Intervention de Olivier Cigolotti

Réunion du 27 juin 2023 à 14h30
Programmation militaire pour les années 2024 à 2030 — Discussion générale suite

Photo de Olivier CigolottiOlivier Cigolotti :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, 413 milliards d'euros, c'est bien l'effort budgétaire que prévoit ce projet de loi de programmation militaire pour la période 2024-2030.

Depuis plusieurs décennies, dans un contexte post-guerre froide bénéficiant des dividendes de la paix, nos forces se sont vu imposer une érosion des moyens budgétaires et une diminution drastique des effectifs.

Cette augmentation de la part du budget de la nation consacrée à nos armées est la bienvenue. Elle poursuit le mouvement engagé dès 2019 avec l'actuelle LPM, qui avait déjà pour objectifs de porter la part des dépenses militaires à 2 % du PIB en 2025 et de créer 6 000 emplois.

Cette trajectoire budgétaire de croissance visait déjà à régénérer le capital opérationnel des armées pour constituer une première étape vers un « modèle d'armée complet et équilibré ».

En février 2022, l'agression de l'Ukraine par la Russie a constitué un glissement stratégique. La guerre était de retour sur le flanc oriental de l'Europe et il apparaissait nécessaire de revoir notre ambition face à un regain de tensions dans toutes les zones du monde. Ainsi, les risques et les menaces sont plus importants que jamais et pourraient aller jusqu'à un engagement de très haute intensité.

Les travaux en vue de cette nouvelle loi de programmation militaire ont été engagés depuis de nombreux mois. Malheureusement, l'exécutif a préféré faire l'économie d'un Livre blanc au profit d'une revue nationale stratégique à laquelle les parlementaires n'ont été que peu associés, pour ne pas dire pas du tout, ce que nous regrettons.

Cette revue nationale stratégique se limite malheureusement à un inventaire des défis sécuritaires futurs sans les hiérarchiser, alors que nous évoluons dans un monde de plus en plus complexe, marqué par de nouveaux espaces de conflictualité, mais aussi par la persistance de certains réflexes comparables à ceux des derniers conflits mondiaux.

Nous nous sommes étonnés, en commission, de constater que, malgré une hausse considérable du budget des armées octroyée par cette programmation, certains objectifs sont bien plus étalés que ce qui était initialement prévu. Nous regrettons également certains décalages de programme et révisions à la baisse.

Cependant, nous nous félicitons des avancées majeures désormais introduites dans ce texte, ainsi que des crédits fléchés sur des programmes à effet majeur comme sur des cibles ô combien importantes. Nous nous réjouissons, bien évidemment, de l'engagement du programme consacré au porte-avions de nouvelle génération, qui constituera un élément de crédibilité et de souveraineté, et nous nous félicitons des 5 milliards d'euros d'ores et déjà fléchés dans cette programmation.

Même si l'inflation aura une incidence sur cette trajectoire budgétaire, nous ne pouvons que saluer les efforts réalisés pour nos services de renseignement et la lutte contre l'ingérence, ainsi que pour nos forces spéciales afin de leur permettre d'améliorer encore leurs capacités et leur polyvalence.

Nous saluons aussi les efforts en faveur de notre capacité de dissuasion aérienne et océanique, qui bénéficiera également de crédits de modernisation, ainsi que ceux consentis pour la consolidation du socle d'entraînement grâce aux capacités de simulation.

Nous saluons également l'effort en faveur des munitions qui permettra aux armées de consolider et de recompléter les stocks, ainsi que les efforts pour favoriser une transition nécessaire vers les futures capacités : feux dans la profondeur ou encore munitions téléopérées.

Enfin, nous saluons les crédits accordés à l'innovation, crédits ô combien vitaux pour affirmer notre supériorité technologique et garantir la maîtrise des nouveaux champs de conflictualité, et nous nous félicitons de l'effort en faveur de notre modèle de ressources humaines, ainsi que de l'attention portée à nos services de soutien.

Dans ce contexte, le groupe Union Centriste approuve le lissage et la consolidation de la trajectoire budgétaire, ainsi que les amendements visant à sécuriser le budget du ministère.

En créant un livret de souveraineté, notre commission a également répondu à un appel des industriels de la défense et de leurs prestataires, lesquels rencontrent encore trop souvent des difficultés de financement.

En tant que rapporteur pour avis du programme 178 lors de l'examen du projet de loi de finances, je ne peux m'empêcher d'évoquer quelques points.

L'effort consenti en faveur des crédits de paiement dans le cadre de cette programmation est considérable. Trois chiffres marquent une progression très nette : 69 milliards d'euros bénéficieront à l'entraînement et à l'activité des forces, soit un effort supplémentaire par rapport à l'actuelle LPM de 20 milliards ; 49 milliards d'euros sont alloués à l'entretien programmé du matériel (EPM), soit 14 milliards de plus ; et 18 milliards d'euros seront consacrés aux services de soutien, soit une hausse de 4 milliards.

L'effort est là, il était indispensable tant le programme 178 constitue une dimension importante pour répondre à l'hypothèse d'un engagement majeur ou de haute intensité.

Mais les résultats en matière de préparation opérationnelle et de disponibilité technique opérationnelle représentent de fortes préoccupations pour notre commission. En 2023, les indicateurs en la matière sont particulièrement décevants.

La situation s'est dégradée sans que nous ayons de visibilité sur le décrochage qui s'est opéré pendant les quatre premières années de la LPM, faute d'application de l'article 7, qui prévoyait des objectifs annuels dans ces domaines.

Nous nous assurerons également que les indicateurs de l'armée de terre, qui n'atteignent aujourd'hui que 70 % de la norme d'entraînement, ne soient pas sous-estimés.

La consommation de ces crédits ne devra donc pas être repoussée à la deuxième moitié ou au dernier tiers de la LPM. Nous ne pouvons pas accepter, cette fois encore, de ne pas avoir de jalons tout au long de l'exécution de la loi. C'est un débat que nous aurons très certainement en séance.

Nous devons collectivement veiller au capital technique des armées. Nous ne pouvons pas, comme certains de nos alliés, nous retrouver avec une armée qui « présente bien », mais qui s'effrite lors d'un l'examen détaillé.

Le groupe Union Centriste défendra, avec conviction, plusieurs amendements sur le service de santé des armées afin que le ministère des armées s'engage à préserver ses savoir-faire, parfois uniques au monde, ou sur les grands fonds marins, qui constituent un nouvel espace de conflictualité.

Il y a un an, le Sénat a rendu un rapport d'information sur cette problématique des grands fonds marins. Il y indiquait que la marine ne disposait en propre d'aucun équipement capable d'atteindre 6 000 mètres de profondeur.

Il est nécessaire que l'objectif d'acquisition d'équipements spécifiques pour mieux connaître, surveiller et agir jusqu'à des profondeurs importantes soit poursuivi et atteint. Cela permettrait de couvrir près de 97 % des fonds marins du globe.

Pour la France, dont la superficie maritime représente dix-sept fois la superficie terrestre grâce à ses outre-mer, il s'agit de préserver son rôle historique de grande puissance maritime et scientifique au niveau mondial.

Nous avons également déposé de nombreux amendements sur l'importance de la filière stratégique des drones.

Enfin, nous soutiendrons l'amendement visant à consolider notre base industrielle et technologique de défense (BITD).

Mon collègue Philippe Folliot insistera, pour sa part, dans quelques instants, sur tous les enjeux liés à nos outre-mer auxquels le groupe Union Centriste est très attaché.

Pour conclure, j'aurai une pensée pour les soldats tombés pour notre drapeau ou qui ont été blessés sur les différents théâtres d'opérations extérieures, particulièrement pour les cinquante-huit soldats qui ont perdu la vie durant l'opération Barkhane.

Monsieur le ministre, durant l'examen de ce texte structurant pour nos forces, nous avons le devoir, ensemble, de déterminer le modèle d'armée que nous souhaitons pour faire face aux enjeux de souveraineté auxquels la France doit répondre, à l'heure où les compétiteurs et les États puissances ne cachent plus leurs ambitions. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion