Avec ma collègue Gisèle Jourda, nous proposons de remettre à sa juste place, c'est-à-dire centrale, mais non unique, l'Alliance atlantique dans le rapport annexé. Il faut d'abord rappeler ce qu'est une alliance militaire, d'une part, et ce qu'elle ne doit pas nous empêcher de faire pour défendre nos intérêts nationaux, d'autre part.
Une alliance militaire défensive doit dissuader d'attaquer et nourrir l'esprit de défense collective pour rendre sa mise en œuvre indubitable en cas d'attaque. L'allié français, dont il ne devrait même pas être besoin de préciser qu'il est loyal, sait parfaitement ce qu'implique son appartenance à l'Alliance et n'hésitera pas à en assumer les conséquences.
Mais une alliance militaire n'est pas la caporalisation des États européens par l'allié américain, encore moins en dehors du champ bien circonscrit de la solidarité défensive. Car, année après année, nous éprouvons cette difficulté à opposer nos intérêts aux États-Unis d'Amérique, qui, hors l'Otan, ne sont pas un allié au sens militaire, mais un partenaire au sens générique et, à notre grand regret, pas toujours de confiance.
Écoutes téléphoniques des dirigeants français et allemands par la National Security Agency (NSA) sans que cela ait vraiment eu de suite ou fait scandale, interventionnisme agressif pour casser des fleurons industriels – je pense à Alstom et à la technique des otages économiques –, « coup de poignard » – l'expression est non pas de moi, mais de Jean-Yves Le Drian, que je cite assez rarement – dans l'affaire des sous-marins australiens qui se solde par une très malvenue visite d'État à Washington…
Ajoutons-y le choix d'un autre partenaire outre-Rhin dont nous sommes probablement le seul des deux à penser que nous formons un couple et qui se tourne pour ses importantes dépenses d'armement, comme cela a été précédemment évoqué, vers des matériels non européens.
Le rapport annexé doit rappeler plus fortement que la France est une puissance pluricontinentale et l'Europe avec elle distingue la position d'alliée de celle de partenaire et doit s'autoriser avec volontarisme à coopérer plus activement au sud du tropique du cancer et le faire, comme le définissait ce grand penseur de la défense qu'est Régis Debray, « tous azimuts », et pas seulement en suivant l'aiguille indiquant le nord ou en se vivant comme allié quand il faut aussi être un partenaire offensif.