Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nombreux sont les programmes du projet de loi de finances pour 2009 qui souhaiteraient voir leurs crédits de paiement augmenter de 14, 45 % !
Alors que les restrictions budgétaires sont la norme, il faut reconnaître le sort enviable du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives ».
Certes, il s’agit là d’une donnée brute puisque, à périmètre constant par rapport à 2008, donc exception faite du rattachement effectif au programme à compter du 1er janvier 2009 de la Cour nationale du droit d’asile et de l’augmentation des crédits pour la création du tribunal administratif en Seine-Saint-Denis, le budget atteint 278, 7 millions d'euros, soit une progression de 4, 5 %, nettement supérieure à la hausse du budget général de l’État.
Cependant, il faut parler ici non pas d’un arbitrage favorable mais plutôt d’un arbitrage budgétaire réaliste, tant il répond, bien que de manière imparfaite – je m’en expliquerai –, à la montée en puissance de la justice administrative et donc aux nécessaires besoins en moyens humains et matériels permettant d’y faire face.
Concernant le programme d’investissement et faisant suite aux demandes des professionnels et des élus, notamment de la commission des finances et de la commission des lois du Sénat, de nombreuses avancées positives sont à noter.
Pour ne citer que quelques avancées parmi les plus importantes, je parlerai notamment de l’ouverture du tribunal administratif de Toulon, qui s’est installé dans ses locaux provisoires en septembre 2008 et qui vient juste de commencer à enregistrer et à tenir des audiences, avec trois chambres, treize magistrats, dix-sept agents des greffes et trois assistants de justice.
Ensuite, permettez-moi, en tant que sénateur gardois, de me féliciter de la montée en puissance du nouveau tribunal administratif de Nîmes, créé l’année dernière, et qui, au cours de l’année 2007, a jugé 4 082 affaires, ce qui, comme cela était attendu et souhaité, a eu un effet positif sur les indicateurs de performance des tribunaux administratifs de Marseille et de Montpellier.
Je suis aussi heureux de noter que nos demandes réitérées ont été entendues : 800 000 euros sont inscrits au budget de cette année, ce qui va permettre de réaliser le ravalement des façades du tribunal administratif de Nîmes.
Enfin, pour terminer sur les satisfecit en matière d’investissement, je voudrais saluer aussi la création d’un nouveau tribunal administratif en Seine-Saint-Denis en 2009. Nous l’avions demandé l’an dernier ; c’est donc une réponse extrêmement rapide qui nous a été fournie.
La situation particulièrement difficile de la région parisienne justifie que les efforts y soient concentrés dans les prochaines années ; mon collègue Jean-Claude Frécon a d’ailleurs insisté sur ce point. En effet, le contentieux y augmente de 12 % par an depuis 2002 et les délais de jugement sont supérieurs à la moyenne nationale dans les tribunaux administratifs de Versailles et de Cergy. Six chambres seront créées en 2009 et quatre chambres supplémentaires le seront en 2010.
Les demandes budgétaires relatives aux juridictions de première instance sont donc globalement satisfaites.
Quant aux cours administratives d’appel, elles connaissent une activité en très forte augmentation puisque, avec 26 554 nouvelles requêtes enregistrées en 2007, le volume dépasse de 25, 95 % celui de 2006. Plusieurs milliers de nouvelles requêtes sont imputables, entre autres, aux contentieux de la nationalité et des étrangers.
Je tiens, monsieur le secrétaire d'État, à vous alerter sur la situation particulièrement délicate de la cour administrative d’appel de Marseille. En effet, cette cour, dont le ressort est très étendu, avec les tribunaux administratifs de Montpellier, de Nice, de Bastia, de Nîmes et de Toulon, est au bord de la saturation.
C'est pourquoi, au moins à moyen terme – nous formulons la demande cette année, peut-être sera-t-elle satisfaite l’an prochain –, nous demandons, monsieur le secrétaire d'État, que l’État crée une nouvelle cour administrative d’appel dans le Grand sud pour combler l’absence de cour entre Marseille et Bordeaux. Je serais heureux que vous puissiez m’apporter quelques précisions sur ce point.
Concernant le programme de fonctionnement, il faut saluer l’amélioration des délais de jugement, malgré une hausse substantielle du nombre d’affaires traitées, et ce alors même que les emplois créés depuis 2002 sont inférieurs – il faut malgré tout le signaler – aux prévisions de la loi d’orientation et de programmation pour la justice. En effet, ce texte prévoyait la création de 210 emplois de magistrats administratifs entre 2002 et 2007. Or, au total, sur cette période, seuls 148 emplois ont été créés.
Il ne faut pas relâcher les efforts sur le fonctionnement, sinon les bons indicateurs actuels ne tiendront pas face à l’augmentation constante du contentieux.
L’amélioration des délais de jugement et la diminution du stock des affaires pourraient ne pas durer. En effet, si les résultats obtenus par le Conseil d’État et les juridictions administratives sont remarquables en matière de maîtrise des délais de jugement, il convient d’être attentif à l’effet que pourraient entraîner les réformes récemment adoptées par le Parlement sur le développement du contentieux.
Ainsi, si l’impact de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable reste difficilement mesurable, une forte hausse du contentieux est attendue à partir du 1er décembre prochain, date à laquelle les tribunaux administratifs auront à connaître, outre les recours contre les rejets des commissions de médiation, du contentieux spécifique à la procédure du droit au logement opposable.
De plus, avec l’adoption, cette semaine même, de la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, le contentieux des commissions départementales d’aide sociale relèvera des tribunaux administratifs : 12 000 nouvelles affaires sont d’ores et déjà attendues, soit une croissance de près de 7 %.du nombre des entrées devant la justice administrative
Face à l’inflation législative, je souhaite, comme l’année dernière, que soient mises en place, comme l’a prévu la réforme constitutionnelle récemment votée, des mesures permettant d’évaluer l’impact et les conséquences, en particulier sur les risques de contentieux, de l’adoption de toute nouvelle loi. En effet, gouverner, c’est aussi prévoir.
À l’avenir, l’augmentation des moyens ne suffira pas à endiguer le flot des nouvelles affaires. C’est pourquoi je voudrais insister sur la nécessité de réformer en profondeur, mais de manière progressive, la justice administrative, pour en améliorer encore l’efficacité. Plusieurs réformes sont d’ailleurs en cours : elles sont relatives à l’amélioration des fonctions consultatives et juridictionnelles du Conseil d’État, à l’inscription dans les textes de la séparation de fait entre activités consultatives et activités contentieuses, à l’amélioration de la procédure contradictoire devant le juge administratif et à la transformation du commissaire du Gouvernement en rapporteur public.
Mais c’est surtout la perspective du développement des recours administratifs préalables obligatoires qui constitue, à mon avis, la mesure la plus importante de ces prochaines années. Ce type de recours désigne l’ensemble des procédures par lesquelles une personne, souhaitant contester une décision administrative qui lui est défavorable, est tenue de former un recours devant l’autorité administrative préalablement à toute saisine du juge. Quatre grands domaines, qui représentent près du tiers du contentieux, pourraient rapidement bénéficier de cette mesure : les invalidations de permis de conduire, la fonction publique, le droit des étrangers et les contestations en matière pénitentiaire, sans exclure pour autant les autres domaines.
Sous réserve de ces différentes observations, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d’adopter ce budget.