Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite que le Sénat organise ce débat sur la gestion des déchets en outre-mer. Il fait suite au rapport de nos collègues Gisèle Jourda et Viviane Malet, que je tiens sincèrement à saluer pour leur engagement dans ce dossier, que j’ai pu mesurer lors de leur déplacement à Saint-Pierre-et-Miquelon.
La gestion des déchets, tout comme celle de l’eau et de l’assainissement, est un marqueur fort pour nos concitoyens de la réussite ou de l’échec de nos politiques publiques. Ce dossier nous oblige tous, collectivement.
Il serait évidemment aisé, voire caricatural, de s’en tenir au constat rappelé par les précédents orateurs. Comme cela a été dit, selon les territoires, la situation connaît des stades d’avancement différents.
C’est de Saint-Pierre-et-Miquelon que je vous parlerai ce soir, car l’enjeu de notre débat est aussi, avant tout, d’ouvrir des perspectives de progrès.
Les deux communes gèrent la collecte et le traitement des déchets ménagers, mais également de tous les autres déchets compte tenu de la faible implantation des éco-organismes sur mon territoire et de l’absence d’opérateurs privés susceptibles de traiter les déchets des entreprises de tous les secteurs, y compris ceux des bâtiments et travaux publics (BTP).
Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle n’est pas durablement tenable, d’autant qu’une grande partie des déchets non valorisés est brûlée à ciel ouvert, comme l’a souligné Gisèle Jourda.
Nos rapporteures ont mesuré le désarroi des maires des communes de Saint-Pierre et de Miquelon-Langlade. C’est comme si les sites des décharges étaient arrivés au bout de leur capacité à tout absorber.
En revanche, la collecte des déchets ménagers est parfaitement assumée. Elle obtient même des résultats remarquables en matière de prévention et de tri. Ainsi, l’archipel a franchi le pas dès 2018 pour ce qui est du tri des biodéchets des particuliers, alors que l’obligation nationale entrera en vigueur en 2024. Il est important de le saluer.
Il existe des substituts à la situation actuelle, mais leur mise en place suppose l’engagement de tous les acteurs.
Je salue l’approche pragmatique du ministre Jean-François Carenco, qui a pu mesurer l’ampleur des défis lors de sa visite, début mai. Je souhaite mettre en évidence quelques pistes qui méritent, me semble-t-il, d’être creusées.
En premier lieu, il existe un plan national de résorption des décharges littorales présentant des risques de relargage de déchets en mer. Si certaines communes ultramarines ont été retenues dans ce cadre, ce dont je me félicite, j’avoue ne pas comprendre pourquoi les décharges de Saint-Pierre-et-Miquelon n’ont pas été intégrées à ce dispositif.
En effet, c’est justement parce que la décharge de Saint-Pierre déborde sur le domaine public maritime avec des rejets en mer par forte tempête, comme l’a rappelé Gisèle Jourda, que le maire de cette commune se retrouve sous le coup d’une enquête judiciaire après un signalement de l’Office français de la biodiversité (OFB).
Au-delà des obstacles juridiques éventuels à lever dans ce dossier, je demande à l’État de faire établir un diagnostic des décharges littorales de l’archipel par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) pour qu’un accompagnement des mairies puisse être mis en place au titre du plan national.
En deuxième lieu, nos décharges ayant dû, par la force des choses, tout accepter, elles se retrouvent saturées de véhicules hors d’usage, d’accumulateurs ou encore de pneus. Je me fais ici le relais des mairies et de la volonté affichée par le ministre délégué : nous souhaitons qu’une opération d’enlèvement de ce stock historique puisse être coordonnée avec le soutien de l’État. Il est urgent d’accompagner nos élus dans cette opération.
En troisième lieu, comme cela a été dit précédemment, l’intervention des éco-organismes doit être plus active. Depuis leur création, force est de constater que les filières REP ont beaucoup délaissé les outre-mer, où la loi s’applique aussi !
Loin de stigmatiser qui que ce soit, le Gouvernement a réuni les éco-organismes pour les mettre face à leurs responsabilités et leur a demandé une feuille de route territorialisée. Madame la ministre, vous aurez peut-être des éléments à nous communiquer.
À Saint-Pierre-et-Miquelon, un consensus existe sur la nécessité de mettre en place progressivement une plateforme inter-REP, avec un représentant local dédié à ces opérations.
Le déplacement des éco-organismes sur place en septembre prochain et la structuration de nouvelles filières REP permettront d’accélérer les réponses.
Il faudra sans doute mettre en place un cahier des charges propre à Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que des mécanismes de pénalités en cas de non-atteinte de leurs objectifs par les éco-organismes.
Il est nécessaire que l’État accompagne la mairie de Saint-Pierre, sous une forme encore à déterminer, pour qu’elle se dote d’un incinérateur de petite capacité, afin que cesse le brûlage à ciel ouvert tout en mutualisant le flux des deux îles, la mairie ne pouvant porter seule cette ambition.
Je tiens à rappeler que, en 2014, emmenée par Karine Claireaux, la commune de Saint-Pierre a obtenu le label « Zéro déchet, Zéro gaspillage ». Entre 2015 et 2020, la quantité de déchets ménagers non valorisables mis en décharge a été divisée par cinq. Saint-Pierre-et-Miquelon est sans doute l’un des territoires ultramarins où les efforts de prévention, de communication et de réduction des déchets ont été les plus importants au cœur de la stratégie de gestion des déchets.
Le maire actuel, Yannick Cambray, poursuit ce travail avec ses équipes et s’investit pour tendre vers une gestion conforme de nos déchets ménagers en lien avec la municipalité de Miquelon-Langlade, qui dispose de capacités réduites.
Les autres acteurs, je le dis solennellement, devront également prendre leurs responsabilités à l’égard de leurs propres déchets. Cela nécessitera sans doute un accompagnement.
Madame la ministre, comme les élus de l’archipel, j’en appelle à l’accompagnement et au suivi étroit par l’État de la mise en œuvre d’une gestion des déchets vertueuse, assumée par tous les acteurs responsables au regard de la loi.