Intervention de Jean-Marc Boyer

Réunion du 30 mai 2023 à 14h30
La france rurale face à la disparition des services au public — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Photo de Jean-Marc BoyerJean-Marc Boyer :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voilà bientôt six ans, j’ai rédigé une proposition de loi pour demander que la ruralité soit promue grande cause nationale. Je n’ai malheureusement pas été entendu. C’est un mauvais signe pour notre France rurale, qui résiste à la disparition progressive de ses services au public.

La diagonale du vide ne doit pas être une fatalité. Malheureusement, elle tend à s’étendre. La France continue de se fracturer. Et cette fracture territoriale suscite la colère des ruraux qui vivent dans des déserts médicaux et subissent la fracture numérique, le « zéro artificialisation nette » (ZAN), la défiguration par les éoliennes, la réduction de la présence postale, le transfert imposé de l’eau et de l’assainissement aux intercommunalités ou encore l’accessibilité insuffisante de nos territoires par le train et l’avion…

Voici quelques chiffres qui parlent de la France rurale : d’abord, 80 % des communes rurales connaissent une croissance démographique ; ensuite, 22 millions de Français, soit un habitant sur trois, vivent dans les communes rurales ; enfin, quelque 2 millions de néoruraux se sont installés dans des communes de moins de 2 000 habitants ces vingt dernières années. Ainsi, les zones rurales accueillent plus de 100 000 habitants par an.

Avec cette attractivité renouvelée, notre France rurale doit être soutenue contre la disparition de ses services. Les services au public dans nos zones rurales se vivent dans une globalité, avec l’agriculture, le tourisme, le commerce, le développement économique.

Nous, les ruraux, nous ne souhaitons plus vivre dans une France à deux vitesses, où coexistent trains à petite vitesse et trains à grande vitesse, territoires premiers de cordée et territoires méprisés !

À ce titre, je ne peux pas m’empêcher de citer le Grand Centre Auvergne Massif central, qui comprend 17 millions d’habitants et qui s’assoit encore sur sa mobilité ferroviaire et son désenclavement, alors qu’en 2018 Mme Élisabeth Borne, alors ministre des transports, avait affirmé au Sénat, à propos des infrastructures de mobilité : « Je tiens à vous assurer que les enjeux d’aménagement du territoire seront bien pris en compte. »

Au premier abord, on semblait entrevoir que la réduction des inégalités territoriales était fixée comme priorité. Mais quelle déception de découvrir ensuite que nombre de projets inscrits dans le Grenelle de l’environnement avaient été balayés d’un revers de la main ! Or désenclaver nos zones rurales est vital pour notre développement et pour la continuité des services au public.

Voici les difficiles vérités des territoires enclavés, aggravées par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), qui a fait plus d’un dégât : sentiment d’abandon, fractures économiques et sociales, creusement des inégalités et raréfaction des services au public. Il est grand temps d’agir. Nos territoires ont besoin d’un véritable plan Marshall, avec des perspectives à long terme.

Veillons à pérenniser les lignes aériennes de service public et à faire en sorte que leur desserte reste régulière face à l’impératif de rentabilité ou d’écologisme, qui néglige l’humain. Dans certaines zones rurales, pas d’avion, pas d’accessibilité ! C’est une condamnation à rester isolé.

Le service virtuel est aussi essentiel. Je veux parler de la couverture numérique. Le marché de l’emploi évolue vers des métiers de plus en plus connectés grâce aux nouvelles technologies. Il est essentiel que le monde rural puisse saisir cette occasion. La télémédecine se développe ; il est vital que nos ruraux puissent en bénéficier.

Le développement du numérique doit aussi accompagner le déploiement de la 5G. En effet, nous pouvons craindre, dans les zones rurales, que la 5G n’accroisse encore la fracture numérique si le choix de l’installer sur tout le territoire n’est pas fait.

Garder nos territoires accessibles et les laisser ouverts sur les autres est une condition essentielle de leur développement, ou plutôt, à l’heure actuelle, de leur survie et de la non-disparition des services au public.

Le service public de l’éducation est aussi en tension, avec la fermeture de classes et d’écoles rurales, et la suppression récente de 2 000 postes.

Les maires des territoires demandent de la concertation à ce sujet. Qui mieux que nos maires connaît les territoires ? Ils demandent que les contraintes territoriales soient prises en considération, par la définition d’un indice d’éloignement, tout comme la spécificité des classes multi-âges.

L’école rurale est une chance pour nos enfants, car elle conjugue proximité et qualité de l’enseignement. Nos petites communes rurales devraient ainsi, elles aussi, être considérées comme des zones sensibles prioritaires et bénéficier du dédoublement des classes.

Lutter contre la disparition des services au public nécessite enfin de laisser notre ruralité vivante et de lui permettre de se développer. L’acceptabilité du ZAN à l’échelle locale passe donc par la prise en considération des spécificités des territoires ruraux et de celles de la montagne dans la territorialisation des objectifs.

Nous devons être assurés qu’aucune commune – je pense en particulier aux communes rurales ayant consommé peu de foncier par le passé – ne sera sacrifiée sur l’autel du ZAN.

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