons apporter des réponses à ce problème.
Par ailleurs, nous sommes confrontés à des sauts technologiques, qui s’imposent à nous. Je pense notamment à la militarisation du cyber : on ne peut pas, d’un côté, déplorer les cyberattaques menées contre différents hôpitaux français – il s’agit là de cybercriminalité – et, d’un autre côté, ne pas voir que, demain, le cyber sera évidemment utilisé en matière militaire.
On ne peut pas non plus ne pas voir la militarisation de l’espace, que l’on peut regretter sur le terrain des valeurs, mais qui s’imposera à nous, y compris pour l’ensemble de nos infrastructures civiles. Je pense également à la question des fonds sous-marins ou à la guerre des mines.
Ces sujets n’ont pas fait l’objet de longs débats dans cet hémicycle en 2018. Les technologies nous ont rattrapés, ce qui explique pourquoi nous examinons ce texte avant le terme de la loi de programmation militaire actuelle. En effet, au-delà de la guerre en Ukraine, un certain nombre d’éléments nous conduisent à solliciter de nouveau la représentation nationale.
Il ne s’agit pas uniquement d’une trajectoire budgétaire ou d’aspects normatifs. Il s’agit de soumettre des orientations politiques nouvelles, pivots, en quelque sorte, de notre modèle d’armée.
En outre, ce texte comprend des mesures que l’on peut qualifier de sociales, en particulier la revalorisation des grilles indiciaires et indemnitaires. Je vois mal comment le Gouvernement aurait pu les insérer en loi de finances, sans passer par une mise à jour a minima de la programmation militaire.
Nous souhaitons donc conduire un débat dans le cadre duquel nous pourrons examiner l’ensemble des amendements, y compris ceux du groupe CRCE. Cela permettra de mieux redessiner nos modèles de sécurité ; nous n’aurons peut-être pas la même perspective, monsieur Laurent, mais nos échanges permettront de nourrir les réflexions de chacun.
Je remercie M. le rapporteur d’avoir dit que jamais une programmation militaire n’avait été autant préparée. Certes, cela ne s’est pas fait comme d’habitude. Au moins, les contributions ont été foisonnantes et les rapports parlementaires ont tous été intégrés dans la réflexion globale.
Pour ma part, je saurai défendre les choix militaires qui ont été retenus dans ce texte, sur proposition des états-majors au Président de la République.
Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter cette question préalable.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'enjeu de ce projet de loi, qui vise à définir la trajectoire budgétaire de nos armées pour les sept prochaines aimées, est immense.
Malheureusement, ce texte a été décidé à la hâte, deux ans avant la fin de l'actuelle LPM, et ne s'appuie sur aucune orientation stratégique précise, si ce n'est l'idée qu'il faut obligatoirement augmenter les dépenses militaires.
Dans un contexte marqué par des logiques de puissance et, parfois, de remise en cause des principes du droit international, le sujet dont traite ce projet loi aurait dû associer bien plus largement la représentation nationale. Pourtant, une fois de plus, tout a été décidé par un seul homme.
Ainsi, le maintien et la modernisation de nos deux composantes de dissuasion nucléaire sont actés, sans que ces choix aient été préalablement réévalués. Outre l'opacité totale sur les programmes précis liés aux 53, 7 milliards d'euros consacrés aux armes de destruction massive, soit 13 % du budget de la LPM, vous refusez tout débat sur la pertinence stratégique du maintien d'une telle stratégie de dissuasion.
Moderniser de tels systèmes d'armes, c'est engager la France pour des décennies dans une stratégie qui pourrait devenir obsolète en quelques années.
Monsieur le ministre, ce pari est beaucoup trop lourd de conséquences pour être décidé sans concertation avec la représentation nationale. Ne balayez pas nos interrogations en faisant croire à nos concitoyens que, en matière de dissuasion nucléaire, nous serions face à un choix binaire entre le « tout » et le « rien ».
Le choix de la dissuasion pour assurer la sanctuarisation de notre territoire induit un autre choix très discutable : privilégier l'équipement de nos forces conventionnelles en vue de stratégies de projection extérieure.
Il serait sans doute temps de cesser de voir la défense de notre pays partout ailleurs qu'en France. Ce modèle de projection, qui se fait au détriment de la défense de nos territoires, a des implications stratégiques concrètes et de lourds coûts budgétaires.
En effet, malgré les éléments de langage creux du type « la cohérence sur la masse », je vois en réalité des vides capacitaires qui perdurent et une logique échantillonnaire qui reste reine.
La place excessive accordée à la dissuasion nucléaire conduit à opérer des coupes claires dans nos défenses opérationnelles. De quel conflit souhaitez-vous nous prémunir avec deux cents chars Leclerc, lorsque l'on sait que la Russie en a perdu plus de deux mille depuis le début du conflit en Ukraine ?
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Quels territoires maritimes, sur les 11 millions de kilomètres carrés que compte la France, pourrions-nous surveiller ou défendre avec une dizaine de bâtiments de premier rang ?
Le paradoxe est que votre logique présente des coûts budgétaires colossaux. Par exemple, nous allons dépenser plus de 10 milliards d'euros dans un porte-avions. Faire-valoir de puissance, ce bâtiment ne sera en aucun cas utile en cas de guerre, du fait de sa trop grande vulnérabilité. Il mobilisera davantage son groupe aéronaval pour sa propre défense que pour celle de la nation. Vous justifiez ce choix par le besoin de puissance et par celui de pérenniser la filière industrielle de nos chaudières nucléaires à usage militaire. D'autres choix sont possibles.
À quoi sert-il de se doter aujourd'hui d'un nouveau porte-avions, si ce n'est pour caresser dans le sens du poil l'imaginaire collectif du symbole de la souveraineté ? En réalité, il s'agit de pouvoir intégrer une task force américaine et d'avoir l'illusion de la commander pendant quelques jours sous l'étroite tutelle d'un commandement américain...
Alors oui, nombreux sont ceux qui pointent les pays qui, ayant une ambition navale, construisent des porte-avions. Mais faire de même, mes chers collègues, est-ce pour autant répondre avec pertinence et réalisme aux défis de sécurité qui sont et seront les nôtres ? Privés de réflexion stratégique souveraine, vous ne faites que mimer celle des autres !
Vous vous alignez sur une course mondiale à l'armement qui a atteint les 2 240 milliards de dollars l'année dernière, non instruits manifestement de cette stratégie qui vise, pour garantir son hégémonie, à imprimer un rythme que les autres ne pourront pas suivre.
Vous vous alignez sur les injonctions de l'Otan de monter le budget de la défense à 2 % du PIB, tant pis si cet indicateur n'a aucune signification militaire pour la défense de notre nation, puisque l'objectif absolu est de pouvoir se gargariser d'être l'élève modèle des Américains.
En réalité, ce déficit de visée stratégique menace directement notre sécurité et notre souveraineté. Nous pensons que la défense de la patrie passe d'abord et avant tout par la promotion de la paix, une paix durable, une paix qui s'inscrit en écho aux désastres des guerres.
Or la France, en s'alignant sur des intérêts qui ne sont ni les siens ni ceux qui participent à la sécurité humaine, se détourne de son engagement indéfectible pour la paix et le libre développement de tous les peuples.
Troisième réseau diplomatique au monde, notre nation doit s'inscrire dans une visée stratégique globale visant à prévenir les conflits et à multiplier les accords multilatéraux de désarmement nucléaire et de démilitarisation des espaces communs.
La revue nationale stratégique inclut la diplomatie dans le champ de « l'influence » – eh bien soit ! Œuvrons avec toutes les nations qui le souhaitent, à travers l'ONU, à travers des coopérations revivifiées, à lutter contre les insécurités globales, notamment l'une des plus menaçantes : l'insécurité environnementale qui, elle, – et nous en avons la certitude – rognera des pans entiers de nos territoires et causera une catastrophe systémique pour l'humanité.
J'évoquerai ensuite les lacunes de la politique cyber, qui témoignent des « impensés » stratégiques flagrants de cette LPM.
Plusieurs types de lutte informatique sont assurés, mais quid des couches intermédiaires du numérique dans la production des logiciels ou dans les systèmes d'exploitation ? Quid de la production des matériels, des routeurs au microprocesseur, ou des infrastructures de réseaux ?
La commission de la défense du Sénat des États-Unis avait déjà établi en 2012 que des millions de composants électroniques contrefaits ou compromis avaient pénétré les systèmes d'armes de leur pays.
Au regard des ruptures technologiques à l'œuvre aujourd'hui, qui ont toutes pour base commune une « hyper-technologisation » et par là même une demande croissante en composants électroniques, se résigner à ne pas maîtriser souverainement les outils de conception et de production du numérique, c'est se résigner à perdre notre autonomie stratégique.
Alors que le Gouvernement s'apprête à donner un coup de rabot de 10 milliards d'euros sur les crédits budgétaires, cette loi, dont les crédits sont en hausse de 40 % par rapport à la LPM actuelle, ne répond pas à l'unique objectif devant préoccuper nos armées, à savoir la stricte défense de nos territoires.
Nous continuerons donc à nous éparpiller dans toutes les régions du globe afin d'assouvir des intérêts étrangers à la France et contraires aux enjeux de sécurité globale qui préoccupent l'humanité.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre ce projet de loi. À travers la quarantaine d'amendements que nous vous présenterons, nous détaillerons nos propositions afin d'exprimer clairement notre vision d'une France souveraine, capable de se défendre et promouvant la paix.
Le groupe RDPI voudrait mettre en exergue un certain nombre d’éléments justifiant son opposition à cette motion.
Alors qu’une immaturité du texte a été mise en avant, je veux rappeler que celui-ci a été élaboré sous l’autorité du Président de la République, chef des armées, dans la concertation et en étroite relation avec les militaires, la direction générale de l’armement et les directions de nombreux ministères en raison de sa transversalité.
Il a aussi été préparé très en amont – je tiens ici à saluer votre démarche, monsieur le ministre – avec les deux chambres du Parlement et, plus généralement, les acteurs du monde de la défense.
Ce texte tend aussi à répondre à un enjeu fort de sécurité et de souveraineté. Nous avons la conviction que les menaces pesant sur la nation n’ont jamais été aussi protéiformes. Elles placent la France face à des défis majeurs l’obligeant à anticiper et à prévoir.
Ce projet de loi de programmation militaire nous oblige à bien des égards. Personnellement, je retiendrai deux points qu’il me semble particulièrement important de souligner.
Tout d’abord, cette loi de programmation se mettra en place de manière cohérente pour un certain nombre d’années. La programmation est « le geste stratégique par excellence », indiquait dernièrement le Président de la République à Mont-de-Marsan. Je crois qu’aucune politique sérieuse ne peut se passer de vision à long terme. Il faut voir loin, et les enjeux et défis d’aujourd’hui justifient amplement les efforts qu’il nous faut mener demain.
Ensuite, ce texte nous oblige au regard des sommes engagées : 413 milliards d’euros – ce n’est pas rien ! Et si ce chiffre peut parfois être critiqué et discuté, chacun s’accorde à dire qu’il ne s’agit pas de dépenses passives. Il faut rééquiper et moderniser nos armées, leur donner les capacités de nous défendre et d’agir dans des champs hybrides – espace, fonds marins, cyber ou encore monde informationnel.
Pour ces différentes raisons, notre groupe votera contre la motion tendant à opposer la question préalable.
Le groupe RDPI voudrait mettre en exergue un certain nombre d’éléments justifiant son opposition à cette motion.
Alors qu’une immaturité du texte a été mise en avant, je veux rappeler que celui-ci a été élaboré sous l’autorité du Président de la République, chef des armées, dans la concertation et en étroite relation avec les militaires, la direction générale de l’armement et les directions de nombreux ministères en raison de sa transversalité.
Il a aussi été préparé très en amont – je tiens ici à saluer votre démarche, monsieur le ministre – avec les deux chambres du Parlement et, plus généralement, les acteurs du monde de la défense.
Ce texte tend aussi à répondre à un enjeu fort de sécurité et de souveraineté. Nous avons la conviction que les menaces pesant sur la Nation n’ont jamais été aussi protéiformes. Elles placent la France face à des défis majeurs l’obligeant à anticiper et à prévoir.
Ce projet de loi de programmation militaire nous oblige à bien des égards. Personnellement, je retiendrai deux points qu’il me semble particulièrement important de souligner.
Tout d’abord, cette loi de programmation militaire se mettra en place de manière cohérente pour un certain nombre d’années. La programmation est « le geste stratégique par excellence », indiquait dernièrement le Président de la République à Mont-de-Marsan. Je crois qu’aucune politique sérieuse ne peut se passer de vision à long terme. Il faut voir loin, et les enjeux et défis d’aujourd’hui justifient amplement les efforts qu’il nous faut mener demain.
Ensuite, ce texte nous oblige au regard des sommes engagées : 413 milliards d’euros – ce n’est pas rien ! Et si ce montant peut parfois être critiqué et discuté, chacun s’accorde à dire qu’il ne s’agit pas de dépenses passives. Il faut rééquiper et moderniser nos armées, leur donner les capacités de nous défendre et d’agir dans des champs hybrides – espace, fonds marins, cyber ou encore monde informationnel.
Pour ces différentes raisons, notre groupe votera contre la motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, 413 milliards d'euros, c'est bien l'effort budgétaire que prévoit ce projet de loi de programmation militaire pour la période 2024-2030.
Depuis plusieurs décennies, dans un contexte post-guerre froide bénéficiant des dividendes de la paix, nos forces se sont vu imposer une érosion des moyens budgétaires et une diminution drastique des effectifs.
Cette augmentation de la part du budget de la nation consacrée à nos armées est la bienvenue. Elle poursuit le mouvement engagé dès 2019 avec l'actuelle LPM, qui avait déjà pour objectifs de porter la part des dépenses militaires à 2 % du PIB en 2025 et de créer 6 000 emplois.
Cette trajectoire budgétaire de croissance visait déjà à régénérer le capital opérationnel des armées pour constituer une première étape vers un « modèle d'armée complet et équilibré ».
En février 2022, l'agression de l'Ukraine par la Russie a constitué un glissement stratégique. La guerre était de retour sur le flanc oriental de l'Europe et il apparaissait nécessaire de revoir notre ambition face à un regain de tensions dans toutes les zones du monde. Ainsi, les risques et les menaces sont plus importants que jamais et pourraient aller jusqu'à un engagement de très haute intensité.
Les travaux en vue de cette nouvelle loi de programmation militaire ont été engagés depuis de nombreux mois. Malheureusement, l'exécutif a préféré faire l'économie d'un Livre blanc au profit d'une revue nationale stratégique à laquelle les parlementaires n'ont été que peu associés, pour ne pas dire pas du tout, ce que nous regrettons.
Cette revue nationale stratégique se limite malheureusement à un inventaire des défis sécuritaires futurs sans les hiérarchiser, alors que nous évoluons dans un monde de plus en plus complexe, marqué par de nouveaux espaces de conflictualité, mais aussi par la persistance de certains réflexes comparables à ceux des derniers conflits mondiaux.
Nous nous sommes étonnés, en commission, de constater que, malgré une hausse considérable du budget des armées octroyée par cette programmation, certains objectifs sont bien plus étalés que ce qui était initialement prévu. Nous regrettons également certains décalages de programme et révisions à la baisse.
Cependant, nous nous félicitons des avancées majeures désormais introduites dans ce texte, ainsi que des crédits fléchés sur des programmes à effet majeur comme sur des cibles ô combien importantes. Nous nous réjouissons, bien évidemment, de l'engagement du programme consacré au porte-avions de nouvelle génération, qui constituera un élément de crédibilité et de souveraineté, et nous nous félicitons des 5 milliards d'euros d'ores et déjà fléchés dans cette programmation.
Même si l'inflation aura une incidence sur cette trajectoire budgétaire, nous ne pouvons que saluer les efforts réalisés pour nos services de renseignement et la lutte contre l'ingérence, ainsi que pour nos forces spéciales afin de leur permettre d'améliorer encore leurs capacités et leur polyvalence.
Nous saluons aussi les efforts en faveur de notre capacité de dissuasion aérienne et océanique, qui bénéficiera également de crédits de modernisation, ainsi que ceux consentis pour la consolidation du socle d'entraînement grâce aux capacités de simulation.
Nous saluons également l'effort en faveur des munitions qui permettra aux armées de consolider et de recompléter les stocks, ainsi que les efforts pour favoriser une transition nécessaire vers les futures capacités : feux dans la profondeur ou encore munitions téléopérées.
Enfin, nous saluons les crédits accordés à l'innovation, crédits ô combien vitaux pour affirmer notre supériorité technologique et garantir la maîtrise des nouveaux champs de conflictualité, et nous nous félicitons de l'effort en faveur de notre modèle de ressources humaines, ainsi que de l'attention portée à nos services de soutien.
Dans ce contexte, le groupe Union Centriste approuve le lissage et la consolidation de la trajectoire budgétaire, ainsi que les amendements visant à sécuriser le budget du ministère.
En créant un livret de souveraineté, notre commission a également répondu à un appel des industriels de la défense et de leurs prestataires, lesquels rencontrent encore trop souvent des difficultés de financement.
En tant que rapporteur pour avis du programme 178 lors de l'examen du projet de loi de finances, je ne peux m'empêcher d'évoquer quelques points.
L'effort consenti en faveur des crédits de paiement dans le cadre de cette programmation est considérable. Trois chiffres marquent une progression très nette : 69 milliards d'euros bénéficieront à l'entraînement et à l'activité des forces, soit un effort supplémentaire par rapport à l'actuelle LPM de 20 milliards ; 49 milliards d'euros sont alloués à l'entretien programmé du matériel (EPM), soit 14 milliards de plus ; et 18 milliards d'euros seront consacrés aux services de soutien, soit une hausse de 4 milliards.
L'effort est là, il était indispensable tant le programme 178 constitue une dimension importante pour répondre à l'hypothèse d'un engagement majeur ou de haute intensité.
Mais les résultats en matière de préparation opérationnelle et de disponibilité technique opérationnelle représentent de fortes préoccupations pour notre commission. En 2023, les indicateurs en la matière sont particulièrement décevants.
La situation s'est dégradée sans que nous ayons de visibilité sur le décrochage qui s'est opéré pendant les quatre premières années de la LPM, faute d'application de l'article 7, qui prévoyait des objectifs annuels dans ces domaines.
Nous nous assurerons également que les indicateurs de l'armée de terre, qui n'atteignent aujourd'hui que 70 % de la norme d'entraînement, ne soient pas sous-estimés.
La consommation de ces crédits ne devra donc pas être repoussée à la deuxième moitié ou au dernier tiers de la LPM. Nous ne pouvons pas accepter, cette fois encore, de ne pas avoir de jalons tout au long de l'exécution de la loi. C'est un débat que nous aurons très certainement en séance.
Nous devons collectivement veiller au capital technique des armées. Nous ne pouvons pas, comme certains de nos alliés, nous retrouver avec une armée qui « présente bien », mais qui s'effrite lors d'un l'examen détaillé.
Le groupe Union Centriste défendra, avec conviction, plusieurs amendements sur le service de santé des armées afin que le ministère des armées s'engage à préserver ses savoir-faire, parfois uniques au monde, ou sur les grands fonds marins, qui constituent un nouvel espace de conflictualité.
Il y a un an, le Sénat a rendu un rapport d'information sur cette problématique des grands fonds marins. Il y indiquait que la marine ne disposait en propre d'aucun équipement capable d'atteindre 6 000 mètres de profondeur.
Il est nécessaire que l'objectif d'acquisition d'équipements spécifiques pour mieux connaître, surveiller et agir jusqu'à des profondeurs importantes soit poursuivi et atteint. Cela permettrait de couvrir près de 97 % des fonds marins du globe.
Pour la France, dont la superficie maritime représente dix-sept fois la superficie terrestre grâce à ses outre-mer, il s'agit de préserver son rôle historique de grande puissance maritime et scientifique au niveau mondial.
Nous avons également déposé de nombreux amendements sur l'importance de la filière stratégique des drones.
Enfin, nous soutiendrons l'amendement visant à consolider notre base industrielle et technologique de défense (BITD).
Mon collègue Philippe Folliot insistera, pour sa part, dans quelques instants, sur tous les enjeux liés à nos outre-mer auxquels le groupe Union Centriste est très attaché.
Pour conclure, j'aurai une pensée pour les soldats tombés pour notre drapeau ou qui ont été blessés sur les différents théâtres d'opérations extérieures, particulièrement pour les cinquante-huit soldats qui ont perdu la vie durant l'opération Barkhane.
Monsieur le ministre, durant l'examen de ce texte structurant pour nos forces, nous avons le devoir, ensemble, de déterminer le modèle d'armée que nous souhaitons pour faire face aux enjeux de souveraineté auxquels la France doit répondre, à l'heure où les compétiteurs et les États puissances ne cachent plus leurs ambitions. §
Discussion générale (suite)
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de dresser un constat qui sonne comme un regret : il a fallu attendre le retour de la guerre sur le sol européen, aux portes de l'Union européenne, pour réaliser et surtout assumer officiellement le fait que l'outil de défense dont nous disposons est, a minima, adapté au seul temps de paix.
Pourtant, avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie, nous avons connu de sérieuses alertes. En 2021, deux exercices interarmées de simulation de conflits internationaux organisés avec les Américains et les Britanniques avaient permis de constater les limites capacitaires des forces françaises.
La commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale avait alors rappelé, en février 2022, qu'« en une quinzaine de minutes d'un premier combat, deux frégates avaient été envoyées par le fond et deux autres étaient neutralisées ». Elle poursuivait : « si nous extrapolions les pertes au regard de certains conflits aériens, il est manifeste que l'aviation de chasse française pourrait être réduite à néant en cinq jours ».
À qui la faute, me direz-vous ? Avouons-le : à tout le monde et à personne à la fois ! Ne voyez pas en cette formule une manière d'excuser une responsabilité, en la noyant dans une impéritie collective.
Nous avons, tous autant que nous sommes, péché par naïveté, persuadés que la construction européenne suffirait à nous préserver. Bercée par cette douce illusion de paix, la nation a laissé « filer » le budget de la défense, le réduisant à une variable d'ajustement.
Pourtant, selon les derniers classements publiés en mai dernier, la France dispose de la neuvième armée au monde et de la première dans l'Union européenne : quel paradoxe !
Après une LPM 2019-2024 à hauteur de 295 milliards d'euros, qui entendait combler les retards dans tous les domaines, des équipements en passant par la préparation opérationnelle, le renseignement ou encore la condition de la vie militaire, le temps des vaches maigres semble révolu.
Néanmoins, si nous nous accordons tous à dire que l'enveloppe de 413 milliards d'euros à partir de 2024 sur sept ans est substantielle, des incertitudes demeurent sur sa soutenabilité, ainsi que l'a rappelé notre rapporteur. Ainsi, l'étalement des cibles de matériel et la question de l'inflation, dont le coût serait d'ores et déjà estimé à 30 milliards d'euros, incitent à la prudence.
Quoi qu'il en soit, félicitons-nous d'avoir, en commission, réorganisé la variation des crédits dans le temps, sans pour autant modifier le budget global. Ils progresseront ainsi de façon rythmée et régulière, passant de 47 milliards d'euros en 2024 à 69 milliards en 2030.
Avec ce montant plancher à atteindre, la nation doit pouvoir garantir la crédibilité dans la durée de notre dissuasion nucléaire, transformer nos armées afin de conforter notre supériorité opérationnelle, renforcer la cohérence, la préparation et la réactivité de nos forces armées et, enfin, poursuivre l'attractivité et la fidélisation des militaires et des civils.
Je ne détaillerai pas les différentes enveloppes ni les nombreuses dispositions, notamment celles qui sont relatives aux opérations extérieures (Opex), avec la mise en place de la solidarité interministérielle, ou les garde-fous entourant le service national universel.
Je me félicite du fait que, au-delà de la prévision de 136 milliards d'euros pour la préparation et l'emploi des forces, l'entretien programmé du matériel et les soutiens, les services de renseignement du premier cercle bénéficieront de 5, 4 milliards d'euros. De même, je me réjouis que 15 milliards soient consacrés uniquement à l'innovation et à la « dronisation » des forces.
Nos forces armées, quant à elles, bénéficieront de cibles de matériels dont nous pourrions élever l'influence au rang de fonction stratégique.
L'effort est notable pour la marine nationale avec les commandes de sept patrouilleurs de haute mer, de trois ensembles de chasseurs de mines et les perspectives d'un porte-avions de nouvelle génération à l'horizon de 2037.
Il en va de même pour l'armée de l'air, avec 137 Rafale d'ici à 2030 – j'espère que les engagements sur les dates seront tenus – et l'achat de six systèmes d'Eurodrone, ainsi que pour l'armée de terre, qui renforce de 2 milliards son budget munitions.
Il est apparu nécessaire de créer un régime d'apprentissage militaire et de promouvoir le lien nation-armées pour atteindre les objectifs quant à la cible de réserve fixée au plus tard en 2035.
C'est aussi dans le cadre de la promotion de ce lien fort nation-armées que la commission a créé un livret d'épargne souveraineté, destiné au financement de l'industrie de défense en complément de l'effort budgétaire.
En conclusion, en tant que représentants de la nation, nous nous félicitons des dispositions qui permettront de sacraliser le rôle du Parlement. À cet égard, la commission a renforcé les garanties de l'actualisation dans le temps de la LPM, en prévoyant de passer par le vote d'une loi. Quoi de plus logique ?
La LPM n'est pas seulement un texte égrenant une farandole de chiffres, dont l'accumulation peut rendre perplexe le commun des mortels. Elle appelle des ajustements et des évolutions, qui ne peuvent être les otages des orientations budgétaires.
Il appartient à la représentation nationale de veiller au respect des engagements pris pour la défense. Ensemble, mes chers collègues, nous devons la construire et la consolider.
Monsieur le ministre, c'est donc avec bienveillance que le groupe du RDSE abordera l'examen de ce texte.
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Rachid Temal.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le 24 février 2022, l'invasion de l'Ukraine par la Russie a brutalement refermé la parenthèse géopolitique ouverte il y a trente ans avec la chute de l'URSS et la fin de la guerre froide.
Balayant les dernières illusions héritées de cette période de confort stratégique, l'agression de Moscou a forcé les Européens à sortir de l'indolence et à regarder en face la nouvelle ère dans laquelle ils étaient entrés.
C'est une ère placée sous le signe de l'incertitude, de la polarisation et de la confrontation, une ère où les mouvements tectoniques de l'ordre international, qui agissaient jusqu'à présent à bas bruit, apparaissent désormais en pleine lumière.
Réveil des impérialismes, affirmation des puissances régionales, multilatéralisme en délitement, recours au fait accompli et à la force, diversification des menaces, contestation de l'influence occidentale : la guerre en Ukraine fait partie de ces événements historiques qui éclairent la bascule du monde autant qu'ils l'accélèrent.
Face à ce séisme géopolitique dont nous avons encore ressenti ce week-end une réplique, la sécurité de notre continent et de notre pays apparaît non plus comme une évidence, mais comme un bien à protéger. Cette réalité nous amène aujourd'hui à examiner ce projet de loi de programmation militaire.
Pour la France, comme d'ailleurs pour les autres États d'Europe, le constat est implacable : après trente ans de désinvestissement massif dans leurs outils de défense, c'est largement démunis, pour ne pas dire désarmés, qu'ils abordent le nouveau paradigme stratégique qui s'impose à eux. Depuis plus d'un an, tous ou presque ont donc affirmé leur volonté de renforcer leurs budgets militaires.
Avec 400 milliards d'euros programmés pour les sept prochaines années, soit une hausse de 13, 3 milliards, la France s'inscrit clairement dans ce mouvement global de réinvestissement.
Nous vous en donnons acte, monsieur le ministre, car vous vous êtes battus en ce sens, l'enveloppe est importante, d'autant qu'elle intervient à la suite des réels efforts financiers entrepris depuis 2019 pour restaurer le potentiel militaire de notre pays.
Pour autant, sera-t-elle suffisante pour permettre à nos armées de se hisser rapidement au niveau des enjeux et des défis posés par la guerre à l'est de l'Europe ? Sans doute pas…
C'est bien là le grand paradoxe de la LPM que vous nous proposez aujourd'hui, un paradoxe entre des crédits qui augmentent fortement et des dotations en équipements majeurs qui ne progressent pas. Pour certains programmes, la situation va même se dégrader, puisque les cibles fixées hier pour 2030 ne seront finalement atteintes qu'à l'horizon de 2035.
Nous devons cette vérité aux Français, qui financeront l'effort de défense de la nation. Ce n'est pas tant une affaire de « nombre de véhicules » parqués dans les « hangars », monsieur le ministre, que de remplacement de nos matériels consommés ou envoyés à nos alliés !
Il n'y aura pas davantage d'hommes et de femmes sous les drapeaux : le format des armées restera lui aussi identique à celui qui est visé par la programmation en cours.
Pour compenser cette atonie, le Gouvernement table sur une augmentation spectaculaire des effectifs de la réserve opérationnelle, qui seraient doublés en sept ans. Nous souscrivons, bien sûr, à cet objectif.
Néanmoins, suivant en cela l'analyse du Conseil d'État, il me semble bien difficile de ne pas être sceptique quant à sa réalisation, et pour cause : la lecture de ce texte ne nous permet pas de comprendre comment le Gouvernement entend financer cette montée en puissance ni comment il compte former, équiper et employer les réservistes supplémentaires.
Naturellement, ce projet de loi de programmation militaire préserve, à l'horizon de 2030, des acquis fondamentaux auxquels nous adhérons. En particulier, notre modèle d'armée restera complet et capable d'agir dans quasiment tous les domaines. Il demeurera sous-tendu par une dissuasion nucléaire indépendante, renouvelée et modernisée.
Mais, là encore, nous devons tenir un langage de vérité. Malgré leur qualité unanimement reconnue, malgré les efforts portés sur leur cohérence, nos armées resteront, y compris au sein d'une coalition, sous-dimensionnées pour faire face à l'exigence d'un engagement majeur, nécessairement long et coûteux en vies et en matériels.
Bien sûr, nous comprenons qu'il ne soit pas possible d'effacer en quelques années des décennies de désarmement. Nous comprenons que tout ne puisse pas être financé, a fortiori dans une période où l'inflation fait peser des incertitudes budgétaires inédites.
Permettez-moi, à ce titre, de souligner à quel point l'estimation retenue par le Gouvernement – environ 30 milliards d'euros sur la période – me semble optimiste. Les coûts des grands équipements militaires n'évoluent pas de la même manière que le panier de la ménagère. C'est près du double, soit au bas mot l'équivalent d'une année de programmation, qui pourrait finalement être effacé par l'érosion monétaire.
Nous comprenons enfin qu'une LPM soit contrainte de faire des choix. Mais précisément, ce que nous comprenons moins, c'est l'absence de choix stratégiques forts sur l'orientation de notre modèle d'armée, sur les segments à privilégier face aux menaces les plus prégnantes. Le texte qui nous est soumis donne davantage l'impression de proroger l'existant jusqu'à la prochaine élection présidentielle que de prendre acte des immenses bouleversements stratégiques advenus ces derniers mois. C'est, me semble-t-il, l'une des grandes occasions manquées de cette programmation.
Ce que nous comprenons moins, ensuite, c'est le choix d'affecter au financement de nos armées certaines ressources frappées d'une si grande incertitude. Monsieur le ministre, la fable de la vente des fréquences hertziennes est encore dans toutes les mémoires. Vous comprendrez donc que, après avoir pris connaissance de l'avis du Haut Conseil des finances publiques, le Parlement fasse preuve d'une saine méfiance sur ce sujet.
Nous vous proposons par conséquent, sans alourdir la dette et en respectant le budget défini par le Président de la République, de sanctuariser véritablement ces 413, 3 milliards d'euros, et rien que ces 413, 3 milliards d'euros, sur lesquels vous avez tant communiqué.
Enfin, ce que nous comprenons moins, c'est le choix de précipiter l'élaboration d'une nouvelle LPM, tout en conservant pour les premières années des efforts budgétaires identiques à ceux qui avaient été décidés avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, c'est-à-dire 3 milliards d'euros par an.
En somme, le texte qui nous est soumis laisse au prochain Président de la République le soin d'accélérer la cadence, alors que c'est maintenant que la guerre fait rage en Europe, maintenant que nos années doivent remonter en puissance, maintenant que nos industriels ont besoin de visibilité, et donc de commandes, pour donner un tant soit peu corps à la notion d'« économie de guerre » si chère au Président de la République.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entrerons dans la discussion de ce texte animés avant tout d'un esprit de responsabilité, tant vis-à-vis de nos concitoyens que vis-à-vis de nos soldats, de nos marins et de nos aviateurs, qui acceptent de faire de leur vie notre ultime rempart face aux menaces.
Nous n'avons donc pas l'intention d'ajouter des milliards aux milliards. Nous sommes trop conscients de la situation financière déplorable de notre pays pour nous permettre une quelconque désinvolture en la matière.
Notre commission, conduite par notre rapporteur, défendra néanmoins quelques idées simples.
D'une part, nous ne voulons pas laisser subsister le moindre doute sur le fait que les ressources promises à nos armées seront bel et bien au rendez-vous.
D'autre part, nous voulons veiller à ce que le rythme auquel elles seront mises à leur disposition soit crédible et surtout compatible avec l'évolution des dangers qui pèsent sur la France et l'Europe.
Je ne sais pas si une « courbe budgétaire permet de protéger notre nation », monsieur le ministre, mais devant les menaces nous ne croyons pas à la stratégie d'une défense en pente douce ! Car, en définitive, cette courbe détermine tout le reste, à commencer par la crédibilité, la sincérité et l'efficacité de la programmation à venir.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030.
Permettez-moi tout d’abord de saluer l’engagement et le professionnalisme des femmes et des hommes qui composent nos forces armées et mettent leur vie en péril pour défendre notre pays et nos intérêts vitaux.
Je tenterai de résumer mon propos en trois points. Je rappellerai d’abord le contexte, puis j’évoquerai le contenu de ce texte et, enfin, le travail réalisé par le Sénat.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l’heure le fait que les lois de programmation militaire couvrent non seulement un temps long – certains programmes sont lancés pour trente, quarante ou cinquante ans –, mais aussi un temps court – parfois, d’une élection présidentielle à une autre, il faut revoir la programmation militaire.
À cet égard, permettez-moi de revenir sur quelques dates témoignant, au cours des trente dernières années, des changements du monde.
Nombreux sont ceux, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, à évoquer les « dividendes de la paix » : quand le mur de Berlin est tombé le 9 novembre 1989, chacun a pu légitimement penser qu’un nouveau temps, celui de la démocratie, pouvait s’ouvrir – il existait même une théorie sur la fin de l’histoire…
Quant aux attentats du 11 septembre 2001, ils ont gravement perturbé le monde, plaçant sur le devant de la scène la question du terrorisme. D’autres attentats ont suivi, en Europe et dans le monde occidental. Cette menace touche aussi directement l’Afrique et elle continue de perturber l’équilibre du monde. L’opération Barkhane en a découlé et nous nous posons maintenant la question du redéploiement de nos bases.
Je veux aussi évoquer le 15 août 2021, jour du départ des troupes américaines de Kaboul. Cet événement soulève la question, un peu passée sous les radars, me semble-t-il, du positionnement des Américains, dont la volonté oscille entre être présents dans le monde et rester à l’intérieur de leurs frontières.
Autre date, le 24 février 2022 marque le début de la guerre en Ukraine. Pour la première fois, un pays doté de l’arme nucléaire décide de faire franchir ses frontières à ses forces armées et de semer le doute et le chaos, provoquant les conséquences que nous connaissons.
Si on se tourne vers l’avenir, je pense à l’année 2049, année du centenaire de la République populaire de Chine. Chacun a pu entendre les déclarations du président de ce pays, également premier secrétaire du parti communiste chinois et responsable des forces armées, selon lesquelles, avant 2049, Taïwan aura intégré la RPC. Cela soulève évidemment beaucoup de questions.
L’évocation de ces quelques dates permet de mettre en perspective l’évolution du contexte et je crois qu’un travail pédagogique doit être fait sur la réalité du monde d’aujourd’hui. De ce point de vue, je comprends qu’il soit nécessaire de revoir notre loi de programmation militaire.
Et encore ! Je n’ai pas évoqué la question des relations entre ces empires contrariés – la Chine et la Russie. Je vous le rappelle, depuis plusieurs années, les rencontres entre les dirigeants de ces deux pays sont régulières et nombreuses, comme on peut d’ailleurs le constater depuis le début de la guerre en Ukraine.
Je veux aussi évoquer, parmi les empires contrariés, la Turquie, qui a la volonté de pousser ses propres pions, en Libye ou ailleurs, comme on peut déjà le constater à la suite de la récente réélection – malheureusement ! – de son président.
La donne a également beaucoup changé dans le contexte de la guerre en Ukraine, pays envahi par un de ses voisins qui est doté de l’arme nucléaire et qui menace régulièrement de s’en servir. Nous devons donc mener une réflexion sur les conflits de haute intensité comme sur nos capacités, notamment en termes d’armement.
Pour ce qui concerne l’Indo-Pacifique, plusieurs questions se posent pour notre pays, y compris sur notre présence elle-même – il suffit de regarder les résultats électoraux en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.
Par ailleurs, nous observons, dans cette zone, la volonté de la Chine de pousser ses pions, par exemple en accroissant sa flotte, qui ne représente aujourd’hui que la moitié de la flotte américaine, mais qui se développe.
Se pose ainsi la question du rôle de la France, seule puissance européenne présente en Indo-Pacifique, ainsi que de sa capacité non pas à porter le fer contre la Chine, mais à protéger ses territoires et sa zone économique exclusive, la plus vaste du monde. Nous souhaitons que ce projet de loi de programmation miliaire réponde à ces enjeux.
J’ajoute un mot sur le continent africain, bien souvent oublié, où se déploient aussi les puissances chinoise et russe. Un orateur a évoqué le groupe Wagner et les événements des derniers jours. Or cette milice est présente dans un certain nombre de pays africains ; elle spolie et martyrise les populations et elle capte à son profit les minerais du sous-sol.
La question de notre propre présence en Afrique est posée. Ce texte est le premier à voir le jour après la fin de l’opération Barkhane, ce qui n’est pas neutre. Je pense notamment à l’annonce d’un redéploiement de nos bases.
Ne voulant pas être trop long, je n’évoquerai pas la prolifération nucléaire. Toutefois, je veux dire un mot de ce qu’on appelle le Sud global.
Nombre des pays de ce Sud global ont décidé de ne pas condamner aux Nations unies l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ils souhaitent changer les normes, dénonçant des règles occidentales trop prégnantes. Ils travaillent également sur l’idée de créer une nouvelle monnaie. Ainsi, la question de la puissance occidentale est, désormais, largement posée.
J’en viens maintenant à ce projet de loi de programmation militaire, le quinzième du genre. Monsieur le ministre, vous citez souvent le général de Gaulle, …
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030.
Permettez-moi tout d’abord de saluer l’engagement et le professionnalisme des femmes et des hommes qui composent nos forces armées et mettent leur vie en péril pour défendre notre pays et nos intérêts vitaux.
Je tenterai de résumer mon propos en trois points. Je rappellerai d’abord le contexte, puis j’évoquerai le contenu de ce texte et, enfin, le travail réalisé par le Sénat.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l’heure le fait que les lois de programmation militaire couvrent non seulement un temps long – certains programmes sont lancés pour trente, quarante ou cinquante ans –, mais aussi un temps court – parfois, d’une élection présidentielle à une autre, il faut revoir la programmation militaire.
À cet égard, permettez-moi de revenir sur quelques dates témoignant des changements du monde au cours des trente dernières années.
Nombreux sont ceux, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, à évoquer les « dividendes de la paix ». Quand le mur de Berlin est tombé le 9 novembre 1989, chacun a pu légitimement penser qu’un nouveau temps, celui de la démocratie, pouvait s’ouvrir – il existait même une théorie sur la fin de l’histoire…
Quant aux attentats du 11 septembre 2001, ils ont gravement perturbé le monde, plaçant sur le devant de la scène la question du terrorisme. D’autres attentats ont suivi, en Europe et dans le monde occidental. Cette menace touche aussi directement l’Afrique et elle continue de perturber l’équilibre du monde. L’opération Barkhane en a découlé et nous nous posons maintenant la question du redéploiement de nos bases.
Je veux aussi évoquer le 15 août 2021, jour du départ des troupes américaines de Kaboul. Cet événement soulève la question, un peu passée sous les radars, me semble-t-il, du positionnement des Américains, dont la volonté oscille entre être présents dans le monde et rester à l’intérieur de leurs frontières.
Autre date, le 24 février 2022 marque le début de la guerre en Ukraine. Pour la première fois, un pays doté de l’arme nucléaire décide de faire franchir ses frontières à ses forces armées et de semer le doute et le chaos, provoquant les conséquences que nous connaissons.
Si l’on se tourne vers l’avenir, je pense à l’année 2049, année du centenaire de la République populaire de Chine (RPC). Chacun a pu entendre les déclarations du président de ce pays, également premier secrétaire du parti communiste chinois et responsable des forces armées, selon lesquelles, avant 2049, Taïwan aura intégré la RPC. Cela soulève évidemment beaucoup de questions.
L’évocation de ces quelques dates permet de mettre en perspective l’évolution du contexte et je crois qu’un travail pédagogique doit être fait sur la réalité du monde d’aujourd’hui. De ce point de vue, je comprends qu’il soit nécessaire de revoir notre loi de programmation militaire.
Et encore ! Je n’ai pas évoqué la question des relations entre ces empires contrariés – la Chine et la Russie. Je vous le rappelle, depuis plusieurs années, les rencontres entre les dirigeants de ces deux pays sont régulières et nombreuses, comme on peut d’ailleurs le constater depuis le début de la guerre en Ukraine.
Je veux aussi évoquer, parmi les empires contrariés, la Turquie, qui a la volonté de pousser ses propres pions, en Libye ou ailleurs, comme on peut déjà le constater à la suite de la récente réélection – malheureusement ! – de son président.
La donne a également beaucoup changé dans le contexte de la guerre en Ukraine, pays envahi par l’un de ses voisins qui est doté de l’arme nucléaire et qui menace régulièrement de s’en servir. Nous devons donc mener une réflexion sur les conflits de haute intensité comme sur nos capacités, notamment en termes d’armement.
Pour ce qui concerne l’Indo-Pacifique, plusieurs questions se posent pour notre pays, y compris sur notre présence elle-même – il suffit de regarder les résultats électoraux en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.
Par ailleurs, nous observons, dans cette zone, la volonté de la Chine de pousser ses pions, par exemple en accroissant sa flotte, qui ne représente aujourd’hui que la moitié de la flotte américaine, mais qui se développe.
Se pose ainsi la question du rôle de la France, seule puissance européenne présente en Indo-Pacifique, ainsi que de sa capacité non pas à porter le fer contre la Chine, mais à protéger ses territoires et sa zone économique exclusive, la plus vaste du monde. Nous souhaitons que ce projet de loi de programmation miliaire réponde à ces enjeux.
J’ajoute un mot sur le continent africain, bien souvent oublié, où se déploient aussi les puissances chinoise et russe. Un orateur a évoqué le groupe Wagner et les événements des derniers jours. Or cette milice est présente dans un certain nombre de pays africains ; elle spolie et martyrise les populations et elle capte à son profit les minerais du sous-sol.
La question de notre propre présence en Afrique est posée. Ce texte est le premier à voir le jour après la fin de l’opération Barkhane, ce qui n’est pas neutre. Je pense notamment à l’annonce d’un redéploiement de nos bases.
Ne voulant pas être trop long, je n’évoquerai pas la prolifération nucléaire. Toutefois, je veux dire un mot de ce que l’on appelle le Sud global.
Nombre des pays de ce Sud global ont décidé de ne pas condamner aux Nations unies l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ils souhaitent changer les normes, dénonçant des règles occidentales trop prégnantes. Ils travaillent également sur l’idée de créer une nouvelle monnaie. Ainsi, la question de la puissance occidentale est, désormais, largement posée.
J’en viens maintenant à ce projet de loi de programmation militaire, le quinzième du genre. Monsieur le ministre, vous citez souvent le général de Gaulle, …
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, seul pays de l'Union européenne à disposer d'un modèle d'armée complet, la France est engagée depuis de nombreuses années dans la lutte contre les groupes terroristes, que ce soit en Afrique, au Levant ou en Asie centrale.
Plus qu'aucun de nos partenaires, nous connaissons le prix de la souveraineté et celui du sang. Je veux rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont donné leur vie pour la France, à ceux qui ont été blessés, ainsi qu'à l'ensemble de nos forces. Leur engagement et leur professionnalisme nous permettent d'être libres.
La guerre est de retour sur notre continent. Autant que nous le pouvons, nous devons continuer de soutenir l'Ukraine, qui se bat pour sa survie, pour l'Europe et pour la liberté. Ce soutien ne doit cependant pas obérer la montée en puissance de nos capacités.
La commission, sous la conduite de son président, a veillé à maintenir ce chemin de crête. Il est étroit, mais il est incontournable. Jusqu'en 2030, les besoins de nos armées s'élèvent à plus de 400 milliards d'euros. La commission a fait le choix de lisser davantage l'augmentation du budget de la défense afin de crédibiliser cette hausse.
Un fonds européen destiné à l'industrie de la recherche dans le domaine militaire a vu le jour. D'un montant de 7 milliards d'euros pour la période 2021-2027, ce fonds démontre la prise de conscience unanime de la nécessité d'agir solidairement pour la défense de notre continent. Nous devons pouvoir faire face au réarmement, qui est non seulement français, mais aussi européen et international.
Nos entreprises doivent être à la hauteur de ces enjeux et prêtes à répondre à la demande. Dans mon département, cela va des petites entreprises, comme EM2 à Ancenis – une des très rares entreprises spécialisées dans les emballages d'obus, qui fait face actuellement à une demande exponentielle, voire faramineuse, en raison de la guerre en Ukraine, ce qui témoigne de la gravité de la situation –, aux grandes entreprises, comme Naval Group et les Chantiers de l'Atlantique, qui seront chargés de construire d'ici à 2038 un porte-avions à Saint-Nazaire pour un budget supérieur à 5 milliards d'euros.
À ce sujet j'attire votre attention, monsieur le ministre, car un véritable défi doit être relevé. Une part significative des travaux à Saint-Nazaire est réalisée par des sous-traitants étrangers pour un coût salarial moins élevé, ce qui nous interpelle. Nous devons d'ores et déjà former du personnel qualifié capable d'assumer la construction du futur porte-avions.
L'État doit être au rendez-vous sur le plan de l'éducation et de la formation professionnelle, mais également pour accompagner les petites et moyennes entreprises, qui devront investir pour absorber une demande croissante. La visibilité dans les programmes à venir est essentielle, si nous voulons des acteurs français capables de répondre à des besoins complexes et variés en matière de défense. Leur contribution à la sécurité nationale, européenne et internationale est inestimable.
Notre engagement dans la défense et la sécurité est non seulement un impératif stratégique, mais aussi l'occasion de renforcer notre industrie, de créer des emplois et de stimuler l'innovation.
Nos entreprises sont un atout pour l'économie de nos territoires. Elles constituent une source d'expertise technologique de premier plan et une voie de développement qui contribue non seulement à notre sécurité, mais aussi à notre prospérité.
La dissuasion nucléaire doit rester la clef de voûte de notre stratégie de défense. Il nous faut absolument préserver cet héritage du général de Gaulle, qui a permis à la France d'être libre. Pour demeurer crédibles, nous devons veiller à l'entretien et au développement de nos vecteurs. Cela représente un coût très élevé, mais c'est le prix de notre liberté – il n'est donc pas négociable.
Nos forces conventionnelles doivent également être préparées à être engagés dans des conflits de haute intensité. Contrairement à Poutine, nous ne voyons pas nos soldats comme de la chair à canon. Nous les considérons comme des techniciens très efficaces qui doivent pouvoir servir en bénéficiant du meilleur matériel.
Le projet de LPM prévoit donc pour les années à venir une montée en gamme. La France s'apprête ainsi à moderniser ses équipements, en privilégiant la qualité sur la quantité. Les dernières technologies sont, certes, plus onéreuses, mais elles permettent une précision et une discrétion pouvant faire la différence.
Aujourd'hui comme hier, la patrie a besoin de femmes et d'hommes pour la défendre. Les effectifs de nos armées devront être portés à 275 000 postes en équivalent temps plein (ETP) en 2030. Pour les appuyer, mais aussi pour faire vivre le lien armées-nation, la programmation prévoit d'accroître le nombre de réservistes à 80 000 à l'horizon 2030. Nous approuvons cette orientation.
Afin de parvenir à nos objectifs, nous avons également besoin de renforcer notre base industrielle et technologique de défense, que j'évoquais tout à l'heure. Le texte simplifie la passation de marchés et adapte les enquêtes de coûts. Plusieurs dispositions ont également pour objet de permettre à la France de disposer des matériels nécessaires à une confrontation. La création d'un livret d'épargne souveraineté est à cet égard pertinente.
Mes chers collègues, l'invasion de l'Ukraine par la Russie marque le début d'une nouvelle ère. D'autres conflits de haute intensité pourraient éclater à l'avenir, impliquant la France ou ses alliés. La guerre est toujours une tragédie. Il est de notre devoir de préparer au mieux notre pays à cette triste éventualité.
Vous connaissez les mots de Clemenceau : « il faut savoir ce que l'on veut ; quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire ». Nous avons dit ce que nous voulions : à nous d'avoir le courage de le faire ! §
M. Rachid Temal. … mais on peut être gaullien sans être gaulliste – je vous le dis souvent ! J’ai d’ailleurs relu la loi de programmation miliaire portée, à l’époque, par le général de Gaulle. Convenons-en, elle était d’un autre niveau que le texte que nous examinons aujourd’hui…
M. Rachid Temal. … mais on peut être gaullien sans être gaulliste – je vous le dis souvent ! J’ai d’ailleurs relu la loi de programmation miliaire défendue, à l’époque, par le général de Gaulle. Convenons-en, elle était d’un autre niveau que le texte que nous examinons aujourd’hui…
M. le ministre acquiesce.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux d'abord rendre hommage à l'engagement des femmes et des hommes au sein de notre armée, souvent au péril de leur vie.
Nous examinons ce projet de loi de programmation militaire dans le contexte que chacun connaît. Après le dernier rebondissement de ce week-end, permettez-moi de rappeler notre plein et entier soutien au peuple ukrainien et à ses dirigeants dans la reconquête de leur souveraineté.
L'invasion russe en Ukraine a justifié, aux yeux du Gouvernement, la nécessité d'accélérer le processus d'élaboration et d'adoption du présent texte. L'expression « économie de guerre » s'est même invitée – hâtivement – dans les propos présidentiels. Monsieur le ministre, malgré vos explications répétées, nous ne comprenons pas l'urgence qui guide le Gouvernement.
Nous ne voyons pas non plus cette rupture avec les deux dernières LPM que justifierait pourtant la nouvelle donne géostratégique européenne et mondiale. Nous voyons un texte dans la continuité des deux précédents, mais élaboré avec un déficit de concertation parlementaire et démocratique.
C'est dommageable, car vous demandez un effort important à la nation, avec une augmentation du budget des armées de près de 50 % d'ici à 2030 et un effort global de plus de 118 milliards d'euros sur le reste de la décennie. Cela représente 17 milliards par an en moyenne, sans financement spécifique. Vous étiez plus regardants quand il s'agissait de trouver 13 milliards d'euros pour nos caisses de retraite, quitte à mettre le pays dans un état d'extrême tension et à piétiner la démocratie parlementaire.
Votre gouvernement, enfermé dans son dogmatisme, refuse de faire contribuer les plus aisés à l'effort national et promet un retour du déficit public sous les 3 % d'ici à la fin du quinquennat.
Comment, dans ces conditions, allez-vous financer cette LPM ? Vos prévisions de croissance sont un leurre. Ce débat nécessite que nous connaissions les perdants, qui ne seront ni le ministère de l'intérieur ni le ministère de la justice, désormais dotés de leur propre programmation budgétaire. Alors, qui ? La transition écologique ? L'éducation nationale ? La culture ? Aucune de ces solutions n'est acceptable. C'est pour nous une ligne rouge !
Si nous comprenons l'effort de rattrapage budgétaire du ministère, si nous avons bien en tête que ces crédits correspondent souvent au paiement de programmes déjà engagés, si nous n'ignorons pas l'explosion du coût des matériels qu'induisent le saut technologique et les nouveaux espaces de conflictualité, il n'en reste pas moins que vous demandez beaucoup d'argent et que vous n'avez pas défini l'urgence de la menace et le besoin pour la France d'y faire face seule ou presque.
À vous entendre, et c'est aussi une faiblesse de ce projet de loi de programmation, on a parfois le sentiment que la France est seule au monde et qu'elle doit être en capacité de faire face à une guerre de haute intensité sur son sol sans aide de ses voisins.
Or ce que ce nouveau contexte géostratégique nous rappelle, c'est l'immense dépendance des Européens à l'égard des États-Unis pour assurer la sécurité de notre continent. Malgré cette froide réalité, la France – ce projet en est l'illustration – cultive son rêve d'autonomie et de puissance d'équilibre.
Nous ne partageons pas ce récit. La France est une puissance bien plus moyenne qu'elle ne veut le croire. Continuer à promouvoir un modèle d'armée complet, c'est prendre le risque du saupoudrage, de l'échantillonnage, et cette programmation n'échappe pas à ce constat – chacun en conviendra.
Résultat des courses : pour renouveler la dissuasion nucléaire au coût exorbitant, pour dégager des marges, pour investir de nouveaux espaces de conflictualité, nous n'investissons pas, comme nous le devrions, pour notre armée de terre, pour son équipement et pour le confort de vie des soldats et de leurs familles, cette fameuse « armée à hauteur d'homme » chère à votre prédécesseure, monsieur le ministre.
Les écologistes, pour leur part, considèrent que notre effort ne peut être qu'européen. Nos besoins en hommes, en équipements, en stocks stratégiques, en munitions, ne peuvent se mesurer que dans le cadre d'une coalition européenne. La revue nationale stratégique était d'une grande faiblesse en la matière et le rapport annexé du présent projet de LPM, certes amélioré par l'Assemblée nationale et le Sénat, demeure insuffisant.
Comment coordonner notre effort avec celui de nos voisins, notamment avec celui, sans précédent, décidé outre-Rhin ? Quelles impulsions pouvons-nous donner pour une base industrielle et technologique de défense résolument européenne, une nécessité tant pour harmoniser nos équipements que pour diminuer nos coûts de production ? Quel nouvel effort devons-nous faire pour construire politiquement la réponse européenne aux défis stratégiques du XXIe siècle, dont la guerre en Ukraine vient de nouveau rappeler l'absolue nécessité ? Cet effort peut-il, à court et moyen termes, s'inscrire raisonnablement en dehors du cadre otanien ? Sur toutes ces questions, votre texte est soit muet, soit vague, soit ambigu.
Il est certain que pour renforcer la dimension européenne de notre effort militaire, il faudrait commencer par respecter les règles communes de l'Union ; je pense au premier chef au code de conduite sur les exportations d'armes de 1998, qui, sans l'opposition de la France en particulier, pourrait devenir juridiquement contraignant.
Monsieur le ministre, la création d'une délégation parlementaire au contrôle des exportations d'armes ou l'extension en ce sens des prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, adoptée en commission, est un impératif. J'en profite pour saluer les efforts de notre commission pour renforcer le contrôle parlementaire sur tous les volets de l'action de l'exécutif en matière de défense. Il faut mettre un terme à ce domaine réservé indigne d'une République démocratique.
J'insiste, pour conclure, sur le renforcement des efforts de transition écologique et énergétique de l'armée, qui reste à ce stade largement incantatoire. Je pense en premier lieu à la rénovation du bâti. Bien sûr, la situation de nos armées est à part, mais, s'agissant du premier poste ministériel en matière de consommation d'énergies fossiles, un effort tant écologique que financier doit être produit.
Avec les six petites minutes qui m'étaient imparties, ce propos est davantage un préambule qu'un tableau général. Je profiterai des jours de débats qui s'ouvrent pour être plus complet. §
Toutefois, je tiens à rappeler que la logique de la dissuasion nucléaire s’est poursuivie après l’élection, en 1981, de François Mitterrand, lequel considérait que la force de la dissuasion nucléaire reposait sur son lien avec le Président de la République, le reste n’étant que « matières inertes ».
Il est également important de redire que ma famille politique, de François Mitterrand à François Hollande, en passant par Lionel Jospin, a œuvré en faveur de la dissuasion nucléaire et d’une armée à la hauteur des enjeux de la défense de notre territoire.
Comme l’ont indiqué certains de mes collègues, le Sénat est quelque peu chagriné, monsieur le ministre, à cause de l’expérience qu’il a vécue pour l’actuelle loi de programmation militaire. En effet, il a souhaité sa mise à jour, ce qui lui a été refusé.
Par ailleurs, notre assemblée a voulu jouer tout son rôle dans le cadre de la construction de ce nouveau texte, ce qui n’a pas été possible, puisqu’il n’y a pas eu de Livre blanc. Certes, une revue nationale stratégique a été menée, mais sans le Parlement, qui est pourtant chargé du contrôle du Gouvernement et de l’évaluation des politiques publiques.
Je pourrais également évoquer la question financière – les 2 %, les 7 milliards d’euros, les 13 milliards, etc. –, mais je m’arrêterai simplement sur le montage financier.
Si on met de côté les fameux 13 milliards d’euros, il reste 400 milliards de crédits budgétaires. Convenez-en, monsieur le ministre, les années 2024 et 2025 doivent déjà bénéficier de 97 milliards d’euros aux termes de l’actuelle loi de programmation militaire – ils sont, d’une certaine façon, comptés deux fois…
Si l’on y ajoute les 30 milliards d’euros correspondant à l’inflation – je mets de côté, à ce stade, les 100 milliards d’euros de reports de charges –, les besoins de financement sont réels.
Par ailleurs, l’élection présidentielle étant prévue en 2027, le nouveau Président de la République – ce ne sera pas le même qu’aujourd’hui, si nous conservons la rédaction actuelle de la Constitution… – présentera, à n’en pas douter, une nouvelle programmation militaire. En tout cas, vous le savez bien, la facture sera payée par la prochaine majorité !
Soyons honnêtes ! Toute autre majorité souhaiterait également disposer d’une armée complète permettant de mettre en place une dissuasion et des forces conventionnelles, tout en étant tenue par les finances publiques. L’épure serait donc à peu près la même. Dans ces conditions, voulons-nous une armée complète miniature, un bonsaï ?
La question que nous devons nous poser est différente : agissons-nous seuls ou avec des alliés ? Que doit faire la France pour maintenir sa capacité de défense et d’armement ? Quel doit être son rapport à l’Otan ? En l’absence de Livre blanc, il est extrêmement difficile de comprendre les tenants et les aboutissants de la stratégie du Gouvernement de ce point de vue.
Une grande partie du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dans laquelle je me situe, est favorable à une meilleure intégration de la France au sein de l’Otan. Il ne s’agit pas de réduire notre indépendance ou notre capacité à agir ou à décider. Il ne s’agit pas non plus de mettre en partage notre dissuasion nucléaire – bien au contraire !
Ces derniers temps, les Allemands ont joué un rôle pilote pour ce qui concerne la protection antimissile. C’est ce que devrait faire la France ! Et il est dommage qu’un projet de loi de programmation militaire n’évoque pas ce type de sujet. Dans ces conditions, comment pourrions-nous être leaders au sein de l’Otan pour ce qui concerne un certain nombre de grandes questions ?
Nous aurons certainement un débat sur la défense européenne, mais quid de l’Otan ? Pourquoi le projet de loi n’aborde-t-il pas cette question ? Il est vraiment dommage de ne pas pouvoir en débattre et cela rejoint une difficulté intrinsèque de ce texte : l’absence de Livre blanc préparatoire.
Nous devons assumer une politique européenne de défense beaucoup plus forte, en particulier en termes de recherche et développement, de commandes communes ou de projets communs d’armements, points qui ne figurent pas dans ce texte.
J’évoquerai également le contrôle parlementaire, qui a été renforcé par la commission. Sur ce point, nous avons travaillé en parfait accord avec Christian Cambon et l’ensemble de la commission, ce dont je me réjouis.
Nous avons fait adopter un amendement relatif à la mise en place d’une commission chargée de l’élaboration d’un Livre blanc en vue de l’actualisation de la programmation. J’ai bien compris que cela posait parfois problème à certains. Dès lors, appelons-le Livre bleu ! §Il s’agit simplement de permettre au Parlement de travailler. Il n’est pas normal que nous ne connaissions pas le prix d’un porte-avions, alors que nous l’avons demandé à plusieurs reprises, que ce soit au chef d’état-major des armées ou au ministre !
Pour conclure, j’en viens à la position du groupe socialiste sur ce texte. Nous souhaitons, conformément à notre position initiale, bonifier la LPM. C’est ce que nous avons fait, par le biais de nos amendements – je parle sous le contrôle du président de la commission –, en particulier pour ce qui concerne le service national universel (SNU), le contrôle de l’armement ou encore les questions sociales pour les militaires.
Monsieur le ministre, nous avons lu votre interview publiée aujourd’hui dans Le Figaro. C’est vrai, nous avons déposé de nombreux amendements. Nous souhaitons en effet co-construire avec vous la défense nationale, car il y aura une nouvelle majorité en 2027, et nous espérons en être !
Nous souhaitons que le Gouvernement, dans sa sagesse, soutienne un certain nombre de ces amendements, qui visent à bonifier le texte. Notre souhait est également celui de l’ensemble des groupes du Sénat en ce qui concerne leurs propres amendements.
Faisons en sorte que notre pays ait une armée à un niveau adapté et que les hommes et les femmes qui la composent soient fiers de porter nos couleurs !
Toutefois, je tiens à rappeler que la logique de la dissuasion nucléaire s’est poursuivie après l’élection, en 1981, de François Mitterrand, lequel considérait que la force de la dissuasion nucléaire reposait sur son lien avec le Président de la République, le reste n’étant que « matières inertes ».
Il est également important de redire que ma famille politique, de François Mitterrand à François Hollande, en passant par Lionel Jospin, a œuvré en faveur de la dissuasion nucléaire et d’une armée à la hauteur des enjeux de la défense de notre territoire.
Comme l’ont indiqué certains de mes collègues, le Sénat est quelque peu chagriné, monsieur le ministre, à cause de l’expérience qu’il a vécue pour l’actuelle loi de programmation militaire. En effet, il a souhaité sa mise à jour, ce qui lui a été refusé.
Par ailleurs, notre assemblée a voulu jouer tout son rôle dans le cadre de la construction de ce nouveau texte, ce qui n’a pas été possible, puisqu’il n’y a pas eu de Livre blanc. Certes, une revue nationale stratégique a été menée, mais sans le Parlement, qui est pourtant chargé du contrôle du Gouvernement et de l’évaluation des politiques publiques.
Je pourrais également évoquer la question financière – les 2 %, les 7 milliards d’euros, les 13 milliards, etc. –, mais je m’arrêterai simplement sur le montage financier.
Si l’on met de côté les fameux 13 milliards d’euros, il reste 400 milliards d’euros de crédits budgétaires. Convenez-en, monsieur le ministre, les années 2024 et 2025 doivent déjà bénéficier de 97 milliards d’euros aux termes de l’actuelle loi de programmation militaire – ils sont, d’une certaine façon, comptés deux fois…
Si l’on y ajoute les 30 milliards d’euros correspondant à l’inflation – je mets de côté, à ce stade, les 100 milliards d’euros de reports de charges –, les besoins de financement sont réels.
Par ailleurs, l’élection présidentielle étant prévue en 2027, le nouveau Président de la République – ce ne sera pas le même qu’aujourd’hui, si nous conservons la rédaction actuelle de la Constitution… – présentera, à n’en pas douter, une nouvelle programmation militaire. En tout cas, vous le savez bien, la facture sera payée par la prochaine majorité !
Soyons honnêtes ! Toute autre majorité souhaiterait également disposer d’une armée complète permettant de mettre en place une dissuasion et des forces conventionnelles, tout en étant tenue par les finances publiques. L’épure serait donc à peu près la même. Dans ces conditions, voulons-nous une armée complète miniature, un bonsaï ?
La question que nous devons nous poser est différente : agissons-nous seuls ou avec des alliés ? Que doit faire la France pour maintenir sa capacité de défense et d’armement ? Quel doit être son rapport à l’Otan ? En l’absence de Livre blanc, il est extrêmement difficile de comprendre les tenants et les aboutissants de la stratégie du Gouvernement de ce point de vue.
Une grande partie du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dans laquelle je me situe, est favorable à une meilleure intégration de la France au sein de l’Otan. Il ne s’agit pas de réduire notre indépendance ou notre capacité à agir ou à décider. Il ne s’agit pas non plus de mettre en partage notre dissuasion nucléaire – bien au contraire !
Ces derniers temps, les Allemands ont joué un rôle pilote pour ce qui concerne la protection antimissile. C’est ce que devrait faire la France ! Et il est dommage qu’un projet de loi de programmation militaire n’évoque pas ce type de sujet. Dans ces conditions, comment pourrions-nous être leaders au sein de l’Otan pour ce qui concerne un certain nombre de grandes questions ?
Nous aurons certainement un débat sur la défense européenne, mais quid de l’Otan ? Pourquoi le projet de loi n’aborde-t-il pas cette question ? Il est vraiment dommage de ne pas pouvoir en débattre et cela rejoint une difficulté intrinsèque de ce texte : l’absence de Livre blanc préparatoire.
Nous devons assumer une politique européenne de défense beaucoup plus forte, en particulier en termes de recherche et développement, de commandes communes ou de projets communs d’armements, points qui ne figurent pas dans ce texte.
J’évoquerai également le contrôle parlementaire, qui a été renforcé par la commission. Sur ce point, nous avons travaillé en parfait accord avec Christian Cambon et l’ensemble de la commission, ce dont je me réjouis.
Nous avons fait adopter un amendement relatif à la mise en place d’une commission chargée de l’élaboration d’un Livre blanc en vue de l’actualisation de la programmation. J’ai bien compris que cela posait parfois problème à certains. Dès lors, appelons-le Livre bleu ! §Il s’agit simplement de permettre au Parlement de travailler. Il n’est pas normal que nous ne connaissions pas le prix d’un porte-avions, alors que nous l’avons demandé à plusieurs reprises, que ce soit au chef d’état-major des armées ou au ministre !
Pour conclure, j’en viens à la position du groupe socialiste sur ce texte. Nous souhaitons, conformément à notre position initiale, bonifier la LPM. C’est ce que nous avons fait, par le biais de nos amendements – je parle sous le contrôle du président de la commission –, en particulier pour ce qui concerne le SNU, le contrôle de l’armement ou encore les questions sociales pour les militaires.
Monsieur le ministre, nous avons lu votre interview publiée aujourd’hui dans Le Figaro. C’est vrai, nous avons déposé de nombreux amendements. Nous souhaitons en effet coconstruire avec vous la défense nationale, car il y aura une nouvelle majorité en 2027, et nous espérons en être !
Nous souhaitons que le Gouvernement, dans sa sagesse, soutienne un certain nombre de ces amendements, qui visent à bonifier le texte. Notre souhait est également celui de l’ensemble des groupes du Sénat en ce qui concerne leurs propres amendements.
Faisons en sorte que notre pays ait une armée à un niveau adapté et que les hommes et les femmes qui la composent soient fiers de porter nos couleurs !
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, avant d'entrer dans le vif du sujet, avec ce texte fondateur qui marquera notre politique de défense pour les prochaines années, j'aimerais m'adresser directement à nos soldats : « Vous êtes des femmes et des hommes d'exception, engagés en France et aux quatre coins du monde. Votre combativité est inégalable. Votre abnégation est un modèle pour tous. » Je veux leur dire, au nom du groupe RDPI, combien nous sommes fiers d'eux. Nous leur témoignons toute notre reconnaissance.
Je crois qu'au fond, dans cet hémicycle, nous défendons tous un objectif commun : protéger notre population et notre souveraineté. Pour ce faire, il importe d'accorder à nos armées les moyens adéquats. Nos visions des choses et les manières d'atteindre cet objectif sont multiples, mais, jusqu'à présent, nous avons toujours su avancer ensemble. Je forme le vœu que les débats de ces prochains jours se déroulent sereinement et qu'ils soient constructifs. J'espère que nos discussions nous permettront d'y voir plus clair, en particulier quant aux moyens budgétaires de cette programmation militaire.
Si, finalement, il y a lieu d'augmenter l'enveloppe budgétaire, nous en débattrons. Ce texte prévoit l'attribution progressive au budget des armées de moyens financiers considérables pour leur permettre de rattraper le retard d'investissement pris depuis trente ans, sans pour autant déséquilibrer le budget de la nation ou réduire d'autres postes de dépenses nécessaires aux Français.
Si, en revanche, il y a lieu de maintenir la même enveloppe globale, ce débat sera l'occasion de comprendre où les coupes budgétaires doivent se faire pour compenser les nouvelles dépenses à intégrer.
En ce qui concerne le groupe RDPI, nous faisons le choix de la confiance en notre état-major, avec lequel ce projet de loi de programmation militaire a été minutieusement pensé et élaboré, et en notre ministre des armées.
Nous ne souhaitons pas rigidifier le travail de l'état-major. Il faut lui laisser la latitude nécessaire pour s'adapter à tous les défis.
Au cours de ces prochains jours, notre groupe vous proposera plusieurs amendements sur des sujets qui nous tiennent à cœur, par exemple pour compléter les missions de l'Office national des combattants et victimes de guerre, afin de le conforter dans son rôle de relais territorial de l'action mémorielle du ministère.
J'en profite pour saluer le travail de Mme la secrétaire d'État en charge des anciens combattants et de la mémoire, pleinement engagée aux côtés des anciens combattants et des blessés de guerre, notamment grâce au remarquable plan d'accompagnement des blessés 2023-2027, présenté le 10 mai dernier, ou encore à la disposition visant à exonérer certains étudiants, sur critères sociaux, du paiement des droits d'inscription dans les lycées de défense.
Dès 2017, le Président de la République a engagé une politique de rupture avec ses prédécesseurs afin de mettre un terme à plusieurs décennies de diminution de nos capacités militaires.
Dans le cadre de ce projet de loi de programmation militaire pour 2024-2030, il est essentiel que la France continue de renforcer ses moyens à la fois pour garantir son autonomie stratégique et assurer ses engagements en tant qu'alliée de l'Otan et membre de l'Union européenne. En somme, il s'agit d'être une puissance d'équilibre.
Avec cette nouvelle LPM, on passe d'une première loi de réparation, sur la période 2019-2025, à une loi de transformation de nos capacités de défense, pour être plus efficaces et performants.
Outre le renouvellement des capacités opérationnelles, le ministère des armées a entrepris un effort de modernisation. Cette modernisation s'inscrit dans le cadre de la réforme de l'État et vise notamment à dégager des marges de manœuvre budgétaires pour adapter les capacités militaires, notamment en matière d'équipements, garantir les normes d'activité et d'entraînement et poursuivre l'amélioration des conditions de travail et de vie des personnels civils et militaires.
Le ministère des armées travaille avec dix grands groupes, 4 000 PME et ETI et 200 000 personnes. Près de 27 000 entreprises sont partenaires du ministère des armées.
Mes chers collègues, sur ces 413 milliards d'euros qui sont nécessaires pour garantir notre sécurité, 268 milliards vont principalement profiter à nos industries, soutenir l'emploi dans les territoires, préserver et développer les compétences. On sait que, pour un million d'euros d'investissement, on crée sept emplois directs et indirects.
Au cours des décennies écoulées, la France a principalement fondé sa politique de défense et de sécurité sur la dissuasion nucléaire et la notion d'autonomie stratégique à l'égard de l'Otan. Les menaces identifiées dans le Livre blanc de 2008 se sont amplifiées : terrorisme, cybermenace, prolifération nucléaire, pandémies. Dans un tel contexte, l'objectif d'une souveraineté maîtrisée concerne les domaines critiques de la dissuasion, l'accès à l'espace, la capacité d'entrer en premier, mais aussi le renseignement.
La dégradation du contexte géostratégique a entraîné l'émergence d'une idée d'autonomie stratégique européenne et doit conduire à prendre en compte le retour de la notion de guerre à haute intensité, comme on le voit en Ukraine. Ce conflit a rappelé la nécessité de disposer de solides systèmes de défense antimissiles et antiaériens en cas de conflit avec une puissance étrangère.
C'est pourquoi le Gouvernement a programmé pour la période 2023-2027 : 5 milliards d'euros pour la défense surface-air ; 4 milliards pour le cyber ; 5 milliards pour les drones et robots ; 16 milliards pour les stocks de munitions ; 10 milliards pour la fabrication d'un porte-avions de nouvelle génération. Ces éléments figurent parmi les priorités stratégiques de développement pour les armées françaises.
Mais cette programmation militaire ne se résume pas aux seuls investissements matériels. Elle comprend aussi un volet humain très important, avec un doublement de la réserve opérationnelle et plus de 6 400 créations de postes, 700 nouveaux postes étant ouverts dès 2024 et 2025. Cet objectif, s'il est réalisé, dépasserait les augmentations de postes obtenues grâce à l'actuelle LPM, selon les chiffres de la Cour des comptes.
Ce texte comprend aussi un plan Famille de 750 millions d'euros pour compenser les absences et les contraintes opérationnelles, ainsi qu'une politique de ressources humaines modernisée avec une gestion des carrières rénovée.
Dans l'Indo-Pacifique, face à une Chine qui ne cesse de multiplier ses démonstrations de puissance, cette programmation militaire permet à la France de tenir son rang grâce à son armée et à ses territoires d'outre-mer.
Un effort particulier sera fait sur les infrastructures en outre-mer, avec 13 milliards d'euros sur la période. Nos forces de souveraineté bénéficieront d'un effort généralisé sur le plan capacitaire – corvettes, avions de transport, drones, génie dual –, et constitueront un premier échelon renforcé immédiatement disponible afin de décourager toute tentative de déstabilisation ou de prédation.
Elles disposeront par ailleurs de capacités de surveillance qui amélioreront la couverture de nos territoires outre-mer et de leurs zones économiques exclusives. Les capacités de commandement seront durcies de manière ciblée en fonction des enjeux régionaux.
Ces réformes et ce projet de loi de programmation envoient le signal clair que la France peut compter sur une armée moderne et totalement connectée à son époque pour atteindre, d'ici à 2030, un modèle complet et équilibré, apte à répondre à l'ensemble des menaces. §
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous ces milliards d'euros, ces moyens, ces matériels ne seraient rien sans celles et ceux qui servent pour la sécurité extérieure de notre pays. Aussi, je veux rendre hommage à nos soldats, à nos aviateurs, à nos marins, à l'ensemble des personnels des services de renseignement, de cybersécurité ou de soutien, aux ingénieurs de l'armement, bref, à toutes celles et tous ceux, réservistes compris, qui contribuent à cet effort de défense.
Monsieur le ministre, c'est la cinquième loi de programmation militaire à l'élaboration de laquelle je participe depuis que je suis parlementaire. Mais c'est certainement celle qui porte la plus importante hausse budgétaire pour nos armées.
Rendons à César ce qui est à César, ou plutôt à Macron ce qui est à Macron.
Car c'est bien le Président de la République qui a eu la volonté de doubler le budget consacré à notre défense. C'est fondamental !
Il importe cependant de ne pas nous focaliser uniquement sur l'actualité. Ce qui se passe en Europe de l'Est est certes essentiel, et nous devons continuer à soutenir nos amis ukrainiens dans leur combat pour leur liberté et leur souveraineté, mais, au-delà de ce drame, j'identifie un certain nombre d'enjeux particulièrement importants.
Monsieur le ministre, selon moi, ce projet de loi de programmation militaire manque, à certains égards, d'audace. Si vous me permettez l'expression, nous sommes encore dans ce que je qualifie de « global riquiqui ». Je m'explique : nous avons tout, de la dissuasion nucléaire jusqu'aux fantassins sur le terrain, mais nous avons tout en très petit.
Aussi, il aurait fallu, à mon sens, donner la priorité à un certain nombre d'éléments. J'en citerai deux : la capacité de projection vers des théâtres extérieurs et les forces de souveraineté.
S'agissant de ces dernières, nous sommes passés de 15 000 personnels voilà trente ans à 8 700 voilà dix ans et à moins de 7 000 aujourd'hui. Derrière ce constat se joue quelque chose d'essentiel : la capacité de notre pays à donner de la crédibilité à sa stratégie indo-pacifique.
Certes, nous faisons partie d'une alliance et nous sommes protégés par l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord. Par parenthèse, nous pouvons regretter que certains de nos partenaires n'attachent pas plus d'importance à l'alinéa 7 de l'article 42 du traité sur l'Union européenne.
Pour autant, nous devons poursuivre les efforts de réarmement au profit de nos forces de souveraineté. Songez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, sur les vingt-six bases aériennes de plein exercice, aucune n'est installée dans les outre-mer. Notre marine nationale doit sortir de la logique des deux moitiés, Brest et Toulon, pour aller vers la logique des quatre quarts – Brest, Toulon, Saint-Denis-de-la-Réunion et Nouméa ou Papeete. Sortons aussi de cette logique des régiments tournants pour l'armée de terre. Il faut des régiments prépositionnés pour bénéficier d'une capacité de projection à partir des outre-mer.
Tels sont les enjeux que nous devons relever pour assumer une ambition collective. Nous défendrons d'ailleurs un certain nombre d'amendements pour améliorer la visibilité de notre stratégie. Considérons-nous non pas seulement comme une puissance continentale et européenne, mais également comme une puissance mondiale et maritime. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enjeu de ce projet de loi, qui vise à définir la trajectoire budgétaire de nos armées pour les sept prochaines aimées, est immense.
Malheureusement, ce texte a été décidé à la hâte, deux ans avant la fin de l’actuelle LPM, et ne s’appuie sur aucune orientation stratégique précise, si ce n’est l’idée qu’il faut obligatoirement augmenter les dépenses militaires.
Dans un contexte marqué par des logiques de puissance et, parfois, de remise en cause des principes du droit international, le sujet dont traite ce projet loi aurait dû associer bien plus largement la représentation nationale. Pourtant, une fois de plus, tout a été décidé par un seul homme.
Ainsi, le maintien et la modernisation de nos deux composantes de dissuasion nucléaire sont actés, sans que ces choix aient été préalablement réévalués. Outre l’opacité totale sur les programmes précis liés aux 53, 7 milliards d’euros consacrés aux armes de destruction massive, soit 13 % du budget de la LPM, vous refusez tout débat sur la pertinence stratégique du maintien d’une telle stratégie de dissuasion.
Moderniser de tels systèmes d’armes, c’est engager la France pour des décennies dans une stratégie qui pourrait devenir obsolète en quelques années.
Monsieur le ministre, ce pari est beaucoup trop lourd de conséquences pour être décidé sans concertation avec la représentation nationale. Ne balayez pas nos interrogations en faisant croire à nos concitoyens que, en matière de dissuasion nucléaire, nous serions face à un choix binaire entre le « tout » et le « rien ».
Le choix de la dissuasion pour assurer la sanctuarisation de notre territoire induit un autre choix très discutable : privilégier l’équipement de nos forces conventionnelles en vue de stratégies de projection extérieure.
Il serait sans doute temps de cesser de voir la défense de notre pays partout ailleurs qu’en France. Ce modèle de projection, qui se fait au détriment de la défense de nos territoires, a des implications stratégiques concrètes et de lourds coûts budgétaires.
En effet, malgré les éléments de langage creux du type « la cohérence sur la masse », je vois en réalité des vides capacitaires qui perdurent et une logique échantillonnaire qui reste reine.
La place excessive accordée à la dissuasion nucléaire conduit à opérer des coupes claires dans nos défenses opérationnelles. De quel conflit souhaitez-vous nous prémunir avec deux cents chars Leclerc, lorsque l’on sait que la Russie en a perdu plus de deux mille depuis le début du conflit en Ukraine ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enjeu de ce projet de loi, qui vise à définir la trajectoire budgétaire de nos armées pour les sept prochaines aimées, est immense.
Malheureusement, ce texte a été décidé à la hâte, deux ans avant la fin de l’actuelle LPM, et ne s’appuie sur aucune orientation stratégique précise, si ce n’est l’idée qu’il faut obligatoirement augmenter les dépenses militaires.
Dans un contexte marqué par des logiques de puissance et, parfois, de remise en cause des principes du droit international, le sujet dont traite ce projet de loi aurait dû associer bien plus largement la représentation nationale. Pourtant, une fois de plus, tout a été décidé par un seul homme.
Ainsi, le maintien et la modernisation de nos deux composantes de dissuasion nucléaire sont actés, sans que ces choix aient été préalablement réévalués. Outre l’opacité totale sur les programmes précis liés aux 53, 7 milliards d’euros consacrés aux armes de destruction massive, soit 13 % du budget de la LPM, vous refusez tout débat sur la pertinence stratégique du maintien d’une telle stratégie de dissuasion.
Moderniser de tels systèmes d’armes, c’est engager la France pour des décennies dans une stratégie qui pourrait devenir obsolète en quelques années.
Monsieur le ministre, ce pari est beaucoup trop lourd de conséquences pour être décidé sans concertation avec la représentation nationale. Ne balayez pas nos interrogations en faisant croire à nos concitoyens que, en matière de dissuasion nucléaire, nous serions face à un choix binaire entre le « tout » et le « rien ».
Le choix de la dissuasion pour assurer la sanctuarisation de notre territoire induit un autre choix très discutable : privilégier l’équipement de nos forces conventionnelles en vue de stratégies de projection extérieure.
Il serait sans doute temps de cesser de voir la défense de notre pays partout ailleurs qu’en France. Ce modèle de projection, qui se fait au détriment de la défense de nos territoires, a des implications stratégiques concrètes et de lourds coûts budgétaires.
En effet, malgré les éléments de langage creux du type « la cohérence sur la masse », je vois en réalité des vides capacitaires qui perdurent et une logique échantillonnaire qui reste reine.
La place excessive accordée à la dissuasion nucléaire conduit à opérer des coupes claires dans nos défenses opérationnelles. De quel conflit souhaitez-vous nous prémunir avec deux cents chars Leclerc, lorsque l’on sait que la Russie en a perdu plus de deux mille depuis le début du conflit en Ukraine ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour le général de Gaulle, la défense était « la première raison d'être de l'État ». Il ajoutait que l'État ne pouvait y « manquer sans se détruire lui-même ».
Le projet de loi de programmation militaire est donc déterminant pour notre avenir dans le contexte actuel. En effet, depuis la dernière LPM, le monde connaît un regain de tensions inquiétant.
L'Europe est confrontée à un conflit majeur causé par l'invasion de l'Ukraine par la Russie, puissance dotée de l'arme nucléaire, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et membre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Cela en dit long sur l'état de l'ordre international.
Nous redécouvrons à nos dépens que la paix ne va pas de soi. Combien de programmes militaires ont été étalés, combien de coupes budgétaires et de réductions d'effectifs ont été justifiées en Europe par les « dividendes de la paix » ? La France n'a pas échappé à cette tendance, même si elle a su conserver, avec peine, un modèle complet d'armée et une base industrielle et technologique de défense performante.
Aujourd'hui, un nouvel ordre mondial se met en place entre le camp occidental, le pôle russo-chinois et le reste du monde. L'Europe pourrait se trouver « cornerisée ».
Une Russie au pouvoir contesté par des mercenaires nationalistes, cernée par l'Otan et dépendante de la Chine, est une menace sérieuse pour la sécurité. Rien ne me paraît plus dangereux qu'un pays acculé, au seuil de la guerre civile, surtout lorsqu'il s'agit d'une puissance nucléaire aux multiples capacités militaires.
Ces évolutions ne sont pas sans conséquence sur nos intérêts. En Afrique, la pression des compétiteurs stratégiques s'accroît, y compris dans l'espace francophone. Leurs stratégies de soft power s'y déploient en même temps que d'autres moyens hybrides. Ce sont là les outils du jeu des puissances auquel nous devons être préparés.
L'opération Barkhane a montré le savoir-faire de nos armées, mais aussi les limites du modèle expéditionnaire français. Grâce à leurs capacités d'adaptation, nos forces ont obtenu des succès incontestables, au prix néanmoins d'une usure des personnels, des matériels et de pertes humaines notables.
En Indo-Pacifique, nos forces sont présentes, en particulier la marine, et agissent avec nos alliés de la région face, notamment, à la Chine qui avance ses pions à marche forcée et avec habileté. Autour de nos outre-mer, l'immensité des zones sous souveraineté française à surveiller et protéger restera un défi. Les drones et le traitement de masse des données par l'intelligence artificielle ne pourront pas tout.
« Être et durer », telle est la problématique posée aux chefs militaires. Qu'en sera-t-il demain dans la perspective d'un conflit complexe, de haute intensité, mêlant tous les champs de la conflictualité et entraînant une forte attrition des moyens ?
Un retour d'expérience rapide de l'exercice Orion 23 permettrait de savoir où la France en est dans ce domaine et d'envisager des ajustements.
Qu'en sera-t-il dans la perspective de conflits larvés, mais plus hybrides ? L'action combinée de quelques centaines de mercenaires Wagner sur le terrain africain et d'opérations de propagande-désinformation a permis de prendre le contrôle de fait de certains États, conduisant à l'éviction de la mission Barkhane. Les cyberattaques contre nos hôpitaux font aussi des dégâts dangereux et coûteux.
Prenons-nous pleinement la mesure de la force de ces déstabilisations réalisées à moindre coût ? Je n'en suis pas convaincu. Pour préserver la paix, les capacités actuelles ne sont plus suffisantes. Il faut des moyens adaptés, dimensionnés, capables d'évoluer rapidement.
Vous portez, monsieur le ministre, cette programmation aux ambitions fortes et aux moyens importants avec un certain sens de la communication.
Le Sénat a préparé l'examen de ce texte avec sérieux. Voulus par le président Cambon, les différents groupes de travail ont conduit des dizaines d'auditions sur plusieurs mois. J'y ai activement participé, avec plusieurs collègues, en particulier à ceux sur le renseignement et la prospective et sur le bilan de l'opération Barkhane.
Les amendements adoptés en commission témoignent d'une volonté d'aider les armées, sans esprit de polémique. Il est souhaitable que leur contenu trouve place dans le texte final.
Je ne m'étendrai pas sur le montage financier de ce projet de LPM. Nous faisons, vous faites des hypothèses, notamment sur l'inflation, et nous tablons, vous tablez sur des ressources additionnelles incertaines – certaines plus incertaines que d'autres, si je puis dire –, ainsi que sur des ajustements de dépenses au fil de l'eau. Avec le poids de la dette, néanmoins, les mauvaises surprises sont sans doute à venir.
La défense, ce sont aussi des industries : que seraient nos forces sans une BITD forte et indépendante ? La concurrence d'entreprises étrangères, aux contraintes limitées et fortement soutenues par leurs États, se durcit.
Les financements sont cruciaux pour la survie de ce qui est l'un des derniers écosystèmes industriels français. Il s'agit d'une filière d'excellence, non délocalisable, qui représente un vivier d'emplois dans les territoires.
Malgré les efforts de l'État, trop d'entreprises sont passées, ces dernières années, sous pavillon étranger, notamment pour y trouver les financements nécessaires à leur croissance. D'autres craignent de devoir être absorbées par de grands groupes, d'y perdre leur liberté et leur capacité à innover. Quant aux grands groupes, ils redoutent quant à eux la défaillance d'un de leurs fournisseurs critiques.
Les soutiens publics sont importants ; les financements privés le sont tout autant. Il faut créer un environnement favorable pour les banques et les investisseurs. Le passage à une économie de guerre ne pourra se faire sans eux.
Par ailleurs, un plus grand activisme français s'impose sur les projets de textes européens qui impacteront l'industrie de défense. La veille ne suffit plus. En effet, derrière ces textes à vocation écologique et sociale, il y a souvent des lobbies qui poursuivent des buts politiques et économiques contraires à nos intérêts. N'ajoutons pas de contraintes inappropriées qui fausseraient encore un peu plus la concurrence.
Aussi, j'ai fait adopter, en commission, de nombreux amendements pour conforter notre BITD.
La pérennité de ces industries requiert une visibilité des commandes. Elle leur permet de réaliser les investissements, souvent lourds – stocks, machines-outils, robots –, de maintenir les compétences et de pouvoir embaucher pour répondre aux besoins des armées, en particulier dans le contexte d'économie de guerre. Les stop and go empêcheront de produire vite et mieux. La continuité industrielle est indispensable, car les capacités et les compétences se perdent vite et se rattrapent lentement.
Le paradigme des coopérations européennes atteint aussi ses limites. Avec nos partenaires allemands, rien n'est simple, ni sur le système de combat aérien du futur (Scaf) ni sur le Main Ground Combat System (MGCS). Nous devons être très vigilants sur ces points.
Monsieur le ministre, avec la guerre en Ukraine, les autorités russes sont parties du postulat selon lequel les démocraties sont faibles et malades. Elles ont d'ailleurs tout fait pour les diviser et mieux les affaiblir. Face aux instincts belliqueux portés par la convergence des autoritarismes, nous devons – nous, démocraties – afficher une détermination sans faille.
Le droit et les valeurs sont des instruments nécessaires, mais insuffisants, pour défendre nos sociétés démocratiques. Donnons-nous réellement, ensemble, les moyens à la hauteur de nos ambitions et des menaces nouvelles.
Quels territoires maritimes, sur les 11 millions de kilomètres carrés que compte la France, pourrions-nous surveiller ou défendre avec une dizaine de bâtiments de premier rang ?
Le paradoxe est que votre logique présente des coûts budgétaires colossaux. Par exemple, nous allons dépenser plus de 10 milliards d’euros dans un porte-avions. Faire-valoir de puissance, ce bâtiment ne sera en aucun cas utile en cas de guerre, du fait de sa trop grande vulnérabilité. Il mobilisera davantage son groupe aéronaval pour sa propre défense que pour celle de la nation. Vous justifiez ce choix par le besoin de puissance et par celui de pérenniser la filière industrielle de nos chaudières nucléaires à usage militaire. D’autres choix sont possibles.
À quoi sert-il de se doter aujourd’hui d’un nouveau porte-avions, si ce n’est pour caresser dans le sens du poil l’imaginaire collectif du symbole de la souveraineté ? En réalité, il s’agit de pouvoir intégrer une task force américaine et d’avoir l’illusion de la commander pendant quelques jours sous l’étroite tutelle d’un commandement américain…
Alors oui, nombreux sont ceux qui pointent les pays qui, ayant une ambition navale, construisent des porte-avions. Mais faire de même, mes chers collègues, est-ce pour autant répondre avec pertinence et réalisme aux défis de sécurité qui sont et seront les nôtres ? Privés de réflexion stratégique souveraine, vous ne faites que mimer celle des autres !
Vous vous alignez sur une course mondiale à l’armement qui a atteint les 2 240 milliards de dollars l’année dernière, non instruits manifestement de cette stratégie qui vise, pour garantir son hégémonie, à imprimer un rythme que les autres ne pourront pas suivre.
Vous vous alignez sur les injonctions de l’Otan de monter le budget de la défense à 2 % du PIB, tant pis si cet indicateur n’a aucune signification militaire pour la défense de notre nation, puisque l’objectif absolu est de pouvoir se gargariser d’être l’élève modèle des Américains.
En réalité, ce déficit de visée stratégique menace directement notre sécurité et notre souveraineté. Nous pensons que la défense de la patrie passe d’abord et avant tout par la promotion de la paix, une paix durable, une paix qui s’inscrit en écho aux désastres des guerres.
Or la France, en s’alignant sur des intérêts qui ne sont ni les siens ni ceux qui participent à la sécurité humaine, se détourne de son engagement indéfectible pour la paix et le libre développement de tous les peuples.
Troisième réseau diplomatique au monde, notre nation doit s’inscrire dans une visée stratégique globale visant à prévenir les conflits et à multiplier les accords multilatéraux de désarmement nucléaire et de démilitarisation des espaces communs.
La revue nationale stratégique inclut la diplomatie dans le champ de « l’influence » – eh bien soit ! Œuvrons avec toutes les nations qui le souhaitent, à travers l’ONU, à travers des coopérations revivifiées, à lutter contre les insécurités globales, notamment l’une des plus menaçantes : l’insécurité environnementale qui, elle, – et nous en avons la certitude – rognera des pans entiers de nos territoires et causera une catastrophe systémique pour l’humanité.
J’évoquerai ensuite les lacunes de la politique cyber, qui témoignent des « impensés » stratégiques flagrants de cette LPM.
Plusieurs types de lutte informatique sont assurés, mais quid des couches intermédiaires du numérique dans la production des logiciels ou dans les systèmes d’exploitation ? Quid de la production des matériels, des routeurs au microprocesseur, ou des infrastructures de réseaux ?
La commission de la défense du Sénat des États-Unis avait déjà établi en 2012 que des millions de composants électroniques contrefaits ou compromis avaient pénétré les systèmes d’armes de leur pays.
Au regard des ruptures technologiques à l’œuvre aujourd’hui, qui ont toutes pour base commune une « hyper-technologisation » et par là même une demande croissante en composants électroniques, se résigner à ne pas maîtriser souverainement les outils de conception et de production du numérique, c’est se résigner à perdre notre autonomie stratégique.
Alors que le Gouvernement s’apprête à donner un coup de rabot de 10 milliards d’euros sur les crédits budgétaires, cette loi, dont les crédits sont en hausse de 40 % par rapport à la LPM actuelle, ne répond pas à l’unique objectif devant préoccuper nos armées, à savoir la stricte défense de nos territoires.
Nous continuerons donc à nous éparpiller dans toutes les régions du globe afin d’assouvir des intérêts étrangers à la France et contraires aux enjeux de sécurité globale qui préoccupent l’humanité.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre ce projet de loi. À travers la quarantaine d’amendements que nous vous présenterons, nous détaillerons nos propositions afin d’exprimer clairement notre vision d’une France souveraine, capable de se défendre et promouvant la paix.
Quels territoires maritimes, sur les 11 millions de kilomètres carrés que compte la France, pourrions-nous surveiller ou défendre avec une dizaine de bâtiments de premier rang ?
Le paradoxe est que votre logique présente des coûts budgétaires colossaux. Par exemple, nous allons dépenser plus de 10 milliards d’euros dans un porte-avions. Faire-valoir de puissance, ce bâtiment ne sera en aucun cas utile en cas de guerre, du fait de sa trop grande vulnérabilité. Il mobilisera davantage son groupe aéronaval pour sa propre défense que pour celle de la nation. Vous justifiez ce choix par le besoin de puissance et par celui de pérenniser la filière industrielle de nos chaudières nucléaires à usage militaire. D’autres choix sont possibles.
À quoi sert-il de se doter aujourd’hui d’un nouveau porte-avions, si ce n’est pour caresser dans le sens du poil l’imaginaire collectif du symbole de la souveraineté ? En réalité, il s’agit de pouvoir intégrer une task force américaine et d’avoir l’illusion de la commander pendant quelques jours sous l’étroite tutelle d’un commandement américain…
Alors oui, nombreux sont ceux qui pointent les pays qui, ayant une ambition navale, construisent des porte-avions. Mais faire de même, mes chers collègues, est-ce pour autant répondre avec pertinence et réalisme aux défis de sécurité qui sont et seront les nôtres ? Privés de réflexion stratégique souveraine, vous ne faites que mimer celle des autres !
Vous vous alignez sur une course mondiale à l’armement qui a atteint les 2 240 milliards de dollars l’année dernière, non instruits manifestement de cette stratégie qui vise, pour garantir son hégémonie, à imprimer un rythme que les autres ne pourront pas suivre.
Vous vous alignez sur les injonctions de l’Otan de monter le budget de la défense à 2 % du PIB, tant pis si cet indicateur n’a aucune signification militaire pour la défense de notre nation, puisque l’objectif absolu est de pouvoir se gargariser d’être l’élève modèle des Américains.
En réalité, ce déficit de visée stratégique menace directement notre sécurité et notre souveraineté. Nous pensons que la défense de la patrie passe d’abord et avant tout par la promotion de la paix, une paix durable, une paix qui s’inscrit en écho aux désastres des guerres.
Or la France, en s’alignant sur des intérêts qui ne sont ni les siens ni ceux qui participent à la sécurité humaine, se détourne de son engagement indéfectible pour la paix et le libre développement de tous les peuples.
Troisième réseau diplomatique au monde, notre nation doit s’inscrire dans une visée stratégique globale visant à prévenir les conflits et à multiplier les accords multilatéraux de désarmement nucléaire et de démilitarisation des espaces communs.
La revue nationale stratégique inclut la diplomatie dans le champ de « l’influence » – eh bien, soit ! Œuvrons avec toutes les nations qui le souhaitent, à travers l’ONU, à travers des coopérations revivifiées, à lutter contre les insécurités globales, notamment l’une des plus menaçantes : l’insécurité environnementale qui, elle – nous en avons la certitude –, rognera des pans entiers de nos territoires et causera une catastrophe systémique pour l’humanité.
J’évoquerai ensuite les lacunes de la politique cyber, qui témoignent des « impensés » stratégiques flagrants de cette LPM.
Plusieurs types de lutte informatique sont assurés, mais quid des couches intermédiaires du numérique dans la production des logiciels ou dans les systèmes d’exploitation ? Quid de la production des matériels, des routeurs aux microprocesseurs, ou des infrastructures de réseaux ?
La commission de la défense du Sénat des États-Unis avait déjà établi en 2012 que des millions de composants électroniques contrefaits ou compromis avaient pénétré les systèmes d’armes de leur pays.
Au regard des ruptures technologiques à l’œuvre aujourd’hui, qui ont toutes pour base commune une « hyper-technologisation » et par là même une demande croissante en composants électroniques, se résigner à ne pas maîtriser souverainement les outils de conception et de production du numérique, c’est se résigner à perdre notre autonomie stratégique.
Alors que le Gouvernement s’apprête à donner un coup de rabot de 10 milliards d’euros sur les crédits budgétaires, cette loi, dont les crédits sont en hausse de 40 % par rapport à la LPM actuelle, ne répond pas à l’unique objectif devant préoccuper nos armées, à savoir la stricte défense de nos territoires.
Nous continuerons donc à nous éparpiller dans toutes les régions du globe afin d’assouvir des intérêts étrangers à la France et contraires aux enjeux de sécurité globale qui préoccupent l’humanité.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre ce projet de loi. À travers la quarantaine d’amendements que nous vous présenterons, nous détaillerons nos propositions afin d’exprimer clairement notre vision d’une France souveraine, capable de se défendre et promouvant la paix.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
M. Alain Richard remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de programmation militaire par notre Haute Assemblée constitue toujours l'un de ces moments graves et solennels où nous réalisons que ce qui se joue n'est ni plus ni moins que la sécurité de notre pays et de nos compatriotes, donc leur avenir.
C'est une lourde responsabilité qui nous incombe alors, dans ce monde où – plus personne ne le niera désormais – les enjeux de sécurité et de défense n'ont jamais été aussi cruciaux.
Investie au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées depuis mon entrée au Sénat, en 2004, j'ai parfois eu l'impression que ces enjeux de défense et de sécurité n'avaient pas toujours été pris en compte à leur juste valeur. Je me réjouis donc d'autant plus de la prise de conscience collective, aussi bien dans l'opinion que chez les décideurs publics, de leur importance primordiale.
À l'heure où l'Ukraine se bat avec un courage admirable, il est indispensable d'afficher clairement, dans cette LPM, nos ambitions en matière de sécurité collective et notre ferme volonté de tenir notre rang en tant que première armée de l'Union européenne et de maillon essentiel de l'Otan, cette alliance euro-atlantique qui n'a jamais failli et qui est la meilleure garante aujourd'hui de notre sécurité et de notre défense collective.
L'enrichissement substantiel du texte que nous avons proposé en commission démontre une nouvelle fois la qualité du travail de notre assemblée et contribuera très nettement à mettre cette LPM au niveau que nos armées, à qui je veux moi aussi rendre ici un hommage appuyé, sont en droit d'attendre et à la mesure des engagements qui sont les nôtres à l'égard de nos concitoyens et de nos alliés et partenaires.
L'adoption de cette LPM permettra ainsi à la France, au sommet prochain de l'Otan, qui se tiendra les 11 et 12 juillet à Vilnius, d'apparaître aussi crédible et fiable qu'elle doit l'être.
Je rappelle que les 274 membres de l'Assemblée parlementaire de l'Otan, que j'ai l'honneur de présider et dont je porterai la voix auprès des 31 chefs d'État et de gouvernement lors de ce sommet de Vilnius, appellent, à l'unanimité, à renforcer le soutien politique et militaire à l'Ukraine et à renforcer notre politique de défense et de dissuasion, en consacrant plus de moyens à l'accroissement de nos capacités collectives.
Ne disposant que de cinq minutes de temps de parole, intervenant en toute fin de discussion et ne voulant pas répéter tout ce qu'ont excellemment dit plusieurs de mes collègues, je me contenterai de m'arrêter sur deux autres sujets.
Premièrement, je veux évoquer la désinformation. La guerre informationnelle qui est menée quotidiennement par la Russie notamment est d'une grande violence, et ses conséquences pourraient être des plus désastreuses et destructrices pour notre pays, nos sociétés et nos démocraties si nous ne la prenons pas collectivement en compte.
M'étant moi-même penchée sur cette nouvelle forme de guerre dans un rapport que j'ai présenté à l'Assemblée parlementaire de l'Otan, je souhaite insister sur la nécessité de se préparer, de se former, donc de s'armer, dès le plus jeune âge, comme cela se fait dans plusieurs États scandinaves, face à ces attaques qui visent à saper les fondements mêmes de nos sociétés démocratiques.
Ensuite, en conséquence de ces nouvelles mesures, il me semble tout aussi essentiel de développer nos outils d'influence et de reformer le lien entre l'armée et la nation, tout particulièrement auprès de nos jeunes Français établis à l'étranger, qui sont de plus en plus nombreux.
Les journées défense et citoyenneté représentent, à ce titre, une excellente opportunité pour acquérir les premières connaissances indispensables à la compréhension des grands enjeux de défense qui touchent notre pays, mais elles ne sont, à mon grand regret, que rarement organisées, alors même que les jeunes Français résidant à l'étranger sont déjà exclus du SNU. Je défendrai des amendements pour les promouvoir.
Ne perdons pas de vue que les Français établis hors de France demeurent la vitrine de notre pays à l'international, un de nos meilleurs outils d'influence, un relais essentiel chez nos partenaires alliés et, parfois, amis.
Les Français établis hors de France sont des Français à part entière, des citoyens engagés, qui ne demandent qu'à servir leur pays, que ce soit par la promotion de nos intérêts économiques, par une veille géostratégique, par une cyberdéfense adaptée ou encore par une lutte contre la désinformation. Il est de notre devoir et de notre responsabilité de les soutenir, donc de leur donner, dans ce texte, les moyens de mieux servir notre pays, nos armées et nos valeurs. Ne les décevons pas. (
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation militaire est essentiel, pour plusieurs raisons.
D'abord, il l'est du fait du contexte géopolitique international. Nous avons tous en tête la guerre en Ukraine. C'est le fait générateur, mais d'autres événements doivent évidemment être suivis.
Ma première pensée va à l'Afrique, dont nous avons débattu voilà quelques jours. Il est vrai qu'il y a une dégradation incontestable de la situation sur ce continent, avec le développement d'un sentiment antifrançais. Je pense au Mali ; à la Centrafrique ; au Burkina Faso, malheureusement ; ainsi qu'au Maghreb – nous en avons parlé la semaine dernière ici même.
Par nos outre-mer, nous avons une responsabilité sur l'ensemble du globe. Ils sont, pour nous, un atout, mais aussi, évidemment, ils nous obligent – j'en profite pour saluer l'ensemble de mes collègues ultramarins ici présents. Cette responsabilité nécessitera des moyens maritimes. Nous en reparlerons, monsieur le ministre.
Il existe d'autres théâtres d'opérations potentiels : je pense à l'Iran, à l'Afghanistan ou encore à la Corée du Nord.
Cette accumulation de menaces sur tous les continents oblige effectivement à des moyens nouveaux. C'est ce qui nécessitait d'actualiser la loi de programmation militaire.
L'autre grande raison que je veux évoquer est la multiplicité des guerres. C'est le grand changement du XXIe siècle.
Les vieilles guerres, brutales, existent encore. Les images que nous voyons en Ukraine rappellent celles de nos livres d'histoire sur la Première Guerre mondiale, une époque où chaque tranchée était un couloir de la mort.
Mais il y a de nouvelles guerres, pernicieuses.
Il y a les guerres technologiques, avec une montée en puissance de l'informatique, du numérique, du quantique au cyber, où les drones sont partout, et où l'intelligence artificielle le sera demain.
Il y a aussi les guerres liées au terrorisme.
Tout à l'heure, notre collègue Rachid Temal a fait du 11 septembre 2001 une date tournant. Bien sûr que nous avons tous en tête le 11 septembre ! Cependant, monsieur le ministre, j'ai une pensée pour l'attentat contre le Drakkar, au Liban, …
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bruno Belin applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 413 milliards d’euros, c’est bien l’effort budgétaire que prévoit ce projet de loi de programmation militaire pour la période 2024-2030.
Depuis plusieurs décennies, dans un contexte post-guerre froide bénéficiant des dividendes de la paix, nos forces se sont vu imposer une érosion des moyens budgétaires et une diminution drastique des effectifs.
Cette augmentation de la part du budget de la nation consacrée à nos armées est la bienvenue. Elle poursuit le mouvement engagé dès 2019 avec l’actuelle LPM, qui avait déjà pour objectifs de porter la part des dépenses militaires à 2 % du PIB en 2025 et de créer 6 000 emplois.
Cette trajectoire budgétaire de croissance visait déjà à régénérer le capital opérationnel des armées pour constituer une première étape vers un « modèle d’armée complet et équilibré ».
En février 2022, l’agression de l’Ukraine par la Russie a constitué un glissement stratégique. La guerre était de retour sur le flanc oriental de l’Europe et il apparaissait nécessaire de revoir notre ambition face à un regain de tensions dans toutes les zones du monde. Ainsi, les risques et les menaces sont plus importants que jamais et pourraient aller jusqu’à un engagement de très haute intensité.
Les travaux en vue de cette nouvelle loi de programmation militaire ont été engagés depuis de nombreux mois. Malheureusement, l’exécutif a préféré faire l’économie d’un Livre blanc au profit d’une revue nationale stratégique à laquelle les parlementaires n’ont été que peu associés, pour ne pas dire pas du tout, ce que nous regrettons.
Cette revue nationale stratégique se limite malheureusement à un inventaire des défis sécuritaires futurs sans les hiérarchiser, alors que nous évoluons dans un monde de plus en plus complexe, marqué par de nouveaux espaces de conflictualité, mais aussi par la persistance de certains réflexes comparables à ceux des derniers conflits mondiaux.
Nous nous sommes étonnés, en commission, de constater que, malgré une hausse considérable du budget des armées octroyée par cette programmation, certains objectifs sont bien plus étalés que ce qui était initialement prévu. Nous regrettons également certains décalages de programme et révisions à la baisse.
Cependant, nous nous félicitons des avancées majeures désormais introduites dans ce texte, ainsi que des crédits fléchés sur des programmes à effet majeur comme sur des cibles ô combien importantes. Nous nous réjouissons, bien évidemment, de l’engagement du programme consacré au porte-avions de nouvelle génération, qui constituera un élément de crédibilité et de souveraineté, et nous nous félicitons des 5 milliards d’euros d’ores et déjà fléchés dans cette programmation.
Même si l’inflation aura une incidence sur cette trajectoire budgétaire, nous ne pouvons que saluer les efforts réalisés pour nos services de renseignement et la lutte contre l’ingérence, ainsi que pour nos forces spéciales afin de leur permettre d’améliorer encore leurs capacités et leur polyvalence.
Nous saluons aussi les efforts en faveur de notre capacité de dissuasion aérienne et océanique, qui bénéficiera également de crédits de modernisation, ainsi que ceux consentis pour la consolidation du socle d’entraînement grâce aux capacités de simulation.
Nous saluons également l’effort en faveur des munitions qui permettra aux armées de consolider et de recompléter les stocks, ainsi que les efforts pour favoriser une transition nécessaire vers les futures capacités : feux dans la profondeur ou encore munitions téléopérées.
Enfin, nous saluons les crédits accordés à l’innovation, crédits ô combien vitaux pour affirmer notre supériorité technologique et garantir la maîtrise des nouveaux champs de conflictualité, et nous nous félicitons de l’effort en faveur de notre modèle de ressources humaines, ainsi que de l’attention portée à nos services de soutien.
Dans ce contexte, le groupe Union Centriste approuve le lissage et la consolidation de la trajectoire budgétaire, ainsi que les amendements visant à sécuriser le budget du ministère.
En créant un livret de souveraineté, notre commission a également répondu à un appel des industriels de la défense et de leurs prestataires, lesquels rencontrent encore trop souvent des difficultés de financement.
En tant que rapporteur pour avis du programme 178 lors de l’examen du projet de loi de finances, je ne peux m’empêcher d’évoquer quelques points.
L’effort consenti en faveur des crédits de paiement dans le cadre de cette programmation est considérable. Trois chiffres marquent une progression très nette : 69 milliards d’euros bénéficieront à l’entraînement et à l’activité des forces, soit un effort supplémentaire par rapport à l’actuelle LPM de 20 milliards ; 49 milliards d’euros sont alloués à l’entretien programmé du matériel (EPM), soit 14 milliards de plus ; et 18 milliards d’euros seront consacrés aux services de soutien, soit une hausse de 4 milliards.
L’effort est là, il était indispensable tant le programme 178 constitue une dimension importante pour répondre à l’hypothèse d’un engagement majeur ou de haute intensité.
Mais les résultats en matière de préparation opérationnelle et de disponibilité technique opérationnelle représentent de fortes préoccupations pour notre commission. En 2023, les indicateurs en la matière sont particulièrement décevants.
La situation s’est dégradée sans que nous ayons de visibilité sur le décrochage qui s’est opéré pendant les quatre premières années de la LPM, faute d’application de l’article 7, qui prévoyait des objectifs annuels dans ces domaines.
Nous nous assurerons également que les indicateurs de l’armée de terre, qui n’atteignent aujourd’hui que 70 % de la norme d’entraînement, ne soient pas sous-estimés.
La consommation de ces crédits ne devra donc pas être repoussée à la deuxième moitié ou au dernier tiers de la LPM. Nous ne pouvons pas accepter, cette fois encore, de ne pas avoir de jalons tout au long de l’exécution de la loi. C’est un débat que nous aurons très certainement en séance.
Nous devons collectivement veiller au capital technique des armées. Nous ne pouvons pas, comme certains de nos alliés, nous retrouver avec une armée qui « présente bien », mais qui s’effrite lors d’un l’examen détaillé.
Le groupe Union Centriste défendra, avec conviction, plusieurs amendements sur le service de santé des armées afin que le ministère des armées s’engage à préserver ses savoir-faire, parfois uniques au monde, ou sur les grands fonds marins, qui constituent un nouvel espace de conflictualité.
Il y a un an, le Sénat a rendu un rapport d’information sur cette problématique des grands fonds marins. Il y indiquait que la marine ne disposait en propre d’aucun équipement capable d’atteindre 6 000 mètres de profondeur.
Il est nécessaire que l’objectif d’acquisition d’équipements spécifiques pour mieux connaître, surveiller et agir jusqu’à des profondeurs importantes soit poursuivi et atteint. Cela permettrait de couvrir près de 97 % des fonds marins du globe.
Pour la France, dont la superficie maritime représente dix-sept fois la superficie terrestre grâce à ses outre-mer, il s’agit de préserver son rôle historique de grande puissance maritime et scientifique au niveau mondial.
Nous avons également déposé de nombreux amendements sur l’importance de la filière stratégique des drones.
Enfin, nous soutiendrons l’amendement visant à consolider notre base industrielle et technologique de défense (BITD).
Mon collègue Philippe Folliot insistera, pour sa part, dans quelques instants, sur tous les enjeux liés à nos outre-mer auxquels le groupe Union Centriste est très attaché.
Pour conclure, j’aurai une pensée pour les soldats tombés pour notre drapeau ou qui ont été blessés sur les différents théâtres d’opérations extérieures, particulièrement pour les cinquante-huit soldats qui ont perdu la vie durant l’opération Barkhane.
Monsieur le ministre, durant l’examen de ce texte structurant pour nos forces, nous avons le devoir, ensemble, de déterminer le modèle d’armée que nous souhaitons pour faire face aux enjeux de souveraineté auxquels la France doit répondre, à l’heure où les compétiteurs et les États puissances ne cachent plus leurs ambitions.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 413 milliards d’euros, c’est bien l’effort budgétaire que prévoit ce projet de loi de programmation militaire pour la période 2024-2030.
Depuis plusieurs décennies, dans un contexte post-guerre froide bénéficiant des dividendes de la paix, nos forces se sont vu imposer une érosion des moyens budgétaires et une diminution drastique des effectifs.
Cette augmentation de la part du budget de la Nation consacrée à nos armées est la bienvenue. Elle poursuit le mouvement engagé dès 2019 avec l’actuelle LPM, qui avait déjà pour objectifs de porter la part des dépenses militaires à 2 % du PIB en 2025 et de créer 6 000 emplois.
Cette trajectoire budgétaire de croissance visait déjà à régénérer le capital opérationnel des armées pour constituer une première étape vers un « modèle d’armée complet et équilibré ».
En février 2022, l’agression de l’Ukraine par la Russie a constitué un glissement stratégique. La guerre était de retour sur le flanc oriental de l’Europe et il apparaissait nécessaire de revoir notre ambition face à un regain de tensions dans toutes les zones du monde. Ainsi, les risques et les menaces sont plus importants que jamais et pourraient aller jusqu’à un engagement de très haute intensité.
Les travaux en vue de cette nouvelle loi de programmation militaire ont été engagés depuis de nombreux mois. Malheureusement, l’exécutif a préféré faire l’économie d’un Livre blanc au profit d’une revue nationale stratégique à laquelle les parlementaires n’ont été que peu associés, pour ne pas dire pas du tout, ce que nous regrettons.
Cette revue nationale stratégique se limite malheureusement à un inventaire des défis sécuritaires futurs sans les hiérarchiser, alors que nous évoluons dans un monde de plus en plus complexe, marqué par de nouveaux espaces de conflictualité, mais aussi par la persistance de certains réflexes comparables à ceux des derniers conflits mondiaux.
Nous nous sommes étonnés, en commission, de constater que, malgré une hausse considérable du budget des armées octroyée par cette programmation, certains objectifs sont bien plus étalés que ce qui était initialement prévu. Nous regrettons également certains décalages de programme et révisions à la baisse.
Cependant, nous nous félicitons des avancées majeures désormais introduites dans ce texte, ainsi que des crédits fléchés sur des programmes à effet majeur comme sur des cibles ô combien importantes. Nous nous réjouissons, bien évidemment, de l’engagement du programme consacré au porte-avions de nouvelle génération, qui constituera un élément de crédibilité et de souveraineté, et nous nous félicitons des 5 milliards d’euros d’ores et déjà fléchés dans cette programmation.
Même si l’inflation aura une incidence sur cette trajectoire budgétaire, nous ne pouvons que saluer les efforts réalisés pour nos services de renseignement et la lutte contre l’ingérence, ainsi que pour nos forces spéciales afin de leur permettre d’améliorer encore leurs capacités et leur polyvalence.
Nous saluons aussi les efforts en faveur de notre capacité de dissuasion aérienne et océanique, qui bénéficiera également de crédits de modernisation, ainsi que ceux qui sont consentis pour la consolidation du socle d’entraînement grâce aux capacités de simulation.
Nous saluons également l’effort en faveur des munitions qui permettra aux armées de consolider et de recompléter les stocks, ainsi que les efforts pour favoriser une transition nécessaire vers les futures capacités : feux dans la profondeur ou encore munitions téléopérées.
Enfin, nous saluons les crédits accordés à l’innovation, crédits ô combien vitaux pour affirmer notre supériorité technologique et garantir la maîtrise des nouveaux champs de conflictualité, et nous nous félicitons de l’effort en faveur de notre modèle de ressources humaines, ainsi que de l’attention portée à nos services de soutien.
Dans ce contexte, le groupe Union Centriste approuve le lissage et la consolidation de la trajectoire budgétaire, ainsi que les amendements visant à sécuriser le budget du ministère.
En créant un livret d’épargne souveraineté, notre commission a également répondu à un appel des industriels de la défense et de leurs prestataires, lesquels rencontrent encore trop souvent des difficultés de financement.
En tant que rapporteur pour avis du programme 178 lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, je ne peux m’empêcher d’évoquer quelques points.
L’effort consenti en faveur des crédits de paiement dans le cadre de cette programmation est considérable. Trois chiffres marquent une progression très nette : 69 milliards d’euros bénéficieront à l’entraînement et à l’activité des forces, soit un effort supplémentaire de 20 milliards d’euros par rapport à l’actuelle LPM ; 49 milliards d’euros sont alloués à l’entretien programmé du matériel (EPM), soit 14 milliards d’euros de plus ; 18 milliards d’euros seront consacrés aux services de soutien, soit une hausse de 4 milliards d’euros.
L’effort est là, il était indispensable tant le programme 178 constitue une dimension importante pour répondre à l’hypothèse d’un engagement majeur ou de haute intensité.
Mais les résultats en matière de préparation opérationnelle et de disponibilité technique opérationnelle représentent de forts sujets de préoccupation pour notre commission. En 2023, les indicateurs en la matière sont particulièrement décevants.
La situation s’est dégradée sans que nous ayons de visibilité sur le décrochage qui s’est opéré pendant les quatre premières années de la LPM, faute d’application de l’article 7, qui prévoyait des objectifs annuels dans ces domaines.
Nous nous assurerons également que les indicateurs de l’armée de terre, qui n’atteignent aujourd’hui que 70 % de la norme d’entraînement, ne soient pas sous-estimés.
La consommation de ces crédits ne devra donc pas être repoussée à la deuxième moitié ou au dernier tiers de la LPM. Nous ne pouvons pas accepter, cette fois encore, de ne pas avoir de jalons tout au long de l’exécution de la loi. C’est un débat que nous aurons très certainement en séance.
Nous devons collectivement veiller au capital technique des armées. Nous ne pouvons pas, comme certains de nos alliés, nous retrouver avec une armée qui « présente bien », mais qui s’effrite lors d’un l’examen détaillé.
Le groupe Union Centriste défendra, avec conviction, plusieurs amendements sur le service de santé des armées afin que le ministère des armées s’engage à préserver ses savoir-faire, parfois uniques au monde, ou sur les grands fonds marins, qui constituent un nouvel espace de conflictualité.
Il y a un an, le Sénat a rendu un rapport d’information sur la problématique des grands fonds marins. Il y indiquait que la marine ne disposait en propre d’aucun équipement capable d’atteindre 6 000 mètres de profondeur.
Il est nécessaire que l’objectif d’acquisition d’équipements spécifiques pour mieux connaître, surveiller et agir jusqu’à des profondeurs importantes soit maintenu et atteint. Cela permettrait de couvrir près de 97 % des fonds marins du globe.
Pour la France, dont la superficie maritime représente dix-sept fois la superficie terrestre grâce à ses outre-mer, il s’agit de préserver son rôle historique de grande puissance maritime et scientifique à l’échelon mondial.
Nous avons également déposé de nombreux amendements sur l’importance de la filière stratégique des drones.
Enfin, nous soutiendrons l’amendement visant à consolider notre base industrielle et technologique de défense.
Mon collègue Philippe Folliot insistera, pour sa part, dans quelques instants, sur tous les enjeux liés à nos outre-mer auxquels le groupe Union Centriste est très attaché.
Pour conclure, j’aurai une pensée pour les soldats tombés pour notre drapeau ou qui ont été blessés sur les différents théâtres d’opérations extérieures, particulièrement pour les cinquante-huit soldats qui ont perdu la vie durant l’opération Barkhane.
Monsieur le ministre, durant l’examen de ce texte structurant pour nos forces, nous avons le devoir, ensemble, de déterminer le modèle d’armée que nous souhaitons pour faire face aux enjeux de souveraineté auxquels la France doit répondre, à l’heure où les compétiteurs et les États puissances ne cachent plus leurs ambitions.
M. Bruno Belin. … en octobre 1983, dont j'espère que vous organiserez la commémoration dans quelques semaines.
Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains et RDPI.
Applaudisse ments sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et RDPI.
M. le ministre le confirme.
L'ensemble de ces données vient justifier des moyens nouveaux et variés face à la diversification des menaces. C'est un effort indispensable face à la conflictualité de demain. Il est nécessaire de transformer nos armées, d'anticiper et, bien évidemment, d'associer la nation, parce que ces risques nouveaux entraînent une exposition des civils.
Une fois le cadre tracé se pose évidemment la question des moyens et des ressources humaines.
Les moyens, monsieur le ministre, sont essentiels. Vous les avez longuement évoqués tout à l'heure, et M. le rapporteur Christian Cambon a fait de même.
Cela m'inspire plusieurs interrogations.
La tête de pont, la tête de chapitre est évidemment la dissuasion nucléaire, que nous devons réaffirmer.
Derrière, il y a les moyens maritimes. Où en sommes-nous avec nos sous-marins ? Où en sommes-nous d'un prochain porte-avions ? Nous défendons ce projet, cher, mais essentiel.
Se pose également la question des stocks stratégiques. Il faut évidemment, par cette loi de programmation militaire, envoyer un signal fort à nos équipementiers.
Se pose aussi la question des livraisons en cours – Rafale, Scorpion, Griffon, Jaguar. Nous devons, par ce qui ressortira de nos débats au Sénat, monsieur le ministre, porter un message fort pour l'industrie de guerre.
Je veux dire un mot sur les ressources. Vous faites des réserves l'une des pierres angulaires des mobilisations possibles. À ce sujet, les questions que nous nous posons légitimement sont évidemment celles du calendrier, des formations, des équipements.
Alors que nous débattons du budget, monsieur le ministre, je crois que, face à ce qui se présente, nous ne pouvons pas trop attendre.
Tout à l'heure, le président Cambon a parlé de « cadencement ». Le terme me paraît exact : il faut sans doute une montée plus linéaire des questions budgétaires pour soutenir notre armée. Bien évidemment, je sais combien le Sénat adresse à l'ensemble des forces armées militaires et de gendarmerie un message de soutien.
En tout état de cause, il n'est plus question de perdre du temps sur les questions de défense nationale. Le temps perdu ne se rattrape plus. À cet égard, ce débat est capital. Il est l'occasion d'adresser un message de soutien à nos armées.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Nicole Duranton et M. Denis Bouad applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de dresser un constat qui sonne comme un regret : il a fallu attendre le retour de la guerre sur le sol européen, aux portes de l’Union européenne, pour réaliser et surtout assumer officiellement le fait que l’outil de défense dont nous disposons est, a minima, adapté au seul temps de paix.
Pourtant, avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, nous avons connu de sérieuses alertes. En 2021, deux exercices interarmées de simulation de conflits internationaux organisés avec les Américains et les Britanniques avaient permis de constater les limites capacitaires des forces françaises.
La commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale avait alors rappelé, en février 2022, qu’« en une quinzaine de minutes d’un premier combat, deux frégates avaient été envoyées par le fond et deux autres étaient neutralisées ». Elle poursuivait : « si nous extrapolions les pertes au regard de certains conflits aériens, il est manifeste que l’aviation de chasse française pourrait être réduite à néant en cinq jours ».
À qui la faute, me direz-vous ? Avouons-le : à tout le monde et à personne à la fois ! Ne voyez pas en cette formule une manière d’excuser une responsabilité, en la noyant dans une impéritie collective.
Nous avons, tous autant que nous sommes, péché par naïveté, persuadés que la construction européenne suffirait à nous préserver. Bercée par cette douce illusion de paix, la nation a laissé « filer » le budget de la défense, le réduisant à une variable d’ajustement.
Pourtant, selon les derniers classements publiés en mai dernier, la France dispose de la neuvième armée au monde et de la première dans l’Union européenne : quel paradoxe !
Après une LPM 2019-2024 à hauteur de 295 milliards d’euros, qui entendait combler les retards dans tous les domaines, des équipements en passant par la préparation opérationnelle, le renseignement ou encore la condition de la vie militaire, le temps des vaches maigres semble révolu.
Néanmoins, si nous nous accordons tous à dire que l’enveloppe de 413 milliards d’euros à partir de 2024 sur sept ans est substantielle, des incertitudes demeurent sur sa soutenabilité, ainsi que l’a rappelé notre rapporteur. Ainsi, l’étalement des cibles de matériel et la question de l’inflation, dont le coût serait d’ores et déjà estimé à 30 milliards d’euros, incitent à la prudence.
Quoi qu’il en soit, félicitons-nous d’avoir, en commission, réorganisé la variation des crédits dans le temps, sans pour autant modifier le budget global. Ils progresseront ainsi de façon rythmée et régulière, passant de 47 milliards d’euros en 2024 à 69 milliards en 2030.
Avec ce montant plancher à atteindre, la nation doit pouvoir garantir la crédibilité dans la durée de notre dissuasion nucléaire, transformer nos armées afin de conforter notre supériorité opérationnelle, renforcer la cohérence, la préparation et la réactivité de nos forces armées et, enfin, poursuivre l’attractivité et la fidélisation des militaires et des civils.
Je ne détaillerai pas les différentes enveloppes ni les nombreuses dispositions, notamment celles qui sont relatives aux opérations extérieures (Opex), avec la mise en place de la solidarité interministérielle, ou les garde-fous entourant le service national universel.
Je me félicite du fait que, au-delà de la prévision de 136 milliards d’euros pour la préparation et l’emploi des forces, l’entretien programmé du matériel et les soutiens, les services de renseignement du premier cercle bénéficieront de 5, 4 milliards d’euros. De même, je me réjouis que 15 milliards soient consacrés uniquement à l’innovation et à la « dronisation » des forces.
Nos forces armées, quant à elles, bénéficieront de cibles de matériels dont nous pourrions élever l’influence au rang de fonction stratégique.
L’effort est notable pour la marine nationale avec les commandes de sept patrouilleurs de haute mer, de trois ensembles de chasseurs de mines et les perspectives d’un porte-avions de nouvelle génération à l’horizon de 2037.
Il en va de même pour l’armée de l’air, avec 137 Rafale d’ici à 2030 – j’espère que les engagements sur les dates seront tenus – et l’achat de six systèmes d’Eurodrone, ainsi que pour l’armée de terre, qui renforce de 2 milliards son budget munitions.
Il est apparu nécessaire de créer un régime d’apprentissage militaire et de promouvoir le lien nation-armées pour atteindre les objectifs quant à la cible de réserve fixée au plus tard en 2035.
C’est aussi dans le cadre de la promotion de ce lien fort nation-armées que la commission a créé un livret d’épargne souveraineté, destiné au financement de l’industrie de défense en complément de l’effort budgétaire.
En conclusion, en tant que représentants de la nation, nous nous félicitons des dispositions qui permettront de sacraliser le rôle du Parlement. À cet égard, la commission a renforcé les garanties de l’actualisation dans le temps de la LPM, en prévoyant de passer par le vote d’une loi. Quoi de plus logique ?
La LPM n’est pas seulement un texte égrenant une farandole de chiffres, dont l’accumulation peut rendre perplexe le commun des mortels. Elle appelle des ajustements et des évolutions, qui ne peuvent être les otages des orientations budgétaires.
Il appartient à la représentation nationale de veiller au respect des engagements pris pour la défense. Ensemble, mes chers collègues, nous devons la construire et la consolider.
Monsieur le ministre, c’est donc avec bienveillance que le groupe du RDSE abordera l’examen de ce texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de dresser un constat qui sonne comme un regret : il a fallu attendre le retour de la guerre sur le sol européen, aux portes de l’Union européenne, pour réaliser et surtout assumer officiellement le fait que l’outil de défense dont nous disposons est, a minima, adapté au seul temps de paix.
Pourtant, avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, nous avons connu de sérieuses alertes. En 2021, deux exercices interarmées de simulation de conflits internationaux organisés avec les Américains et les Britanniques avaient permis de constater les limites capacitaires des forces françaises.
La commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale avait alors rappelé, en février 2022, qu’« en une quinzaine de minutes d’un premier combat, deux frégates avaient été envoyées par le fond et deux autres étaient neutralisées ». Elle poursuivait : « Si nous extrapolions les pertes au regard de certains conflits aériens, il est manifeste que l’aviation de chasse française pourrait être réduite à néant en cinq jours. »
À qui la faute, me direz-vous ? Avouons-le : à tout le monde et à personne à la fois ! Ne voyez pas en cette formule une manière d’excuser une responsabilité, en la noyant dans une impéritie collective.
Nous avons, tous autant que nous sommes, péché par naïveté, persuadés que la construction européenne suffirait à nous préserver. Bercée par cette douce illusion de paix, la Nation a laissé « filer » le budget de la défense, le réduisant à une variable d’ajustement.
Pourtant, selon les derniers classements publiés en mai dernier, la France dispose de la neuvième armée au monde et de la première dans l’Union européenne : quel paradoxe !
Après une LPM 2019-2024 à hauteur de 295 milliards d’euros, qui entendait combler les retards dans tous les domaines, des équipements en passant par la préparation opérationnelle, le renseignement ou encore la condition de la vie militaire, le temps des vaches maigres semble révolu.
Néanmoins, si nous nous accordons tous à dire que l’enveloppe de 413 milliards d’euros à partir de 2024 sur sept ans est substantielle, des incertitudes demeurent sur sa soutenabilité, ainsi que l’a rappelé notre rapporteur. Ainsi, l’étalement des cibles de matériel et la question de l’inflation, dont le coût serait d’ores et déjà estimé à 30 milliards d’euros, incitent à la prudence.
Quoi qu’il en soit, félicitons-nous d’avoir, en commission, réorganisé la variation des crédits dans le temps, sans pour autant modifier le budget global. Ils progresseront ainsi de façon rythmée et régulière, passant de 47 milliards d’euros en 2024 à 69 milliards d’euros en 2030.
Avec ce montant plancher à atteindre, la Nation doit pouvoir garantir la crédibilité dans la durée de notre dissuasion nucléaire, transformer nos armées afin de conforter notre supériorité opérationnelle, renforcer la cohérence, la préparation et la réactivité de nos forces armées et, enfin, poursuivre l’attractivité et la fidélisation des militaires et des civils.
Je ne détaillerai pas les différentes enveloppes ni les nombreuses dispositions, notamment celles qui sont relatives aux opérations extérieures (Opex), avec la mise en place de la solidarité interministérielle, ou les garde-fous entourant le service national universel.
Je me félicite du fait que, au-delà de la prévision de 136 milliards d’euros pour la préparation et l’emploi des forces, l’entretien programmé du matériel et les soutiens, les services de renseignement du premier cercle bénéficieront de 5, 4 milliards d’euros. De même, je me réjouis que 15 milliards d’euros soient consacrés uniquement à l’innovation et à la « dronisation » des forces.
Nos forces armées, quant à elles, bénéficieront de cibles de matériels dont nous pourrions élever l’influence au rang de fonction stratégique.
L’effort est notable pour la marine nationale avec les commandes de sept patrouilleurs de haute mer, de trois ensembles de chasseurs de mines et les perspectives d’un porte-avions de nouvelle génération à l’horizon de 2037.
Il en va de même pour l’armée de l’air, avec 137 Rafale d’ici à 2030 – j’espère que les engagements sur les dates seront tenus – et l’achat de six systèmes d’Eurodrone, ainsi que pour l’armée de terre, qui renforce de 2 milliards d’euros son budget munitions.
Il est apparu nécessaire de créer un régime d’apprentissage militaire et de promouvoir le lien nation-armées pour atteindre les objectifs quant à la cible de réserve fixée au plus tard en 2035.
C’est aussi dans le cadre de la promotion de ce lien fort Nation-armées que la commission a créé un livret d’épargne souveraineté, destiné au financement de l’industrie de défense en complément de l’effort budgétaire.
En conclusion, en tant que représentants de la nation, nous nous félicitons des dispositions qui permettront de sacraliser le rôle du Parlement. À cet égard, la commission a renforcé les garanties de l’actualisation dans le temps de la LPM, en prévoyant de passer par le vote d’une loi. Quoi de plus logique ?
La LPM n’est pas seulement un texte égrenant une farandole de chiffres, dont l’accumulation peut rendre perplexe le commun des mortels. Elle appelle des ajustements et des évolutions, qui ne peuvent être les otages des orientations budgétaires.
Il appartient à la représentation nationale de veiller au respect des engagements pris pour la défense. Ensemble, mes chers collègues, nous devons la construire et la consolider.
Monsieur le ministre, c’est donc avec bienveillance que le groupe du RDSE abordera l’examen de ce texte.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Applaudissements sur les travées du group e Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 24 février 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a brutalement refermé la parenthèse géopolitique ouverte il y a trente ans avec la chute de l’URSS et la fin de la guerre froide.
Balayant les dernières illusions héritées de cette période de confort stratégique, l’agression de Moscou a forcé les Européens à sortir de l’indolence et à regarder en face la nouvelle ère dans laquelle ils étaient entrés.
C’est une ère placée sous le signe de l’incertitude, de la polarisation et de la confrontation, une ère où les mouvements tectoniques de l’ordre international, qui agissaient jusqu’à présent à bas bruit, apparaissent désormais en pleine lumière.
Réveil des impérialismes, affirmation des puissances régionales, multilatéralisme en délitement, recours au fait accompli et à la force, diversification des menaces, contestation de l’influence occidentale : la guerre en Ukraine fait partie de ces événements historiques qui éclairent la bascule du monde autant qu’ils l’accélèrent.
Face à ce séisme géopolitique dont nous avons encore ressenti ce week-end une réplique, la sécurité de notre continent et de notre pays apparaît non plus comme une évidence, mais comme un bien à protéger. Cette réalité nous amène aujourd’hui à examiner ce projet de loi de programmation militaire.
Pour la France, comme d’ailleurs pour les autres États d’Europe, le constat est implacable : après trente ans de désinvestissement massif dans leurs outils de défense, c’est largement démunis, pour ne pas dire désarmés, qu’ils abordent le nouveau paradigme stratégique qui s’impose à eux. Depuis plus d’un an, tous ou presque ont donc affirmé leur volonté de renforcer leurs budgets militaires.
Avec 400 milliards d’euros programmés pour les sept prochaines années, soit une hausse de 13, 3 milliards, la France s’inscrit clairement dans ce mouvement global de réinvestissement.
Nous vous en donnons acte, monsieur le ministre, car vous vous êtes battus en ce sens, l’enveloppe est importante, d’autant qu’elle intervient à la suite des réels efforts financiers entrepris depuis 2019 pour restaurer le potentiel militaire de notre pays.
Pour autant, sera-t-elle suffisante pour permettre à nos armées de se hisser rapidement au niveau des enjeux et des défis posés par la guerre à l’est de l’Europe ? Sans doute pas…
C’est bien là le grand paradoxe de la LPM que vous nous proposez aujourd’hui, un paradoxe entre des crédits qui augmentent fortement et des dotations en équipements majeurs qui ne progressent pas. Pour certains programmes, la situation va même se dégrader, puisque les cibles fixées hier pour 2030 ne seront finalement atteintes qu’à l’horizon de 2035.
Nous devons cette vérité aux Français, qui financeront l’effort de défense de la nation. Ce n’est pas tant une affaire de « nombre de véhicules » parqués dans les « hangars », monsieur le ministre, que de remplacement de nos matériels consommés ou envoyés à nos alliés !
Il n’y aura pas davantage d’hommes et de femmes sous les drapeaux : le format des armées restera lui aussi identique à celui qui est visé par la programmation en cours.
Pour compenser cette atonie, le Gouvernement table sur une augmentation spectaculaire des effectifs de la réserve opérationnelle, qui seraient doublés en sept ans. Nous souscrivons, bien sûr, à cet objectif.
Néanmoins, suivant en cela l’analyse du Conseil d’État, il me semble bien difficile de ne pas être sceptique quant à sa réalisation, et pour cause : la lecture de ce texte ne nous permet pas de comprendre comment le Gouvernement entend financer cette montée en puissance ni comment il compte former, équiper et employer les réservistes supplémentaires.
Naturellement, ce projet de loi de programmation militaire préserve, à l’horizon de 2030, des acquis fondamentaux auxquels nous adhérons. En particulier, notre modèle d’armée restera complet et capable d’agir dans quasiment tous les domaines. Il demeurera sous-tendu par une dissuasion nucléaire indépendante, renouvelée et modernisée.
Mais, là encore, nous devons tenir un langage de vérité. Malgré leur qualité unanimement reconnue, malgré les efforts portés sur leur cohérence, nos armées resteront, y compris au sein d’une coalition, sous-dimensionnées pour faire face à l’exigence d’un engagement majeur, nécessairement long et coûteux en vies et en matériels.
Bien sûr, nous comprenons qu’il ne soit pas possible d’effacer en quelques années des décennies de désarmement. Nous comprenons que tout ne puisse pas être financé, a fortiori dans une période où l’inflation fait peser des incertitudes budgétaires inédites.
Permettez-moi, à ce titre, de souligner à quel point l’estimation retenue par le Gouvernement – environ 30 milliards d’euros sur la période – me semble optimiste. Les coûts des grands équipements militaires n’évoluent pas de la même manière que le panier de la ménagère. C’est près du double, soit au bas mot l’équivalent d’une année de programmation, qui pourrait finalement être effacé par l’érosion monétaire.
Nous comprenons enfin qu’une LPM soit contrainte de faire des choix. Mais précisément, ce que nous comprenons moins, c’est l’absence de choix stratégiques forts sur l’orientation de notre modèle d’armée, sur les segments à privilégier face aux menaces les plus prégnantes. Le texte qui nous est soumis donne davantage l’impression de proroger l’existant jusqu’à la prochaine élection présidentielle que de prendre acte des immenses bouleversements stratégiques advenus ces derniers mois. C’est, me semble-t-il, l’une des grandes occasions manquées de cette programmation.
Ce que nous comprenons moins, ensuite, c’est le choix d’affecter au financement de nos armées certaines ressources frappées d’une si grande incertitude. Monsieur le ministre, la fable de la vente des fréquences hertziennes est encore dans toutes les mémoires. Vous comprendrez donc que, après avoir pris connaissance de l’avis du Haut Conseil des finances publiques, le Parlement fasse preuve d’une saine méfiance sur ce sujet.
Nous vous proposons par conséquent, sans alourdir la dette et en respectant le budget défini par le Président de la République, de sanctuariser véritablement ces 413, 3 milliards d’euros, et rien que ces 413, 3 milliards d’euros, sur lesquels vous avez tant communiqué.
Enfin, ce que nous comprenons moins, c’est le choix de précipiter l’élaboration d’une nouvelle LPM, tout en conservant pour les premières années des efforts budgétaires identiques à ceux qui avaient été décidés avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, c’est-à-dire 3 milliards d’euros par an.
En somme, le texte qui nous est soumis laisse au prochain Président de la République le soin d’accélérer la cadence, alors que c’est maintenant que la guerre fait rage en Europe, maintenant que nos années doivent remonter en puissance, maintenant que nos industriels ont besoin de visibilité, et donc de commandes, pour donner un tant soit peu corps à la notion d’« économie de guerre » si chère au Président de la République.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entrerons dans la discussion de ce texte animés avant tout d’un esprit de responsabilité, tant vis-à-vis de nos concitoyens que vis-à-vis de nos soldats, de nos marins et de nos aviateurs, qui acceptent de faire de leur vie notre ultime rempart face aux menaces.
Nous n’avons donc pas l’intention d’ajouter des milliards aux milliards. Nous sommes trop conscients de la situation financière déplorable de notre pays pour nous permettre une quelconque désinvolture en la matière.
Notre commission, conduite par notre rapporteur, défendra néanmoins quelques idées simples.
D’une part, nous ne voulons pas laisser subsister le moindre doute sur le fait que les ressources promises à nos armées seront bel et bien au rendez-vous.
D’autre part, nous voulons veiller à ce que le rythme auquel elles seront mises à leur disposition soit crédible et surtout compatible avec l’évolution des dangers qui pèsent sur la France et l’Europe.
Je ne sais pas si une « courbe budgétaire permet de protéger notre nation », monsieur le ministre, mais devant les menaces nous ne croyons pas à la stratégie d’une défense en pente douce ! Car, en définitive, cette courbe détermine tout le reste, à commencer par la crédibilité, la sincérité et l’efficacité de la programmation à venir.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 24 février 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a brutalement refermé la parenthèse géopolitique ouverte il y a trente ans avec la chute de l’URSS et la fin de la guerre froide.
Balayant les dernières illusions héritées de cette période de confort stratégique, l’agression de Moscou a forcé les Européens à sortir de l’indolence et à regarder en face la nouvelle ère dans laquelle ils étaient entrés.
C’est une ère placée sous le signe de l’incertitude, de la polarisation et de la confrontation, une ère où les mouvements tectoniques de l’ordre international, qui agissaient jusqu’à présent à bas bruit, apparaissent désormais en pleine lumière.
Réveil des impérialismes, affirmation des puissances régionales, multilatéralisme en délitement, recours au fait accompli et à la force, diversification des menaces, contestation de l’influence occidentale : la guerre en Ukraine fait partie de ces événements historiques qui éclairent la bascule du monde autant qu’ils l’accélèrent.
Face à ce séisme géopolitique dont nous avons encore ressenti ce week-end une réplique, la sécurité de notre continent et de notre pays apparaît non plus comme une évidence, mais comme un bien à protéger. Cette réalité nous amène aujourd’hui à examiner ce projet de loi de programmation militaire.
Pour la France, comme d’ailleurs pour les autres États d’Europe, le constat est implacable : après trente ans de désinvestissement massif dans leurs outils de défense, c’est largement démunis, pour ne pas dire désarmés, qu’ils abordent le nouveau paradigme stratégique qui s’impose à eux. Depuis plus d’un an, tous ou presque ont donc affirmé leur volonté de renforcer leurs budgets militaires.
Avec 400 milliards d’euros programmés pour les sept prochaines années, soit une hausse de 13, 3 milliards, la France s’inscrit clairement dans ce mouvement global de réinvestissement.
Nous vous en donnons acte, monsieur le ministre, car vous vous êtes battus en ce sens. L’enveloppe est importante, d’autant qu’elle intervient à la suite des réels efforts financiers entrepris depuis 2019 pour restaurer le potentiel militaire de notre pays.
Pour autant, sera-t-elle suffisante pour permettre à nos armées de se hisser rapidement au niveau des enjeux et des défis posés par la guerre à l’est de l’Europe ? Sans doute pas…
C’est bien là le grand paradoxe de la LPM que vous nous proposez aujourd’hui, un paradoxe entre des crédits qui augmentent fortement et des dotations en équipements majeurs qui ne progressent pas. Pour certains programmes, la situation va même se dégrader, puisque les cibles fixées hier pour 2030 ne seront finalement atteintes qu’à l’horizon de 2035.
Nous devons cette vérité aux Français, qui financeront l’effort de défense de la nation. Ce n’est pas tant une affaire de « nombre de véhicules » parqués dans les « hangars », monsieur le ministre, que de remplacement de nos matériels consommés ou envoyés à nos alliés !
Il n’y aura pas davantage d’hommes et de femmes sous les drapeaux : le format des armées restera lui aussi identique à celui qui est visé par la programmation en cours.
Pour compenser cette atonie, le Gouvernement table sur une augmentation spectaculaire des effectifs de la réserve opérationnelle, qui seraient doublés en sept ans. Nous souscrivons, bien sûr, à cet objectif.
Néanmoins, suivant en cela l’analyse du Conseil d’État, il me semble bien difficile de ne pas être sceptique quant à sa réalisation, et pour cause : la lecture de ce texte ne nous permet pas de comprendre comment le Gouvernement entend financer cette montée en puissance ni comment il compte former, équiper et employer les réservistes supplémentaires.
Naturellement, ce projet de loi de programmation militaire préserve, à l’horizon de 2030, des acquis fondamentaux auxquels nous adhérons. En particulier, notre modèle d’armée restera complet et capable d’agir dans quasiment tous les domaines. Il demeurera sous-tendu par une dissuasion nucléaire indépendante, renouvelée et modernisée.
Mais, là encore, nous devons tenir un langage de vérité. Malgré leur qualité unanimement reconnue, malgré les efforts portés sur leur cohérence, nos armées resteront, y compris au sein d’une coalition, sous-dimensionnées pour faire face à l’exigence d’un engagement majeur, nécessairement long et coûteux en vies et en matériels.
Bien sûr, nous comprenons qu’il ne soit pas possible d’effacer en quelques années des décennies de désarmement. Nous comprenons que tout ne puisse pas être financé, a fortiori dans une période où l’inflation fait peser des incertitudes budgétaires inédites.
Permettez-moi, à ce titre, de souligner à quel point l’estimation retenue par le Gouvernement – environ 30 milliards d’euros sur la période – me semble optimiste. Les coûts des grands équipements militaires n’évoluent pas de la même manière que le panier de la ménagère. C’est près du double, soit au bas mot l’équivalent d’une année de programmation, qui pourrait finalement être effacé par l’érosion monétaire.
Nous comprenons enfin qu’une LPM soit contrainte de faire des choix. Mais précisément, ce que nous comprenons moins, c’est l’absence de choix stratégiques forts sur l’orientation de notre modèle d’armée, sur les segments à privilégier face aux menaces les plus prégnantes. Le texte qui nous est soumis donne davantage l’impression de proroger l’existant jusqu’à la prochaine élection présidentielle que de prendre acte des immenses bouleversements stratégiques advenus ces derniers mois. C’est, me semble-t-il, l’une des grandes occasions manquées de cette programmation.
Ce que nous comprenons moins, ensuite, c’est le choix d’affecter au financement de nos armées certaines ressources frappées d’une si grande incertitude. Monsieur le ministre, la fable de la vente des fréquences hertziennes est encore dans toutes les mémoires. Vous comprendrez donc que, après avoir pris connaissance de l’avis du Haut Conseil des finances publiques, le Parlement fasse preuve d’une saine méfiance sur ce sujet.
Nous vous proposons par conséquent, sans alourdir la dette et en respectant le budget défini par le Président de la République, de sanctuariser véritablement ces 413, 3 milliards d’euros, et rien que ces 413, 3 milliards d’euros, sur lesquels vous avez tant communiqué.
Enfin, ce que nous comprenons moins, c’est le choix de précipiter l’élaboration d’une nouvelle LPM, tout en conservant pour les premières années des efforts budgétaires identiques à ceux qui avaient été décidés avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, c’est-à-dire 3 milliards d’euros par an.
En somme, le texte qui nous est soumis laisse au prochain Président de la République le soin d’accélérer la cadence, alors que c’est maintenant que la guerre fait rage en Europe, maintenant que nos années doivent remonter en puissance, maintenant que nos industriels ont besoin de visibilité, donc de commandes, pour donner un tant soit peu corps à la notion d’« économie de guerre », si chère au Président de la République.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entrerons dans la discussion de ce texte animés avant tout d’un esprit de responsabilité, vis-à-vis tant de nos concitoyens que de nos soldats, de nos marins et de nos aviateurs, qui acceptent de faire de leur vie notre ultime rempart face aux menaces.
Nous n’avons donc pas l’intention d’ajouter des milliards aux milliards. Nous sommes trop conscients de la situation financière déplorable de notre pays pour nous permettre une quelconque désinvolture en la matière.
Notre commission, conduite par notre rapporteur, défendra néanmoins quelques idées simples.
D’une part, nous ne voulons pas laisser subsister le moindre doute sur le fait que les ressources promises à nos armées seront bel et bien au rendez-vous.
D’autre part, nous voulons veiller à ce que le rythme auquel elles seront mises à leur disposition soit crédible et surtout compatible avec l’évolution des dangers qui pèsent sur la France et l’Europe.
Je ne sais pas si une « courbe budgétaire permet de protéger notre nation », monsieur le ministre, mais, devant les menaces, nous ne croyons pas à la stratégie d’une défense en pente douce ! Car, en définitive, cette courbe détermine tout le reste, à commencer par la crédibilité, la sincérité et l’efficacité de la programmation à venir.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, seul pays de l’Union européenne à disposer d’un modèle d’armée complet, la France est engagée depuis de nombreuses années dans la lutte contre les groupes terroristes, que ce soit en Afrique, au Levant ou en Asie centrale.
Plus qu’aucun de nos partenaires, nous connaissons le prix de la souveraineté et celui du sang. Je veux rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont donné leur vie pour la France, à ceux qui ont été blessés, ainsi qu’à l’ensemble de nos forces. Leur engagement et leur professionnalisme nous permettent d’être libres.
La guerre est de retour sur notre continent. Autant que nous le pouvons, nous devons continuer de soutenir l’Ukraine, qui se bat pour sa survie, pour l’Europe et pour la liberté. Ce soutien ne doit cependant pas obérer la montée en puissance de nos capacités.
La commission, sous la conduite de son président, a veillé à maintenir ce chemin de crête. Il est étroit, mais il est incontournable. Jusqu’en 2030, les besoins de nos armées s’élèvent à plus de 400 milliards d’euros. La commission a fait le choix de lisser davantage l’augmentation du budget de la défense afin de crédibiliser cette hausse.
Un fonds européen destiné à l’industrie de la recherche dans le domaine militaire a vu le jour. D’un montant de 7 milliards d’euros pour la période 2021-2027, ce fonds démontre la prise de conscience unanime de la nécessité d’agir solidairement pour la défense de notre continent. Nous devons pouvoir faire face au réarmement, qui est non seulement français, mais aussi européen et international.
Nos entreprises doivent être à la hauteur de ces enjeux et prêtes à répondre à la demande. Dans mon département, cela va des petites entreprises, comme EM2 à Ancenis – une des très rares entreprises spécialisées dans les emballages d’obus, qui fait face actuellement à une demande exponentielle, voire faramineuse, en raison de la guerre en Ukraine, ce qui témoigne de la gravité de la situation –, aux grandes entreprises, comme Naval Group et les Chantiers de l’Atlantique, qui seront chargés de construire d’ici à 2038 un porte-avions à Saint-Nazaire pour un budget supérieur à 5 milliards d’euros.
À ce sujet j’attire votre attention, monsieur le ministre, car un véritable défi doit être relevé. Une part significative des travaux à Saint-Nazaire est réalisée par des sous-traitants étrangers pour un coût salarial moins élevé, ce qui nous interpelle. Nous devons d’ores et déjà former du personnel qualifié capable d’assumer la construction du futur porte-avions.
L’État doit être au rendez-vous sur le plan de l’éducation et de la formation professionnelle, mais également pour accompagner les petites et moyennes entreprises, qui devront investir pour absorber une demande croissante. La visibilité dans les programmes à venir est essentielle, si nous voulons des acteurs français capables de répondre à des besoins complexes et variés en matière de défense. Leur contribution à la sécurité nationale, européenne et internationale est inestimable.
Notre engagement dans la défense et la sécurité est non seulement un impératif stratégique, mais aussi l’occasion de renforcer notre industrie, de créer des emplois et de stimuler l’innovation.
Nos entreprises sont un atout pour l’économie de nos territoires. Elles constituent une source d’expertise technologique de premier plan et une voie de développement qui contribue non seulement à notre sécurité, mais aussi à notre prospérité.
La dissuasion nucléaire doit rester la clef de voûte de notre stratégie de défense. Il nous faut absolument préserver cet héritage du général de Gaulle, qui a permis à la France d’être libre. Pour demeurer crédibles, nous devons veiller à l’entretien et au développement de nos vecteurs. Cela représente un coût très élevé, mais c’est le prix de notre liberté – il n’est donc pas négociable.
Nos forces conventionnelles doivent également être préparées à être engagés dans des conflits de haute intensité. Contrairement à Poutine, nous ne voyons pas nos soldats comme de la chair à canon. Nous les considérons comme des techniciens très efficaces qui doivent pouvoir servir en bénéficiant du meilleur matériel.
Le projet de LPM prévoit donc pour les années à venir une montée en gamme. La France s’apprête ainsi à moderniser ses équipements, en privilégiant la qualité sur la quantité. Les dernières technologies sont, certes, plus onéreuses, mais elles permettent une précision et une discrétion pouvant faire la différence.
Aujourd’hui comme hier, la patrie a besoin de femmes et d’hommes pour la défendre. Les effectifs de nos armées devront être portés à 275 000 postes en équivalent temps plein (ETP) en 2030. Pour les appuyer, mais aussi pour faire vivre le lien armées-nation, la programmation prévoit d’accroître le nombre de réservistes à 80 000 à l’horizon 2030. Nous approuvons cette orientation.
Afin de parvenir à nos objectifs, nous avons également besoin de renforcer notre base industrielle et technologique de défense, que j’évoquais tout à l’heure. Le texte simplifie la passation de marchés et adapte les enquêtes de coûts. Plusieurs dispositions ont également pour objet de permettre à la France de disposer des matériels nécessaires à une confrontation. La création d’un livret d’épargne souveraineté est à cet égard pertinente.
Mes chers collègues, l’invasion de l’Ukraine par la Russie marque le début d’une nouvelle ère. D’autres conflits de haute intensité pourraient éclater à l’avenir, impliquant la France ou ses alliés. La guerre est toujours une tragédie. Il est de notre devoir de préparer au mieux notre pays à cette triste éventualité.
Vous connaissez les mots de Clemenceau : « il faut savoir ce que l’on veut ; quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire ». Nous avons dit ce que nous voulions : à nous d’avoir le courage de le faire !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, seul pays de l’Union européenne à disposer d’un modèle d’armée complet, la France est engagée depuis de nombreuses années dans la lutte contre les groupes terroristes, que ce soit en Afrique, au Levant ou en Asie centrale.
Plus qu’aucun de nos partenaires, nous connaissons le prix de la souveraineté et celui du sang. Je veux rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont donné leur vie pour la France, à ceux qui ont été blessés, ainsi qu’à l’ensemble de nos forces. Leur engagement et leur professionnalisme nous permettent d’être libres.
La guerre est de retour sur notre continent. Autant que nous le pouvons, nous devons continuer de soutenir l’Ukraine, qui se bat pour sa survie, pour l’Europe et pour la liberté. Ce soutien ne doit cependant pas obérer la montée en puissance de nos capacités.
La commission, sous la conduite de son président, a veillé à maintenir ce chemin de crête. Il est étroit, mais il est incontournable. Jusqu’en 2030, les besoins de nos armées s’élèvent à plus de 400 milliards d’euros. La commission a fait le choix de lisser davantage l’augmentation du budget de la défense afin de crédibiliser cette hausse.
Un fonds européen destiné à l’industrie de la recherche dans le domaine militaire a vu le jour. D’un montant de 7 milliards d’euros pour la période 2021-2027, ce fonds démontre la prise de conscience unanime de la nécessité d’agir solidairement pour la défense de notre continent. Nous devons pouvoir faire face au réarmement, qui est non seulement français, mais aussi européen et international.
Nos entreprises doivent être à la hauteur de ces enjeux et prêtes à répondre à la demande. Dans mon département, cela va des petites entreprises, comme EM2 à Ancenis – une des très rares entreprises spécialisées dans les emballages d’obus, qui fait face actuellement à une demande exponentielle, voire faramineuse, en raison de la guerre en Ukraine, ce qui témoigne de la gravité de la situation –, aux grandes entreprises, comme Naval Group et les Chantiers de l’Atlantique, qui seront chargés de construire d’ici à 2038 un porte-avions à Saint-Nazaire pour un budget supérieur à 5 milliards d’euros.
À ce sujet, j’appelle votre attention, monsieur le ministre, car un véritable défi doit être relevé. Une part significative des travaux à Saint-Nazaire sont réalisés par des sous-traitants étrangers pour un coût salarial moins élevé, ce qui nous interpelle. Nous devons d’ores et déjà former du personnel qualifié capable d’assumer la construction du futur porte-avions.
L’État doit être au rendez-vous en matière d’éducation et de formation professionnelle, mais également pour accompagner les petites et moyennes entreprises, qui devront investir pour absorber une demande croissante. La visibilité dans les programmes à venir est essentielle, si nous voulons des acteurs français capables de répondre à des besoins complexes et variés en matière de défense. Leur contribution à la sécurité nationale, européenne et internationale est inestimable.
Notre engagement dans la défense et la sécurité est non seulement un impératif stratégique, mais aussi l’occasion de renforcer notre industrie, de créer des emplois et de stimuler l’innovation.
Nos entreprises sont un atout pour l’économie de nos territoires. Elles constituent une source d’expertise technologique de premier plan et une voie de développement qui contribue non seulement à notre sécurité, mais aussi à notre prospérité.
La dissuasion nucléaire doit rester la clé de voûte de notre stratégie de défense. Il nous faut absolument préserver cet héritage du général de Gaulle, qui a permis à la France d’être libre. Pour demeurer crédibles, nous devons veiller à l’entretien et au développement de nos vecteurs. Cela représente un coût très élevé, mais c’est le prix de notre liberté – il n’est donc pas négociable.
Nos forces conventionnelles doivent également être préparées à être engagées dans des conflits de haute intensité. Contrairement à Poutine, nous ne voyons pas nos soldats comme de la chair à canon. Nous les considérons comme des techniciens très efficaces qui doivent pouvoir servir en bénéficiant du meilleur matériel.
Le projet de LPM prévoit donc pour les années à venir une montée en gamme. La France s’apprête ainsi à moderniser ses équipements, en privilégiant la qualité sur la quantité. Les dernières technologies sont, certes, plus onéreuses, mais elles permettent une précision et une discrétion pouvant faire la différence.
Aujourd’hui comme hier, la patrie a besoin de femmes et d’hommes pour la défendre. Les effectifs de nos armées devront être portés à 275 000 postes en équivalent temps plein (ETP) en 2030. Pour les appuyer, mais aussi pour faire vivre le lien armées-Nation, la programmation prévoit d’accroître le nombre de réservistes à 80 000 à l’horizon 2030. Nous approuvons cette orientation.
Afin de parvenir à nos objectifs, nous avons également besoin de renforcer notre base industrielle et technologique de défense, que j’évoquais tout à l’heure. Le texte simplifie la passation de marchés et adapte les enquêtes de coûts. Plusieurs dispositions ont également pour objet de permettre à la France de disposer des matériels nécessaires à une confrontation. La création d’un livret d’épargne souveraineté est à cet égard pertinente.
Mes chers collègues, l’invasion de l’Ukraine par la Russie marque le début d’une nouvelle ère. D’autres conflits de haute intensité pourraient éclater à l’avenir, impliquant la France ou ses alliés. La guerre est toujours une tragédie. Il est de notre devoir de préparer au mieux notre pays à cette triste éventualité.
Vous connaissez les mots de Clemenceau : « il faut savoir ce que l’on veut ; quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire ». Nous avons dit ce que nous voulions : à nous d’avoir le courage de le faire !
Applaudissements sur des travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux d’abord rendre hommage à l’engagement des femmes et des hommes au sein de notre armée, souvent au péril de leur vie.
Nous examinons ce projet de loi de programmation militaire dans le contexte que chacun connaît. Après le dernier rebondissement de ce week-end, permettez-moi de rappeler notre plein et entier soutien au peuple ukrainien et à ses dirigeants dans la reconquête de leur souveraineté.
L’invasion russe en Ukraine a justifié, aux yeux du Gouvernement, la nécessité d’accélérer le processus d’élaboration et d’adoption du présent texte. L’expression « économie de guerre » s’est même invitée – hâtivement – dans les propos présidentiels. Monsieur le ministre, malgré vos explications répétées, nous ne comprenons pas l’urgence qui guide le Gouvernement.
Nous ne voyons pas non plus cette rupture avec les deux dernières LPM que justifierait pourtant la nouvelle donne géostratégique européenne et mondiale. Nous voyons un texte dans la continuité des deux précédents, mais élaboré avec un déficit de concertation parlementaire et démocratique.
C’est dommageable, car vous demandez un effort important à la nation, avec une augmentation du budget des armées de près de 50 % d’ici à 2030 et un effort global de plus de 118 milliards d’euros sur le reste de la décennie. Cela représente 17 milliards par an en moyenne, sans financement spécifique. Vous étiez plus regardants quand il s’agissait de trouver 13 milliards d’euros pour nos caisses de retraite, quitte à mettre le pays dans un état d’extrême tension et à piétiner la démocratie parlementaire.
Votre gouvernement, enfermé dans son dogmatisme, refuse de faire contribuer les plus aisés à l’effort national et promet un retour du déficit public sous les 3 % d’ici à la fin du quinquennat.
Comment, dans ces conditions, allez-vous financer cette LPM ? Vos prévisions de croissance sont un leurre. Ce débat nécessite que nous connaissions les perdants, qui ne seront ni le ministère de l’intérieur ni le ministère de la justice, désormais dotés de leur propre programmation budgétaire. Alors, qui ? La transition écologique ? L’éducation nationale ? La culture ? Aucune de ces solutions n’est acceptable. C’est pour nous une ligne rouge !
Si nous comprenons l’effort de rattrapage budgétaire du ministère, si nous avons bien en tête que ces crédits correspondent souvent au paiement de programmes déjà engagés, si nous n’ignorons pas l’explosion du coût des matériels qu’induisent le saut technologique et les nouveaux espaces de conflictualité, il n’en reste pas moins que vous demandez beaucoup d’argent et que vous n’avez pas défini l’urgence de la menace et le besoin pour la France d’y faire face seule ou presque.
À vous entendre, et c’est aussi une faiblesse de ce projet de loi de programmation, on a parfois le sentiment que la France est seule au monde et qu’elle doit être en capacité de faire face à une guerre de haute intensité sur son sol sans aide de ses voisins.
Or ce que ce nouveau contexte géostratégique nous rappelle, c’est l’immense dépendance des Européens à l’égard des États-Unis pour assurer la sécurité de notre continent. Malgré cette froide réalité, la France – ce projet en est l’illustration – cultive son rêve d’autonomie et de puissance d’équilibre.
Nous ne partageons pas ce récit. La France est une puissance bien plus moyenne qu’elle ne veut le croire. Continuer à promouvoir un modèle d’armée complet, c’est prendre le risque du saupoudrage, de l’échantillonnage, et cette programmation n’échappe pas à ce constat – chacun en conviendra.
Résultat des courses : pour renouveler la dissuasion nucléaire au coût exorbitant, pour dégager des marges, pour investir de nouveaux espaces de conflictualité, nous n’investissons pas, comme nous le devrions, pour notre armée de terre, pour son équipement et pour le confort de vie des soldats et de leurs familles, cette fameuse « armée à hauteur d’homme » chère à votre prédécesseure, monsieur le ministre.
Les écologistes, pour leur part, considèrent que notre effort ne peut être qu’européen. Nos besoins en hommes, en équipements, en stocks stratégiques, en munitions, ne peuvent se mesurer que dans le cadre d’une coalition européenne. La revue nationale stratégique était d’une grande faiblesse en la matière et le rapport annexé du présent projet de LPM, certes amélioré par l’Assemblée nationale et le Sénat, demeure insuffisant.
Comment coordonner notre effort avec celui de nos voisins, notamment avec celui, sans précédent, décidé outre-Rhin ? Quelles impulsions pouvons-nous donner pour une base industrielle et technologique de défense résolument européenne, une nécessité tant pour harmoniser nos équipements que pour diminuer nos coûts de production ? Quel nouvel effort devons-nous faire pour construire politiquement la réponse européenne aux défis stratégiques du XXIe siècle, dont la guerre en Ukraine vient de nouveau rappeler l’absolue nécessité ? Cet effort peut-il, à court et moyen termes, s’inscrire raisonnablement en dehors du cadre otanien ? Sur toutes ces questions, votre texte est soit muet, soit vague, soit ambigu.
Il est certain que pour renforcer la dimension européenne de notre effort militaire, il faudrait commencer par respecter les règles communes de l’Union ; je pense au premier chef au code de conduite sur les exportations d’armes de 1998, qui, sans l’opposition de la France en particulier, pourrait devenir juridiquement contraignant.
Monsieur le ministre, la création d’une délégation parlementaire au contrôle des exportations d’armes ou l’extension en ce sens des prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, adoptée en commission, est un impératif. J’en profite pour saluer les efforts de notre commission pour renforcer le contrôle parlementaire sur tous les volets de l’action de l’exécutif en matière de défense. Il faut mettre un terme à ce domaine réservé indigne d’une République démocratique.
J’insiste, pour conclure, sur le renforcement des efforts de transition écologique et énergétique de l’armée, qui reste à ce stade largement incantatoire. Je pense en premier lieu à la rénovation du bâti. Bien sûr, la situation de nos armées est à part, mais, s’agissant du premier poste ministériel en matière de consommation d’énergies fossiles, un effort tant écologique que financier doit être produit.
Avec les six petites minutes qui m’étaient imparties, ce propos est davantage un préambule qu’un tableau général. Je profiterai des jours de débats qui s’ouvrent pour être plus complet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux d’abord rendre hommage à l’engagement des femmes et des hommes au sein de notre armée, souvent au péril de leur vie.
Nous examinons ce projet de loi de programmation militaire dans le contexte que chacun connaît. Après le dernier rebondissement de ce week-end, permettez-moi de rappeler notre plein et entier soutien au peuple ukrainien et à ses dirigeants dans la reconquête de leur souveraineté.
L’invasion russe en Ukraine a justifié, aux yeux du Gouvernement, la nécessité d’accélérer le processus d’élaboration et d’adoption du présent texte. L’expression « économie de guerre » s’est même invitée – hâtivement – dans les propos présidentiels. Monsieur le ministre, malgré vos explications répétées, nous ne comprenons pas l’urgence qui guide le Gouvernement.
Nous ne voyons pas non plus cette rupture avec les deux dernières LPM que justifierait pourtant la nouvelle donne géostratégique européenne et mondiale. Nous voyons un texte dans la continuité des deux précédents, mais élaboré avec un déficit de concertation parlementaire et démocratique.
C’est dommageable, car vous demandez un effort important à la nation, avec une augmentation du budget des armées de près de 50 % d’ici à 2030 et un effort global de plus de 118 milliards d’euros sur le reste de la décennie. Cela représente 17 milliards d’euros par an en moyenne, sans financement spécifique. Vous étiez plus regardants quand il s’agissait de trouver 13 milliards d’euros pour nos caisses de retraite, quitte à mettre le pays dans un état d’extrême tension et à piétiner la démocratie parlementaire.
Votre gouvernement, enfermé dans son dogmatisme, refuse de faire contribuer les plus aisés à l’effort national et promet un retour du déficit public sous les 3 % d’ici à la fin du quinquennat.
Comment, dans ces conditions, allez-vous financer cette LPM ? Vos prévisions de croissance sont un leurre. Ce débat nécessite que nous connaissions les perdants, qui ne seront ni le ministère de l’intérieur ni le ministère de la justice, désormais dotés de leur propre programmation budgétaire. Alors, qui ? La transition écologique ? L’éducation nationale ? La culture ? Aucune de ces solutions n’est acceptable. C’est pour nous une ligne rouge !
Si nous comprenons l’effort de rattrapage budgétaire du ministère, si nous avons bien en tête que ces crédits correspondent souvent au paiement de programmes déjà engagés, si nous n’ignorons pas l’explosion du coût des matériels qu’induisent le saut technologique et les nouveaux espaces de conflictualité, il n’en reste pas moins que vous demandez beaucoup d’argent et que vous n’avez pas défini l’urgence de la menace et le besoin pour la France d’y faire face seule ou presque.
À vous entendre, et c’est aussi une faiblesse de ce projet de loi de programmation, on a parfois le sentiment que la France est seule au monde et qu’elle doit être en mesure de faire face à une guerre de haute intensité sur son sol sans aide de ses voisins.
Or ce que ce nouveau contexte géostratégique nous rappelle, c’est l’immense dépendance des Européens à l’égard des États-Unis pour assurer la sécurité de leur continent. Malgré cette froide réalité, la France – ce projet en est l’illustration – cultive son rêve d’autonomie et de puissance d’équilibre.
Nous ne partageons pas ce récit. La France est une puissance bien plus moyenne qu’elle ne veut le croire. Continuer à promouvoir un modèle d’armée complet, c’est prendre le risque du saupoudrage, de l’échantillonnage ; cette programmation n’échappe pas à ce constat – chacun en conviendra.
Résultat des courses : pour renouveler la dissuasion nucléaire au coût exorbitant, pour dégager des marges, pour investir de nouveaux espaces de conflictualité, nous n’investissons pas, comme nous le devrions, pour notre armée de terre, pour son équipement et pour le confort de vie des soldats et de leurs familles, cette fameuse « armée à hauteur d’homme » chère à votre prédécesseure, monsieur le ministre.
Les écologistes, pour leur part, considèrent que notre effort ne peut être qu’européen. Nos besoins en hommes, en équipements, en stocks stratégiques, en munitions, ne peuvent se mesurer que dans le cadre d’une coalition européenne. La revue nationale stratégique était d’une grande faiblesse en la matière et le rapport annexé au présent projet de LPM, certes amélioré par l’Assemblée nationale et le Sénat, demeure insuffisant.
Comment coordonner notre effort avec celui de nos voisins, notamment avec celui, sans précédent, décidé outre-Rhin ? Quelles impulsions pouvons-nous donner pour une base industrielle et technologique de défense résolument européenne, une nécessité tant pour harmoniser nos équipements que pour diminuer nos coûts de production ? Quel nouvel effort devons-nous faire pour construire politiquement la réponse européenne aux défis stratégiques du XXIe siècle, dont la guerre en Ukraine vient de nouveau rappeler l’absolue nécessité ? Cet effort peut-il, à court et moyen termes, s’inscrire raisonnablement en dehors du cadre otanien ? Sur toutes ces questions, votre texte est soit muet, soit vague, soit ambigu.
Il est certain que, pour renforcer la dimension européenne de notre effort militaire, il faudrait commencer par respecter les règles communes de l’Union européenne ; je pense au premier chef au code de conduite sur les exportations d’armes de 1998, qui, sans l’opposition de la France en particulier, pourrait devenir juridiquement contraignant.
Monsieur le ministre, la création d’une délégation parlementaire au contrôle des exportations d’armes ou l’extension en ce sens des prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, adoptée en commission, est un impératif. J’en profite pour saluer les efforts de notre commission pour renforcer le contrôle parlementaire sur tous les volets de l’action de l’exécutif en matière de défense. Il faut mettre un terme à ce domaine réservé indigne d’une République démocratique.
J’insiste, pour conclure, sur le renforcement des efforts de transition écologique et énergétique de l’armée, qui reste à ce stade largement incantatoire. Je pense en premier lieu à la rénovation du bâti. Bien sûr, la situation de nos armées est à part, mais, s’agissant du premier poste ministériel en matière de consommation d’énergies fossiles, un effort tant écologique que financier doit être produit.
Avec les six petites minutes qui m’étaient imparties, ce propos est davantage un préambule qu’un tableau général. Je profiterai des jours de débats qui s’ouvrent pour être plus complet.
L'amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Guiol, Guérini, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
et de protéger la population contre les agressions armées
par les mots :
, de protéger la population contre les agressions armées et de secourir les ressortissants français menacés à l'étranger
La parole est à M. André Guiol.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Notre commission a introduit un article 1er bis rappelant, au cœur du texte, le cadre stratégique dans lequel la programmation a été conçue. Cet article souligne également les grands objectifs de la défense nationale, que sont : protéger la population du territoire national, outre-mer compris ; lutter contre les menaces actuelles et à venir ; concourir à la sécurité collective et à la défense de la paix, dans le cadre de nos alliances et partenariats, d'une part, et du multilatéralisme, d'autre part ; enfin, renforcer le lien entre la nation et ses armées.
Le présent amendement vise à compléter ces objectifs, en rendant explicite la protection des Français à l'étranger.
En effet, le nombre des ressortissants français voyageant ou résidant à l'étranger ne cesse d'augmenter. Leur sécurité peut être menacée lorsqu'ils se trouvent dans des espaces mal contrôlés, qu'il s'agisse de pays aux structures étatiques défaillantes ou de zones maritimes en proie à la criminalité.
Si, depuis une quinzaine d'années, les attaques visant collectivement une communauté française expatriée ont été rares, le risque d'enlèvement perdure.
Par ailleurs, nos compatriotes peuvent régulièrement être pris dans des situations exceptionnelles qui nécessitent une action d'urgence, que ce soit des coups d'État, une guerre civile ou une catastrophe naturelle.
Comme vous le savez, mes chers collègues, l'armée française a procédé, en avril dernier, à l'évacuation rapide et en toute sécurité de citoyens français du Soudan, pays en proie à un conflit entre l'armée régulière et les paramilitaires. J'en profite pour saluer l'efficacité de nos armées, qui, dans de telles situations, se montrent très réactives et à la hauteur des enjeux.
Aussi, il me semble utile de rappeler cette fonction de protection des Français résidant hors de France que les militaires sont régulièrement amenés à mettre en œuvre.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, avec ce texte fondateur qui marquera notre politique de défense pour les prochaines années, j’aimerais m’adresser directement à nos soldats : « Vous êtes des femmes et des hommes d’exception, engagés en France et aux quatre coins du monde. Votre combativité est inégalable. Votre abnégation est un modèle pour tous. » Je veux leur dire, au nom du groupe RDPI, combien nous sommes fiers d’eux. Nous leur témoignons toute notre reconnaissance.
Je crois qu’au fond, dans cet hémicycle, nous défendons tous un objectif commun : protéger notre population et notre souveraineté. Pour ce faire, il importe d’accorder à nos armées les moyens adéquats. Nos visions des choses et les manières d’atteindre cet objectif sont multiples, mais, jusqu’à présent, nous avons toujours su avancer ensemble. Je forme le vœu que les débats de ces prochains jours se déroulent sereinement et qu’ils soient constructifs. J’espère que nos discussions nous permettront d’y voir plus clair, en particulier quant aux moyens budgétaires de cette programmation militaire.
Si, finalement, il y a lieu d’augmenter l’enveloppe budgétaire, nous en débattrons. Ce texte prévoit l’attribution progressive au budget des armées de moyens financiers considérables pour leur permettre de rattraper le retard d’investissement pris depuis trente ans, sans pour autant déséquilibrer le budget de la nation ou réduire d’autres postes de dépenses nécessaires aux Français.
Si, en revanche, il y a lieu de maintenir la même enveloppe globale, ce débat sera l’occasion de comprendre où les coupes budgétaires doivent se faire pour compenser les nouvelles dépenses à intégrer.
En ce qui concerne le groupe RDPI, nous faisons le choix de la confiance en notre état-major, avec lequel ce projet de loi de programmation militaire a été minutieusement pensé et élaboré, et en notre ministre des armées.
Nous ne souhaitons pas rigidifier le travail de l’état-major. Il faut lui laisser la latitude nécessaire pour s’adapter à tous les défis.
Au cours de ces prochains jours, notre groupe vous proposera plusieurs amendements sur des sujets qui nous tiennent à cœur, par exemple pour compléter les missions de l’Office national des combattants et victimes de guerre, afin de le conforter dans son rôle de relais territorial de l’action mémorielle du ministère.
J’en profite pour saluer le travail de Mme la secrétaire d’État en charge des anciens combattants et de la mémoire, pleinement engagée aux côtés des anciens combattants et des blessés de guerre, notamment grâce au remarquable plan d’accompagnement des blessés 2023-2027, présenté le 10 mai dernier, ou encore à la disposition visant à exonérer certains étudiants, sur critères sociaux, du paiement des droits d’inscription dans les lycées de défense.
Dès 2017, le Président de la République a engagé une politique de rupture avec ses prédécesseurs afin de mettre un terme à plusieurs décennies de diminution de nos capacités militaires.
Dans le cadre de ce projet de loi de programmation militaire pour 2024-2030, il est essentiel que la France continue de renforcer ses moyens à la fois pour garantir son autonomie stratégique et assurer ses engagements en tant qu’alliée de l’Otan et membre de l’Union européenne. En somme, il s’agit d’être une puissance d’équilibre.
Avec cette nouvelle LPM, on passe d’une première loi de réparation, sur la période 2019-2025, à une loi de transformation de nos capacités de défense, pour être plus efficaces et performants.
Outre le renouvellement des capacités opérationnelles, le ministère des armées a entrepris un effort de modernisation. Cette modernisation s’inscrit dans le cadre de la réforme de l’État et vise notamment à dégager des marges de manœuvre budgétaires pour adapter les capacités militaires, notamment en matière d’équipements, garantir les normes d’activité et d’entraînement et poursuivre l’amélioration des conditions de travail et de vie des personnels civils et militaires.
Le ministère des armées travaille avec dix grands groupes, 4 000 PME et ETI et 200 000 personnes. Près de 27 000 entreprises sont partenaires du ministère des armées.
Mes chers collègues, sur ces 413 milliards d’euros qui sont nécessaires pour garantir notre sécurité, 268 milliards vont principalement profiter à nos industries, soutenir l’emploi dans les territoires, préserver et développer les compétences. On sait que, pour un million d’euros d’investissement, on crée sept emplois directs et indirects.
Au cours des décennies écoulées, la France a principalement fondé sa politique de défense et de sécurité sur la dissuasion nucléaire et la notion d’autonomie stratégique à l’égard de l’Otan. Les menaces identifiées dans le Livre blanc de 2008 se sont amplifiées : terrorisme, cybermenace, prolifération nucléaire, pandémies. Dans un tel contexte, l’objectif d’une souveraineté maîtrisée concerne les domaines critiques de la dissuasion, l’accès à l’espace, la capacité d’entrer en premier, mais aussi le renseignement.
La dégradation du contexte géostratégique a entraîné l’émergence d’une idée d’autonomie stratégique européenne et doit conduire à prendre en compte le retour de la notion de guerre à haute intensité, comme on le voit en Ukraine. Ce conflit a rappelé la nécessité de disposer de solides systèmes de défense antimissiles et antiaériens en cas de conflit avec une puissance étrangère.
C’est pourquoi le Gouvernement a programmé pour la période 2023-2027 : 5 milliards d’euros pour la défense surface-air ; 4 milliards pour le cyber ; 5 milliards pour les drones et robots ; 16 milliards pour les stocks de munitions ; 10 milliards pour la fabrication d’un porte-avions de nouvelle génération. Ces éléments figurent parmi les priorités stratégiques de développement pour les armées françaises.
Mais cette programmation militaire ne se résume pas aux seuls investissements matériels. Elle comprend aussi un volet humain très important, avec un doublement de la réserve opérationnelle et plus de 6 400 créations de postes, 700 nouveaux postes étant ouverts dès 2024 et 2025. Cet objectif, s’il est réalisé, dépasserait les augmentations de postes obtenues grâce à l’actuelle LPM, selon les chiffres de la Cour des comptes.
Ce texte comprend aussi un plan Famille de 750 millions d’euros pour compenser les absences et les contraintes opérationnelles, ainsi qu’une politique de ressources humaines modernisée avec une gestion des carrières rénovée.
Dans l’Indo-Pacifique, face à une Chine qui ne cesse de multiplier ses démonstrations de puissance, cette programmation militaire permet à la France de tenir son rang grâce à son armée et à ses territoires d’outre-mer.
Un effort particulier sera fait sur les infrastructures en outre-mer, avec 13 milliards d’euros sur la période. Nos forces de souveraineté bénéficieront d’un effort généralisé sur le plan capacitaire – corvettes, avions de transport, drones, génie dual –, et constitueront un premier échelon renforcé immédiatement disponible afin de décourager toute tentative de déstabilisation ou de prédation.
Elles disposeront par ailleurs de capacités de surveillance qui amélioreront la couverture de nos territoires outre-mer et de leurs zones économiques exclusives. Les capacités de commandement seront durcies de manière ciblée en fonction des enjeux régionaux.
Ces réformes et ce projet de loi de programmation envoient le signal clair que la France peut compter sur une armée moderne et totalement connectée à son époque pour atteindre, d’ici à 2030, un modèle complet et équilibré, apte à répondre à l’ensemble des menaces.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, avec ce texte fondateur qui marquera notre politique de défense pour les prochaines années, j’aimerais m’adresser directement à nos soldats : « Vous êtes des femmes et des hommes d’exception, engagés en France et aux quatre coins du monde. Votre combativité est inégalable. Votre abnégation est un modèle pour tous. » Je veux leur dire, au nom du groupe RDPI, combien nous sommes fiers d’eux. Nous leur témoignons toute notre reconnaissance.
Je crois qu’au fond, dans cet hémicycle, nous défendons tous un objectif commun : protéger notre population et notre souveraineté. Pour ce faire, il importe d’accorder à nos armées les moyens adéquats. Nos visions des choses et les manières d’atteindre cet objectif sont multiples, mais, jusqu’à présent, nous avons toujours su avancer ensemble. Je forme le vœu que les débats de ces prochains jours se déroulent sereinement et qu’ils soient constructifs. J’espère que nos discussions nous permettront d’y voir plus clair, en particulier quant aux moyens budgétaires de cette programmation militaire.
Si, finalement, il y a lieu d’augmenter l’enveloppe budgétaire, nous en débattrons. Ce texte prévoit l’attribution progressive au budget des armées de moyens financiers considérables pour leur permettre de rattraper le retard d’investissement pris depuis trente ans, sans pour autant déséquilibrer le budget de la Nation ou réduire d’autres postes de dépenses nécessaires aux Français.
Si, en revanche, il y a lieu de maintenir la même enveloppe globale, ce débat sera l’occasion de comprendre où les coupes budgétaires doivent se faire pour compenser les nouvelles dépenses à intégrer.
En ce qui concerne le groupe RDPI, nous faisons le choix de la confiance en notre état-major, avec lequel ce projet de loi de programmation militaire a été minutieusement pensé et élaboré, et en notre ministre des armées.
Nous ne souhaitons pas rigidifier le travail de l’état-major. Il faut lui laisser la latitude nécessaire pour s’adapter à tous les défis.
Au cours de ces prochains jours, notre groupe vous proposera plusieurs amendements sur des sujets qui nous tiennent à cœur, par exemple pour compléter les missions de l’Office national des combattants et victimes de guerre, afin de le conforter dans son rôle de relais territorial de l’action mémorielle du ministère.
J’en profite pour saluer le travail de Mme la secrétaire d’État en charge des anciens combattants et de la mémoire, pleinement engagée aux côtés des anciens combattants et des blessés de guerre, notamment grâce au remarquable plan d’accompagnement des blessés 2023-2027, présenté le 10 mai dernier, ou encore à la disposition visant à exonérer certains étudiants, sur critères sociaux, du paiement des droits d’inscription dans les lycées de défense.
Dès 2017, le Président de la République a engagé une politique de rupture avec ses prédécesseurs afin de mettre un terme à plusieurs décennies de diminution de nos capacités militaires.
Dans le cadre de ce projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, il est essentiel que la France continue de renforcer ses moyens à la fois pour garantir son autonomie stratégique et assurer ses engagements en tant qu’alliée de l’Otan et membre de l’Union européenne. En somme, il s’agit d’être une puissance d’équilibre.
Avec cette nouvelle LPM, nous passons d’une première loi de réparation, sur la période 2019-2025, à une loi de transformation de nos capacités de défense, pour être plus efficaces et performants.
Outre le renouvellement des capacités opérationnelles, le ministère des armées a entrepris un effort de modernisation. Cette modernisation s’inscrit dans le cadre de la réforme de l’État et vise notamment à dégager des marges de manœuvre budgétaires pour adapter les capacités militaires, notamment en matière d’équipements, garantir les normes d’activité et d’entraînement et poursuivre l’amélioration des conditions de travail et de vie des personnels civils et militaires.
Le ministère des armées travaille avec dix grands groupes, 4 000 PME et ETI et 200 000 personnes. Près de 27 000 entreprises sont partenaires du ministère des armées.
Mes chers collègues, sur ces 413 milliards d’euros qui sont nécessaires pour garantir notre sécurité, 268 milliards vont principalement profiter à nos industries, soutenir l’emploi dans les territoires, préserver et développer les compétences. On sait que, pour un million d’euros d’investissement, on crée sept emplois directs et indirects.
Au cours des décennies écoulées, la France a principalement fondé sa politique de défense et de sécurité sur la dissuasion nucléaire et la notion d’autonomie stratégique à l’égard de l’Otan. Les menaces identifiées dans le Livre blanc de 2008 se sont amplifiées : terrorisme, cybermenace, prolifération nucléaire, pandémies. Dans un tel contexte, l’objectif d’une souveraineté maîtrisée concerne les domaines critiques de la dissuasion, l’accès à l’espace, la capacité d’entrer en premier, mais aussi le renseignement.
La dégradation du contexte géostratégique a entraîné l’émergence d’une idée d’autonomie stratégique européenne et doit conduire à prendre en compte le retour de la notion de guerre à haute intensité, comme on le voit en Ukraine. Ce conflit a rappelé la nécessité de disposer de solides systèmes de défense antimissiles et antiaériens en cas de conflit avec une puissance étrangère.
C’est pourquoi le Gouvernement a programmé pour la période 2023-2027 5 milliards d’euros pour la défense surface-air ; 4 milliards d’euros pour le cyber ; 5 milliards d’euros pour les drones et robots ; 16 milliards d’euros pour les stocks de munitions ; 10 milliards d’euros pour la fabrication d’un porte-avions de nouvelle génération. Ces éléments figurent parmi les priorités stratégiques de développement pour les armées françaises.
Néanmoins, cette programmation militaire ne se résume pas aux seuls investissements matériels. Elle comprend aussi un volet humain très important, avec un doublement de la réserve opérationnelle et plus de 6 400 créations de postes, 700 nouveaux postes étant ouverts dès 2024 et 2025. Cet objectif, s’il est réalisé, dépasserait les augmentations de postes obtenues grâce à l’actuelle LPM, selon les chiffres de la Cour des comptes.
Ce texte comprend aussi un plan Famille de 750 millions d’euros pour compenser les absences et les contraintes opérationnelles, ainsi qu’une politique de ressources humaines modernisée avec une gestion des carrières rénovée.
Dans l’Indo-Pacifique, face à une Chine qui ne cesse de multiplier ses démonstrations de puissance, cette programmation militaire permet à la France de tenir son rang grâce à son armée et à ses territoires d’outre-mer.
Un effort particulier sera fait sur les infrastructures en outre-mer, avec 13 milliards d’euros sur la période. Nos forces de souveraineté bénéficieront d’un effort généralisé sur le plan capacitaire – corvettes, avions de transport, drones, génie dual – et constitueront un premier échelon renforcé immédiatement disponible afin de décourager toute tentative de déstabilisation ou de prédation.
Elles disposeront par ailleurs de capacités de surveillance qui amélioreront la couverture de nos territoires outre-mer et de leurs zones économiques exclusives. Les capacités de commandement seront durcies de manière ciblée en fonction des enjeux régionaux.
Ces réformes et ce projet de loi de programmation envoient le signal clair que la France peut compter sur une armée moderne et totalement connectée à son époque pour atteindre, d’ici à 2030, un modèle complet et équilibré, apte à répondre à l’ensemble des menaces.
Applaudissements sur les travées d u groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam ap plaudit également.
Je souscris sans réserve à l'objet de l'amendement.
Sagittaire est venu montrer comment les forces armées peuvent mener à bien une mission d'évacuation. D'ailleurs, par comparaison avec d'autres nations européennes, nous avons su agir vite, faire preuve de réactivité, intervenir seuls, faisant jouer à la fois nos capacités à articuler forces spéciales – je n'en dis pas plus – et aviation de transport, mais aussi nos accords de défense, avec Djibouti.
D'ailleurs, Sagittaire est un cas pratique intéressant sur les types d'évacuations auxquelles nous pourrions être amenés à procéder dans les années qui viennent. Loin de moi l'envie de doucher l'enthousiasme de la presse sur le sujet, mais force est de constater que le nombre de ressortissants français était limité. Dans d'autres pays d'Afrique, les communautés sont beaucoup plus importantes et nécessiteraient probablement une planification un peu différente. Je le dis non pour amoindrir le travail des forces armées, mais pour nous inviter à réfléchir collectivement.
Au fond, la position du Gouvernement sur cet amendement dépend aussi, plus globalement, de la rigueur que l'on attend du texte.
En effet, l'adoption de l'amendement encadre et restreint la capacité à protéger, puisque son dispositif laisse à penser que la protection de nos ressortissants à l'étranger ne relève que des terrains sécuritaire et militaire. Or, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, d'autres ministères procèdent évidemment à des évacuations et à des protections sanitaires.
De fait, on est là dans les dispositions normatives du texte, non dans le rapport annexé. Dans le rapport annexé, on pourra peut-être se permettre des signalements politiques sur un certain nombre de sujets. Mais, en intervenant sur la partie légale, en tant que législateurs, vous produisez du droit !
J'y insiste, les évacuations visées sont dans le domaine de compétences des armées. En revanche, des évacuations sanitaires, individuelles ou même collectives ou semi-collectives, ne relèvent pas forcément du domaine des armées.
Je suis donc plutôt réservé sur l'amendement. Je comprends très bien sa finalité, mais, si l'on s'en tient à une analyse strictement normative, on se rend compte que cet amendement serait quelque peu restrictif.
Par conséquent, je sollicite son retrait.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous ces milliards d’euros, ces moyens, ces matériels ne seraient rien sans celles et ceux qui servent pour la sécurité extérieure de notre pays. Aussi, je veux rendre hommage à nos soldats, à nos aviateurs, à nos marins, à l’ensemble des personnels des services de renseignement, de cybersécurité ou de soutien, aux ingénieurs de l’armement, bref, à toutes celles et tous ceux, réservistes compris, qui contribuent à cet effort de défense.
Monsieur le ministre, c’est la cinquième loi de programmation militaire à l’élaboration de laquelle je participe depuis que je suis parlementaire. Mais c’est certainement celle qui porte la plus importante hausse budgétaire pour nos armées.
Rendons à César ce qui est à César, ou plutôt à Macron ce qui est à Macron.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous ces milliards d’euros, ces moyens, ces matériels ne seraient rien sans celles et ceux qui servent pour la sécurité extérieure de notre pays. Aussi, je veux rendre hommage à nos soldats, à nos aviateurs, à nos marins, à l’ensemble des personnels des services de renseignement, de cybersécurité ou de soutien, aux ingénieurs de l’armement, bref, à toutes celles et à tous ceux, réservistes compris, qui contribuent à cet effort de défense.
Monsieur le ministre, c’est la cinquième loi de programmation militaire à l’élaboration de laquelle je participe depuis que je suis parlementaire. Mais c’est certainement celle qui porte la plus importante hausse budgétaire pour nos armées.
Rendons à César ce qui est à César, ou plutôt à Macron ce qui est à Macron, …
Car c’est bien le Président de la République qui a eu la volonté de doubler le budget consacré à notre défense. C’est fondamental !
Il importe cependant de ne pas nous focaliser uniquement sur l’actualité. Ce qui se passe en Europe de l’Est est certes essentiel, et nous devons continuer à soutenir nos amis ukrainiens dans leur combat pour leur liberté et leur souveraineté, mais, au-delà de ce drame, j’identifie un certain nombre d’enjeux particulièrement importants.
Monsieur le ministre, selon moi, ce projet de loi de programmation militaire manque, à certains égards, d’audace. Si vous me permettez l’expression, nous sommes encore dans ce que je qualifie de « global riquiqui ». Je m’explique : nous avons tout, de la dissuasion nucléaire jusqu’aux fantassins sur le terrain, mais nous avons tout en très petit.
Aussi, il aurait fallu, à mon sens, donner la priorité à un certain nombre d’éléments. J’en citerai deux : la capacité de projection vers des théâtres extérieurs et les forces de souveraineté.
S’agissant de ces dernières, nous sommes passés de 15 000 personnels voilà trente ans à 8 700 voilà dix ans et à moins de 7 000 aujourd’hui. Derrière ce constat se joue quelque chose d’essentiel : la capacité de notre pays à donner de la crédibilité à sa stratégie indo-pacifique.
Certes, nous faisons partie d’une alliance et nous sommes protégés par l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord. Par parenthèse, nous pouvons regretter que certains de nos partenaires n’attachent pas plus d’importance à l’alinéa 7 de l’article 42 du traité sur l’Union européenne.
Pour autant, nous devons poursuivre les efforts de réarmement au profit de nos forces de souveraineté. Songez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, sur les vingt-six bases aériennes de plein exercice, aucune n’est installée dans les outre-mer. Notre marine nationale doit sortir de la logique des deux moitiés, Brest et Toulon, pour aller vers la logique des quatre quarts – Brest, Toulon, Saint-Denis-de-la-Réunion et Nouméa ou Papeete. Sortons aussi de cette logique des régiments tournants pour l’armée de terre. Il faut des régiments prépositionnés pour bénéficier d’une capacité de projection à partir des outre-mer.
Tels sont les enjeux que nous devons relever pour assumer une ambition collective. Nous défendrons d’ailleurs un certain nombre d’amendements pour améliorer la visibilité de notre stratégie. Considérons-nous non pas seulement comme une puissance continentale et européenne, mais également comme une puissance mondiale et maritime.
… car c’est bien le Président de la République qui a eu la volonté de doubler le budget consacré à notre défense. C’est fondamental !
Il importe cependant de ne pas nous focaliser uniquement sur l’actualité. Ce qui se passe en Europe de l’Est est certes essentiel, et nous devons continuer à soutenir nos amis ukrainiens dans leur combat pour leur liberté et leur souveraineté, mais, au-delà de ce drame, j’identifie un certain nombre d’enjeux particulièrement importants.
Monsieur le ministre, selon moi, ce projet de loi de programmation militaire manque, à certains égards, d’audace. Si vous me permettez l’expression, nous sommes encore dans ce que je qualifie de « global riquiqui ». Je m’explique : nous avons tout, de la dissuasion nucléaire jusqu’aux fantassins sur le terrain, mais nous avons tout en très petit.
Aussi, il aurait fallu, à mon sens, donner la priorité à un certain nombre d’éléments. J’en citerai deux : la capacité de projection vers des théâtres extérieurs et les forces de souveraineté.
S’agissant de ces dernières, nous sommes passés de 15 000 personnels voilà trente ans à 8 700 voilà dix ans et à moins de 7 000 aujourd’hui. Derrière ce constat se joue quelque chose d’essentiel : la capacité de notre pays à donner de la crédibilité à sa stratégie indo-pacifique.
Certes, nous faisons partie d’une alliance et nous sommes protégés par l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord. Par parenthèse, nous pouvons regretter que certains de nos partenaires n’attachent pas plus d’importance à l’alinéa 7 de l’article 42 du traité sur l’Union européenne.
Pour autant, nous devons poursuivre les efforts de réarmement au profit de nos forces de souveraineté. Songez, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’aucune des vingt-six bases aériennes de plein exercice n’est installée dans les outre-mer. Notre marine nationale doit sortir de la logique des deux moitiés, Brest et Toulon, pour aller vers la logique des quatre quarts – Brest, Toulon, Saint-Denis-de-la-Réunion et Nouméa ou Papeete. Sortons aussi de cette logique des régiments tournants pour l’armée de terre. Il faut des régiments prépositionnés pour bénéficier d’une capacité de projection à partir des outre-mer.
Tels sont les enjeux que nous devons relever pour assumer une ambition collective. Nous défendrons d’ailleurs un certain nombre d’amendements pour améliorer la visibilité de notre stratégie. Considérons-nous non pas seulement comme une puissance continentale et européenne, mais également comme une puissance mondiale et maritime.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
S'il y a des choses à améliorer, c'est sur le plan de la sécurité. Nos élus représentant les Français établis hors de France rappellent souvent qu'ils doivent être mieux associés lorsqu'il y a un problème.
Je vous remercie, mon cher collègue, d'avoir noté ce point.
Bien évidemment, je soutiendrai cet amendement.
J'y insiste, il ne s'agit pas du tout de mettre en doute les interventions de nos forces armées visant à nous protéger en cas de défi sécuritaire à l'étranger : elles ont toujours été au rendez-vous, pour nous et pour tous les Européens.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je veux dire quelques mots de l'article et de l'amendement, que nous soutenons.
Il nous semblait nécessaire, par cet article additionnel dont nous sommes à l'origine, d'ajouter un chapeau à projet de loi.
Le rapport annexé contient des éléments, mais chacun connaît le destin réservé aux rapports annexés. Nous avons évoqué, lors de l'examen de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, la différence entre la partie normative et le rapport annexé – nous pourrions en parler durant des heures…
Il nous paraissait important, dans ce chapeau, d'essayer de préciser le sens de cette loi de programmation militaire et de se fixer quatre objectifs qui soient parfaitement clairs, dont, notamment, la protection des Français.
C'est la raison pour laquelle nous considérons que la précision que vise à apporter le présent amendement est une bonne chose. Nous y sommes favorables.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour le général de Gaulle, la défense était « la première raison d’être de l’État ». Il ajoutait que l’État ne pouvait y « manquer sans se détruire lui-même ».
Le projet de loi de programmation militaire est donc déterminant pour notre avenir dans le contexte actuel. En effet, depuis la dernière LPM, le monde connaît un regain de tensions inquiétant.
L’Europe est confrontée à un conflit majeur causé par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, puissance dotée de l’arme nucléaire, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et membre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Cela en dit long sur l’état de l’ordre international.
Nous redécouvrons à nos dépens que la paix ne va pas de soi. Combien de programmes militaires ont été étalés, combien de coupes budgétaires et de réductions d’effectifs ont été justifiées en Europe par les « dividendes de la paix » ? La France n’a pas échappé à cette tendance, même si elle a su conserver, avec peine, un modèle complet d’armée et une base industrielle et technologique de défense performante.
Aujourd’hui, un nouvel ordre mondial se met en place entre le camp occidental, le pôle russo-chinois et le reste du monde. L’Europe pourrait se trouver « cornerisée ».
Une Russie au pouvoir contesté par des mercenaires nationalistes, cernée par l’Otan et dépendante de la Chine, est une menace sérieuse pour la sécurité. Rien ne me paraît plus dangereux qu’un pays acculé, au seuil de la guerre civile, surtout lorsqu’il s’agit d’une puissance nucléaire aux multiples capacités militaires.
Ces évolutions ne sont pas sans conséquence sur nos intérêts. En Afrique, la pression des compétiteurs stratégiques s’accroît, y compris dans l’espace francophone. Leurs stratégies de soft power s’y déploient en même temps que d’autres moyens hybrides. Ce sont là les outils du jeu des puissances auquel nous devons être préparés.
L’opération Barkhane a montré le savoir-faire de nos armées, mais aussi les limites du modèle expéditionnaire français. Grâce à leurs capacités d’adaptation, nos forces ont obtenu des succès incontestables, au prix néanmoins d’une usure des personnels, des matériels et de pertes humaines notables.
En Indo-Pacifique, nos forces sont présentes, en particulier la marine, et agissent avec nos alliés de la région face, notamment, à la Chine qui avance ses pions à marche forcée et avec habileté. Autour de nos outre-mer, l’immensité des zones sous souveraineté française à surveiller et protéger restera un défi. Les drones et le traitement de masse des données par l’intelligence artificielle ne pourront pas tout.
« Être et durer », telle est la problématique posée aux chefs militaires. Qu’en sera-t-il demain dans la perspective d’un conflit complexe, de haute intensité, mêlant tous les champs de la conflictualité et entraînant une forte attrition des moyens ?
Un retour d’expérience rapide de l’exercice Orion 23 permettrait de savoir où la France en est dans ce domaine et d’envisager des ajustements.
Qu’en sera-t-il dans la perspective de conflits larvés, mais plus hybrides ? L’action combinée de quelques centaines de mercenaires Wagner sur le terrain africain et d’opérations de propagande-désinformation a permis de prendre le contrôle de fait de certains États, conduisant à l’éviction de la mission Barkhane. Les cyberattaques contre nos hôpitaux font aussi des dégâts dangereux et coûteux.
Prenons-nous pleinement la mesure de la force de ces déstabilisations réalisées à moindre coût ? Je n’en suis pas convaincu. Pour préserver la paix, les capacités actuelles ne sont plus suffisantes. Il faut des moyens adaptés, dimensionnés, capables d’évoluer rapidement.
Vous portez, monsieur le ministre, cette programmation aux ambitions fortes et aux moyens importants avec un certain sens de la communication.
Le Sénat a préparé l’examen de ce texte avec sérieux. Voulus par le président Cambon, les différents groupes de travail ont conduit des dizaines d’auditions sur plusieurs mois. J’y ai activement participé, avec plusieurs collègues, en particulier à ceux sur le renseignement et la prospective et sur le bilan de l’opération Barkhane.
Les amendements adoptés en commission témoignent d’une volonté d’aider les armées, sans esprit de polémique. Il est souhaitable que leur contenu trouve place dans le texte final.
Je ne m’étendrai pas sur le montage financier de ce projet de LPM. Nous faisons, vous faites des hypothèses, notamment sur l’inflation, et nous tablons, vous tablez sur des ressources additionnelles incertaines – certaines plus incertaines que d’autres, si je puis dire –, ainsi que sur des ajustements de dépenses au fil de l’eau. Avec le poids de la dette, néanmoins, les mauvaises surprises sont sans doute à venir.
La défense, ce sont aussi des industries : que seraient nos forces sans une BITD forte et indépendante ? La concurrence d’entreprises étrangères, aux contraintes limitées et fortement soutenues par leurs États, se durcit.
Les financements sont cruciaux pour la survie de ce qui est l’un des derniers écosystèmes industriels français. Il s’agit d’une filière d’excellence, non délocalisable, qui représente un vivier d’emplois dans les territoires.
Malgré les efforts de l’État, trop d’entreprises sont passées, ces dernières années, sous pavillon étranger, notamment pour y trouver les financements nécessaires à leur croissance. D’autres craignent de devoir être absorbées par de grands groupes, d’y perdre leur liberté et leur capacité à innover. Quant aux grands groupes, ils redoutent quant à eux la défaillance d’un de leurs fournisseurs critiques.
Les soutiens publics sont importants ; les financements privés le sont tout autant. Il faut créer un environnement favorable pour les banques et les investisseurs. Le passage à une économie de guerre ne pourra se faire sans eux.
Par ailleurs, un plus grand activisme français s’impose sur les projets de textes européens qui impacteront l’industrie de défense. La veille ne suffit plus. En effet, derrière ces textes à vocation écologique et sociale, il y a souvent des lobbies qui poursuivent des buts politiques et économiques contraires à nos intérêts. N’ajoutons pas de contraintes inappropriées qui fausseraient encore un peu plus la concurrence.
Aussi, j’ai fait adopter, en commission, de nombreux amendements pour conforter notre BITD.
La pérennité de ces industries requiert une visibilité des commandes. Elle leur permet de réaliser les investissements, souvent lourds – stocks, machines-outils, robots –, de maintenir les compétences et de pouvoir embaucher pour répondre aux besoins des armées, en particulier dans le contexte d’économie de guerre. Les stop and go empêcheront de produire vite et mieux. La continuité industrielle est indispensable, car les capacités et les compétences se perdent vite et se rattrapent lentement.
Le paradigme des coopérations européennes atteint aussi ses limites. Avec nos partenaires allemands, rien n’est simple, ni sur le système de combat aérien du futur (Scaf) ni sur le Main Ground Combat System (MGCS). Nous devons être très vigilants sur ces points.
Monsieur le ministre, avec la guerre en Ukraine, les autorités russes sont parties du postulat selon lequel les démocraties sont faibles et malades. Elles ont d’ailleurs tout fait pour les diviser et mieux les affaiblir. Face aux instincts belliqueux portés par la convergence des autoritarismes, nous devons – nous, démocraties – afficher une détermination sans faille.
Le droit et les valeurs sont des instruments nécessaires, mais insuffisants, pour défendre nos sociétés démocratiques. Donnons-nous réellement, ensemble, les moyens à la hauteur de nos ambitions et des menaces nouvelles.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour le général de Gaulle, la défense était « la première raison d’être de l’État ». Il ajoutait que l’État ne pouvait y « manquer sans se détruire lui-même ».
Le projet de loi de programmation militaire est donc déterminant pour notre avenir dans le contexte actuel. En effet, depuis la dernière LPM, le monde connaît un regain de tensions inquiétant.
L’Europe est confrontée à un conflit majeur causé par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, puissance dotée de l’arme nucléaire, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et membre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Cela en dit long sur l’état de l’ordre international.
Nous redécouvrons à nos dépens que la paix ne va pas de soi. Combien de programmes militaires ont été étalés, combien de coupes budgétaires et de réductions d’effectifs ont été justifiées en Europe par les « dividendes de la paix » ? La France n’a pas échappé à cette tendance, même si elle a su conserver, avec peine, un modèle complet d’armée et une base industrielle et technologique de défense performante.
Aujourd’hui, un nouvel ordre mondial se met en place entre le camp occidental, le pôle russo-chinois et le reste du monde. L’Europe pourrait se trouver « cornerisée ».
Une Russie au pouvoir contesté par des mercenaires nationalistes, cernée par l’Otan et dépendante de la Chine, est une menace sérieuse pour la sécurité. Rien ne me paraît plus dangereux qu’un pays acculé, au seuil de la guerre civile, surtout lorsqu’il s’agit d’une puissance nucléaire aux multiples capacités militaires.
Ces évolutions ne sont pas sans conséquence sur nos intérêts. En Afrique, la pression des compétiteurs stratégiques s’accroît, y compris dans l’espace francophone. Leurs stratégies de soft power s’y déploient en même temps que d’autres moyens hybrides. Ce sont là les outils du jeu des puissances auquel nous devons être préparés.
L’opération Barkhane a montré le savoir-faire de nos armées, mais aussi les limites du modèle expéditionnaire français. Grâce à leurs capacités d’adaptation, nos forces ont obtenu des succès incontestables, au prix néanmoins d’une usure des personnels, des matériels et de pertes humaines notables.
En Indo-Pacifique, nos forces sont présentes, en particulier la marine, et agissent avec nos alliés de la région, notamment face à la Chine qui avance ses pions à marche forcée et avec habileté. Autour de nos outre-mer, l’immensité des zones sous souveraineté française à surveiller et protéger restera un défi. Les drones et le traitement de masse des données par l’intelligence artificielle ne pourront pas tout.
« Être et durer », telle est la problématique posée aux chefs militaires. Qu’en sera-t-il demain dans la perspective d’un conflit complexe, de haute intensité, mêlant tous les champs de la conflictualité et entraînant une forte attrition des moyens ?
Un retour d’expérience rapide de l’exercice Orion 23 permettrait de savoir où la France en est dans ce domaine et d’envisager des ajustements.
Qu’en sera-t-il dans la perspective de conflits larvés, mais plus hybrides ? L’action combinée de quelques centaines de mercenaires Wagner sur le terrain africain et d’opérations de propagande-désinformation a permis de prendre le contrôle de fait de certains États, conduisant à l’éviction de la mission Barkhane. Les cyberattaques contre nos hôpitaux font aussi des dégâts dangereux et coûteux.
Prenons-nous pleinement la mesure de la force de ces déstabilisations réalisées à moindre coût ? Je n’en suis pas convaincu. Pour préserver la paix, les capacités actuelles ne sont plus suffisantes. Il faut des moyens adaptés, dimensionnés, capables d’évoluer rapidement.
Vous portez, monsieur le ministre, cette programmation aux ambitions fortes et aux moyens importants avec un certain sens de la communication.
Le Sénat a préparé l’examen de ce texte avec sérieux. Voulus par le président Cambon, les différents groupes de travail ont conduit des dizaines d’auditions sur plusieurs mois. J’y ai activement participé, avec plusieurs collègues, en particulier à ceux sur le renseignement et la prospective et sur le bilan de l’opération Barkhane.
Les amendements adoptés en commission témoignent d’une volonté d’aider les armées, sans esprit de polémique. Il est souhaitable que leur contenu trouve place dans le texte final.
Je ne m’étendrai pas sur le montage financier de ce projet de LPM. Nous faisons, vous faites des hypothèses, notamment sur l’inflation, et nous tablons, vous tablez sur des ressources additionnelles incertaines – certaines plus incertaines que d’autres, si je puis dire –, ainsi que sur des ajustements de dépenses au fil de l’eau. Avec le poids de la dette, néanmoins, les mauvaises surprises sont sans doute à venir.
La défense, ce sont aussi des industries : que seraient nos forces sans une BITD forte et indépendante ? La concurrence d’entreprises étrangères, aux contraintes limitées et fortement soutenues par leurs États, se durcit.
Les financements sont cruciaux pour la survie de ce qui est l’un des derniers écosystèmes industriels français. Il s’agit d’une filière d’excellence, non délocalisable, qui représente un vivier d’emplois dans les territoires.
Malgré les efforts de l’État, trop d’entreprises sont passées, ces dernières années, sous pavillon étranger, notamment pour y trouver les financements nécessaires à leur croissance. D’autres craignent de devoir être absorbées par de grands groupes, d’y perdre leur liberté et leur capacité à innover. Quant aux grands groupes, ils redoutent la défaillance de l’un de leurs fournisseurs critiques.
Les soutiens publics sont importants ; les financements privés le sont tout autant. Il faut créer un environnement favorable pour les banques et les investisseurs. Le passage à une économie de guerre ne pourra se faire sans eux.
Par ailleurs, un plus grand activisme français s’impose sur les projets de textes européens qui auront un impact sur l’industrie de défense. La veille ne suffit plus. En effet, derrière ces textes à vocation écologique et sociale, il y a souvent des lobbies qui ont des buts politiques et économiques contraires à nos intérêts. N’ajoutons pas de contraintes inappropriées qui fausseraient encore un peu plus la concurrence.
Aussi, j’ai fait adopter, en commission, de nombreux amendements pour conforter notre BITD.
La pérennité de ces industries requiert une visibilité des commandes. Elle leur permet de réaliser les investissements, souvent lourds – stocks, machines-outils, robots –, de maintenir les compétences et de pouvoir embaucher pour répondre aux besoins des armées, en particulier dans le contexte d’économie de guerre. Les stop and go empêcheront de produire vite et mieux. La continuité industrielle est indispensable, car les capacités et les compétences se perdent vite et se rattrapent lentement.
Le paradigme des coopérations européennes atteint aussi ses limites. Avec nos partenaires allemands, rien n’est simple, ni sur le système de combat aérien du futur (Scaf) ni sur le Main Ground Combat System (MGCS). Nous devons être très vigilants sur ces points.
Monsieur le ministre, avec la guerre en Ukraine, les autorités russes sont parties du postulat selon lequel les démocraties sont faibles et malades. Elles ont d’ailleurs tout fait pour les diviser et mieux les affaiblir. Face aux instincts belliqueux portés par la convergence des autoritarismes, nous devons – nous, démocraties – afficher une détermination sans faille.
Le droit et les valeurs sont des instruments nécessaires, mais insuffisants, pour défendre nos sociétés démocratiques. Donnons-nous réellement, ensemble, les moyens à la hauteur de nos ambitions et des menaces nouvelles.
Je veux faire deux commentaires pour préciser les choses.
Premièrement, je pense que, dans l'ensemble, le chapeau, tel qu'il a été introduit par la commission, va dans le bon sens : il fait bien la synthèse des grands attendus politico-militaires, mais aussi diplomatiques. Le Gouvernement n'a d'ailleurs déposé aucun amendement sur ce point.
Le fait qu'il n'y ait pas eu d'autres amendements déposés me laisse penser, comme je l'ai dit tout à l'heure à la tribune, qu'il est consensuel, en tout cas pour les sensibilités politiques telles qu'elles sont représentées au Sénat – il n'en irait pas forcément de même en dehors de cette enceinte…
Deuxièmement, en précisant que la mission de protection des ressortissants ne repose pas sur le seul ministère des armées, je voulais éclairer le Sénat dans les débats.
Cela étant fait, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je mets aux voix l'amendement n° 54 rectifié.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de programmation militaire par notre Haute Assemblée constitue toujours l’un de ces moments graves et solennels où nous réalisons que ce qui se joue n’est ni plus ni moins que la sécurité de notre pays et de nos compatriotes, donc leur avenir.
C’est une lourde responsabilité qui nous incombe alors, dans ce monde où – plus personne ne le niera désormais – les enjeux de sécurité et de défense n’ont jamais été aussi cruciaux.
Investie au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées depuis mon entrée au Sénat, en 2004, j’ai parfois eu l’impression que ces enjeux de défense et de sécurité n’avaient pas toujours été pris en compte à leur juste valeur. Je me réjouis donc d’autant plus de la prise de conscience collective, aussi bien dans l’opinion que chez les décideurs publics, de leur importance primordiale.
À l’heure où l’Ukraine se bat avec un courage admirable, il est indispensable d’afficher clairement, dans cette LPM, nos ambitions en matière de sécurité collective et notre ferme volonté de tenir notre rang en tant que première armée de l’Union européenne et de maillon essentiel de l’Otan, cette alliance euro-atlantique qui n’a jamais failli et qui est la meilleure garante aujourd’hui de notre sécurité et de notre défense collective.
L’enrichissement substantiel du texte que nous avons proposé en commission démontre une nouvelle fois la qualité du travail de notre assemblée et contribuera très nettement à mettre cette LPM au niveau que nos armées, à qui je veux moi aussi rendre ici un hommage appuyé, sont en droit d’attendre et à la mesure des engagements qui sont les nôtres à l’égard de nos concitoyens et de nos alliés et partenaires.
L’adoption de cette LPM permettra ainsi à la France, au sommet prochain de l’Otan, qui se tiendra les 11 et 12 juillet à Vilnius, d’apparaître aussi crédible et fiable qu’elle doit l’être.
Je rappelle que les 274 membres de l’Assemblée parlementaire de l’Otan, que j’ai l’honneur de présider et dont je porterai la voix auprès des 31 chefs d’État et de gouvernement lors de ce sommet de Vilnius, appellent, à l’unanimité, à renforcer le soutien politique et militaire à l’Ukraine et à renforcer notre politique de défense et de dissuasion, en consacrant plus de moyens à l’accroissement de nos capacités collectives.
Ne disposant que de cinq minutes de temps de parole, intervenant en toute fin de discussion et ne voulant pas répéter tout ce qu’ont excellemment dit plusieurs de mes collègues, je me contenterai de m’arrêter sur deux autres sujets.
Premièrement, je veux évoquer la désinformation. La guerre informationnelle qui est menée quotidiennement par la Russie notamment est d’une grande violence, et ses conséquences pourraient être des plus désastreuses et destructrices pour notre pays, nos sociétés et nos démocraties si nous ne la prenons pas collectivement en compte.
M’étant moi-même penchée sur cette nouvelle forme de guerre dans un rapport que j’ai présenté à l’Assemblée parlementaire de l’Otan, je souhaite insister sur la nécessité de se préparer, de se former, donc de s’armer, dès le plus jeune âge, comme cela se fait dans plusieurs États scandinaves, face à ces attaques qui visent à saper les fondements mêmes de nos sociétés démocratiques.
Ensuite, en conséquence de ces nouvelles mesures, il me semble tout aussi essentiel de développer nos outils d’influence et de reformer le lien entre l’armée et la nation, tout particulièrement auprès de nos jeunes Français établis à l’étranger, qui sont de plus en plus nombreux.
Les journées défense et citoyenneté représentent, à ce titre, une excellente opportunité pour acquérir les premières connaissances indispensables à la compréhension des grands enjeux de défense qui touchent notre pays, mais elles ne sont, à mon grand regret, que rarement organisées, alors même que les jeunes Français résidant à l’étranger sont déjà exclus du SNU. Je défendrai des amendements pour les promouvoir.
Ne perdons pas de vue que les Français établis hors de France demeurent la vitrine de notre pays à l’international, un de nos meilleurs outils d’influence, un relais essentiel chez nos partenaires alliés et, parfois, amis.
Les Français établis hors de France sont des Français à part entière, des citoyens engagés, qui ne demandent qu’à servir leur pays, que ce soit par la promotion de nos intérêts économiques, par une veille géostratégique, par une cyberdéfense adaptée ou encore par une lutte contre la désinformation. Il est de notre devoir et de notre responsabilité de les soutenir, donc de leur donner, dans ce texte, les moyens de mieux servir notre pays, nos armées et nos valeurs. Ne les décevons pas. (
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de programmation militaire par la Haute Assemblée constitue toujours l’un de ces moments graves et solennels où nous nous rendons compte que ce qui se joue n’est ni plus ni moins que la sécurité de notre pays et de nos compatriotes, donc leur avenir.
C’est une lourde responsabilité qui nous incombe alors, dans ce monde où – plus personne ne le niera désormais – les enjeux de sécurité et de défense n’ont jamais été aussi cruciaux.
Investie au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées depuis mon entrée au Sénat, en 2004, j’ai parfois eu l’impression que ces enjeux de défense et de sécurité n’avaient pas toujours été pris en compte à leur juste valeur. Je me réjouis donc d’autant plus de la prise de conscience collective, aussi bien dans l’opinion que chez les décideurs publics, de leur importance primordiale.
À l’heure où l’Ukraine se bat avec un courage admirable, il est indispensable d’afficher clairement, dans cette LPM, nos ambitions en matière de sécurité collective et notre ferme volonté de tenir notre rang en tant que première armée de l’Union européenne et de maillon essentiel de l’Otan, cette alliance euro-atlantique qui n’a jamais failli et qui est la meilleure garante aujourd’hui de notre sécurité et de notre défense collective.
L’enrichissement substantiel du texte que nous avons proposé en commission démontre une nouvelle fois la qualité du travail de notre assemblée et contribuera très nettement à mettre cette LPM au niveau que nos armées, à qui je veux moi aussi rendre ici un hommage appuyé, sont en droit d’attendre et à la mesure des engagements qui sont les nôtres à l’égard de nos concitoyens et de nos alliés et partenaires.
L’adoption de cette LPM permettra ainsi à la France, au sommet prochain de l’Otan, qui se tiendra le 11 et le 12 juillet prochain à Vilnius, d’apparaître aussi crédible et fiable qu’elle doit l’être.
Je rappelle que les 274 membres de l’Assemblée parlementaire de l’Otan, que j’ai l’honneur de présider et dont je porterai la voix auprès des 31 chefs d’État et de gouvernement lors de ce sommet de Vilnius, appellent, à l’unanimité, à renforcer le soutien politique et militaire à l’Ukraine et à renforcer notre politique de défense et de dissuasion, en consacrant plus de moyens à l’accroissement de nos capacités collectives.
Ne disposant que de cinq minutes de temps de parole, intervenant en toute fin de discussion et ne voulant pas répéter tout ce qu’ont excellemment dit plusieurs de mes collègues, je me contenterai de m’arrêter sur deux autres sujets.
En premier lieu, je veux évoquer la désinformation. La guerre informationnelle qui est menée quotidiennement par la Russie notamment est d’une grande violence, et ses conséquences pourraient être des plus désastreuses et destructrices pour notre pays, nos sociétés et nos démocraties si nous ne la prenons pas collectivement en compte.
M’étant moi-même penchée sur cette nouvelle forme de guerre dans un rapport que j’ai présenté à l’Assemblée parlementaire de l’Otan, je souhaite insister sur la nécessité de se préparer, de se former, donc de s’armer, dès le plus jeune âge, comme cela se fait dans plusieurs États scandinaves, face à ces attaques qui visent à saper les fondements mêmes de nos sociétés démocratiques.
En second lieu, en conséquence de ces nouvelles mesures, il me semble tout aussi essentiel de développer nos outils d’influence et de reformer le lien entre l’armée et la nation, tout particulièrement auprès de nos jeunes Français établis à l’étranger, qui sont de plus en plus nombreux.
Les journées défense et citoyenneté représentent, à ce titre, une excellente opportunité pour acquérir les premières connaissances indispensables à la compréhension des grands enjeux de défense qui touchent notre pays, mais elles ne sont, à mon grand regret, que rarement organisées, alors même que les jeunes Français résidant à l’étranger sont déjà exclus du SNU. Je défendrai des amendements pour les promouvoir.
Ne perdons pas de vue que les Français établis hors de France demeurent la vitrine de notre pays à l’international, un de nos meilleurs outils d’influence, un relais essentiel chez nos partenaires alliés et, parfois, amis.
Les Français établis hors de France sont des Français à part entière, des citoyens engagés, qui ne demandent qu’à servir leur pays, que ce soit par la promotion de nos intérêts économiques, par une veille géostratégique, par une cyberdéfense adaptée ou encore par une lutte contre la désinformation. Il est de notre devoir et de notre responsabilité de les soutenir, donc de leur donner, dans ce texte, les moyens de mieux servir notre pays, nos armées et nos valeurs. Ne les décevons pas. (
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation militaire est essentiel, pour plusieurs raisons.
D’abord, il l’est du fait du contexte géopolitique international. Nous avons tous en tête la guerre en Ukraine. C’est le fait générateur, mais d’autres événements doivent évidemment être suivis.
Ma première pensée va à l’Afrique, dont nous avons débattu voilà quelques jours. Il est vrai qu’il y a une dégradation incontestable de la situation sur ce continent, avec le développement d’un sentiment antifrançais. Je pense au Mali ; à la Centrafrique ; au Burkina Faso, malheureusement ; ainsi qu’au Maghreb – nous en avons parlé la semaine dernière ici même.
Par nos outre-mer, nous avons une responsabilité sur l’ensemble du globe. Ils sont, pour nous, un atout, mais aussi, évidemment, ils nous obligent – j’en profite pour saluer l’ensemble de mes collègues ultramarins ici présents. Cette responsabilité nécessitera des moyens maritimes. Nous en reparlerons, monsieur le ministre.
Il existe d’autres théâtres d’opérations potentiels : je pense à l’Iran, à l’Afghanistan ou encore à la Corée du Nord.
Cette accumulation de menaces sur tous les continents oblige effectivement à des moyens nouveaux. C’est ce qui nécessitait d’actualiser la loi de programmation militaire.
L’autre grande raison que je veux évoquer est la multiplicité des guerres. C’est le grand changement du XXIe siècle.
Les vieilles guerres, brutales, existent encore. Les images que nous voyons en Ukraine rappellent celles de nos livres d’histoire sur la Première Guerre mondiale, une époque où chaque tranchée était un couloir de la mort.
Mais il y a de nouvelles guerres, pernicieuses.
Il y a les guerres technologiques, avec une montée en puissance de l’informatique, du numérique, du quantique au cyber, où les drones sont partout, et où l’intelligence artificielle le sera demain.
Il y a aussi les guerres liées au terrorisme.
Tout à l’heure, notre collègue Rachid Temal a fait du 11 septembre 2001 une date tournant. Bien sûr que nous avons tous en tête le 11 septembre ! Cependant, monsieur le ministre, j’ai une pensée pour l’attentat contre le Drakkar, au Liban, …
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation militaire est essentiel, pour plusieurs raisons.
D’abord, il l’est du fait du contexte géopolitique international. Nous avons tous en tête la guerre en Ukraine. C’est le fait générateur, mais d’autres événements doivent évidemment être suivis.
Ma première pensée va à l’Afrique, dont nous avons débattu voilà quelques jours. Il est vrai qu’il y a une dégradation incontestable de la situation sur ce continent, avec le développement d’un sentiment antifrançais. Je pense au Mali ; à la Centrafrique ; au Burkina Faso, malheureusement ; ainsi qu’au Maghreb – nous en avons parlé la semaine dernière ici même.
Par nos outre-mer, nous avons une responsabilité sur l’ensemble du globe. Ils sont, pour nous, un atout, mais aussi, évidemment, ils nous obligent – j’en profite pour saluer l’ensemble de mes collègues ultramarins ici présents. Cette responsabilité nécessitera des moyens maritimes. Nous en reparlerons, monsieur le ministre.
Il existe d’autres théâtres d’opérations potentiels. Je pense à l’Iran, à l’Afghanistan ou encore à la Corée du Nord.
Cette accumulation de menaces sur tous les continents oblige en effet à des moyens nouveaux. C’est ce qui nécessitait d’actualiser la loi de programmation militaire.
L’autre grande raison que je veux évoquer est la multiplicité des guerres. C’est le grand changement du XXIe siècle.
Les vieilles guerres, brutales, existent encore. Les images que nous voyons en Ukraine rappellent celles de nos livres d’histoire sur la Première Guerre mondiale, une époque où chaque tranchée était un couloir de la mort.
Mais il y a de nouvelles guerres, pernicieuses.
Il y a les guerres technologiques, avec une montée en puissance de l’informatique, du numérique, du quantique au cyber, où les drones sont partout et où l’intelligence artificielle le sera demain.
Il y a aussi les guerres liées au terrorisme.
Tout à l’heure, notre collègue Rachid Temal a fait du 11 septembre 2001 une date tournant. Bien sûr que nous avons tous en tête le 11 septembre ! Cependant, monsieur le ministre, j’ai une pensée pour l’attentat contre le Drakkar, au Liban, …
L’ensemble de ces données vient justifier des moyens nouveaux et variés face à la diversification des menaces. C’est un effort indispensable face à la conflictualité de demain. Il est nécessaire de transformer nos armées, d’anticiper et, bien évidemment, d’associer la nation, parce que ces risques nouveaux entraînent une exposition des civils.
Une fois le cadre tracé se pose évidemment la question des moyens et des ressources humaines.
Les moyens, monsieur le ministre, sont essentiels. Vous les avez longuement évoqués tout à l’heure, et M. le rapporteur Christian Cambon a fait de même.
Cela m’inspire plusieurs interrogations.
La tête de pont, la tête de chapitre est évidemment la dissuasion nucléaire, que nous devons réaffirmer.
Derrière, il y a les moyens maritimes. Où en sommes-nous avec nos sous-marins ? Où en sommes-nous d’un prochain porte-avions ? Nous défendons ce projet, cher, mais essentiel.
Se pose également la question des stocks stratégiques. Il faut évidemment, par cette loi de programmation militaire, envoyer un signal fort à nos équipementiers.
Se pose aussi la question des livraisons en cours – Rafale, Scorpion, Griffon, Jaguar. Nous devons, par ce qui ressortira de nos débats au Sénat, monsieur le ministre, porter un message fort pour l’industrie de guerre.
Je veux dire un mot sur les ressources. Vous faites des réserves l’une des pierres angulaires des mobilisations possibles. À ce sujet, les questions que nous nous posons légitimement sont évidemment celles du calendrier, des formations, des équipements.
Alors que nous débattons du budget, monsieur le ministre, je crois que, face à ce qui se présente, nous ne pouvons pas trop attendre.
Tout à l’heure, le président Cambon a parlé de « cadencement ». Le terme me paraît exact : il faut sans doute une montée plus linéaire des questions budgétaires pour soutenir notre armée. Bien évidemment, je sais combien le Sénat adresse à l’ensemble des forces armées militaires et de gendarmerie un message de soutien.
En tout état de cause, il n’est plus question de perdre du temps sur les questions de défense nationale. Le temps perdu ne se rattrape plus. À cet égard, ce débat est capital. Il est l’occasion d’adresser un message de soutien à nos armées.
L’ensemble de ces données viennent justifier des moyens nouveaux et variés face à la diversification des menaces. C’est un effort indispensable face à la conflictualité de demain. Il est nécessaire de transformer nos armées, d’anticiper et, bien évidemment, d’associer la nation, parce que ces risques nouveaux entraînent une exposition des civils.
Une fois le cadre tracé se pose évidemment la question des moyens et des ressources humaines.
Les moyens, monsieur le ministre, sont essentiels. Vous les avez longuement évoqués tout à l’heure, et M. le rapporteur Christian Cambon a fait de même.
Cela m’inspire plusieurs interrogations.
La tête de pont, la tête de chapitre est évidemment la dissuasion nucléaire, que nous devons réaffirmer.
Derrière, il y a les moyens maritimes. Où en sommes-nous avec nos sous-marins ? Où en sommes-nous d’un prochain porte-avions ? Nous défendons ce projet, cher, mais essentiel.
Se pose également la question des stocks stratégiques. Il faut évidemment, par ce projet de loi de programmation militaire, envoyer un signal fort à nos équipementiers.
Se pose aussi la question des livraisons en cours – Rafale, Scorpion, Griffon, Jaguar. Nous devons, par ce qui ressortira de nos débats au Sénat, monsieur le ministre, porter un message fort pour l’industrie de guerre.
Je veux dire un mot sur les ressources. Vous faites des réserves l’une des pierres angulaires des mobilisations possibles. À ce sujet, les questions que nous nous posons légitimement sont évidemment celles du calendrier, des formations, des équipements.
Alors que nous débattons du budget, monsieur le ministre, je crois que, face à ce qui se présente, nous ne pouvons pas trop attendre.
Tout à l’heure, il a été question de « cadencement ». Le terme me paraît exact : il faut sans doute une montée plus linéaire des questions budgétaires pour soutenir notre armée. Bien évidemment, je sais combien le Sénat adresse à l’ensemble des forces armées militaires et de gendarmerie un message de soutien.
En tout état de cause, il n’est plus question de perdre du temps sur les questions de défense nationale. Le temps perdu ne se rattrape plus. À cet égard, ce débat est capital. Il est l’occasion d’adresser un message de soutien à nos armées.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Nicole Duranton et M. Denis Bouad applaudissent également.
L'article 3, monsieur le ministre, est la clé de voûte de la LPM.
Si j'ai souhaité prendre la parole, c'est à la fois pour vous répondre, pour répondre à l'article de ce matin, que nous avons tous lu, pour répondre aux propos que vous avez tenus tout à l'heure, mais aussi pour préciser notre pensée, pour aujourd'hui et pour demain, dans la perspective de la réunion de la commission mixte paritaire.
Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, personne ne pense ici que 413 milliards d'euros ne sont rien. C'est un vrai effort – je n'y reviens pas.
Simplement, nous voulons, dans cet article, lever un doute, lié à une incertitude, mais aussi à une facilité.
L'incertitude, ce sont les crédits qui ne sont pas budgétés. Ce n'est pas nous qui l'avons relevé : c'est le Haut Conseil des finances publiques. À cet égard, notre trajectoire a le mérite de matérialiser les 7, 4 milliards d'euros qui n'étaient pas concrétisés.
J'en viens au doute lié à la facilité. Alors que l'essentiel de l'effort est reporté après 2027, nous voulons, pour notre part, que la progression soit linéaire. Sinon, l'effort, la marche sont les mêmes que dans la LPM actuelle !
C'est maintenant que la guerre a lieu. C'est maintenant que nous devons faire un effort. C'est maintenant que nous subissons l'inflation, que l'euro d'aujourd'hui a plus de valeur que l'euro de demain.
Nous voulons nous assurer, dans un monde chaotique.
Au reste, nous ne sommes pas du tout d'accord avec le chiffre de 420 milliards d'euros que vous avez cité : le bon chiffre est 413 milliards d'euros. Nous l'avons vérifié avec notre commission des finances – c'est notre façon de compter l'argent public…
D'ailleurs, si nous avions voulu sortir de l'enveloppe, nous aurions inscrit, au premier alinéa de l'article 3, non 413 milliards d'euros, mais 420 milliards d'euros.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 66, présenté par MM. Temal, Féraud et Kanner, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
L’amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Guiol, Guérini, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
et de protéger la population contre les agressions armées
par les mots :
, de protéger la population contre les agressions armées et de secourir les ressortissants français menacés à l’étranger
La parole est à M. André Guiol.
Notre commission a introduit un article 1er bis rappelant, au cœur du texte, le cadre stratégique dans lequel la programmation a été conçue. Cet article souligne également les grands objectifs de la défense nationale, que sont : protéger la population du territoire national, outre-mer compris ; lutter contre les menaces actuelles et à venir ; concourir à la sécurité collective et à la défense de la paix, dans le cadre de nos alliances et partenariats, d’une part, et du multilatéralisme, d’autre part ; enfin, renforcer le lien entre la nation et ses armées.
Le présent amendement vise à compléter ces objectifs, en rendant explicite la protection des Français à l’étranger.
En effet, le nombre des ressortissants français voyageant ou résidant à l’étranger ne cesse d’augmenter. Leur sécurité peut être menacée lorsqu’ils se trouvent dans des espaces mal contrôlés, qu’il s’agisse de pays aux structures étatiques défaillantes ou de zones maritimes en proie à la criminalité.
Si, depuis une quinzaine d’années, les attaques visant collectivement une communauté française expatriée ont été rares, le risque d’enlèvement perdure.
Par ailleurs, nos compatriotes peuvent régulièrement être pris dans des situations exceptionnelles qui nécessitent une action d’urgence, que ce soit des coups d’État, une guerre civile ou une catastrophe naturelle.
Comme vous le savez, mes chers collègues, l’armée française a procédé, en avril dernier, à l’évacuation rapide et en toute sécurité de citoyens français du Soudan, pays en proie à un conflit entre l’armée régulière et les paramilitaires. J’en profite pour saluer l’efficacité de nos armées, qui, dans de telles situations, se montrent très réactives et à la hauteur des enjeux.
Aussi, il me semble utile de rappeler cette fonction de protection des Français résidant hors de France que les militaires sont régulièrement amenés à mettre en œuvre.
Notre commission a introduit un article 1er bis rappelant, au cœur du texte, le cadre stratégique dans lequel la programmation a été conçue. Cet article souligne également les grands objectifs de la défense nationale, que sont : protéger la population du territoire national, outre-mer compris ; lutter contre les menaces actuelles et à venir ; concourir à la sécurité collective et à la défense de la paix, dans le cadre de nos alliances et partenariats, d’une part, du multilatéralisme, d’autre part ; enfin, renforcer le lien entre la Nation et ses armées.
Le présent amendement vise à compléter ces objectifs, en rendant explicite la protection des Français à l’étranger.
En effet, le nombre des ressortissants français voyageant ou résidant à l’étranger ne cesse d’augmenter. Leur sécurité peut être menacée lorsqu’ils se trouvent dans des espaces mal contrôlés, qu’il s’agisse de pays aux structures étatiques défaillantes ou de zones maritimes en proie à la criminalité.
Si, depuis une quinzaine d’années, les attaques visant collectivement une communauté française expatriée ont été rares, le risque d’enlèvement perdure.
Par ailleurs, nos compatriotes peuvent régulièrement être pris dans des situations exceptionnelles qui nécessitent une action d’urgence, que ce soit des coups d’État, une guerre civile ou une catastrophe naturelle.
Comme vous le savez, mes chers collègues, l’armée française a procédé, en avril dernier, à l’évacuation rapide et en toute sécurité de citoyens français du Soudan, pays en proie à un conflit entre l’armée régulière et les paramilitaires. J’en profite pour saluer l’efficacité de nos armées, qui, dans de telles situations, se montrent très réactives et à la hauteur des enjeux.
Aussi, il me semble utile de rappeler cette fonction de protection des Français résidant hors de France que les militaires sont régulièrement amenés à mettre en œuvre.
Monsieur le ministre, vous avez fait une large communication sur l'effort inédit consenti au travers de cette loi de programmation militaire.
Par cet amendement, nous voulons simplement ramener cet effort budgétaire à sa juste proportion.
Le chevauchement calendaire des deux lois de programmation militaire permet au Gouvernement de budgétiser dans les deux lois pour les exercices 2024 et 2025.
Dans la LPM 2019-2025, on estime à 97 milliards d'euros ce qui était prévu pour les budgets 2024 et 2025. Cette somme n'a jamais été budgétisée, du fait de l'absence de véritable réactualisation en 2021 – c'est un autre ministre qui était en fonction –, mais aussi du raccourcissement de l'actuelle loi de programmation militaire.
Les crédits pour 2019-2025 devaient être de 295 milliards d'euros. Ils seront seulement, pour 2019-2023, de 198 milliards d'euros. La loi de programmation militaire 2024-2030 réaffecte les 97 milliards d'euros restants. L'effort réel serait donc de 303 milliards d'euros, auxquels il faudra, un jour, soustraire l'inflation, que le Gouvernement et vos services ont estimée à environ 30 milliards d'euros.
L'amendement n° 282, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
Je souscris sans réserve à l’objet de l’amendement.
Sagittaire est venu montrer comment les forces armées peuvent mener à bien une mission d’évacuation. D’ailleurs, par comparaison avec d’autres nations européennes, nous avons su agir vite, faire preuve de réactivité, intervenir seuls, faisant jouer à la fois nos capacités à articuler forces spéciales – je n’en dis pas plus – et aviation de transport, mais aussi nos accords de défense, avec Djibouti.
D’ailleurs, Sagittaire est un cas pratique intéressant sur les types d’évacuations auxquelles nous pourrions être amenés à procéder dans les années qui viennent. Loin de moi l’envie de doucher l’enthousiasme de la presse sur le sujet, mais force est de constater que le nombre de ressortissants français était limité. Dans d’autres pays d’Afrique, les communautés sont beaucoup plus importantes et nécessiteraient probablement une planification un peu différente. Je le dis non pour amoindrir le travail des forces armées, mais pour nous inviter à réfléchir collectivement.
Au fond, la position du Gouvernement sur cet amendement dépend aussi, plus globalement, de la rigueur que l’on attend du texte.
En effet, l’adoption de l’amendement encadre et restreint la capacité à protéger, puisque son dispositif laisse à penser que la protection de nos ressortissants à l’étranger ne relève que des terrains sécuritaire et militaire. Or, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, d’autres ministères procèdent évidemment à des évacuations et à des protections sanitaires.
De fait, on est là dans les dispositions normatives du texte, non dans le rapport annexé. Dans le rapport annexé, on pourra peut-être se permettre des signalements politiques sur un certain nombre de sujets. Mais, en intervenant sur la partie légale, en tant que législateurs, vous produisez du droit !
J’y insiste, les évacuations visées sont dans le domaine de compétences des armées. En revanche, des évacuations sanitaires, individuelles ou même collectives ou semi-collectives, ne relèvent pas forcément du domaine des armées.
Je suis donc plutôt réservé sur l’amendement. Je comprends très bien sa finalité, mais, si l’on s’en tient à une analyse strictement normative, on se rend compte que cet amendement serait quelque peu restrictif.
Par conséquent, je sollicite son retrait.
Je présenterai cet amendement comme un amendement d'appel, car je ne nourris aucune illusion sur le sort qui lui sera réservé…
Cependant, il permet d'apporter la grande clarification et les précisions souhaitées. De fait, au regard de ce que vient de dire Bruno Retailleau, je constate que nous pouvons converger politiquement, mais que nous ne partageons pas la même lecture technique sur la rédaction du texte.
Trois sujets sont devant nous.
Je ne reviens pas sur le premier, monsieur Todeschini : les 30 milliards d'euros ne doivent pas être soustraits puisqu'ils sont déjà dans la copie, comme je l'ai dit à plusieurs reprises en audition au rapporteur pour avis Dominique de Legge, à qui j'ai communiqué par écrit, ainsi que je m'y étais engagé, les modalités de calcul de la prise en compte de l'inflation. Je pourrai donc répondre une nouvelle fois à vos questions sur ce sujet. Quoi qu'il en soit, il ne s'agit vraiment pas d'ôter 30 milliards d'euros à 413 milliards d'euros ou à 420 milliards d'euros, ou à je ne sais quelle autre somme encore.
D'ailleurs, le principe d'une programmation des années 1960 à nos jours vise à intégrer un aléa dont nul ne sait ce qu'il deviendra.
Les facteurs macroéconomiques vont-ils se retourner ? Ce serait une bonne nouvelle, puisque les projections sont plutôt prudentes selon les critères que nous avons retenus. La situation va-t-elle, au contraire, s'aggraver ? En ce cas, mesdames, messieurs les sénateurs, elle s'aggravera pour l'ensemble du budget de l'État et pour d'autres programmes. Nous aurons l'occasion d'y revenir, et, au regard de notre engagement à documenter l'inflation année par année en loi de finances, vous pourrez, monsieur le rapporteur, constater ces effets dès les documents budgétaires annuels. Vous les constaterez sur ce que l'on appelle le « physique », à savoir, pour faire clair, des décalages de commandes que vous n'avez pas relevées jusqu'à présent.
Nous sommes revenus de nombreuses fois en commission sur ce sujet de l'inflation, mais je voulais l'aborder dans cet hémicycle.
Le deuxième sujet, que Bruno Retailleau a évoqué dans la seconde partie de son propos, est la dynamique – le rythme, en quelque sorte – de l'effort budgétaire.
J'en viens à la politique, au sens noble du terme.
Vous dites que l'essentiel de l'effort concerne l'après-2027. Pour ma part, je vois deux tiers d'efforts entre 2017 et 2027 ! J'y reviendrai dans un instant.
Je considère que cette trajectoire n'est pas la même marche, puisque monter sur la même marche d'un escalier revient à faire du sur-place… En l'occurrence, il y a bien 3 milliards d'euros qui s'ajoutent à chaque fois.
Cela dit, on pourrait revenir sur la dynamique des marches.
Le troisième sujet, c'est le montant global de l'enveloppe.
À ce propos, monsieur Retailleau, vous avez déclaré au nom du groupe que vous avez l'honneur de présider que le Sénat restait dans l'enveloppe des 413 milliards d'euros. C'est pourquoi, dans l'interview qui a paru ce matin…
Au-delà de l’aspect normatif, il s’agit d’utiliser la loi de programmation militaire pour envoyer un message fort.
Quand les Français, notamment les militaires, accomplissent des actions de qualité exceptionnelle, il est important de leur renvoyer l’ascenseur.
… – en effet, c'est M. Perrin –, je ne m'offusque pas !
Quand le Sénat – et c'est de bonne guerre – trouve que le texte manque d'ambition, je ne m'offusque pas !
C'est cela aussi, le jeu démocratique.
De la même façon que vous avez une lecture et un avis sur ce projet de loi, le Gouvernement peut avoir un avis sur le texte tel qu'il est issu des travaux de la commission.
S’il y a des choses à améliorer, c’est sur le plan de la sécurité. Nos élus représentant les Français établis hors de France rappellent souvent qu’ils doivent être mieux associés lorsqu’il y a un problème.
Je vous remercie, mon cher collègue, d’avoir noté ce point.
Bien évidemment, je soutiendrai cet amendement.
J’y insiste, il ne s’agit pas du tout de mettre en doute les interventions de nos forces armées visant à nous protéger en cas de défi sécuritaire à l’étranger : elles ont toujours été au rendez-vous, pour nous et pour tous les Européens.
S’il y a des choses à améliorer, c’est dans le domaine de la sécurité. Nos élus représentant les Français établis hors de France rappellent souvent qu’ils doivent être mieux associés lorsqu’il y a un problème.
Je vous remercie, mon cher collègue, d’avoir noté ce point.
Bien évidemment, je soutiendrai cet amendement.
J’y insiste, il ne s’agit pas du tout de mettre en doute les interventions de nos forces armées visant à nous protéger en cas de défi sécuritaire à l’étranger : elles ont toujours été au rendez-vous, pour nous et pour tous les Européens.
En revanche, techniquement, je veux revenir sur l'interprétation des chiffres. Cela donnera peut-être lieu à des débats plus politiques dans un autre cadre, mais je pense utile de détailler de nouveau la copie du Gouvernement, ainsi que je l'ai d'ailleurs déjà fait par un courrier en date du 2 juin dernier que j'ai adressé à un certain nombre d'entre vous.
Ainsi, 400 milliards d'euros de crédits budgétaires sont prévus pour 413, 3 milliards d'euros de besoins militaires. Les 13, 3 milliards d'euros de différence se répartissent de la façon suivante.
Tout d'abord, 5, 9 milliards d'euros correspondent à des ressources extrabudgétaires, dont on estime désormais qu'elles sont sécurisées.
Je veux dire quelques mots de l’article et de l’amendement, que nous soutenons.
Il nous semblait nécessaire, par cet article additionnel dont nous sommes à l’origine, d’ajouter un chapeau à projet de loi.
Le rapport annexé contient des éléments, mais chacun connaît le destin réservé aux rapports annexés. Nous avons évoqué, lors de l’examen de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, la différence entre la partie normative et le rapport annexé – nous pourrions en parler durant des heures…
Il nous paraissait important, dans ce chapeau, d’essayer de préciser le sens de cette loi de programmation militaire et de se fixer quatre objectifs qui soient parfaitement clairs, dont, notamment, la protection des Français.
C’est la raison pour laquelle nous considérons que la précision que vise à apporter le présent amendement est une bonne chose. Nous y sommes favorables.
Je veux dire quelques mots de l’article et de l’amendement, que nous soutenons.
Il nous semblait nécessaire, par cet article additionnel dont nous sommes à l’origine, d’ajouter un chapeau à ce projet de loi.
Le rapport annexé contient des éléments, mais chacun connaît le destin réservé aux rapports annexés. Nous avons évoqué, lors de l’examen de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, la différence entre la partie normative et le rapport annexé – nous pourrions en parler durant des heures…
Il nous paraissait important, dans ce chapeau, d’essayer de préciser le sens de cette loi de programmation militaire et de se fixer quatre objectifs qui soient parfaitement clairs, notamment la protection des Français.
C’est la raison pour laquelle nous considérons que la précision que vise à apporter le présent amendement est une bonne chose. Nous y sommes favorables.
Cela a suscité de nombreux débats, mais, sur ce point, en effet, nous sommes d'accord.
Ensuite, 1, 2 milliard d'euros correspondent à l'une des parts du financement de l'Ukraine – je vous rappelle qu'il en existe trois différentes –, à savoir les prélèvements sur le parc des armées. Ceux-ci donnent lieu à un « recomplètement » par du matériel neuf. En d'autres termes, quand on fournit un AMX-10 RC ou un Crotale, le premier est remplacé par un Jaguar, le second par un VL-Mica. Ce faisant, on a touché au format des armées ; or, même s'ils sont anciens, ces matériels étaient encore dans la cible capacitaire jusqu'en 2030, voire 2035.
Enfin, 6, 2 milliards d'euros sont destinés à deux outils différents : d'une part, le report de charges – on nous a suffisamment reproché de ne pas suffisamment prendre en compte l'inflation pour balayer désormais d'un revers de main l'outil qui, de tout temps, le permet
Je veux faire deux commentaires pour préciser les choses.
Premièrement, je pense que, dans l’ensemble, le chapeau, tel qu’il a été introduit par la commission, va dans le bon sens : il fait bien la synthèse des grands attendus politico-militaires, mais aussi diplomatiques. Le Gouvernement n’a d’ailleurs déposé aucun amendement sur ce point.
Le fait qu’il n’y ait pas eu d’autres amendements déposés me laisse penser, comme je l’ai dit tout à l’heure à la tribune, qu’il est consensuel, en tout cas pour les sensibilités politiques telles qu’elles sont représentées au Sénat – il n’en irait pas forcément de même en dehors de cette enceinte…
Deuxièmement, en précisant que la mission de protection des ressortissants ne repose pas sur le seul ministère des armées, je voulais éclairer le Sénat dans les débats.
Cela étant fait, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je veux faire deux commentaires pour préciser les choses.
D’une part, je pense que, dans l’ensemble, le chapeau, tel qu’il a été introduit par la commission, va dans le bon sens : il fait bien la synthèse des grands attendus politico-militaires, mais aussi diplomatiques. Le Gouvernement n’a d’ailleurs déposé aucun amendement sur ce point.
Le fait qu’il n’y ait pas eu d’autres amendements déposés me laisse penser, comme je l’ai dit tout à l’heure à la tribune, qu’il est consensuel, en tout cas pour les sensibilités politiques telles qu’elles sont représentées au Sénat – il n’en irait pas forcément de même en dehors de cette enceinte…
D’autre part, en précisant que la mission de protection des ressortissants ne repose pas sur le seul ministère des armées, je voulais éclairer le Sénat dans les débats.
Cela étant fait, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je mets aux voix l’amendement n° 54 rectifié.
Avec le recul, bien m'en a pris d'avoir opéré cette distinction, même si je n'y suis pour rien. En effet, les programmations militaires précédentes ont toutes été construites ainsi, mais, pour des raisons que je vous laisse deviner, mesdames, messieurs les sénateurs, le Parlement n'en était jamais informé. Il n'est qu'à voir la loi de programmation militaire sous l'empire de laquelle nous sommes encore.
Le Parlement a en effet voté 295 milliards d'euros de ressources budgétaires pour la LPM actuelle, alors que les besoins militaires s'élevaient à 304 milliards d'euros, sans que le Parlement ait jamais été informé de ce chiffre.
C'est pourquoi, au regard tant des sommes importantes qui sont désormais en jeu dans ces programmations que des modifications du tableau capacitaire – ce qui importe, c'est ce qui est livré aux forces armées et non ce qui est commandé –, j'ai souhaité partir du besoin militaire et prévoir les ressources budgétaires idoines, que celles-ci soient extrabudgétaires ou inscrites dans le budget de la nation.
J'en viens aux modifications apportées par la commission des affaires étrangères et de la défense, c'est-à-dire à la copie du Sénat qui nous est soumise, à l'exception des marches et du rythme.
L'enveloppe totale des crédits budgétaires s'élève à 407, 4 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent toujours 5, 9 milliards d'euros de ressources extrabudgétaires, ainsi que 7, 4 milliards de reports de charges. Ces derniers figurent bien dans la programmation.
Article 3
Par définition, nous disposons d'ores et déjà d'indications quant aux retards !
Monsieur Retailleau, pour que ce soit plus clair, et puisque vous ne partagez pas ma lecture, je prendrai le problème dans l'autre sens.
Le tableau capacitaire prévoit déjà 413 milliards d'euros. La commission a ajouté 1 milliard d'euros pour l'entraînement et 200 millions d'euros pour les ressources humaines. Qui plus est, certains amendements qui n'ont pas encore été examinés visent à augmenter le tableau capacitaire de 2 milliards d'euros. Par conséquent, et même si, je le répète, vous ne partagez pas ma lecture sur les marges frictionnelles, 3, 2 milliards d'euros s'ajoutent aux 413 milliards d'euros.
Pour la période 2024-2030, le montant des besoins physico-financiers programmés s’élève à 413, 3 milliards d’euros.
Les ressources budgétaires de la mission « Défense », hors charges de pensions et à périmètre constant, évolueront comme suit entre 2024 et 2030 :
M. Bruno Retailleau fait un signe de dénégation.
En milliards d ’ euros courants
Nous arrivons au moment de vérité. Si vous conservez l'enveloppe à 413 milliards d'euros avec plus de maintien en condition opérationnelle (MCO), plus de moyens capacitaires et plus d'entraînements, cela signifie qu'il faudra accepter des renoncements. §
Pourtant, si l'enveloppe que vous avez prévue est bien de 416, 2 milliards d'euros – pour ma part, je pense qu'elle s'élève à 420 milliards d'euros, mais, si vous ne partagez pas ma lecture, je suis prêt à l'abandonner l'espace d'un instant
Total 2024-2030
Crédits de paiement de la mission « Défense »
Variation
Cette trajectoire de ressources budgétaires s’entend comme un minimum.
Ces ressources budgétaires seront également complétées, sur la durée de la programmation, par des ressources extrabudgétaires comprenant notamment le retour de l’intégralité du produit des cessions immobilières du ministère de la défense, les redevances domaniales et les loyers provenant des concessions ou des autorisations de toute nature consenties sur les biens immobiliers affectés au ministère. Ces ressources sont estimées comme suit :
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
En millions d ’ euros courants
Il n'y a pas d'argent magique, comme dirait quelqu'un que je connais bien et qui m'a nommé.
Total 2024-2030
Ressources extrabudgétaires (prévisions)
Chaque année, si les ressources extrabudgétaires sont inférieures au montant de la prévision figurant au tableau constituant le sixième alinéa du présent article, elles seront complétées à hauteur de ce montant par des crédits budgétaires dans la loi de finances initiale de l’année suivante.
À ces ressources budgétaires et extrabudgétaires s’ajouteront celles nécessaires au financement de l’effort national de soutien à l’Ukraine. Elles concernent notamment le financement de contributions à la Facilité européenne pour la paix, des recomplètements nécessaires, en cas de cessions d’équipements ou de matériels, à la préservation intégrale du format des armées prévu par la programmation militaire présentée dans le rapport annexé à la présente loi ou d’aides à l’acquisition de matériels ou de prestations de défense et de sécurité. Ces moyens seront déterminés en loi de finances de l’année ou en exécution, en cohérence avec l’évolution du contexte géopolitique et militaire.
En cas de prélèvement d’équipements ou de matériels sur les parcs des armées au titre du soutien à l’exportation, s’ajouteront les ressources nécessaires au financement des recomplètements nécessaires à la préservation intégrale du format des armées prévu par la programmation militaire présentée dans le rapport annexé à la présente loi. Ces moyens seront déterminés en loi de finances de l’année ou en exécution.
Ces ressources ne comprennent pas le financement du service national universel qui dispose d’un financement ad hoc hors loi de programmation militaire.
M. Jean-Marc Todeschini s'exclame.
Mon état d'esprit n'est pas à la polémique, je le dis sincèrement. J'insiste seulement sur le fait qu'il est compliqué de ne pas s'accorder techniquement sur la lecture des chiffres, qui plus est quand il s'agit d'une programmation militaire.
L’article 3, monsieur le ministre, est la clé de voûte de la LPM.
Si j’ai souhaité prendre la parole, c’est à la fois pour vous répondre, pour répondre à l’article de ce matin, que nous avons tous lu, pour répondre aux propos que vous avez tenus tout à l’heure, mais aussi pour préciser notre pensée, pour aujourd’hui et pour demain, dans la perspective de la réunion de la commission mixte paritaire.
Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, personne ne pense ici que 413 milliards d’euros ne sont rien. C’est un vrai effort – je n’y reviens pas.
Simplement, nous voulons, dans cet article, lever un doute, lié à une incertitude, mais aussi à une facilité.
L’incertitude, ce sont les crédits qui ne sont pas budgétés. Ce n’est pas nous qui l’avons relevé : c’est le Haut Conseil des finances publiques. À cet égard, notre trajectoire a le mérite de matérialiser les 7, 4 milliards d’euros qui n’étaient pas concrétisés.
J’en viens au doute lié à la facilité. Alors que l’essentiel de l’effort est reporté après 2027, nous voulons, pour notre part, que la progression soit linéaire. Sinon, l’effort, la marche sont les mêmes que dans la LPM actuelle !
C’est maintenant que la guerre a lieu. C’est maintenant que nous devons faire un effort. C’est maintenant que nous subissons l’inflation, que l’euro d’aujourd’hui a plus de valeur que l’euro de demain.
Nous voulons nous assurer, dans un monde chaotique.
Au reste, nous ne sommes pas du tout d’accord avec le chiffre de 420 milliards d’euros que vous avez cité : le bon chiffre est 413 milliards d’euros. Nous l’avons vérifié avec notre commission des finances – c’est notre façon de compter l’argent public…
D’ailleurs, si nous avions voulu sortir de l’enveloppe, nous aurions inscrit, au premier alinéa de l’article 3, non 413 milliards d’euros, mais 420 milliards d’euros.
L’article 3, monsieur le ministre, est la clé de voûte de la LPM.
Si j’ai souhaité prendre la parole, c’est à la fois pour vous répondre, pour répondre à l’article de ce matin, que nous avons tous lu, pour répondre aux propos que vous avez tenus tout à l’heure, mais aussi pour préciser notre pensée, pour aujourd’hui et pour demain, dans la perspective de la réunion de la commission mixte paritaire.
Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, personne ne pense ici que 413 milliards d’euros ne sont rien. C’est un réel effort – je n’y reviens pas.
Simplement, nous voulons, dans cet article, lever un doute, lié à une incertitude, mais aussi à une facilité.
L’incertitude, ce sont les crédits qui ne sont pas budgétés. Ce n’est pas nous qui l’avons relevé : c’est le Haut Conseil des finances publiques. À cet égard, notre trajectoire a le mérite de matérialiser les 7, 4 milliards d’euros qui n’étaient pas concrétisés.
J’en viens au doute lié à la facilité. Alors que l’essentiel de l’effort est reporté après 2027, nous voulons, pour notre part, que la progression soit linéaire. Sinon, l’effort, la marche sont les mêmes que dans la LPM actuelle !
C’est maintenant que la guerre a lieu. C’est maintenant que nous devons faire un effort. C’est maintenant que nous subissons l’inflation, que l’euro d’aujourd’hui a plus de valeur que l’euro de demain.
Nous voulons nous assurer, dans un monde chaotique.
Au reste, nous ne sommes pas du tout d’accord avec le chiffre de 420 milliards d’euros que vous avez cité : le bon chiffre est 413 milliards d’euros. Nous l’avons vérifié avec notre commission des finances – c’est notre façon de compter l’argent public…
D’ailleurs, si nous avions voulu sortir de l’enveloppe, nous aurions inscrit, au premier alinéa de l’article 3, non 413 milliards d’euros, mais 420 milliards d’euros.
Les marges frictionnelles existaient déjà quand Alain Richard était ministre de la défense, quand Jean-Pierre Raffarin était Premier ministre ou, plus tard, président de la commission des affaires étrangères du Sénat, quand Gérard Longuet, qui est membre du groupe Les Républicains, était ministre de la défense et des anciens combattants. La méthode est vieille comme Hérode ; je n'ai fait que la montrer.
Reste que vous avez décidé en commission – en tant que parlementaires, vous êtes tout à fait souverains pour ce faire – d'aller au-delà des 413 milliards d'euros prévus, ce qui pose néanmoins la question de la soutenabilité budgétaire globale. Nul besoin d'être Premier ministre ou ministre du budget pour le dire.
Trois éléments importants doivent être pris en compte : l'inflation, les marches et l'enveloppe globale. L'enveloppe globale est de 416, 2 milliards d'euros – c'est une donnée factuelle, la colonne des dépenses a augmenté et les chiffres sont têtus. Par ailleurs, les marges frictionnelles n'ont pas disparu – il ne suffit pas de les budgéter pour qu'elles disparaissent.
S'il faut une suspension de séance pour se réunir de nouveau à ce sujet, j'y suis tout à fait favorable, car je tiens vraiment à montrer la bonne foi du Gouvernement.
L'exécution à l'euro près de la LPM nous oblige désormais à être rigoureux. Je reste à la disposition du Sénat pour trouver un point d'accord sur ce sujet dont nous faisons non pas un préalable politique ou politicien, mais bel et bien un élément de clarification important.
Je le répète, le Gouvernement a prévu 413 milliards d'euros de dépenses, alors que, au moment où je vous parle, le budget s'élève déjà à au moins à 416, 2 milliards d'euros, si ce n'est à 420 milliards d'euros.
L'amendement du Gouvernement, qui vise à rétablir les marches et la trajectoire budgétaire telles qu'elles sont issues des travaux de l'Assemblée nationale, est défendu. Il s'agit surtout d'un amendement d'appel pour avoir ce débat noble sur ces trois paramètres : l'inflation, les marches, mais surtout l'enveloppe globale, puisqu'il y a là un enjeu de soutenabilité qui m'inquiète beaucoup.
M. Bruno Retailleau. Par conséquent, mes chers collègues, nous modifions le cadencement, mais nous restons dans l’enveloppe définie à Mont-de-Marsan par le Président de la République. Je tenais à le dire solennellement.
L'amendement n° 6, présenté par M. de Legge, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 3, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
en milliards d'euros courants
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 66, présenté par MM. Temal, Féraud et Kanner, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
Total
Crédits de paiement de la mission « Défense »
Variation
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
en milliards d ’ euros courants
J'ai souhaité déposer de nouveau cet amendement de la commission des finances pour plusieurs raisons.
D'abord, il s'agit de soutenir la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le montant de 407 milliards d'euros, puisque cela correspond aussi à l'analyse de la commission des finances.
Ensuite, nous considérons que nous ne pouvons pas reporter l'effort au prochain quinquennat.
À cela s'ajoutent d'autres arguments, monsieur le ministre.
J'entends bien toutes les arguties de Bercy. Un haut gradé a même fait le tour des sénateurs pour leur donner des leçons de calcul budgétaire, ce dont tous se seraient dispensés. Pour autant, monsieur le ministre, votre explication ne nous a pas davantage convaincus, puisque cela reviendrait à dire que l'on finance une partie de l'objectif capacitaire en espérant ne pas l'atteindre…
LPM de référence
LPM 2019-2025
LPM 2024-2030
Année
Total des crédits nouveaux 2024-2030
Crédits de paiement de la mission « défense »
Variation annuelle
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
Monsieur le ministre, vous avez fait une large communication sur l’effort inédit consenti au travers de cette loi de programmation militaire.
Par cet amendement, nous voulons simplement ramener cet effort budgétaire à sa juste proportion.
Le chevauchement calendaire des deux lois de programmation militaire permet au Gouvernement de budgétiser dans les deux lois pour les exercices 2024 et 2025.
Dans la LPM 2019-2025, on estime à 97 milliards d’euros ce qui était prévu pour les budgets 2024 et 2025. Cette somme n’a jamais été budgétisée, du fait de l’absence de véritable réactualisation en 2021 – c’est un autre ministre qui était en fonction –, mais aussi du raccourcissement de l’actuelle loi de programmation militaire.
Les crédits pour 2019-2025 devaient être de 295 milliards d’euros. Ils seront seulement, pour 2019-2023, de 198 milliards d’euros. La loi de programmation militaire 2024-2030 réaffecte les 97 milliards d’euros restants. L’effort réel serait donc de 303 milliards d’euros, auxquels il faudra, un jour, soustraire l’inflation, que le Gouvernement et vos services ont estimée à environ 30 milliards d’euros.
… ou, bien pis, en faisant tout pour différer soit les paiements, soit les livraisons, ce qui aura forcément une conséquence sur la loi de programmation des finances publiques. En effet, celle-ci se trouvera frappée de la même insincérité – disons du même doute, si vous préférez.
Monsieur le ministre, j'en profite pour vous poser deux questions.
D'une part, à quel niveau de report de charges entrerons-nous dans la nouvelle loi de programmation militaire ? Ce n'est pas tout à fait neutre. Sauf erreur de ma part, cela représente 5 milliards d'euros de cavalerie qui s'ajoutent aux 7 milliards d'euros qui, selon vous, n'existent pas.
D'autre part, dans une interview du mois d'avril dernier, vous avez déclaré qu'en 2023 le budget de la défense serait abondé de 1, 5 milliard d'euros. Pouvez-vous nous en dire plus à ce propos ?
Mme Pascale Gruny remplace M. Alain Richard au fauteuil de la présidence.
L'amendement n° 67, présenté par MM. Temal, Féraud et Kanner, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, avant le tableau
Remplacer le mot :
courants
par le mot :
constants
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
L’amendement n° 282, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
M. Jean-Marc Todeschini . Monsieur le ministre, la pédagogie étant l'art de répétition, je vais vous donner l'occasion de vous répéter, puisque vous ne nous avez pas convaincus.
En milliards d ’ euros courants
Sourires.
Total 2024-2030
Crédits de paiement de la mission « Défense »
Variation
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à neutraliser les effets de l'inflation sur la loi de programmation militaire et à permettre que les crédits programmés soient ceux qui seront réellement consacrés à nos armées.
Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, vous avez évalué à 30 milliards d'euros les effets de l'inflation pour la période 2024-2030. On le sait déjà, la seule solution qui a été trouvée pour les neutraliser, c'est le report de charges.
Par respect pour nos armées, et au regard des engagements pris, la sincérité de ce projet de loi de programmation militaire serait totale si les montants prévus étaient exprimés en euros constants.
Je présenterai cet amendement comme un amendement d’appel, car je ne nourris aucune illusion sur le sort qui lui sera réservé…
Cependant, il permet d’apporter la grande clarification et les précisions souhaitées. De fait, au regard de ce que vient de dire Bruno Retailleau, je constate que nous pouvons converger politiquement, mais que nous ne partageons pas la même lecture technique sur la rédaction du texte.
Trois sujets sont devant nous.
Je ne reviens pas sur le premier, monsieur Todeschini : les 30 milliards d’euros ne doivent pas être soustraits puisqu’ils sont déjà dans la copie, comme je l’ai dit à plusieurs reprises en audition au rapporteur pour avis Dominique de Legge, à qui j’ai communiqué par écrit, ainsi que je m’y étais engagé, les modalités de calcul de la prise en compte de l’inflation. Je pourrai donc répondre une nouvelle fois à vos questions sur ce sujet. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit vraiment pas d’ôter 30 milliards d’euros à 413 milliards d’euros ou à 420 milliards d’euros, ou à je ne sais quelle autre somme encore.
D’ailleurs, le principe d’une programmation des années 1960 à nos jours vise à intégrer un aléa dont nul ne sait ce qu’il deviendra.
Les facteurs macroéconomiques vont-ils se retourner ? Ce serait une bonne nouvelle, puisque les projections sont plutôt prudentes selon les critères que nous avons retenus. La situation va-t-elle, au contraire, s’aggraver ? En ce cas, mesdames, messieurs les sénateurs, elle s’aggravera pour l’ensemble du budget de l’État et pour d’autres programmes. Nous aurons l’occasion d’y revenir, et, au regard de notre engagement à documenter l’inflation année par année en loi de finances, vous pourrez, monsieur le rapporteur, constater ces effets dès les documents budgétaires annuels. Vous les constaterez sur ce que l’on appelle le « physique », à savoir, pour faire clair, des décalages de commandes que vous n’avez pas relevées jusqu’à présent.
Nous sommes revenus de nombreuses fois en commission sur ce sujet de l’inflation, mais je voulais l’aborder dans cet hémicycle.
Le deuxième sujet, que Bruno Retailleau a évoqué dans la seconde partie de son propos, est la dynamique – le rythme, en quelque sorte – de l’effort budgétaire.
J’en viens à la politique, au sens noble du terme.
Vous dites que l’essentiel de l’effort concerne l’après-2027. Pour ma part, je vois deux tiers d’efforts entre 2017 et 2027 ! J’y reviendrai dans un instant.
Je considère que cette trajectoire n’est pas la même marche, puisque monter sur la même marche d’un escalier revient à faire du sur-place… En l’occurrence, il y a bien 3 milliards d’euros qui s’ajoutent à chaque fois.
Cela dit, on pourrait revenir sur la dynamique des marches.
Le troisième sujet, c’est le montant global de l’enveloppe.
À ce propos, monsieur Retailleau, vous avez déclaré au nom du groupe que vous avez l’honneur de présider que le Sénat restait dans l’enveloppe des 413 milliards d’euros. C’est pourquoi, dans l’interview qui a paru ce matin…
Je présenterai cet amendement comme un amendement d’appel, car je ne nourris aucune illusion sur le sort qui lui sera réservé…
Cependant, il permet d’apporter la grande clarification et les précisions souhaitées. De fait, au regard de ce que vient de dire Bruno Retailleau, je constate que nous pouvons converger politiquement, mais que nous ne partageons pas la même lecture technique sur la rédaction du texte.
Trois sujets sont devant nous.
Je ne reviens pas sur le premier, monsieur Todeschini : les 30 milliards d’euros ne doivent pas être soustraits puisqu’ils sont déjà dans la copie, comme je l’ai dit à plusieurs reprises en audition au rapporteur pour avis Dominique de Legge, à qui j’ai communiqué par écrit, ainsi que je m’y étais engagé, les modalités de calcul de la prise en compte de l’inflation. Je pourrai donc répondre une nouvelle fois à vos questions sur ce sujet. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit vraiment pas d’ôter 30 milliards d’euros à 413 milliards d’euros ou à 420 milliards d’euros, ou à je ne sais quelle autre somme encore.
D’ailleurs, le principe d’une programmation des années 1960 à nos jours vise à intégrer un aléa dont nul ne sait ce qu’il deviendra.
Les facteurs macroéconomiques vont-ils se retourner ? Ce serait une bonne nouvelle, puisque les projections sont plutôt prudentes selon les critères que nous avons retenus. La situation va-t-elle, au contraire, s’aggraver ? En ce cas, mesdames, messieurs les sénateurs, elle s’aggravera pour l’ensemble du budget de l’État et pour d’autres programmes. Nous aurons l’occasion d’y revenir et, au regard de notre engagement à documenter l’inflation année par année en loi de finances, vous pourrez, monsieur le rapporteur, constater ces effets dès les documents budgétaires annuels. Vous les constaterez sur ce que l’on appelle le « physique », à savoir, pour faire clair, des décalages de commandes que vous n’avez pas relevés jusqu’à présent.
Nous sommes revenus de nombreuses fois en commission sur ce sujet de l’inflation, mais je voulais l’aborder dans cet hémicycle.
Le deuxième sujet, que Bruno Retailleau a évoqué dans la seconde partie de son propos, est la dynamique – le rythme, en quelque sorte – de l’effort budgétaire.
J’en viens à la politique, au sens noble du terme.
Vous dites que l’essentiel de l’effort concerne l’après-2027. Pour ma part, je vois deux tiers d’efforts entre 2017 et 2027 ! J’y reviendrai dans un instant.
Je considère que cette trajectoire n’est pas la même marche, puisque monter sur la même marche d’un escalier revient à faire du sur-place… En l’occurrence, il y a bien 3 milliards d’euros qui s’ajoutent à chaque fois.
Cela dit, on pourrait revenir sur la dynamique des marches.
Le troisième sujet, c’est le montant global de l’enveloppe.
À ce propos, monsieur Retailleau, vous avez déclaré au nom du groupe que vous avez l’honneur de présider que le Sénat restait dans l’enveloppe des 413 milliards d’euros. C’est pourquoi, dans l’interview qui a paru ce matin…
Une nouvelle trajectoire budgétaire ayant été adoptée en commission, l'amendement n° 66 se trouve satisfait. C'est pourquoi la commission en demande le retrait.
Monsieur le ministre, l'amendement du Gouvernement nous plonge au cœur du débat.
Le Président de la République a annoncé à Mont-de-Marsan une LPM de 413 milliards d'euros. Cela a été repris par tous et tout le monde a ce montant en tête.
J'en viens à la répartition que vous décrivez : 400 milliards d'euros sont budgétés, 5, 9 milliards d'euros font l'objet de ressources bien identifiées – vente de fréquences, produit des soins dispensés par les hôpitaux militaires, ventes immobilières –, ce que nous acceptons. Restent les fameux 7, 5 milliards d'euros.
C'est une étrange méthode que de dire que ces 7, 5 milliards d'euros relèvent non du budget, mais de ressources extrabudgétaires. De quoi s'agit-il précisément ?
De deux choses l'une : soit on peut les dépenser, soit on ne le peut pas. Selon vous, nous les comptons deux fois. Ce n'est pas le cas ! Vous avez imposé une nouvelle méthode. §Pour notre part, ce que nous voulons, c'est avoir l'assurance que 413 milliards d'euros seront dépensés pour le renforcement de nos forces armées, car nous abhorrons les reports de charges. Nous savons en effet très bien comment cela se passe. Nous l'avons vu avec la précédente LPM : lorsque nous avons demandé une actualisation, nous nous sommes aperçus qu'il manquait des milliards d'euros, parce que l'on ne cessait de reporter des charges !
Je le répète, de deux choses l'une : soit on a 413 milliards d'euros à dépenser, soit on ne les a pas.
Monsieur le ministre, vos développements oratoires laissent accroire que le Sénat veut dépenser plus. Non, nous voulons nous en tenir à l'enveloppe de 413 milliards d'euros. Nous sommes prêts à en discuter avec vous, mais – et c'est un sentiment unanime – nous ne comprenons pas que 400 milliards d'euros soient budgétés et que 7, 5 milliards relèvent de ressources extrabudgétaires.
Vous parlez de marges frictionnelles, de programmes en retard. S'ils sont budgétés, mais qu'ils ne sont pas exécutés, il est possible de reprendre ces montants dans les lois de finances à venir. Dans la discussion générale, j'ai pris l'exemple des A400M qui seraient commandés, mais pas livrés : dans ce cas, on ne les paye pas et cet argent reste disponible.
Nous ne comprenons pas pourquoi vous utilisez un tel subterfuge. Il aurait mieux valu annoncer d'emblée que la LPM s'élevait à 405 milliards d'euros. Tout le monde aurait compris et l'on ne se serait pas livré depuis des mois à des débats et à des exégèses pour savoir où passeront les 7, 5 milliards d'euros.
Dans ces conditions, la commission maintient bien évidemment la trajectoire qu'elle a fixée et émet un avis défavorable sur votre amendement. Nous souhaitons des éclaircissements supplémentaires sur lesquels discuter.
J'en viens à l'amendement n° 6 de la commission des finances, par lequel notre collègue propose une trajectoire dont les deux premières annuités sont les mêmes que celles qui sont proposées par le Gouvernement, puis un effort supplémentaire. Dans la mesure où elle a adopté à la majorité une autre trajectoire, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L'accélération prévue par la commission est souhaitable. C'est en effet en ce moment que, sans être en guerre, nous sommes dans une situation extrêmement grave et tendue compte tenu de la situation en Ukraine. C'est en ce moment que nous livrons des armes ; or, par définition, ces armes que nous livrons, nous ne les avons plus et, si un conflit de haute intensité survenait, nous ne disposerions plus des armements nécessaires.
Quand l’un de vos collègues de groupe publie un tweet quelques minutes seulement après le discours du Président de la République à Mont-de-Marsan, …
M. Rachid Temal s'exclame.
Qui plus est, le Gouvernement a prévu entre 30 et 60 milliards d'euros d'effets inflationnistes. Par conséquent, tout ce qui est dépensé maintenant ne sera érodé par l'inflation.
Sur l'amendement n° 67, qui vise à retenir la trajectoire de la commission, mais en euros constants, plutôt qu'en euros courants, la commission émet un avis défavorable. En effet, cela entraînerait une hausse de la trajectoire comprise entre 30 et 60 milliards d'euros courants. Nous ne pouvons pas entrer dans cette logique, même si nous comprenons le sens de cet amendement, puisque, vous l'avez dit, cher collègue Todeschini, chaque année, lors de l'examen du projet de loi de finances, on aura une idée précise du dérapage inflationniste.
… – en effet, c’est M. Perrin –, je ne m’offusque pas !
Quand le Sénat – et c’est de bonne guerre – trouve que le texte manque d’ambition, je ne m’offusque pas !
C’est cela aussi, le jeu démocratique.
De la même façon que vous avez une lecture et un avis sur ce projet de loi, le Gouvernement peut avoir un avis sur le texte tel qu’il est issu des travaux de la commission.
M. Jean-Noël Guérini acquiesce.
En revanche, techniquement, je veux revenir sur l’interprétation des chiffres. Cela donnera peut-être lieu à des débats plus politiques dans un autre cadre, mais je pense utile de détailler de nouveau la copie du Gouvernement, ainsi que je l’ai d’ailleurs déjà fait par un courrier en date du 2 juin dernier que j’ai adressé à un certain nombre d’entre vous.
Ainsi, 400 milliards d’euros de crédits budgétaires sont prévus pour 413, 3 milliards d’euros de besoins militaires. Les 13, 3 milliards d’euros de différence se répartissent de la façon suivante.
Tout d’abord, 5, 9 milliards d’euros correspondent à des ressources extrabudgétaires, dont on estime désormais qu’elles sont sécurisées.
On peut prendre les chiffres par tous les bouts, mais sans les prendre sur l'ensemble de la programmation avec les chevauchements d'années – j'ai déjà eu ce débat avec Rachid Temal en commission. Si l'on prend le budget annuel de la défense en 2017 et celui qui est proposé pour 2030, on s'aperçoit que celui-ci a doublé.
Cela a suscité de nombreux débats, mais, sur ce point, en effet, nous sommes d’accord.
Ensuite, 1, 2 milliard d’euros correspondent à l’une des parts du financement de l’Ukraine – je vous rappelle qu’il en existe trois différentes –, à savoir les prélèvements sur le parc des armées. Ceux-ci donnent lieu à un « recomplètement » par du matériel neuf. En d’autres termes, quand on fournit un AMX-10 RC ou un Crotale, le premier est remplacé par un Jaguar, le second par un VL-Mica. Ce faisant, on a touché au format des armées ; or, même s’ils sont anciens, ces matériels étaient encore dans la cible capacitaire jusqu’en 2030, voire 2035.
Enfin, 6, 2 milliards d’euros sont destinés à deux outils différents : d’une part, le report de charges – on nous a suffisamment reproché de ne pas suffisamment prendre en compte l’inflation pour balayer désormais d’un revers de main l’outil qui, de tout temps, le permet
Pourtant, à lire cet amendement, on voit bien que l'on tourne autour du pot. Je m'en suis expliqué plusieurs fois, je n'y reviens pas.
J'en viens donc à l'amendement n° 6, qui me donnera l'occasion de décrire de nouveau les modalités de l'amendement du Gouvernement. Monsieur le rapporteur pour avis, vous essayez de faire en sorte que les deux premières annuités de la LPM correspondent aux deux premières annuités de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) que vous avez votée. Toutefois – je manie cet argument avec précaution, puisque, ce que le Parlement a fait, le Parlement peut très bien le modifier –, je note votre cohérence, puisque, en tant que commissaire aux finances, vous voulez vous assurer de la soutenabilité de ce texte.
Si j'ai bien compris l'esprit de votre amendement, vous proposez une accélération de la trajectoire pour les années qui ne sont pas couvertes par une LPFP adoptée par le Parlement.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, même si, intellectuellement, je comprends votre démarche, qui s'interroge sur la soutenabilité pour nos finances publiques.
À l'heure où nous parlons, nous en sommes à 4 milliards d'euros de report de charges. Le rapporteur dit avoir horreur des reports de charges.
M. Rachid Temal s ’ exclame.
Avec le recul, bien m’en a pris d’avoir opéré cette distinction, même si je n’y suis pour rien. En effet, les programmations militaires précédentes ont toutes été construites ainsi, mais, pour des raisons que je vous laisse deviner, mesdames, messieurs les sénateurs, le Parlement n’en était jamais informé. Il n’est qu’à voir la loi de programmation militaire sous l’empire de laquelle nous sommes encore.
Le Parlement a en effet voté 295 milliards d’euros de ressources budgétaires pour la LPM actuelle, alors que les besoins militaires s’élevaient à 304 milliards d’euros, sans que le Parlement ait jamais été informé de ce chiffre.
C’est pourquoi, au regard tant des sommes importantes qui sont désormais en jeu dans ces programmations que des modifications du tableau capacitaire – ce qui importe, c’est ce qui est livré aux forces armées et non ce qui est commandé –, j’ai souhaité partir du besoin militaire et prévoir les ressources budgétaires idoines, que celles-ci soient extrabudgétaires ou inscrites dans le budget de la nation.
J’en viens aux modifications apportées par la commission des affaires étrangères et de la défense, c’est-à-dire à la copie du Sénat qui nous est soumise, à l’exception des marches et du rythme.
L’enveloppe totale des crédits budgétaires s’élève à 407, 4 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent toujours 5, 9 milliards d’euros de ressources extrabudgétaires, ainsi que 7, 4 milliards de reports de charges. Ces derniers figurent bien dans la programmation.
Moi, non !
Au contraire, ils nous permettent de traiter l'inflation et cela se fait en accord avec les industriels. En effet, ces derniers bénéficient trouvent leur intérêt dans cette affaire : les programmes sont d'une masse telle que le report de charges nous permet aussi de déclencher la facture en accord avec les industriels au moment où les critères macroéconomiques sont les plus satisfaisants pour le contribuable.
Je ne comprends donc pas cet acharnement contre le report de charges. Les autres ministères se « rouleraient par terre » pour avoir les mêmes outils de gestion de l'inflation que le ministère des armées. Bien plus, ce sont souvent des outils qui ont été suggérés par les parlementaires dans des lois de programmation il y a dix, quinze ou vingt ans, considérant que les lois de programmation étaient telles qu'il fallait permettre à l'ordonnateur des dépenses ce report de charges, pourvu qu'il en montre le mécanisme dans la loi de finances – c'est ce que nous faisons.
Budgéter le report de charges ? C'est incompréhensible ! Je l'ai expliqué à de nombreuses reprises en commission, je l'ai même écrit : ce mécanisme est bénéfique pour les armées, je ne peux pas dire mieux. Interrogeons les anciens ministres Alain Richard et Gérard Longuet ou d'autres anciens ministres, qui siègent sur ces travées. Pour ma part, je défends ce mécanisme.
Quand Gérald Darmanin vous présente une loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), celle-ci ne prévoit pas de mécanisme pour absorber l'inflation et ses effets sur la construction des commissariats. Nos élus locaux, nos maires et nos présidents de conseil départemental seraient bien contents de disposer, comme le ministère des armées, d'un mécanisme de report de charges pour déclencher le paiement de leur gymnase ou de leur piscine.
Il y a selon moi un contresens à s'en prendre au mécanisme des reports de charges, car il est bon pour le ministère des armées. Si le Parlement veut le supprimer, soit, mais j'expliquerai alors qu'il a supprimé un outil bon pour les finances du ministère.
Monsieur le rapporteur pour avis, évidemment, on ne souhaite pas qu'il y ait des retards, mais, si nous ne les intégrions pas, cette LPM serait insincère – c'est d'ailleurs tout le charme d'une programmation sur sept ans…
Sourires.
Bien sûr que si, ou alors cela revient à les compter deux fois – et c’est d’ailleurs bien ce que vous faites.
Si les marges frictionnelles existent, c'est parce que, depuis 1960, on a suffisamment de recul sur les différentes lois de programmation.
Je rechigne à prendre cet exemple, parce qu'il est malheureux, mais il peut aider à nous comprendre. C'est un peu le principe du surbooking : au regard de la masse des grands programmes, il y a évidemment à chaque fois un coefficient.
Pourquoi affaiblir la programmation en repassant en annuités budgétaires ? C'est la force de la programmation ! C'est comme pour les reports de charges.
Dans ces conditions, privons-nous d'un autre outil qui est utile pour le ministère des armées. C'est promis, je ne m'en émouvrai pas dans Le Figaro la prochaine fois, …
M. Sébastien Lecornu, ministre. Non, on ne les compte qu’une seule fois, puisqu’ils sont intégrés dans les 413 milliards d’euros.
M. Bruno Retailleau s ’ exclame.
Par définition, nous disposons d’ores et déjà d’indications quant aux retards !
Monsieur Retailleau, pour que ce soit plus clair, et puisque vous ne partagez pas ma lecture, je prendrai le problème dans l’autre sens.
Le tableau capacitaire prévoit déjà 413 milliards d’euros. La commission a ajouté 1 milliard d’euros pour l’entraînement et 200 millions d’euros pour les ressources humaines. Qui plus est, certains amendements qui n’ont pas encore été examinés visent à augmenter le tableau capacitaire de 2 milliards d’euros. Par conséquent, et même si, je le répète, vous ne partagez pas ma lecture sur les marges frictionnelles, 3, 2 milliards d’euros s’ajoutent aux 413 milliards d’euros.
Nouveaux sourires.
M. Bruno Retailleau fait un signe de dénégation.
… mais j'expliquerai ce qu'il en est. Sur le fond, je le répète, on est en train de s'en prendre à des outils qui sont bons pour le ministère des armées.
M. Retailleau a raison de dire que l'alinéa 1er de l'article 3 – prima inter pares... – n'a pas été modifié, puisque le montant s'élève à 413, 3 milliards d'euros. Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, je l'indique pour la suite de la discussion. En effet, si des amendements de correction venaient à être déposés en séance, quoi qu'il arrive, même si vous ne partagez pas ma lecture sur les marges frictionnelles et les reports de charges, le Sénat a alourdi la facture de 3, 2 milliards d'euros. Certes, il l'a fait avec des mesures qui sont bonnes, mais dont on ne sait pas comment elles seront financées.
Je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, je reste à votre disposition, même dans un cadre plus informel, pour refaire le point sur tout cela. Reste que, au moment où je vous parle, je vous certifie, avec sincérité et bonne foi, que nous ne sommes plus à 413 milliards d'euros. Cela, je peux le signer –des deux mains – et pas dans Le Figaro !
Nous arrivons au moment de vérité. Si vous conservez l’enveloppe à 413 milliards d’euros avec plus de maintien en condition opérationnelle (MCO), plus de moyens capacitaires et plus d’entraînements, cela signifie qu’il faudra accepter des renoncements.
Sourires.
M. Bruno Retailleau fait de nouveau un signe de dénégation.
Monsieur Todeschini, vouloir des montants en euros constants, plutôt qu'en euros courants, est très contradictoire avec les propos que vous avez tenus sur l'inflation lors de la discussion générale. Alors que vous émettez une crainte sur nos hypothèses en matière d'inflation, en demandant ce basculement en euros constants, vous écartez toute forme d'hypothèse sur l'inflation.
Sans remuer une nouvelle fois le couteau dans la plaie – Bruno Retailleau va finir par définitivement m'en vouloir...
Pourtant, si l’enveloppe que vous avez prévue est bien de 416, 2 milliards d’euros – pour ma part, je pense qu’elle s’élève à 420 milliards d’euros, mais, si vous ne partagez pas ma lecture, je suis prêt à l’abandonner l’espace d’un instant
Sourires.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Il n’y a pas d’argent magique, comme dirait quelqu’un que je connais bien et qui m’a nommé.
Nouveaux sourires.
M. Jean-Marc Todeschini s ’ exclame.
… je rappelle que, jadis – vous savez d'où je viens –, c'est en basculant d'euros courants en euros constants que le budget global des armées a été diminué, grignoté par l'inflation.
Christian Cambon a raison d'émettre un avis défavorable sur cet amendement. Son adoption viendrait en effet caper l'ensemble des efforts consentis en ignorant totalement les effets de l'inflation, dont nous prendrions le mur de plein fouet. Par conséquent, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement.
Mon état d’esprit n’est pas à la polémique, je le dis sincèrement. J’insiste seulement sur le fait qu’il est compliqué de ne pas s’accorder techniquement sur la lecture des chiffres, qui plus est quand il s’agit d’une programmation militaire.
Monsieur le ministre, cette discussion embrouille un peu plus les sénateurs.
Les marges frictionnelles existaient déjà quand Alain Richard était ministre de la défense, quand Jean-Pierre Raffarin était Premier ministre ou, plus tard, président de la commission des affaires étrangères du Sénat, quand Gérard Longuet, qui est membre du groupe Les Républicains, était ministre de la défense et des anciens combattants. La méthode est vieille comme Hérode ; je n’ai fait que la montrer.
Reste que vous avez décidé en commission – en tant que parlementaires, vous êtes tout à fait souverains pour ce faire – d’aller au-delà des 413 milliards d’euros prévus, ce qui pose néanmoins la question de la soutenabilité budgétaire globale. Nul besoin d’être Premier ministre ou ministre du budget pour le dire.
Trois éléments importants doivent être pris en compte : l’inflation, les marches et l’enveloppe globale. L’enveloppe globale est de 416, 2 milliards d’euros – c’est une donnée factuelle, la colonne des dépenses a augmenté et les chiffres sont têtus. Par ailleurs, les marges frictionnelles n’ont pas disparu – il ne suffit pas de les budgéter pour qu’elles disparaissent.
S’il faut une suspension de séance pour se réunir de nouveau à ce sujet, j’y suis tout à fait favorable, car je tiens vraiment à montrer la bonne foi du Gouvernement.
L’exécution à l’euro près de la LPM nous oblige désormais à être rigoureux. Je reste à la disposition du Sénat pour trouver un point d’accord sur ce sujet dont nous faisons non pas un préalable politique ou politicien, mais bel et bien un élément de clarification important.
Je le répète, le Gouvernement a prévu 413 milliards d’euros de dépenses, alors que, au moment où je vous parle, le budget s’élève déjà à au moins à 416, 2 milliards d’euros, si ce n’est à 420 milliards d’euros.
L’amendement du Gouvernement, qui vise à rétablir les marches et la trajectoire budgétaire telles qu’elles sont issues des travaux de l’Assemblée nationale, est défendu. Il s’agit surtout d’un amendement d’appel pour avoir ce débat noble sur ces trois paramètres : l’inflation, les marches, mais surtout l’enveloppe globale, puisqu’il y a là un enjeu de soutenabilité qui m’inquiète beaucoup.
L’amendement n° 6, présenté par M. de Legge, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 3, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
La genèse de ces débats, c'est le discours de Mont-de-Marsan, le 20 janvier dernier, à l'issue duquel j'ai tweeté qu'à moins de 420 milliards d'euros…
en milliards d ’ euros courants
Total 2024-2030
Crédits de paiement de la mission « Défense »
Variation
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Vous avez raison, monsieur le ministre, 430 milliards d'euros, mais je vais vous expliquer pourquoi je mentionne le montant de 420 milliards d'euros.
Donc, j'ai tweeté qu'à moins de 430 milliards d'euros, on ne pouvait pas, selon moi, avoir un modèle d'armée complet. J'assume, je l'ai dit, je l'ai écrit.
Aujourd'hui, compte tenu de l'état de nos finances publiques, nous sommes tous conscients qu'il faut faire des efforts. Nous voulons maintenir ce budget à 413 milliards d'euros. Je rappelle qu'à l'origine il était question de 460 milliards d'euros, montant estimé nécessaire pour parvenir à un modèle d'armée complet.
Bercy voulait 375 milliards d'euros, le Président de la République, 400 milliards d'euros, et vous vous êtes battu, monsieur le ministre, je le sais, pour obtenir le plus possible : vous avez obtenu 400 milliards d'euros plus 13 milliards d'euros.
Depuis le début, à grand renfort de communication auprès de l'ensemble des médias, vous avancez la somme de 413, 3 milliards d'euros. Si c'est vraiment le cas, il faut les inscrire dans le marbre de la loi. Pour notre part, ce que nous voulons aujourd'hui, c'est a minima que l'on respecte la trajectoire et la cible capacitaire définies dans la loi de programmation militaire de votre prédécesseure, Mme Parly.
Par ailleurs, depuis que nous avons entamé l'examen de ce texte, nous avons oublié la courbe, qui est pourtant un paramètre essentiel pour nous.
J’ai souhaité déposer de nouveau cet amendement de la commission des finances pour plusieurs raisons.
D’abord, il s’agit de soutenir la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le montant de 407 milliards d’euros, puisque cela correspond aussi à l’analyse de la commission des finances.
Ensuite, nous considérons que nous ne pouvons pas reporter l’effort au prochain quinquennat.
À cela s’ajoutent d’autres arguments, monsieur le ministre.
J’entends bien toutes les arguties de Bercy. Un haut gradé a même fait le tour des sénateurs pour leur donner des leçons de calcul budgétaire, ce dont tous se seraient dispensés. Pour autant, monsieur le ministre, votre explication ne nous a pas davantage convaincus, puisque cela reviendrait à dire que l’on finance une partie de l’objectif capacitaire en espérant ne pas l’atteindre…
En effet, c'est elle qui déterminera notre capacité à investir, dans les années qui viennent, 600 millions d'euros de plus que les 3 milliards d'euros que vous avez prévus. Cette somme nous permettra d'atteindre la cible capacitaire en 2025, puisque c'est l'objectif qui a été voté à 98 % au Sénat en 2018. Or, monsieur le ministre, compte tenu de ce que vous nous annoncez aujourd'hui et malgré une augmentation de 40 % du budget, on ne risque de l'atteindre qu'en 2035.
C'est la raison pour laquelle je suis pleinement favorable à l'adoption de l'amendement n° 6 qui vise à modifier la trajectoire budgétaire. Cela nous permettra d'acquérir beaucoup plus de matériels, puisqu'un euro de 2023 ne vaudra pas un euro de 2030.
… ou, bien pis, en faisant tout pour différer soit les paiements, soit les livraisons, ce qui aura forcément une conséquence sur la loi de programmation des finances publiques. En effet, celle-ci se trouvera frappée de la même insincérité – disons du même doute, si vous préférez.
Monsieur le ministre, j’en profite pour vous poser deux questions.
D’une part, à quel niveau de report de charges entrerons-nous dans la nouvelle loi de programmation militaire ? Ce n’est pas tout à fait neutre. Sauf erreur de ma part, cela représente 5 milliards d’euros de cavalerie qui s’ajoutent aux 7 milliards d’euros qui, selon vous, n’existent pas.
D’autre part, dans une interview du mois d’avril dernier, vous avez déclaré qu’en 2023 le budget de la défense serait abondé de 1, 5 milliard d’euros. Pouvez-vous nous en dire plus à ce propos ?
L’amendement n° 67, présenté par MM. Temal, Féraud et Kanner, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, avant le tableau
Remplacer le mot :
courants
par le mot :
constants
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
Monsieur le ministre, je n'entrerai pas dans le débat sur le détail du budget, pas plus que je ne reviendrai sur votre démonstration très complexe, qui ne nous a pas vraiment convaincus. En effet, le dépassement dont vous parlez n'est pas le fait du lissage budgétaire qui a été voté en commission : il est la conséquence d'ajouts auxquels certains de vos amendements ont d'ailleurs pour objet de participer.
Votre gouvernement a choisi de parler d'« économie de guerre ». Ce sont des termes forts. Dans le même temps, vous proposez de reporter l'effort budgétaire à plus tard, alors que c'est maintenant que les besoins en équipement se font sentir.
Nous comprenons le dilemme de Bercy, qui cherche à faire des économies – le ministre Bruno Le Maire a d'ailleurs annoncé des économies de près de 5 % pour l'ensemble des ministères –, mais il faut aller dans le sens de l'annonce présidentielle et l'opinion publique est aujourd'hui prête à accepter cet effort substantiel en matière de défense. Pour notre part, nous pensons qu'il faut dépenser cet argent maintenant pour des équipements dont nous avons besoin dans cet effort de guerre.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, la pédagogie étant l’art de répétition, je vais vous donner l’occasion de vous répéter, puisque vous ne nous avez pas convaincus.
Sourires.
Monsieur le ministre, vous voyez bien que la discussion est nécessaire.
Comme je l'ai souligné en présentant l'amendement n° 66, c'est vous qui, avec le Gouvernement, avez fait une large communication autour des 413 milliards d'euros et lancé le débat. C'est d'ailleurs pour ces raisons que j'ai déposé cet amendement, ainsi que l'amendement n° 67.
Naturellement, je les retire, mais ils auront permis de lancer la discussion et d'essayer de comprendre. Vous affirmez que les propositions du Sénat ont pour conséquence de dépasser les 413 milliards d'euros prévus, mais certains des amendements que vous avez déposés au nom du Gouvernement aggraveront, eux aussi, la facture. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Cet amendement vise à neutraliser les effets de l’inflation sur la loi de programmation militaire et à permettre que les crédits programmés soient ceux qui seront réellement consacrés à nos armées.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, vous avez évalué à 30 milliards d’euros les effets de l’inflation pour la période 2024-2030. On le sait déjà, la seule solution qui a été trouvée pour les neutraliser, c’est le report de charges.
Par respect pour nos armées, et au regard des engagements pris, la sincérité de ce projet de loi de programmation militaire serait totale si les montants prévus étaient exprimés en euros constants.
Monsieur le ministre, nous avions très bien compris votre propos, et votre comparaison avec le surbooking est parfaite. C'est d'ailleurs un aveu : le propre du surbooking, c'est que tout le monde n'entre finalement pas dans l'avion !
Une nouvelle trajectoire budgétaire ayant été adoptée en commission, l’amendement n° 66 se trouve satisfait. C’est pourquoi la commission en demande le retrait.
Monsieur le ministre, l’amendement du Gouvernement nous plonge au cœur du débat.
Le Président de la République a annoncé à Mont-de-Marsan une LPM de 413 milliards d’euros. Cela a été repris par tous et tout le monde a ce montant en tête.
J’en viens à la répartition que vous décrivez : 400 milliards d’euros sont budgétés, 5, 9 milliards d’euros font l’objet de ressources bien identifiées – vente de fréquences, produit des soins dispensés par les hôpitaux militaires, ventes immobilières –, ce que nous acceptons. Restent les fameux 7, 5 milliards d’euros.
C’est une étrange méthode que de dire que ces 7, 5 milliards d’euros relèvent non du budget, mais de ressources extrabudgétaires. De quoi s’agit-il précisément ?
De deux choses l’une : soit on peut les dépenser, soit on ne le peut pas. Selon vous, nous les comptons deux fois. Ce n’est pas le cas ! Vous avez imposé une nouvelle méthode. §Pour notre part, ce que nous voulons, c’est avoir l’assurance que 413 milliards d’euros seront dépensés pour le renforcement de nos forces armées, car nous abhorrons les reports de charges. Nous savons en effet très bien comment cela se passe. Nous l’avons vu avec la précédente LPM : lorsque nous avons demandé une actualisation, nous nous sommes aperçus qu’il manquait des milliards d’euros, parce que l’on ne cessait de reporter des charges !
Je le répète, de deux choses l’une : soit on a 413 milliards d’euros à dépenser, soit on ne les a pas.
Monsieur le ministre, vos développements oratoires laissent accroire que le Sénat veut dépenser plus. Non, nous voulons nous en tenir à l’enveloppe de 413 milliards d’euros. Nous sommes prêts à en discuter avec vous, mais – et c’est un sentiment unanime – nous ne comprenons pas que 400 milliards d’euros soient budgétés et que 7, 5 milliards relèvent de ressources extrabudgétaires.
Vous parlez de marges frictionnelles, de programmes en retard. S’ils sont budgétés, mais qu’ils ne sont pas exécutés, il est possible de reprendre ces montants dans les lois de finances à venir. Dans la discussion générale, j’ai pris l’exemple des A400M qui seraient commandés, mais pas livrés : dans ce cas, on ne les paye pas et cet argent reste disponible.
Nous ne comprenons pas pourquoi vous utilisez un tel subterfuge. Il aurait mieux valu annoncer d’emblée que la LPM s’élevait à 405 milliards d’euros. Tout le monde aurait compris et l’on ne se serait pas livré depuis des mois à des débats et à des exégèses pour savoir où passeront les 7, 5 milliards d’euros.
Dans ces conditions, la commission maintient bien évidemment la trajectoire qu’elle a fixée et émet un avis défavorable sur votre amendement. Nous souhaitons des éclaircissements supplémentaires sur lesquels discuter.
J’en viens à l’amendement n° 6 de la commission des finances, par lequel notre collègue propose une trajectoire dont les deux premières annuités sont les mêmes que celles qui sont proposées par le Gouvernement, puis un effort supplémentaire. Dans la mesure où elle a adopté à la majorité une autre trajectoire, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’accélération prévue par la commission est souhaitable. C’est en effet en ce moment que, sans être en guerre, nous sommes dans une situation extrêmement grave et tendue compte tenu de la situation en Ukraine. C’est en ce moment que nous livrons des armes ; or, par définition, ces armes que nous livrons, nous ne les avons plus et, si un conflit de haute intensité survenait, nous ne disposerions plus des armements nécessaires.
M. Rachid Temal s ’ exclame.
Sourires sur les travées du groupe SER.
Qui plus est, le Gouvernement a prévu entre 30 et 60 milliards d’euros d’effets inflationnistes. Par conséquent, tout ce qui est dépensé maintenant ne sera érodé par l’inflation.
Sur l’amendement n° 67, qui vise à retenir la trajectoire de la commission, mais en euros constants, plutôt qu’en euros courants, la commission émet un avis défavorable. En effet, cela entraînerait une hausse de la trajectoire comprise entre 30 et 60 milliards d’euros courants. Nous ne pouvons pas entrer dans cette logique, même si nous comprenons le sens de cet amendement, puisque, vous l’avez dit, cher collègue Todeschini, chaque année, lors de l’examen du projet de loi de finances, on aura une idée précise du dérapage inflationniste.
Qui plus est, le Gouvernement a prévu entre 30 milliards et 60 milliards d’euros d’effets inflationnistes. Par conséquent, tout ce qui est dépensé maintenant ne sera pas érodé par l’inflation.
Sur l’amendement n° 67, qui vise à retenir la trajectoire de la commission, mais en euros constants, plutôt qu’en euros courants, la commission émet un avis défavorable. En effet, cela entraînerait une hausse de la trajectoire comprise entre 30 et 60 milliards d’euros courants. Nous ne pouvons pas entrer dans cette logique, même si nous comprenons le sens de cet amendement, puisque, vous l’avez dit, cher collègue Todeschini, chaque année, lors de l’examen du projet de loi de finances, on aura une idée précise du dérapage inflationniste.
En d'autres termes, nous n'obtiendrons pas la totalité de ce que vous avez affiché en termes de capacité.
La marge frictionnelle est une définition élégante de crédits qui n'existent pas.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ayant été davantage convaincu par les arguments du rapporteur que par les vôtres – ne m'en veuillez pas, monsieur le ministre
On peut prendre les chiffres par tous les bouts, mais sans les prendre sur l’ensemble de la programmation avec les chevauchements d’années – j’ai déjà eu ce débat avec Rachid Temal en commission. Si l’on prend le budget annuel de la défense en 2017 et celui qui est proposé pour 2030, on s’aperçoit que celui-ci a doublé.
Sourires.
L'amendement n° 6 est retiré.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
Pourtant, à lire cet amendement, on voit bien que l’on tourne autour du pot. Je m’en suis expliqué plusieurs fois, je n’y reviens pas.
J’en viens donc à l’amendement n° 6, qui me donnera l’occasion de décrire de nouveau les modalités de l’amendement du Gouvernement. Monsieur le rapporteur pour avis, vous essayez de faire en sorte que les deux premières annuités de la LPM correspondent aux deux premières annuités de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) que vous avez votée. Toutefois – je manie cet argument avec précaution, puisque, ce que le Parlement a fait, le Parlement peut très bien le modifier –, je note votre cohérence, puisque, en tant que commissaire aux finances, vous voulez vous assurer de la soutenabilité de ce texte.
Si j’ai bien compris l’esprit de votre amendement, vous proposez une accélération de la trajectoire pour les années qui ne sont pas couvertes par une LPFP adoptée par le Parlement.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, même si, intellectuellement, je comprends votre démarche, qui s’interroge sur la soutenabilité pour nos finances publiques.
À l’heure où nous parlons, nous en sommes à 4 milliards d’euros de report de charges. Le rapporteur dit avoir horreur des reports de charges.
Pour notre part, nous ne voterons aucun de ces amendements – ceux qui resteront ! –, car nous n'avons pas envie d'arbitrer ce débat qui ressemble au bal des hypocrites.
En vérité, il y a un large consensus sur les 413 milliards d'euros, mais le Gouvernement a du mal à assumer ce choix, car les arbitrages budgétaires sont complexes. En effet, un arbitrage politique doit être fait avec la nation sur la part des richesses disponibles que nous sommes capables de consacrer aux dépenses militaires.
Nous le savons, des arbitrages contradictoires se sont succédé au sein même du Gouvernement, car la charge est lourde et pèsera très fortement.
Dans ces compromis budgétaires, l'affichage des 413 milliards d'euros permet au Gouvernement de passer la rampe.
De l'autre côté, la majorité sénatoriale s'acharne à sécuriser cette trajectoire – elle va le faire tout au long du débat –, en invoquant entre autres la sincérité budgétaire – j'en passe et des meilleures... Or, dès que nous allons entamer l'examen du projet de budget, les mêmes redeviendront des champions de l'orthodoxie budgétaire et de la lutte contre la dette publique ! Après avoir sécurisé le budget de la défense, ils massacreront tous les autres budgets !
Nous sommes en train de passer à côté d'un débat politique avec la nation sur une question qui mérite pourtant une réponse : quelle part réelle des véritables richesses du pays voulons-nous consacrer à la défense, mais aussi à d'autres priorités nationales, tout aussi stratégiques, y compris en termes de souveraineté ? Je pense par exemple à la souveraineté industrielle, à la souveraineté énergétique dans le contexte de la transition climatique. Je pourrais citer de nombreux autres exemples, mais nous n'avons pas de panorama global sur ces questions.
Moi, non !
Au contraire, ils nous permettent de traiter l’inflation et cela se fait en accord avec les industriels. En effet, ces derniers bénéficient trouvent leur intérêt dans cette affaire : les programmes sont d’une masse telle que le report de charges nous permet aussi de déclencher la facture en accord avec les industriels au moment où les critères macroéconomiques sont les plus satisfaisants pour le contribuable.
Je ne comprends donc pas cet acharnement contre le report de charges. Les autres ministères se « rouleraient par terre » pour avoir les mêmes outils de gestion de l’inflation que le ministère des armées. Bien plus, ce sont souvent des outils qui ont été suggérés par les parlementaires dans des lois de programmation il y a dix, quinze ou vingt ans, considérant que les lois de programmation étaient telles qu’il fallait permettre à l’ordonnateur des dépenses ce report de charges, pourvu qu’il en montre le mécanisme dans la loi de finances – c’est ce que nous faisons.
Budgéter le report de charges ? C’est incompréhensible ! Je l’ai expliqué à de nombreuses reprises en commission, je l’ai même écrit : ce mécanisme est bénéfique pour les armées, je ne peux pas dire mieux. Interrogeons les anciens ministres Alain Richard et Gérard Longuet ou d’autres anciens ministres, qui siègent sur ces travées. Pour ma part, je défends ce mécanisme.
Quand Gérald Darmanin vous présente une loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), celle-ci ne prévoit pas de mécanisme pour absorber l’inflation et ses effets sur la construction des commissariats. Nos élus locaux, nos maires et nos présidents de conseil départemental seraient bien contents de disposer, comme le ministère des armées, d’un mécanisme de report de charges pour déclencher le paiement de leur gymnase ou de leur piscine.
Il y a selon moi un contresens à s’en prendre au mécanisme des reports de charges, car il est bon pour le ministère des armées. Si le Parlement veut le supprimer, soit, mais j’expliquerai alors qu’il a supprimé un outil bon pour les finances du ministère.
Monsieur le rapporteur pour avis, évidemment, on ne souhaite pas qu’il y ait des retards, mais, si nous ne les intégrions pas, cette LPM serait insincère – c’est d’ailleurs tout le charme d’une programmation sur sept ans…
Moi, non !
Au contraire, ils nous permettent de traiter l’inflation et cela se fait en accord avec les industriels. En effet, ces derniers trouvent leur intérêt dans cette affaire : les programmes sont d’une masse telle que le report de charges nous permet aussi de déclencher la facture en accord avec les industriels au moment où les critères macroéconomiques sont les plus satisfaisants pour le contribuable.
Je ne comprends donc pas cet acharnement contre le report de charges. Les autres ministères se « rouleraient par terre » pour avoir les mêmes outils de gestion de l’inflation que le ministère des armées. Bien plus, ce sont souvent des outils qui ont été suggérés par les parlementaires dans des lois de programmation il y a dix, quinze ou vingt ans, considérant que les lois de programmation étaient telles qu’il fallait permettre à l’ordonnateur des dépenses ce report de charges, pourvu qu’il en montre le mécanisme dans la loi de finances – c’est ce que nous faisons.
Budgéter le report de charges ? C’est incompréhensible ! Je l’ai expliqué à de nombreuses reprises en commission, je l’ai même écrit : ce mécanisme est bénéfique pour les armées, je ne peux pas dire mieux. Interrogeons les anciens ministres Alain Richard et Gérard Longuet ou d’autres anciens ministres, qui siègent sur ces travées. Pour ma part, je défends ce mécanisme.
Quand Gérald Darmanin vous présente une loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), celle-ci ne prévoit pas de mécanisme pour absorber l’inflation et ses effets sur la construction des commissariats. Nos élus locaux, nos maires et nos présidents de conseil départemental seraient bien contents de disposer, comme le ministère des armées, d’un mécanisme de report de charges pour déclencher le paiement de leur gymnase ou de leur piscine.
Il y a selon moi un contresens à s’en prendre au mécanisme des reports de charges, car il est bon pour le ministère des armées. Si le Parlement veut le supprimer, soit, mais j’expliquerai alors qu’il a supprimé un outil bon pour les finances du ministère.
Monsieur le rapporteur pour avis, évidemment, on ne souhaite pas qu’il y ait des retards, mais, si nous ne les intégrions pas, cette LPM serait insincère – c’est d’ailleurs tout le charme d’une programmation sur sept ans…
Sourires.
Si les marges frictionnelles existent, c’est parce que, depuis 1960, on a suffisamment de recul sur les différentes lois de programmation.
Je rechigne à prendre cet exemple, parce qu’il est malheureux, mais il peut aider à nous comprendre. C’est un peu le principe du surbooking : au regard de la masse des grands programmes, il y a évidemment à chaque fois un coefficient.
Pourquoi affaiblir la programmation en repassant en annuités budgétaires ? C’est la force de la programmation ! C’est comme pour les reports de charges.
Dans ces conditions, privons-nous d’un autre outil qui est utile pour le ministère des armées. C’est promis, je ne m’en émouvrai pas dans Le Figaro la prochaine fois, …
Les 413 milliards d'euros que le Président de la République a annoncés lors de sa visite à Mont-de-Marsan – pour notre part, nous avions refusé de nous y rendre et de figurer sur la photo, car le Parlement n'avait pas été consulté – sont à la fois une force et un boulet pour le Gouvernement. Aujourd'hui, tout tourne autour de cette question et personne ne parvient à en sortir.
Je rappelle qu'une élection présidentielle aura lieu en 2027 et que la trajectoire prévue dans la loi de programmation des finances publiques ne s'étend pas au-delà de cette année-là. On voit bien qu'il va y avoir un problème, comme l'a d'ailleurs relevé le président du Haut Conseil des finances publiques : le projet de loi de programmation militaire tient jusqu'en 2027, mais personne ne sait exactement quelle sera la trajectoire des finances publiques au-delà, entre 2027 et 2030. Nous entrons là dans un tunnel…
J'ai envie de dire à Jojo, monsieur le ministre, que nous pensons qu'il vaut mieux dépenser maintenant pour les programmes, parce que les crédits sont sécurisés, parce qu'on neutralise le risque inflationniste, parce que, enfin, personne ne peut dire réellement et sincèrement quelle sera la trajectoire des finances publiques après 2027.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons maintenir à ce stade la trajectoire. Nous débattrons ensuite des 7 milliards d'euros. Notre groupe participera à ce débat, avant la réunion de la commission mixte paritaire. Nous parviendrons à garder l'essentiel et à mettre l'accessoire de côté.
Nous sommes sur un point dur du texte.
Lors de son discours à Mont-de-Marsan, le Président de la République a annoncé une enveloppe de 413 milliards d'euros. Le problème, ce sont les 13 milliards. Seuls 5, 9 milliards d'euros sur ces 13 milliards sont sécurisés, le président Cambon l'a très bien dit. On bute sur 7, 4 milliards d'euros.
Ces 7, 4 milliards d'euros, monsieur le ministre, ne sont pas destinés à accumuler du matériel neuf dans des hangars rouillés : ils doivent servir à accroître l'activité opérationnelle de nos armées.
J'essaie de suivre votre raisonnement, monsieur le ministre, ce qui n'est pas simple, car il n'est pas clair, sur les reports de charges et les marges frictionnelles. Un report de charges, mes chers collègues, c'est une dépense différée ; une marge frictionnelle, si je ne me trompe pas, c'est un crédit qui ne sera pas consommé.
Nouveaux sourires.
… mais j’expliquerai ce qu’il en est. Sur le fond, je le répète, on est en train de s’en prendre à des outils qui sont bons pour le ministère des armées.
M. Retailleau a raison de dire que l’alinéa 1er de l’article 3 – prima inter pares… – n’a pas été modifié, puisque le montant s’élève à 413, 3 milliards d’euros. Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, je l’indique pour la suite de la discussion. En effet, si des amendements de correction venaient à être déposés en séance, quoi qu’il arrive, même si vous ne partagez pas ma lecture sur les marges frictionnelles et les reports de charges, le Sénat a alourdi la facture de 3, 2 milliards d’euros. Certes, il l’a fait avec des mesures qui sont bonnes, mais dont on ne sait pas comment elles seront financées.
Je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, je reste à votre disposition, même dans un cadre plus informel, pour refaire le point sur tout cela. Reste que, au moment où je vous parle, je vous certifie, avec sincérité et bonne foi, que nous ne sommes plus à 413 milliards d’euros. Cela, je peux le signer –des deux mains – et pas dans Le Figaro !
… mais j’expliquerai ce qu’il en est. Sur le fond, je le répète, on est en train de s’en prendre à des outils qui sont bons pour le ministère des armées.
M. Retailleau a raison de dire que l’alinéa 1er de l’article 3 – prim us inter pares… – n’a pas été modifié, puisque le montant s’élève à 413, 3 milliards d’euros. Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, je l’indique pour la suite de la discussion. En effet, si des amendements de correction venaient à être déposés en séance, quoi qu’il arrive, même si vous ne partagez pas ma lecture sur les marges frictionnelles et les reports de charges, le Sénat a alourdi la facture de 3, 2 milliards d’euros. Certes, il l’a fait avec des mesures qui sont bonnes, mais dont on ne sait pas comment elles seront financées.
Je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, je reste à votre disposition, même dans un cadre plus informel, pour refaire le point sur tout cela. Reste que, au moment où je vous parle, je vous certifie, avec sincérité et bonne foi, que nous ne sommes plus à 413 milliards d’euros. Cela, je peux le signer – des deux mains – et pas dans Le Figaro !
Nous sommes d'accord.
Le problème, monsieur le ministre, c'est que vous comptez aussi bien le report de charges, donc la dépense différée, et la marge frictionnelle, donc les crédits non consommés, comme des ressources. Le compte ne peut donc pas y être !
L'enveloppe est donc sans doute d'un peu plus de 400 milliards d'euros, mais certainement pas de 413 milliards d'euros, mes chers collègues. J'invite le Sénat à tenir bon sur cette base. Il y va de l'avenir de nos soldats, de nos armées, de leur fidélisation.
L'image du surbooking qu'a utilisée Dominique de Legge à l'instant est pertinente : l'avion compte 400 places, vous en surbookez 13, mais vous n'y ferez entrer de toute façon que 400 passagers, point final.
Sourires.
M. Rachid Temal s'exclame.
Monsieur Todeschini, vouloir des montants en euros constants, plutôt qu’en euros courants, est très contradictoire avec les propos que vous avez tenus sur l’inflation lors de la discussion générale. Alors que vous émettez une crainte sur nos hypothèses en matière d’inflation, en demandant ce basculement en euros constants, vous écartez toute forme d’hypothèse sur l’inflation.
Sans remuer une nouvelle fois le couteau dans la plaie – Bruno Retailleau va finir par définitivement m’en vouloir…
Monsieur le ministre, je suis sincère, et vous le savez. Nous avons eu ensemble une discussion sur cette question – j'essaie d'être droit dans la vie publique comme dans la vie privée – et je ne vous prends pas en traître : nous avons inscrit au premier alinéa de l'article 3 une enveloppe de 413 milliards d'euros. Voilà !
Sourires.
Je suis désolé de poursuivre sur ce sujet, mais il est absolument central dans notre discussion.
Je pense, comme Bruno Retailleau vient de le dire, que tout provient de la présentation, certes excessivement communicante, des 413 milliards d'euros.
Prenons le problème à l'envers. Si vous aviez annoncé 400 milliards d'euros budgétés, plus 5, 9 milliards d'euros de ressources extrabudgétaires bien identifiées, les sénatrices et les sénateurs étant des gens raisonnables, ils auraient trouvé cela sérieux, même si l'on peut concevoir que des incertitudes puissent peser sur des ressources extrabudgétaires, même bien identifiées, ou que des prévisions puissent être un peu généreuses.
Il eût donc fallu annoncer 405 milliards d'euros. C'était déjà un effort considérable, supérieur de 100 milliards d'euros à la précédente LPM. Ce sont les 7 milliards d'euros qui, dès le premier jour, dans la presse et dans les commentaires entendus ici ou là, ont fait naître des suspicions.
Vous nous parlez des reports de charges, monsieur le ministre. J'évoquerai à cet égard l'exemple de la loi de programmation de votre prédécesseure, Mme Alliot-Marie. Pour 2008, elle prévoyait 28 % de reports de charges. On a alors cru que l'annuité budgétaire de la défense allait exploser. Les industriels, qui, dites-vous, tirent des bénéfices de cette affaire, étaient au bord de la dépression et se demandaient quand ils allaient être payés. C'est facile de leur dire qu'ils seront payés l'année prochaine et qu'ils percevront des intérêts, mais ce que veut un industriel quand il livre un matériel, c'est recevoir le paiement correspondant.
Je pense qu'on peut concevoir un report de charges et des marges frictionnelles, mais pas d'un tel montant : 7 milliards d'euros, c'est énorme ! Il fallait ne pas en parler et dire que l'enveloppe s'élevait à 400 milliards d'euros, plus 5 milliards d'euros de recettes identifiées.
Cédric Perrin aurait peut-être réclamé plus, d'autres peut-être moins, chacun se serait fait un avis, mais tout le monde aurait reconnu un effort réellement substantiel de plus de 100 milliards d'euros et tout se serait bien passé.
La polémique qui perdure est liée aux recettes extrabudgétaires. Tous ceux qui, ici, ont été maire ou conseiller départemental le savent : l'argent, on l'a ou on ne l'a pas. Si on ne l'a pas, on peut escompter le gagner à la loterie et prévoir de le dépenser, mais ce n'est pas ce qu'on fait, me semble-t-il, dans un projet de loi de programmation militaire ! Dans un tel projet de loi, on doit au contraire bien identifier les ressources et les dépenses.
Nous vous demandons des recettes supplémentaires non pour le plaisir de vous mettre en difficulté, monsieur le ministre, mais parce que le diagnostic de la commission, qui peut être partagé par l'ensemble de cette assemblée, c'est que c'est maintenant qu'il faut financer des entraînements. Les pilotes ne parvenant pas à faire 160 heures d'entraînement, alors que la norme en impose 220, ils fichent le camp et s'engagent chez Transavia !
Nouveaux sourires.
M. le ministre manifeste sa surprise.
… je rappelle que, jadis – vous savez d’où je viens –, c’est en basculant d’euros courants en euros constants que le budget global des armées a été diminué, grignoté par l’inflation.
Christian Cambon a raison d’émettre un avis défavorable sur cet amendement. Son adoption viendrait en effet caper l’ensemble des efforts consentis en ignorant totalement les effets de l’inflation, dont nous prendrions le mur de plein fouet. Par conséquent, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur cet amendement.
J'évoque un exemple qui permet de bien identifier les problèmes…
Voilà le sujet : nous voulons plus d'entraînements pour notre armée, notamment pour notre armée de terre. Nous avons déjà évoqué, notamment, la question des chars Leclerc.
Il y a un véritable problème, dont nous sommes prêts à discuter – nous avons jusqu'à la réunion de la commission mixte paritaire pour cela –, mais je pense que le Sénat doit rester sur sa position : sans prévision budgétaire stricte, ou en tous les cas bien comprise, il n'est pas possible de dire que l'on dépensera 413 milliards d'euros. Sinon, ce n'est que de la communication.
Monsieur le ministre, cette discussion embrouille un peu plus les sénateurs.
Monsieur Retailleau, pour revenir sur l'aspect personnel que vous avez évoqué, je connais votre sincérité, que je ne me permettrai jamais de mettre en doute.
Cela étant, j'ai l'impression qu'il est parfois difficile pour certains de créditer le Président de la République de l'augmentation des crédits militaires et que l'on cherche à amoindrir l'effort consenti. Je ne parle pas de vous.
M. Bruno Retailleau s'exclame.
La genèse de ces débats, c’est le discours de Mont-de-Marsan, le 20 janvier dernier, à l’issue duquel j’ai tweeté qu’à moins de 420 milliards d’euros…
Je dirai cinq choses, avec la même bonne foi. Je veux vraiment qu'elles soient comprises.
Premièrement, vous examinez un projet de loi dont le rapport annexé prévoit 413 milliards d'euros de besoins militaires. Enfin, ce n'est plus vrai, j'y reviendrai dans mon quatrième point, car l'enveloppe a été portée à 416, 2 milliards d'euros, le Sénat ayant alourdi la note. Personne n'est revenu sur ce point, mais il va falloir corriger ce montant à un moment donné, sinon, cela signifie que le Sénat propose des évictions et des renoncements sur certaines autres cibles qu'il n'a pourtant pas modifiées. Les amendements adoptés en commission ont en effet entraîné une augmentation de l'enveloppe de 3, 2 milliards d'euros !
Vous avez raison, monsieur le ministre, 430 milliards d’euros, mais je vais vous expliquer pourquoi je mentionne le montant de 420 milliards d’euros.
Donc, j’ai tweeté qu’à moins de 430 milliards d’euros, on ne pouvait pas, selon moi, avoir un modèle d’armée complet. J’assume, je l’ai dit, je l’ai écrit.
Aujourd’hui, compte tenu de l’état de nos finances publiques, nous sommes tous conscients qu’il faut faire des efforts. Nous voulons maintenir ce budget à 413 milliards d’euros. Je rappelle qu’à l’origine il était question de 460 milliards d’euros, montant estimé nécessaire pour parvenir à un modèle d’armée complet.
Bercy voulait 375 milliards d’euros, le Président de la République, 400 milliards d’euros, et vous vous êtes battu, monsieur le ministre, je le sais, pour obtenir le plus possible : vous avez obtenu 400 milliards d’euros plus 13 milliards d’euros.
Depuis le début, à grand renfort de communication auprès de l’ensemble des médias, vous avancez la somme de 413, 3 milliards d’euros. Si c’est vraiment le cas, il faut les inscrire dans le marbre de la loi. Pour notre part, ce que nous voulons aujourd’hui, c’est a minima que l’on respecte la trajectoire et la cible capacitaire définies dans la loi de programmation militaire de votre prédécesseure, Mme Parly.
Par ailleurs, depuis que nous avons entamé l’examen de ce texte, nous avons oublié la courbe, qui est pourtant un paramètre essentiel pour nous.
Deuxièmement, ne dites pas, en quelque sorte pour circonscrire le débat, que nous faisons du surbooking, monsieur de Legge : toutes les lois de programmation militaire ont toujours prévu des marges frictionnelles. J'ai voulu cette fois, par souci de transparence, en faire état au Parlement, mal m'en a pris. Je vous avoue que je le regrette un peu. Néanmoins, je pense que c'est une bonne chose de les montrer.
Sur sept ans, il y aura inévitablement un certain nombre de retards, même si on ne les espère pas. Ils sont donc déjà intégrés dans la copie. C'est pour cela que lorsque vous passez de 400 milliards à 407 milliards, ça ne vient pas les écraser, ça les additionne.
Il y a deux manières de procéder dans une loi de programmation. Soit vous intégrez les marges frictionnelles en disant : « Je prends 103 pour avoir 100 », ce que d'ailleurs le sénateur de votre groupe ancien ministre de la défense a fait, et je revendique cette méthode, car c'est une bonne méthode ; soit, et c'est ce que vous proposez in fine, vous dites : « Pour avoir 97, je prends 100 », mais je ne vois pas en quoi le ministère des armées serait gagnant dans cette affaire. Je revendique de nouveau les marges frictionnelles. Elles sont bonnes pour le fonctionnement du ministère.
Troisièmement, les reports de charges prévus par Michèle Alliot-Marie en 2008 – pardon d'être cruel et de revenir à 2008 – n'ont pas été une bonne nouvelle pour les industriels, c'est sûr : ils étaient en euros constants et s'inscrivaient dans un contexte de forte diminution du format des armées !
Les reports de charges que nous prévoyons interviennent dans un contexte différent, les commandes étant nombreuses pour nos propres besoins, mais aussi hélas ! pour l'Ukraine. De ce fait, la base industrielle et technologique de défense y trouve un intérêt différent.
J'ai suivi de près vos débats et je peux vous dire, pour être très clair, que les industriels ne se plaignent jamais des reports de charges aujourd'hui. Et pour cause ! S'il y a bien un sujet qui ne leur pose pas de problème, c'est bien celui-là.
Au passage, si j'étais sénateur « dans mon opposition », comme dirait l'autre, je demanderais quels sont les coûts de ces reports de charges.
En effet, c’est elle qui déterminera notre capacité à investir, dans les années qui viennent, 600 millions d’euros de plus que les 3 milliards d’euros que vous avez prévus. Cette somme nous permettra d’atteindre la cible capacitaire en 2025, puisque c’est l’objectif qui a été voté à 98 % au Sénat en 2018. Or, monsieur le ministre, compte tenu de ce que vous nous annoncez aujourd’hui et malgré une augmentation de 40 % du budget, on ne risque de l’atteindre qu’en 2035.
C’est la raison pour laquelle je suis pleinement favorable à l’adoption de l’amendement n° 6 qui vise à modifier la trajectoire budgétaire. Cela nous permettra d’acquérir beaucoup plus de matériels, puisqu’un euro de 2023 ne vaudra pas un euro de 2030.
N'étant pas mon propre opposant, je vous répondrai que, l'inflation étant forte, les gains que procurent les reports de charges seront bien supérieurs à leur coût pour les industriels, …
Monsieur le ministre, je n’entrerai pas dans le débat sur le détail du budget, pas plus que je ne reviendrai sur votre démonstration très complexe, qui ne nous a pas vraiment convaincus. En effet, le dépassement dont vous parlez n’est pas le fait du lissage budgétaire qui a été voté en commission : il est la conséquence d’ajouts auxquels certains de vos amendements ont d’ailleurs pour objet de participer.
Votre gouvernement a choisi de parler d’« économie de guerre ». Ce sont des termes forts. Dans le même temps, vous proposez de reporter l’effort budgétaire à plus tard, alors que c’est maintenant que les besoins en équipement se font sentir.
Nous comprenons le dilemme de Bercy, qui cherche à faire des économies – le ministre Bruno Le Maire a d’ailleurs annoncé des économies de près de 5 % pour l’ensemble des ministères –, mais il faut aller dans le sens de l’annonce présidentielle et l’opinion publique est aujourd’hui prête à accepter cet effort substantiel en matière de défense. Pour notre part, nous pensons qu’il faut dépenser cet argent maintenant pour des équipements dont nous avons besoin dans cet effort de guerre.
... comme j'en ai fait la démonstration au sénateur de Legge dans un courrier.
Cela étant, si, pour ne pas se déjuger, on finit par écraser des dispositifs qui sont bons pour le ministère des armées, je le regretterai, mais, c'est promis, je ne le ferai pas dans Le Figaro.
Monsieur le ministre, vous voyez bien que la discussion est nécessaire.
Comme je l’ai souligné en présentant l’amendement n° 66, c’est vous qui, avec le Gouvernement, avez fait une large communication autour des 413 milliards d’euros et lancé le débat. C’est d’ailleurs pour ces raisons que j’ai déposé cet amendement, ainsi que l’amendement n° 67.
Naturellement, je les retire, mais ils auront permis de lancer la discussion et d’essayer de comprendre. Vous affirmez que les propositions du Sénat ont pour conséquence de dépasser les 413 milliards d’euros prévus, mais certains des amendements que vous avez déposés au nom du Gouvernement aggraveront, eux aussi, la facture. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Sourires.
Enfin, et M. Laurent a raison sur ce point, si l'on n'intègre pas les marges frictionnelles dans la loi de programmation, il y a des risques d'évictions, soit dans d'autres politiques publiques de l'État – vous l'avez dit dans un autre argumentaire, monsieur Laurent, et techniquement, ce n'est pas faux –, soit au sein même des éléments du programme du ministère des armées. Il me semble important de le rappeler, alors que vous serez appelés, mesdames, messieurs les sénateurs, à examiner un projet de loi de programmation des finances publiques dans le futur.
Quatrièmement, j'y reviens : à ce stade, le texte prévoit 3, 2 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, lesquelles ne sont pas documentées par le Sénat. On en est donc non plus à 400, 407 ou 413 milliards d'euros, mais à 416, 2 milliards d'euros ! M. Retailleau, en sa qualité de président du groupe Les Républicains, a dit qu'il ne fallait pas aller au-delà de 413 milliards d'euros, ce qui signifie qu'il y a des renoncements quelque part dans la copie.
Monsieur le ministre, nous avions très bien compris votre propos, et votre comparaison avec le surbooking est parfaite. C’est d’ailleurs un aveu : le propre du surbooking, c’est que tout le monde n’entre finalement pas dans l’avion !
M. Bruno Retailleau s'exclame.
Si l'on ajoute l'achat de matériel, on dépasse les 413 milliards d'euros. C'est facile à comprendre ! Le raisonnement est implacable…
Les opérations de maintien en condition opérationnelle, c'est différent. Le débat n'est pas le même que sur les marches. Débattre des marches, pour en revenir à la conversation que nous avons eue tous les deux, monsieur Retailleau, c'est dire qu'il semble urgent de faire certaines choses dès à présent, en 2024, sans attendre 2027 ou 2028. Pour autant, elles sont prévues dans les 413 milliards d'euros. Ou dans les 400 milliards d'euros, comme vous voulez...
Or vous, vous ajoutez des cibles nouvelles sur toute la programmation. Vous ne les faites pas glisser de la période 2027-2030 à la période 2024-2027. Or elles ne sont ni documentées ni financées. Si vous vous en tenez à l'enveloppe globale, cela signifie, je le répète, qu'il y a des renoncements, pour un montant de 3, 2 milliards d'euros. C'est beaucoup d'argent.
Merci, en tout cas, pour ces échanges et ce débat. Ce que j'en retiens, c'est que personne ne veut aller au-delà de 413 milliards d'euros. C'est clair et l'honnêteté me commande de le dire. Je renvoie à d'autres cadres et à d'autres formats l'occasion de nous mettre d'accord.
Sourires sur les travées du groupe SER.
Sourires sur les travées du groupe SER.
En d’autres termes, nous n’obtiendrons pas la totalité de ce que vous avez affiché en termes de capacité.
La marge frictionnelle est une définition élégante de crédits qui n’existent pas.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 148, présenté par M. P. Laurent, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ayant été davantage convaincu par les arguments du rapporteur que par les vôtres – ne m’en veuillez pas, monsieur le ministre
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis . Ayant été davantage convaincu par les arguments du rapporteur que par les vôtres – ne m’en veuillez pas, monsieur le ministre
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 4, qui prévoit que la « trajectoire de ressources budgétaire s'entend comme un minimum ».
Les crédits sont sécurisés dans le tableau tel qu'il a été modifié en commission. En outre, ils sont d'un montant supérieur à ceux qui sont indiqués, sachant que certaines dépenses, notamment celles qui sont en faveur de l'Ukraine, mais d'autres également – je ne reviens pas sur la liste dressée par le ministre lui-même précédemment –, ne sont pas comprises dans l'enveloppe. Nous sommes donc au-delà de 413 milliards de dépenses militaires.
Je pense donc que l'alinéa 4 est une source d'ambiguïté. Certains comprennent qu'il est une façon de sécuriser les crédits, mais on peut le lire autrement : on peut aussi considérer que la trajectoire de ressources est un minimum qui est appelé à augmenter encore.
Pour notre part, nous souhaitons supprimer cette ambiguïté, alors que les chiffres, je l'ai dit, sont sécurisés dans le tableau nouvellement adopté.
Sourires.
L’amendement n° 6 est retiré.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
L'alinéa que cet amendement vise à supprimer avait été introduit par le rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale. Il prévoit que la trajectoire de ressources budgétaires est un minimum.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé à plusieurs reprises devant les commissions parlementaires que les marches proposées étaient des planchers et non des plafonds. Compte tenu de l'état de nos finances, cette disposition n'est peut-être pas très opérante, mais, étant donné à la fois les incertitudes qui pèsent sur la situation géostratégique et le niveau de l'inflation, la précision qui a été introduite nous semble opportune.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Pour notre part, nous ne voterons aucun de ces amendements – ceux qui resteront ! –, car nous n’avons pas envie d’arbitrer ce débat qui ressemble au bal des hypocrites.
En vérité, il y a un large consensus sur les 413 milliards d’euros, mais le Gouvernement a du mal à assumer ce choix, car les arbitrages budgétaires sont complexes. En effet, un arbitrage politique doit être fait avec la nation sur la part des richesses disponibles que nous sommes capables de consacrer aux dépenses militaires.
Nous le savons, des arbitrages contradictoires se sont succédé au sein même du Gouvernement, car la charge est lourde et pèsera très fortement.
Dans ces compromis budgétaires, l’affichage des 413 milliards d’euros permet au Gouvernement de passer la rampe.
De l’autre côté, la majorité sénatoriale s’acharne à sécuriser cette trajectoire – elle va le faire tout au long du débat –, en invoquant entre autres la sincérité budgétaire – j’en passe et des meilleures… Or, dès que nous allons entamer l’examen du projet de budget, les mêmes redeviendront des champions de l’orthodoxie budgétaire et de la lutte contre la dette publique ! Après avoir sécurisé le budget de la défense, ils massacreront tous les autres budgets !
Nous sommes en train de passer à côté d’un débat politique avec la nation sur une question qui mérite pourtant une réponse : quelle part réelle des véritables richesses du pays voulons-nous consacrer à la défense, mais aussi à d’autres priorités nationales, tout aussi stratégiques, y compris en termes de souveraineté ? Je pense par exemple à la souveraineté industrielle, à la souveraineté énergétique dans le contexte de la transition climatique. Je pourrais citer de nombreux autres exemples, mais nous n’avons pas de panorama global sur ces questions.
Pour notre part, nous ne voterons aucun de ces amendements – ceux qui resteront ! –, car nous n’avons pas envie d’arbitrer ce débat qui ressemble au bal des hypocrites.
En vérité, il y a un large consensus sur les 413 milliards d’euros, mais le Gouvernement a du mal à assumer ce choix, car les arbitrages budgétaires sont complexes. En effet, un arbitrage politique doit être fait avec la Nation sur la part des richesses disponibles que nous sommes capables de consacrer aux dépenses militaires.
Nous le savons, des arbitrages contradictoires se sont succédé au sein même du Gouvernement, car la charge est lourde et pèsera très fortement.
Dans ces compromis budgétaires, l’affichage des 413 milliards d’euros permet au Gouvernement de passer la rampe.
Par ailleurs, la majorité sénatoriale s’acharne à sécuriser cette trajectoire – elle va le faire tout au long du débat –, en invoquant entre autres la sincérité budgétaire – j’en passe et des meilleures… Or, dès que nous allons entamer l’examen du projet de budget, les mêmes redeviendront des champions de l’orthodoxie budgétaire et de la lutte contre la dette publique ! Après avoir sécurisé le budget de la défense, ils massacreront tous les autres budgets !
Nous sommes en train de passer à côté d’un débat politique avec la Nation sur une question qui mérite pourtant une réponse : quelle part réelle des véritables richesses du pays voulons-nous consacrer à la défense, mais aussi à d’autres priorités nationales, tout aussi stratégiques, y compris en termes de souveraineté ? Je pense par exemple à la souveraineté industrielle, à la souveraineté énergétique dans le contexte de la transition climatique. Je pourrais citer de nombreux autres exemples, mais nous n’avons pas de panorama global sur ces questions.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 191 rectifié, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces ressources budgétaires n'ont pas d'impact sur les autres missions du budget général.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Cet amendement vise à garantir le financement de la LPM par le recours à de nouvelles recettes.
Les écologistes sont favorables aux projections budgétaires des quatre lois de programmation examinées par le Parlement ces deux dernières années concernant les aides publiques au développement, le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice. Elles permettent de renforcer les moyens des pouvoirs publics, de donner de la visibilité et de programmer des investissements pluriannuels. D'une manière générale, nous sommes favorables au renforcement des moyens de la puissance publique.
En d'autres circonstances, les écologistes, profondément pacifistes, n'auraient sans doute pas approuvé une augmentation aussi massive des moyens de la défense, mais la démocratie étant plus que jamais menacée à l'est de l'Europe et l'Ukraine ayant besoin d'un soutien indéfectible, les efforts militaires auxquels la nation consent sont à nos yeux justifiés.
Toutefois, par cet amendement, nous voulons nous assurer que les dépenses financières considérables prévues dans le projet de loi de programmation militaire ne conduiront pas à réduire celles des autres missions du budget général.
Le risque est en effet que les programmations budgétaires ambitieuses, s'agissant notamment des missions régaliennes de l'État, conjuguées au dogmatisme du Gouvernement, qui refuse de faire contribuer les plus aisés à l'effort collectif, et à la promesse irréaliste et discutable du Président de la République de ramener le déficit budgétaire sous la barre des 3 %, ne conduisent mécaniquement à faire peser l'effort financier prévu pour la défense sur les autres missions du budget de l'État, comme l'éducation nationale, la santé, la transition écologique, la culture. Ce ne serait pas acceptable.
Le présent amendement vise donc à garantir un financement de la LPM assuré au moyen de nouvelles recettes et non par des transferts de crédits susceptibles d'affaiblir des services publics déjà amoindris ou par amputation de nos ambitions en matière de transition écologique.
Les 413 milliards d’euros que le Président de la République a annoncés lors de sa visite à Mont-de-Marsan – pour notre part, nous avions refusé de nous y rendre et de figurer sur la photo, car le Parlement n’avait pas été consulté – sont à la fois une force et un boulet pour le Gouvernement. Aujourd’hui, tout tourne autour de cette question et personne ne parvient à en sortir.
Je rappelle qu’une élection présidentielle aura lieu en 2027 et que la trajectoire prévue dans la loi de programmation des finances publiques ne s’étend pas au-delà de cette année-là. On voit bien qu’il va y avoir un problème, comme l’a d’ailleurs relevé le président du Haut Conseil des finances publiques : le projet de loi de programmation militaire tient jusqu’en 2027, mais personne ne sait exactement quelle sera la trajectoire des finances publiques au-delà, entre 2027 et 2030. Nous entrons là dans un tunnel…
J’ai envie de dire à Jojo, monsieur le ministre, que nous pensons qu’il vaut mieux dépenser maintenant pour les programmes, parce que les crédits sont sécurisés, parce qu’on neutralise le risque inflationniste, parce que, enfin, personne ne peut dire réellement et sincèrement quelle sera la trajectoire des finances publiques après 2027.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons maintenir à ce stade la trajectoire. Nous débattrons ensuite des 7 milliards d’euros. Notre groupe participera à ce débat, avant la réunion de la commission mixte paritaire. Nous parviendrons à garder l’essentiel et à mettre l’accessoire de côté.
Les 413 milliards d’euros que le Président de la République a annoncés lors de sa visite à Mont-de-Marsan – pour notre part, nous avions refusé de nous y rendre et de figurer sur la photo, car le Parlement n’avait pas été consulté – sont à la fois une force et un boulet pour le Gouvernement. Aujourd’hui, tout tourne autour de cette question et personne ne parvient à en sortir.
Je rappelle qu’une élection présidentielle aura lieu en 2027 et que la trajectoire prévue dans la loi de programmation des finances publiques ne s’étend pas au-delà de cette année-là. On voit bien qu’il va y avoir un problème, comme l’a d’ailleurs relevé le président du Haut Conseil des finances publiques : le projet de loi de programmation militaire tient jusqu’en 2027, mais personne ne sait exactement quelle sera la trajectoire des finances publiques au-delà, entre 2027 et 2030. Nous entrons là dans un tunnel…
J’ai envie de dire à Jojo, monsieur le ministre, que nous pensons qu’il vaut mieux dépenser maintenant pour les programmes, parce que les crédits sont sécurisés, parce qu’on neutralise le risque inflationniste, enfin, parce que personne ne peut dire réellement et sincèrement quelle sera la trajectoire des finances publiques après 2027.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons maintenir à ce stade la trajectoire. Nous débattrons ensuite des 7 milliards d’euros. Notre groupe participera à ce débat, avant la réunion de la commission mixte paritaire. Nous parviendrons à garder l’essentiel et à mettre l’accessoire de côté.
On ne peut pas reprendre ce raisonnement à notre compte, qui oppose l'effort de défense aux autres missions du budget de l'État. Telle n'est pas notre approche.
Je rappelle que l'effort de défense représente moins de 2 % du budget, quand les dépenses sociales en constituent plus de 30 %.
Par ailleurs, l'effort de défense est un formidable accélérateur économique : un euro investi dans l'industrie de défense rapporte deux fois plus à l'économie au bout de dix ans.
Avis défavorable.
Nous sommes sur un point dur du texte.
Lors de son discours à Mont-de-Marsan, le Président de la République a annoncé une enveloppe de 413 milliards d’euros. Le problème, ce sont les 13 milliards. Seuls 5, 9 milliards d’euros sur ces 13 milliards sont sécurisés, le président Cambon l’a très bien dit. On bute sur 7, 4 milliards d’euros.
Ces 7, 4 milliards d’euros, monsieur le ministre, ne sont pas destinés à accumuler du matériel neuf dans des hangars rouillés : ils doivent servir à accroître l’activité opérationnelle de nos armées.
J’essaie de suivre votre raisonnement, monsieur le ministre, ce qui n’est pas simple, car il n’est pas clair, sur les reports de charges et les marges frictionnelles. Un report de charges, mes chers collègues, c’est une dépense différée ; une marge frictionnelle, si je ne me trompe pas, c’est un crédit qui ne sera pas consommé.
Le président Cambon vient d'évoquer l'aspect politique de cet amendement. Parfois, sur les réseaux sociaux, on oppose les uns aux autres les différents pans du budget de l'État – ce n'est pas ce que vous avez fait, monsieur Gontard. Je trouve qu'un tel raisonnement, très délicat et très difficile, a ses limites.
Ensuite se pose la question plus globale de la soutenabilité de l'alinéa qui nous est proposé. Je ne reviens pas sur la LPFP, mais il est évident que la trajectoire initiale que nous proposons ne provoque pas d'effet d'éviction dans les autres programmes puisqu'elle a été imaginée et conçue avec Bercy pour ne pas en créer. C'est une réalité. D'où les longs débats sur les 413 milliards d'euros, mais je n'y reviens pas.
J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement
Nous sommes d’accord.
Le problème, monsieur le ministre, c’est que vous comptez aussi bien le report de charges, donc la dépense différée, et la marge frictionnelle, donc les crédits non consommés, comme des ressources. Le compte ne peut donc pas y être !
L’enveloppe est donc sans doute d’un peu plus de 400 milliards d’euros, mais certainement pas de 413 milliards d’euros, mes chers collègues. J’invite le Sénat à tenir bon sur cette base. Il y va de l’avenir de nos soldats, de nos armées, de leur fidélisation.
L’image du surbooking qu’a utilisée Dominique de Legge à l’instant est pertinente : l’avion compte 400 places, vous en surbookez 13, mais vous n’y ferez entrer de toute façon que 400 passagers, point final.
Nous sommes d’accord.
Le problème, monsieur le ministre, c’est que vous comptez aussi bien le report de charges, donc la dépense différée, et la marge frictionnelle, donc les crédits non consommés, comme des ressources. Le compte ne peut donc pas y être !
L’enveloppe est donc sans doute d’un peu plus de 400 milliards d’euros, mais certainement pas de 413 milliards d’euros, mes chers collègues. J’invite le Sénat à tenir bon sur cette base. Il y va de l’avenir de nos soldats, de nos armées, de leur fidélisation.
L’image du surbooking qu’a reprise Dominique de Legge à l’instant est pertinente : l’avion compte 400 places, vous en surbookez 13, mais vous n’y ferez entrer de toute façon que 400 passagers, point final.
M. Rachid Temal s ’ exclame.
Je n'ai pas opposé les budgets, je m'en suis bien gardé ! J'ai même dit que le budget et les prévisions qui nous sont présentés sont importants dans le contexte actuel. Je demandais juste où on va prendre l'argent !
La LPM aura forcément un impact sur l'ensemble des autres missions. Le fait d'avoir un budget dédié à la défense pose un tel problème. Alors que le nombre de budgets dédiés s'additionne, quels effets cela aura-t-il sur les autres secteurs ? Quelles nouvelles ressources le Gouvernement prévoit-il ?
Monsieur le ministre, je suis sincère, et vous le savez. Nous avons eu ensemble une discussion sur cette question – j’essaie d’être droit dans la vie publique comme dans la vie privée – et je ne vous prends pas en traître : nous avons inscrit au premier alinéa de l’article 3 une enveloppe de 413 milliards d’euros. Voilà !
Je partage le point de vue de notre collègue Gontard.
Si vous ne voulez pas que l'on oppose les budgets les uns aux autres, monsieur le ministre, il ne faut pas réserver les programmations à certains budgets et ne pas en prévoir pour d'autres !
À titre d'exemple, nous avons examiné durant de longs mois la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, dont la principale caractéristique est de n'avoir jamais été une loi de programmation budgétaire. Toute programmation sérieuse nous a en effet été refusée lors de l'examen du texte.
De même, nous avons examiné de nombreux textes relatifs à la transition écologique. Or, sans une réelle programmation budgétaire – et il n'y en a aucune –, il n'y aura pas de reconquête du ferroviaire français dans le domaine du fret – pour ne prendre que cet exemple.
Si l'on veut mettre fin à ce type de débat et sécuriser les budgets, la programmation budgétaire ne doit pas être réservée aux seuls ministères de l'intérieur et de la défense ! Il faut que nous ayons un débat plus large sur ces questions. Nous pourrons alors discuter des arbitrages réels qui sont rendus.
En réalité, les budgets ne sont pas traités de manière égalitaire, même lorsqu'il s'agit de budgets stratégiques, même quand une programmation sur une longue période est nécessaire.
Je suis désolé de poursuivre sur ce sujet, mais il est absolument central dans notre discussion.
Je pense, comme Bruno Retailleau vient de le dire, que tout provient de la présentation, certes excessivement communicante, des 413 milliards d’euros.
Prenons le problème à l’envers. Si vous aviez annoncé 400 milliards d’euros budgétés, plus 5, 9 milliards d’euros de ressources extrabudgétaires bien identifiées, les sénatrices et les sénateurs étant des gens raisonnables, ils auraient trouvé cela sérieux, même si l’on peut concevoir que des incertitudes puissent peser sur des ressources extrabudgétaires, même bien identifiées, ou que des prévisions puissent être un peu généreuses.
Il eût donc fallu annoncer 405 milliards d’euros. C’était déjà un effort considérable, supérieur de 100 milliards d’euros à la précédente LPM. Ce sont les 7 milliards d’euros qui, dès le premier jour, dans la presse et dans les commentaires entendus ici ou là, ont fait naître des suspicions.
Vous nous parlez des reports de charges, monsieur le ministre. J’évoquerai à cet égard l’exemple de la loi de programmation de votre prédécesseure, Mme Alliot-Marie. Pour 2008, elle prévoyait 28 % de reports de charges. On a alors cru que l’annuité budgétaire de la défense allait exploser. Les industriels, qui, dites-vous, tirent des bénéfices de cette affaire, étaient au bord de la dépression et se demandaient quand ils allaient être payés. C’est facile de leur dire qu’ils seront payés l’année prochaine et qu’ils percevront des intérêts, mais ce que veut un industriel quand il livre un matériel, c’est recevoir le paiement correspondant.
Je pense qu’on peut concevoir un report de charges et des marges frictionnelles, mais pas d’un tel montant : 7 milliards d’euros, c’est énorme ! Il fallait ne pas en parler et dire que l’enveloppe s’élevait à 400 milliards d’euros, plus 5 milliards d’euros de recettes identifiées.
Cédric Perrin aurait peut-être réclamé plus, d’autres peut-être moins, chacun se serait fait un avis, mais tout le monde aurait reconnu un effort réellement substantiel de plus de 100 milliards d’euros et tout se serait bien passé.
La polémique qui perdure est liée aux recettes extrabudgétaires. Tous ceux qui, ici, ont été maire ou conseiller départemental le savent : l’argent, on l’a ou on ne l’a pas. Si on ne l’a pas, on peut escompter le gagner à la loterie et prévoir de le dépenser, mais ce n’est pas ce qu’on fait, me semble-t-il, dans un projet de loi de programmation militaire ! Dans un tel projet de loi, on doit au contraire bien identifier les ressources et les dépenses.
Nous vous demandons des recettes supplémentaires non pour le plaisir de vous mettre en difficulté, monsieur le ministre, mais parce que le diagnostic de la commission, qui peut être partagé par l’ensemble de cette assemblée, c’est que c’est maintenant qu’il faut financer des entraînements. Les pilotes ne parvenant pas à faire 160 heures d’entraînement, alors que la norme en impose 220, ils fichent le camp et s’engagent chez Transavia !
Je suis désolé de poursuivre sur ce sujet, mais il est absolument central dans notre discussion.
Je pense, comme Bruno Retailleau vient de le dire, que tout provient de la présentation, certes excessivement communicante, des 413 milliards d’euros.
Prenons le problème à l’envers. Si vous aviez annoncé 400 milliards d’euros budgétés, plus 5, 9 milliards d’euros de ressources extrabudgétaires bien identifiées, les sénatrices et les sénateurs étant des gens raisonnables, ils auraient trouvé cela sérieux, même si l’on peut concevoir que des incertitudes puissent peser sur des ressources extrabudgétaires, même bien identifiées, ou que des prévisions puissent être un peu généreuses.
Il eût donc fallu annoncer 405 milliards d’euros. C’était déjà un effort considérable, supérieur de 100 milliards d’euros à la précédente LPM. Ce sont les 7 milliards d’euros qui, dès le premier jour, dans la presse et dans les commentaires entendus ici ou là, ont fait naître des suspicions.
Vous nous parlez des reports de charges, monsieur le ministre. J’évoquerai à cet égard l’exemple de la loi de programmation de votre prédécesseure, Mme Alliot-Marie. Pour 2008, elle prévoyait 28 % de reports de charges. On a alors cru que l’annuité budgétaire de la défense allait exploser. Les industriels, qui, dites-vous, tirent des bénéfices de cette affaire, étaient au bord de la dépression et se demandaient quand ils allaient être payés. C’est facile de leur dire qu’ils seront payés l’année prochaine et qu’ils percevront des intérêts, mais ce que veut un industriel quand il livre un matériel, c’est recevoir le paiement correspondant.
Je pense que l’on peut concevoir un report de charges et des marges frictionnelles, mais pas d’un tel montant : 7 milliards d’euros, c’est énorme ! Il fallait ne pas en parler et dire que l’enveloppe s’élevait à 400 milliards d’euros, plus 5 milliards d’euros de recettes identifiées.
Cédric Perrin aurait peut-être réclamé plus, d’autres peut-être moins, chacun se serait fait un avis, mais tout le monde aurait reconnu un effort réellement substantiel de plus de 100 milliards d’euros et tout se serait bien passé.
La polémique qui perdure est liée aux recettes extrabudgétaires. Tous ceux qui, ici, ont été maire ou conseiller départemental le savent : l’argent, on l’a ou on ne l’a pas. Si on ne l’a pas, on peut escompter le gagner à la loterie et prévoir de le dépenser, mais ce n’est pas ce qu’on fait, me semble-t-il, dans un projet de loi de programmation militaire ! Dans un tel projet de loi, on doit au contraire bien identifier les ressources et les dépenses.
Nous vous demandons des recettes supplémentaires non pour le plaisir de vous mettre en difficulté, monsieur le ministre, mais parce que le diagnostic de la commission, qui peut être partagé par l’ensemble de cette assemblée, c’est que c’est maintenant qu’il faut financer des entraînements. Les pilotes ne parvenant pas à faire 160 heures d’entraînement, alors que la norme en impose 220, ils fichent le camp et s’engagent chez Transavia !