Intervention de Luc Chatel

Réunion du 28 novembre 2008 à 9h45
Loi de finances pour 2009 — Recherche et enseignement supérieur

Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement :

Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que nous vous présentons aujourd’hui envoie un message politique fort, comme l’a déjà largement souligné Valérie Pécresse. C’est précisément dans ces temps de difficultés économiques que nous devons miser sur les investissements d’avenir.

Le budget que nous vous présentons concilie la nécessité d’efforts budgétaires massifs pour développer les activités qui auront l’effet de levier le plus fort sur l’activité et l’emploi, tout en ayant le souci de rationaliser au mieux nos dépenses.

En termes d’investissement en recherche et développement, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la France est encore en retard, à la fois sur les objectifs européens fixés à Lisbonne en 2000, mais aussi par rapport à ses concurrents les plus en pointe, comme les États-Unis ou le Japon, qui consacrent respectivement 2, 8 % et 3, 4 % de leur produit intérieur brut à la recherche et développement.

Il n’y a pas de secret : si nous voulons développer la recherche et développement, il faut d’abord encourager les secteurs qui en sont les plus gros « consommateurs » et qui sont aussi des investisseurs importants représentant le plus gros potentiel d’avenir.

L’industrie réalise 85 % de la recherche et développement privés en France. Ce secteur doit donc être la cible naturelle et prioritaire de nos efforts. À cet égard, je tiens à être précis, et à vous rassurer, messieurs les rapporteurs, sur un certain nombre de points.

Monsieur Gaudin, vous avez exprimé le souci que le crédit d’impôt recherche ne pénalise pas l’investissement dans l’innovation et dans les petites et moyennes entreprises. En effet, l’augmentation du crédit impôt recherche ne s’est pas faite au détriment des aides budgétaires aux PME. En 2005, OSEO, qui s’appelait alors l’ANVAR, ne bénéficiait que d’une dotation de 80 millions d’euros. En 2007, cette dotation s’élevait à 170 millions d’euros et elle sera, en 2009, de 310 millions d’euros.

J’y insiste, évitons les fausses interprétations : la dotation d’OSEO en 2009 est, certes, inférieure à l’addition des moyens antérieurs d’OSEO et de l’ex-Agence de l’innovation industrielle, l’AII, mais celle-ci ne finançait que marginalement les PME.

Qu’avons-nous fait, en réalité ? Nous avons supprimé les programmes de l’ex-AII orientés vers les grandes entreprises, qui n’étaient pas compatibles avec les règles communautaires d’encadrement des aides d’État. Nous leur avons substitué le programme « Innovation stratégique industrielle », géré par OSEO et destiné exclusivement aux PME innovantes de croissance. Depuis 2008, les moyens budgétaires au profit des PME ont été fortement réorientés, outre l’augmentation du crédit d’impôt recherche.

Ce budget pour 2009 cible de manière stratégique les meilleurs leviers pour soutenir notre recherche industrielle. En triplant le taux du crédit d’impôt recherche et en y consacrant désormais 3 milliards d’euros par an, le Gouvernement en a fait le dispositif fiscal le plus incitatif en Europe pour la recherche-développement privée : le crédit d’impôt recherche progressera de 620 millions d’euros en 2009.

Dès maintenant, je tiens à tordre le cou à certaines idées fausses : les PME bénéficient comme les grandes entreprises de la croissance du crédit d’impôt recherche. Nous avons d’ailleurs vu une progression homothétique par catégorie d’entreprises.

Nos estimations montrent que la progression sera en moyenne de plus de 80 % pour les entreprises employant jusqu’à 2 000 salariés, ce qui est en parfaite cohérence avec notre volonté de favoriser l’émergence d’entreprises de taille intermédiaire.

Ces entreprises bénéficient par ailleurs de bonus supplémentaires ou encore du remboursement immédiat pendant cinq ans du crédit d’impôt si elles sont sous le statut de jeunes entreprises innovantes ou s’il s’agit d’entreprises de croissance, les fameuses gazelles.

Pour les entreprises qui n’ont jamais bénéficié du crédit d’impôt recherche – majoritairement des PME –, la réduction d’impôt s’élève à 50 % la première année et à 40 % la deuxième.

Pour les entreprises de moins de 250 salariés, le crédit d’impôt recherche moyen par entreprise a plus que doublé grâce à la réforme, passant de 100 000 euros à 250 000 euros entre 2005 et 2008. Vous le voyez, cette réforme bénéficie pleinement aux PME-PMI.

Cette réforme exerce ses effets principalement sur les entreprises de taille intermédiaire, de 250 à 2 000 salariés : elles constituent notre cible privilégiée en matière de politique de l’innovation. Ainsi, une entreprise de taille intermédiaire a vu, en moyenne, son crédit d’impôt recherche être multiplié par plus de quatre entre 2005 et 2008.

Ainsi que vous l’avez souhaité, messieurs les rapporteurs, une évaluation du crédit d’impôt recherche sera réalisée et transmise au Parlement avant le 30 novembre 2009, comme le prévoit l’article 46 bis de ce projet de loi de finances, tel qu’il a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

L’étude à laquelle vous avez fait référence, monsieur Demuynck, montre que les dépenses de recherche et développement des entreprises françaises à l’étranger s’élevaient en 2007 à 19, 7 milliards d’euros, à comparer à un montant de dépenses de recherche et développement réalisées en France de 19, 8 milliards d’euros. Cette position est plutôt bonne, comparée à celle des États-Unis ou de l’Allemagne, qui enregistrent un déficit dans ce domaine.

Le principal élément que je retiens de cette étude est la mobilité internationale des investissements en recherche et développement. Dans ce contexte, le crédit d’impôt recherche est clairement une de nos cartes maîtresses. C’est d’ailleurs un des arguments phare développés par l’Agence française pour les investissements internationaux dans les prospections qu’elle réalise. Depuis quelques mois, nous savons que des entreprises ont choisi d’investir en recherche et développement en France plutôt que dans d’autres pays, en raison de l’effet incitatif remarquable du crédit d’impôt recherche.

Avec une enveloppe de 183 millions d’euros consacrée aux projets de recherche stratégiques, ce budget traduit aussi la volonté du Gouvernement de cibler plus particulièrement certains secteurs.

Comment définir un secteur stratégique ? C’est un secteur où nous bénéficions d’une avance technologique décisive, comme le nucléaire ou l’aéronautique. C’est aussi un secteur qui contribue à irriguer l’ensemble du tissu économique en innovation et en productivité ; je pense aux technologies de l’information et de la communication ou aux nanotechnologies.

Nous consacrerons ainsi près de 115 millions d’euros en 2009 au développement des nanotechnologies sur le site de Crolles. C’est l’exemple même d’une politique publique efficace et partenariale : en dix ans, ce site est devenu le principal centre de recherche-développement industrielle en Europe dans les technologies des semi-conducteurs et a permis la création de près de 27 000 emplois.

Enfin, un secteur stratégique ouvre des perspectives de marché immenses, à l’image des éco-industries ou des télécommunications, qui peuvent constituer demain le relais de croissance décisif pour notre industrie. Nous avons adopté hier, au niveau européen, le fameux « paquet télécoms ». Il permettra, grâce à une harmonisation de la législation en Europe, de favoriser l’investissement de recherche et développement dans ces technologies qui représentent un quart de la croissance en Europe et 40 % des gains de productivité de nos entreprises.

Monsieur Etienne, le secteur automobile qui vous est cher me fournit un autre exemple de secteur stratégique : vous m’avez souvent interrogé sur la situation de la sous-traitance dans votre région rémoise. L’automobile représente 1 % du produit intérieur brut français, mais 15 % de la recherche et développement dans notre pays, ce qui fait du secteur une cible naturelle de notre politique d’innovation.

Vous savez que l’industrie automobile bénéficiera d’un plan de 400 millions d’euros, annoncé par le Président de la République au Mondial de l’automobile en faveur de la recherche sur les véhicules « décarbonés ». Cette industrie est également au cœur du partenariat des pôles de compétitivité comme Mov’eo, Automobile haut de gamme, Véhicule du Futur ou System@tic, qui travaillent tous sur la problématique des véhicules du futur.

Enfin, le secteur de l’automobile est aujourd’hui le premier bénéficiaire de la réforme du crédit d’impôt recherche, avec 485 millions d’euros perçus en 2008, contre seulement 215 millions d’euros en 2007.

Ce budget stimule également un autre levier essentiel pour l’innovation industrielle : les pôles de compétitivité que j’évoquais à l’instant.

Vous le savez, dans un esprit de transparence et d’amélioration de l’existant, les 71 pôles de compétitivité français ont été évalués cette année de manière indépendante. Quelle suite réserverons-nous à cette évaluation ?

Nous nous concentrerons sur les pôles qui existent déjà. Les pôles que l’audit a classés dans les catégories 2 et 3, c’est-à-dire ceux qui n’ont que partiellement atteint leurs objectifs, devront être reconfigurés ; nous leur donnons douze à dix-huit mois pour démontrer qu’ils peuvent franchir un cap.

Quant aux autres, qui peuvent être considérés comme « les bon élèves », il leur faudra encore s’améliorer pour hausser leur niveau d’excellence. Ils devront présenter des contrats de performance, établissant leur stratégie, leur plan d’action et les financements associés. Ces contrats ont vocation à être signés avec l’État et l’ensemble des acteurs des pôles avant l’été prochain.

La principale conséquence de cette évaluation consiste en l’engagement pris par le Président de la République de prolonger le financement des pôles de compétitivité pour les trois prochaines années. Ils seront dotés globalement de 1, 5 milliard d’euros sur cette période, dont 600 millions d’euros sur le fonds unique interministériel et l’équivalent sur l’Agence nationale de la recherche.

Les 200 millions d’euros inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009 auront une double vocation : d’abord, permettre l’engagement de nouveaux projets de recherche collaboratifs et, ensuite, financer des services mutualisés pour les acteurs des pôles, à hauteur maximale de 35 millions d’euros. À ces sommes s’ajouteront les contributions des collectivités territoriales, qui jouent également un rôle essentiel dans le soutien de la dynamique des pôles de compétitivité. Par ailleurs, le Gouvernement veillera à l’application des principales recommandations adressées aux pôles, notamment la nécessaire montée en régime des projets européens en leur sein et une meilleure intégration des PME innovantes, qui sont pour nous une priorité.

Le soutien aux entreprises innovantes est en effet un enjeu majeur pour développer la recherche industrielle. Nous maintenons ainsi les exonérations de charges patronales pour les entreprises qui bénéficient du statut de « jeunes entreprises innovantes », et nous faisons monter en puissance le crédit d’impôt recherche.

Nous confirmons également le rôle et l’importance d’OSEO qui, aujourd’hui, s’impose plus que jamais comme un interlocuteur incontournable des PME et comme un opérateur efficace pour promouvoir l’innovation : 310 millions d’euros seront ainsi consacrés aux interventions en faveur de l’innovation des PME, dont 140 millions d’euros par dotation budgétaire. Ainsi, dès 2008, OSEO a concentré ses actions sur deux types de projets : d’une part, son activité traditionnelle de soutien aux projets innovants des PME de 50 à 2 000 salariés et, d’autre part, le soutien à des projets collaboratifs de taille plus importante, allant de 3 millions d’euros à 10 millions d’euros, pilotés, eux, par des entreprises de taille intermédiaire.

Enfin, nous assumons une inflexion importante de notre politique en matière d’aide aux entreprises. Les aides que nous accorderons seront davantage ciblées sur la catégorie des PME intermédiaires, susceptibles d’innover et de prendre des parts de marché à l’international. C’est la traduction d’une décision prise à l’issue de la revue générale des politiques publiques.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la crise financière qui secoue le monde et la crise économique qui se profile vont rebattre les cartes au niveau mondial. Nous assistons clairement à un « retour à l’économie réelle ». Dans ce contexte, je suis convaincu que les gagnants de demain seront les pays qui s’appuieront sur un socle industriel solide et sauront, dès aujourd’hui, affûter leurs armes pour innover et se positionner au plus vite sur les marchés d’avenir.

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