Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens à nouveau cette année, car les problèmes que j’avais alors soulevés n’ont pas été résolus.
En 2007, j’avais évoqué l’engorgement de certains tribunaux administratifs en raison de la multiplication des contentieux et l’insuffisance des effectifs. Or la lecture des crédits affectés au programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives », auquel je limiterai mon intervention, ne permet pas d’apaiser les craintes soulevées voilà un an.
Certes, ce programme bénéficiera d’un effort budgétaire qui se traduit par l’affectation de soixante équivalents temps plein travaillé supplémentaires pour 2009 et par l’ouverture, qui avait été demandée, d’un nouveau tribunal administratif en Seine-Saint-Denis, prévue pour l’automne 2009.
Comme MM. les rapporteurs l’ont indiqué, les crédits, qui sont en hausse pour 2009, s’élèvent à 311, 16 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 305, 36 millions d’euros en crédits de paiement.
Néanmoins, comme l’ont également rappelé MM. les rapporteurs, cette hausse s’explique surtout par l’intégration à ce programme de la Cour nationale du droit d’asile, dont les crédits s’élèvent à 20, 83 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 18, 12 millions d’euros en crédits de paiement.
Sans cette nouvelle action, les crédits n’augmentent que de 6, 7 %. Ils continueront d’être insuffisants tant que les juridictions administratives continueront de subir les conséquences des politiques du Gouvernement, qui ne sont pas neutres sur le plan du contentieux administratif.
Le poids du contentieux des étrangers reste très important : sa part a atteint 47 % du total des affaires enregistrées en 2007 devant les cours administratives d’appel. Entre 2003 et 2007, la hausse est de 576 % ! Devant les tribunaux administratifs, les requêtes relatives à ce contentieux représentent 27, 3 % des affaires, en augmentation constante. Je ne vois pas comment cette progression pourrait se ralentir après la mise en place de la procédure de refus de titre de séjour assortie d’une obligation de quitter le territoire, à moins de changer de politique !
Nous dénoncions déjà ces évolutions l’année dernière non seulement parce que nous condamnons la politique du Gouvernement en matière d’immigration mais aussi parce que, en termes de fonctionnement, les juridictions administratives se retrouvent totalement engorgées.
Cette tendance ne pourra aller qu’en s’aggravant : les nouvelles lois adoptées sur l’initiative du Gouvernement et de la majorité auront pour conséquence d’augmenter les possibilités de recours devant le juge administratif, ce qui aboutira à accroître le volume du contentieux administratif.
En effet, qu’il s’agisse de la loi instituant le droit au logement opposable – on nous dit ne pas pouvoir en mesurer l’impact, mais, de source syndicale, cela pourrait représenter quelques dizaines de milliers de recours par an –, de la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, ou encore de la loi généralisant le revenu de solidarité active, en cours de promulgation, dont l’impact sur les juridictions administratives n’a pas du tout été pris en compte dans le projet de budget, le Gouvernement fait peser sur les juridictions administratives des responsabilités qui ne sont pas les leurs.
Dans ces conditions, comment continuer à demander aux juridictions de réduire leurs délais de jugement sans augmenter considérablement leurs effectifs ? Les moyens restent insuffisants, alors que les exigences gouvernementales sont toujours plus importantes, et ce au détriment de la qualité de la justice rendue.
Cette exigence de rendement, qui se traduit par une prime à la statistique, a d’autres conséquences. Dans le but de réduire les délais de jugement, elle légitime l’élargissement des hypothèses dans lesquelles les requêtes présentées devant les tribunaux administratifs peuvent être traitées par ordonnance, ainsi que le recours de plus en plus fréquent au juge unique, que nous déplorons mais qui est, hélas ! de plus en plus souvent la règle.
Enfin, le décrochage entre le régime indemnitaire des magistrats administratifs et celui des magistrats des juridictions financières est aujourd’hui entériné. Pourquoi une telle mesure, si ce n’est en raison de la révision générale des politiques publiques ?
La revalorisation sur trois ans du régime indemnitaire des magistrats administratifs ne résoudra pas le problème de l’origine de l’alignement du régime indemnitaire des magistrats administratifs sur celui des grands corps de l’État.
Malgré les avis favorables des rapporteurs, nous voterons donc contre les crédits affectés à la mission « Conseil et contrôle de l’État », plus particulièrement contre ceux qui sont affectés au programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives ». Les tribunaux administratifs restent engorgés, et l’augmentation des effectifs ne suit pas celle du contentieux.
L’ouverture d’un tribunal en Seine-Saint-Denis ne va certainement pas régler le problème : en effet, il est créé pour désengorger le tribunal de Cergy-Pontoise, qui, lui-même, devait permettre de soulager celui de Versailles ! D’année en année, se pose la question des nouveaux tribunaux qui pourraient être créés. On ne rattrape pas le temps. Va-t-on continuer à faire peser indéfiniment sur les juges administratifs les conséquences des politiques qui multiplient de façon exponentielle les possibilités de recours ?