Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 28 novembre 2008 à 9h45
Loi de finances pour 2009 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la présentation générale des crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », je me bornerai au champ traditionnel de la compétence de la commission des affaires économiques, autrement dit la politique de la recherche.

Le Gouvernement a annoncé une augmentation du budget de la recherche de 863 millions d’euros en 2009. Nous pourrions applaudir si cette présentation n’était pas faussée par les éléments suivants.

Tout d’abord, près de 20 % de cette somme – 165 millions d’euros – sont destinés au financement des retraites des personnels des organismes de recherche et ne devraient donc pas permettre un soutien effectif aux programmes de recherche proprement dits.

L’augmentation annoncée des moyens des organismes de recherche – 3, 8 % – est ainsi consacrée à hauteur des deux tiers, avez-vous dit, madame la ministre, à leurs frais de personnel. Donc, au mieux, les programmes verront leurs crédits stagner en euros constants.

Par ailleurs, la réforme du crédit d’impôt recherche dans le projet de loi de finances pour 2008 devrait conduire en 2009 à une dépense fiscale supplémentaire affichée de 620 millions d’euros, dépense, à mon avis, surévaluée dans le contexte économique actuel. Les grandes entreprises qui sont en train de faire des plans sociaux ne vont pas contribuer à alimenter cette dépense fiscale. De plus, comme l’a montré un rapport récent du Conseil d’analyse économique, cette réforme profite essentiellement aux grandes entreprises pour lesquelles le crédit d’impôt recherche constituait plus un effet d’aubaine réel qu’une incitation à la recherche et au développement.

Madame la ministre, il faudrait réfléchir à un ciblage plus précis du crédit d’impôt recherche sur les PME innovantes après avoir évalué les effets de la réforme en 2007. Cela rejoint les préoccupations de notre collègue Christian Gaudin.

Enfin, je note que les 863 millions d’euros annoncés ne sont plus d’actualité. L’Assemblée nationale a adopté en seconde délibération, le 18 novembre dernier, un amendement présenté par le Gouvernement visant à réduire les crédits de la recherche de près de 31, 5 millions d’euros, afin de financer les mesures pour l’emploi. Même si ce montant reste faible par rapport au montant global du budget de la recherche, je regrette que ce secteur, considéré par tous comme prioritaire, subisse cet ajustement.

Je tiens également à évoquer les 900 suppressions de postes ainsi que la diminution des bourses doctorales et tout spécialement des bourses post-doctorales. Ces chercheurs sont, en fait, les vrais tâcherons de la science et c’est là que le savoir s’élabore, à la paillasse. Et que dire de la ponction, quelque peu sauvage de votre collègue Jean-Louis Borloo, de 200 millions d’euros sur les crédits de l’ANR et comptés dans le milliard d’euros supplémentaires prétendument affecté au financement du Grenelle de l’environnement ?

Madame la ministre, je souhaite vous poser deux questions.

La première porte sur la pérennité de l’expertise de l’INRA en matière de génomique végétale.

D’après Mme Marion Guillou, la situation de la recherche en matière de plantes génétiquement modifiées est très difficile. Le nombre d’étudiants en biologie végétale diminue, il n’y a d’ailleurs pratiquement plus aucune équipe de recherche travaillant réellement sur les plantes génétiquement modifiées. Cette situation nous inquiète d’autant plus que, dans le cadre du débat sur la loi relative aux organismes génétiquement modifiés, nous avions souligné, avec nos collègues Jean Bizet et Jean-Marc Pastor, la nécessité et l’importance de l’expertise indépendante de l’INRA.

Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre afin que la France ne prenne pas un retard trop important sur cette expertise indépendante, lorsqu’on voit les contestations qui ont lieu à Bruxelles ?

Ma seconde question porte sur les sciences du vivant.

Dans le cadre de la réforme du CNRS, qui ne fait pas l’unanimité, – c’est un euphémisme, ce sujet a été évoqué par notre collègue Serge Lagauche en début de séance –, devait être créé un institut des sciences de la vie et de la santé.

L’évaluation de l’INSERM, menée par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, recommande la création d’un tel institut, ce qui ne va pas sans créer des remous, nous le comprenons bien, entre le CNRS et l’INSERM. Dans le même temps, un projet de consortium de coopération scientifique en matière de sciences du vivant est à l’étude, en particulier avec l’INRA.

Madame la ministre, je suis bien conscient de l’intérêt de la création d’un institut du vivant comparable à ce qui existe dans les milieux anglo-saxons dans un objectif de coordination et d’optimisation, car j’ai découvert en élaborant des rapports pour l’office parlementaire qu’il y avait un certain nombre de redondances et il y a sans doute des synergies à trouver dans ce domaine.

Mais quelles seront alors les relations entre cet institut du vivant et le consortium bâti autour de l’INRA ?

Telles sont mes remarques et mes interrogations.

Pour le reste, madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous pouvez deviner que j’ai un avis plus que « réservé » sur les crédits de la recherche pour 2009, non pas sur le montant affiché, mais sur l’affectation de ces lignes budgétaires.

Certes, les plans de carrière et l’amélioration des rémunérations peuvent contribuer à limiter le « brain drain », autrement dit la fuite des cerveaux, et je ne peux que souligner cet effort vis-à-vis de nos chercheurs, mais cela ne doit pas se faire au détriment des programmes de recherche.

Je propose donc à la commission des affaires économiques d’émettre un avis défavorable sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

J’avais considéré qu’un tel avis aurait d’ailleurs pu vous servir pour obtenir des crédits supplémentaires dans le cadre du plan de relance, madame la ministre, alors qu’un consensus existe pour faire de la recherche et du développement une priorité, et ce dans le cadre de la stratégie de Lisbonne et compte tenu de la situation économique.

Vous ne serez pas étonnée que la commission des affaires économiques ne m’ait cependant pas suivi et ait émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

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