Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du 28 juin 2023 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2024 à 2030 — Article 2

Photo de Sébastien LecornuSébastien Lecornu :

Tout d'abord, je ne veux pas laisser croire que nous ne serions pas un allié fiable !

Si la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat se focalise sur l'objectif des 2 % du PIB comme unique critère de fiabilité dans notre partenariat avec les autres pays, nous pourrions tout aussi bien atteindre ces 2 % et ne déployer aucun soldat en Roumanie, ne pas défendre notre statut de nation-cadre ou ne pas mener d'opérations maritimes risquées en Méditerranée.

Pardonnez-moi, mais même si nous jouissons d'une autonomie totale en matière de dissuasion nucléaire au sein de l'Otan, nos intérêts vitaux ont une dimension européenne.

Si je porte mon regard sur le nombre de soldats français tombés ces dernières années, je constate que, lorsque nos alliés ont besoin de nous, y compris pour lutter contre le terrorisme en Afrique, hors du périmètre de l'Otan, nous répondons présents.

Je souhaite non pas agiter les ambassades présentes à Paris, mais simplement souligner que l'armée française a démontré sa fiabilité par bien d'autres aspects, et depuis plusieurs décennies. C'est un fait positif, que l'on ne saurait résumer au seul critère du niveau de dépenses.

Si j'étais un peu cruel, je dirais que même lorsque les fameux dividendes de la paix ont entraîné une réduction des crédits militaires par certaines majorités, la France n'est pas devenue un allié non fiable pour autant.

Ensuite, vous parlez de signal politique, mais il nous faut nous accorder sur un point : à qui entendons-nous l'envoyer ?

Si nous voulons faire de la politique, inscrivons 2025, voire 2024, première année de la loi de programmation militaire. Voulez-vous introduire dans la loi ce que vous aimeriez voir se produire ou ce qui est susceptible de se réaliser ? Cette question est suivie de très près par nos alliés et par nos concurrents.

Le Gouvernement ne propose pas de reporter l'objectif à 2027 ; ce n'est pas l'objet de notre amendement. Je maintiens que l'objectif est réalisable en 2025, mais il n'y aura pas de nouvelle loi de programmation militaire d'ici là.

Pour des raisons de crédibilité et de responsabilité, je considère qu'il est préférable d'écrire dans la loi que nous ne pouvons pas prévoir avec certitude les projections macroéconomiques et que, par conséquent, l'atteinte de l'objectif de 2 % du PIB se situera entre 2025 et 2027.

Il s'agit non pas de remplacer 2025 par 2027, mais simplement de faire preuve d'honnêteté – j'emploie ce mot à dessein ! Là est le véritable signal politique que nous devons envoyer : en fonction de l'évolution du PIB, l'objectif sera atteint entre 2025 et 2027.

Nous avons déjà atteint les 2 % du PIB durant la crise de la covid-19, lorsque le PIB s'est considérablement contracté. Cela illustre bien le fait que ce critère a ses limites, ce qui apporte de l'eau au moulin de M. Laurent : le moment où nous avons atteint les 2 % du PIB correspond à une situation dans laquelle il y avait moins d'argent pour les crédits militaires qu'aujourd'hui. Cela montre bien les limites de l'exercice.

S'il ne s'agit que de faire de la politique, cela me dépasse. Nous sommes en train de discuter d'une loi de programmation militaire, de son volet normatif – nous n'avons pas encore abordé le rapport annexé. Il n'y aura pas de révision en la matière avant 2025 ou 2026. Par conséquent, si nous savons déjà, au moment du vote, que l'objectif sera atteint entre 2025 et 2027, je considère que l'honnêteté commande d'inscrire ces dates dans la loi.

Je suis disponible pour réfléchir avec le Sénat sur de nombreux sujets, mais je considère que nous ne pouvons pas nous payer de mots sur cette question : il est préférable de revenir à la rédaction du Gouvernement, non pas parce qu'elle vient de celui-ci, mais parce qu'elle correspond aux chiffres et à la réalité. Nombre de gens observent notre débat, et je pense qu'il est utile d'être sérieux et fiables.

Si nous envisageons une autre trajectoire, alors nous pourrions rouvrir le débat d'hier, voire suspendre ce projet de loi de programmation militaire, car cela affecterait non seulement la trajectoire, mais aussi tout le besoin militaire, qu'il faudrait documenter à nouveau.

Nous partirions alors des 2 %, sans tenir compte des autres aspects : peu importe que nous exercions notre souveraineté sur des territoires d'outre-mer ou que nous maintenions notre dissuasion nucléaire.

Je suis un défenseur du modèle français : nous atteindrons les 2 % du PIB. C'est un argument supplémentaire, mais cela ne saurait être le point de départ de l'élaboration de ce texte.

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