Intervention de Didier Mandelli

Réunion du 21 juin 2023 à 15h00
Lutte contre le dumping social dans le transport maritime transmanche — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Didier MandelliDidier Mandelli :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est toujours difficile d’intervenir en fin de discussion générale, l’essentiel ayant été dit par les orateurs précédents.

Je vais toutefois tâcher de vous présenter ma position ainsi que celle de mon groupe, laquelle a d’ores et déjà été exprimée par Agnès Canayer.

En ma qualité de président du groupe d’études Mer et littoral et de rapporteur de la récente loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, qui a traité la question de l’éolien offshore et des sujets que nous abordons aujourd’hui, je suis heureux d’évoquer une proposition de loi qui porte sur un sujet central pour l’avenir du pavillon français et qui vise à répondre de manière urgence au problème du développement de pratiques de concurrence déloyale sur les liaisons internationales de passagers dans la Manche.

Voilà tout juste un an et demi, le Fontenoy du maritime, lancé par le Gouvernement, avait permis de mettre en avant les nombreuses potentialités de la marine marchande française, ainsi que les défis auxquels elle est confrontée aujourd’hui, à commencer par ceux de la compétitivité et de la transition écologique.

Des mesures ont été prises pour soutenir l’emploi maritime, par exemple dans la loi pour l’économie bleue, à l’instar du net wage, que nous avions mis en place pour que les opérateurs de transport maritime international et régulier de passagers puissent être exonérés de charges patronales jusqu’en 2024.

Néanmoins, ces mesures ne suffiront pas à compenser les perturbations induites par les pratiques de dumping social observées depuis deux ans sur la liaison transmanche.

Je rappelle à mon tour que, en 2021, Irish Ferries est entré sur le marché du transmanche avec des navires battant pavillon chypriote répondant à des règles de droit social moins protectrices que celles des pavillons français et britannique, mais aussi que, en mars 2022, la compagnie P&O Ferries a licencié 786 gens de mer britanniques, avec effet immédiat, avant de les remplacer par des employés rémunérés à des niveaux très inférieurs et employés dans des conditions de travail dégradées.

Ces pratiques permettent aux compagnies concernées d’optimiser considérablement leurs coûts salariaux et de pratiquer des baisses de tarifs sensibles, de l’ordre de 35 %.

Si ces pratiques sont légales au regard du principe de libre choix du pavillon, dont les armateurs bénéficient en vertu du droit international, elles n’en sont pas moins préjudiciables, à deux titres.

Premièrement, cette situation risque de dégrader la qualité de service pour les passagers et, de manière plus préoccupante encore, la sécurité maritime sur un détroit qui est l’un des plus fréquentés au monde.

Deuxièmement, ces pratiques, que l’on peut qualifier de déloyales, pèsent lourdement sur les compagnies de ferry françaises et britanniques ayant fait le choix d’appliquer des normes de droit social plus respectueuses des gens de mer, déjà fragilisées par la crise sanitaire et le Brexit. À terme, cette situation risque fort d’affaiblir ce segment pourtant essentiel de la marine marchande française et d’avoir les conséquences néfastes que l’on peut imaginer et qui ont déjà été largement décrites ici pour la compétitivité du pavillon français et pour l’emploi maritime.

Conscient de ces enjeux, le Royaume-Uni s’est également saisi du sujet, en adoptant en mars dernier une loi visant à instituer un salaire minimum sur les liaisons de transport de passagers dans la Manche. Nous pouvons nous en réjouir, car l’adoption de la proposition de loi qui nous est soumise ne saurait porter ses fruits sans une parfaite coordination avec notre voisin britannique.

En effet, en l’absence d’une telle coopération, nous aurions pu craindre un report de trafic vers d’autres ports voisins – en Belgique, par exemple –, au détriment des ports du nord de la France assurant des liaisons avec le Royaume-Uni.

Tel n’a pas été le cas, et je me réjouis que nos deux pays aient pu s’entendre sur des mesures pragmatiques répondant à un intérêt commun.

On l’aura compris, le risque est fort de voir d’autres armateurs contraints de revoir à la baisse leurs normes sociales pour être en mesure de se maintenir sur le marché du transmanche, déjà soumis à une intense pression concurrentielle. Il est de notre responsabilité collective, en tant que parlementaires, d’éviter le développement d’une guerre des prix sur cette liaison maritime. À cet égard, il me semble que le texte qui nous est soumis va dans la bonne direction.

Aussi, je veux remercier Catherine Procaccia, rapporteure de la commission des affaires sociales, ainsi que Nadège Havet, rapporteure pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, dont je suis membre, pour le soutien apporté à ce texte et pour l’important travail qu’elles ont conduit dans les négociations, jusqu’à ces dernières minutes.

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