Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme vient de l’indiquer Philippe Adnot, la mission « Recherche et enseignement supérieur » a été généreusement dotée en 2009, ce qui confirme l’engagement tenu par le Gouvernement.
J’ajouterai que ce qui est vrai pour les crédits budgétaires l’est aussi pour les dépenses fiscales. Ainsi, le crédit d’impôt recherche, le CIR, doit augmenter de 620 millions d’euros, d’après les prévisions. Il dépassera légèrement 2 milliards d’euros, sous l’effet de l’importante réforme de la loi de finances pour 2008.
Il ne s’agit bien sûr que de prévisions et j’espère qu’elles ne seront pas démenties dans le contexte actuelde crise économique. Pour ma part, j’estime que le transfert de la connaissance dans l’appareil économique reste l’arme la plus sûre pour gagner la bataille de la compétitivité et assurer le retour de la croissance.
Cette évolution illustre néanmoins une véritable ambition. Le crédit d’impôt recherche semble être une dépense fiscale structurante. Il résulte d’un vrai choix politique et très visible, notamment à l’étranger. Bien entendu, au vu du niveau de la dépense, l’efficacité du crédit d’impôt recherche doit être examinée avec soin, tant pour les PME que pour les grandes entreprises.
Aussi, même si porter un regard global sur les apports du crédit d’impôt recherche et ses éventuels effets pervers est difficile, je compte orienter en ce sens mes prochains travaux de contrôle budgétaire. Tel a également été le souci de l’Assemblée nationale quand elle a introduit dans ce projet de loi un article 46 bis. Selon les termes de cet article, un rapport d’évaluation du Gouvernement sur le crédit d’impôt pour dépenses de recherche doit être transmis au Parlement avant le 30 novembre 2009.
J’en reviens à présent aux crédits.
Concernant le « grand programme généraliste » de la recherche, c’est-à-dire le programme 172 «Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », l’augmentation de crédits s’élève à 3, 9 % en 2009. Les crédits de paiement atteignent ainsi un peu plus de 5 milliards d’euros. Le programme finance les principaux organismes publics de recherche : CNRS, INSERM, CEA, INRIA, etc.
Dans un tel contexte et face à une matière aussi complexe, la question de l’évaluation est évidemment une question-clé. Pour y répondre, l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’AERES, a été créée et installée le 21 mars 2007. Les commissions des finances et des affaires culturelles du Sénat ont auditionné conjointement son président, M. Jean-François Dhainaut, en juillet dernier. Elles ont pu apprécier son volontarisme et son dynamisme.
Mais, pour que M. Dhainaut puisse exercer pleinement ses missions, il convient de clarifier la situation résultant de la coexistence de l’AERES et de certaines structures d’évaluation propres aux organismes publics de recherche. À mes yeux, ces dernières ne doivent pas brouiller l’action de 1’AERES et je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez nous exposer votre vision sur ce sujet.
Toujours sur ce programme, l’évolution de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, est très intéressante. L’année dernière, j’avais souhaité dénoncer sa dispersion sur des missions éloignées de son « cœur de métier», le financement de la recherche sur projets, ainsi que son manque d’ambition sur les sujets innovants ou liés au développement durable. À cette époque, le Grenelle de l’environnement venait de se conclure.
Aussi je me félicite de constater que, cette année, les crédits de l’ANR diminuent, certes, mais uniquement en raison de la sortie de son périmètre, pour un montant de 79, 5 millions d’euros, de tâches périphériques susceptibles de l’éloigner de sa raison d’être, la recherche sur projets.
Par ailleurs, la programmation de l’agence a été réorientée afin de privilégier les programmes blancs, par définition innovants, et les programmes liés aux thématiques du Grenelle de l’environnement.
Cette même remarque s’applique au programme « Recherche dans le domaine de l’énergie », où l’on observe une très nette réorientation des crédits vers l’action n°2 « Nouvelles technologies de l’énergie », qui est portée par le CEA, l’IFP et l’ADEME, conformément aux souhaits que j’avais exprimés dans le cadre du précédent budget. Comme l’a déjà annoncé Philippe Adnot, ce projet de budget porte donc la trace du volet « recherche » du Grenelle de l’environnement qui doit se traduire par un effort financier de l’État de un milliard d’euros en quatre ans.
Madame la ministre, vous revenez de La Haye où s’est tenue cette semaine la conférence ministérielle de l’Agence spatiale européenne, l’ESA.
Je souhaite que vous nous rendiez compte des conclusions de cette conférence, qui devait adopter la programmation de l’ESA jusqu’en 2012.
Plus précisément, pourriez-vous nous indiquer le niveau de la programmation et ses principaux programmes lancés par la conférence de La Haye ? Pourriez-vous également expliciter l’évolution de la quote-part financière de la France au sein de l’ESA et sa compatibilité avec la position de tête de l’industrie spatiale française en Europe ?
Enfin, dans ce contexte, pourriez-vous préciser l’évolution prévisible de la dette du Centre national d’études spatiales, le CNES, à l’égard de l’ESA ? Cette question, vous le savez, fera l’objet d’une audition spécifique de notre commission en début d’année 2009, sur la base d’une enquête que nous avons commandée à la Cour des comptes.
L’ancien programme « Recherche industrielle » est devenu le programme « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle ». Son périmètre s’est élargi en intégrant les établissements d’enseignement supérieur dépendant du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Il s’agit, entre autres, du groupe des écoles nationales d’économie et de statistiques, des écoles des Mines et des Télécoms ou SUPELEC. Ce nouveau format lui donne davantage de poids et de cohérence. Dans le projet de loi de finances pour 2009, il regroupe ainsi plus d’un milliard d’euros d’autorisations d’engagement et 874, 6 millions d’euros de crédits de paiement.
Cependant, à périmètre constant, ses crédits régressent.
Je suis bien conscient que l’encouragement à la recherche privée n’a pas été maltraité par ce projet de loi de finances. J’ai déjà parlé du crédit impôt recherche, CIR. Je sais également que l’article 66, rattaché à la mission, prévoit de proroger de trois nouvelles années, soit jusqu’au 31 décembre 2011, la période pendant laquelle les projets de pôles de compétitivité peuvent être présentés.
Mais je tiens à souligner que le raisonnement selon lequel «plus de crédits impôt recherche » doit entraîner « moins de crédits budgétaires » est un peu réducteur. D’une part, le crédit impôt recherche est une dépense fiscale dont le niveau est, par définition, incertain. D’autre part, les entreprises bénéficiant du crédit impôt recherche ne sont pas forcément celles qui sont soutenues par les opérateurs du programme, en particulier OSEO. Enfin, le crédit impôt recherche et les subventions n’appuient pas forcément le même type d’opérations.
Je serai donc particulièrement attentif aux conséquences de la baisse des interventions d’OSEO, et veillerai à ce qu’aucune PME ne soit lésée par cette opération. Dans l’immédiat, j’écouterai avec intérêt les précisions que pourra apporter le Gouvernement sur cette question.
Sur le programme « Recherche dans le domaine des transports, de l’équipement et de l’habitat », je limiterai mes remarques à la baisse notable, de plus de 22 %, des crédits destinés aux avances remboursables dans le domaine de l’aviation.
Ce mouvement, qui s’explique avant tout par l’évolution des programmes en cours, a été accentué par un amendement adopté par l’Assemblée nationale tendant à gager sur ces crédits une augmentation de 2 millions d’euros de la dotation à l’Institut Pasteur de Paris. J’approuve d’ailleurs complètement cette mesure.
Sans revenir sur ce transfert de crédits, il importe de veiller à ce qu’il n’affecte pas les sous-traitants de la filière aéronautique française qui ont déjà été durement touchés par les restructurations dues au plan Power 8 d’EADS et à l’égard desquels des engagements financiers ont été pris par l’État. Là encore, je serai heureux d’avoir la vision du Gouvernement sur cette question, qui est cruciale pour la pérennité d’un secteur clef de notre industrie.
Enfin, il convient d’évoquer le programme « Recherche duale » qui doit financer les technologies duales, c’est-à-dire susceptibles d’avoir des applications civiles et militaires. Ce programme nous semble « manquer de souffle » et d’ambition, mais nous approfondirons cette question plus tard, la commission des finances ayant choisi de déposer un amendement sur ce thème afin de provoquer le débat.
Sous réserve de l’ensemble de ces remarques, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » modifiés par l’amendement que je vous proposerai.