Intervention de Jean-Claude Peyronnet

Réunion du 28 novembre 2008 à 15h15
Loi de finances pour 2009 — Direction de l'action du gouvernement

Photo de Jean-Claude PeyronnetJean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le nouveau programme « Protection des droits et libertés », sur lequel la commission présentera un amendement de simple coordination, comprend onze autorités administratives indépendantes, dont la cohérence est constituée par l’objet commun des libertés publiques.

Les AAI sont regroupées en sept actions.

Certaines actions sont constituées d’une seule autorité : le Médiateur de la République, la CNIL, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ou CSA, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ou HALDE, et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Les plus petites structures sont regroupées dans une seule action. Ainsi, l’action 6 comprend la Commission d’accès aux documents administratifs, ou CADA, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, ou CCNE, et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, ou CNCDH. L’action 7 comprend la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, ou CNCIS, la Commission consultative du secret de la défense nationale, ou CCSDN, et la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ou CNDS.

J’ai tenu à faire cette énumération, car tout le monde ne peut pas connaître les actions de ce programme.

J’ai choisi d’orienter ce rapport dans deux directions, en dehors des aspects strictement budgétaires qui ont été traités par ailleurs.

Première direction, quelle est la faisabilité de la mise en place du Défenseur des droits prévu par l’article 71-1 de la Constitution ? Cette investigation ne peut que servir le Gouvernement, qui n’a fourni de réponse très affirmée sur ce sujet ni lors des débats sur la révision constitutionnelle ni plus tard.

En ce qui concerne les AAI, qui sont les premières concernées, seul le Médiateur de la République a une position très favorable, mais en imaginant une intégration de son institution accompagnée d’un élargissement de ses attributions, en évoquant notamment « pouvoir d’inspection », « pouvoir d’injonction » et « renforcement de la recommandation en équité ».

Cinq autres autorités administratives indépendantes ont justement répondu qu’elles n’avaient pas vocation à cette intégration : la Commission du secret de la défense nationale, le Comité consultatif national d’éthique, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la Commission nationale consultative des droits de l’homme et le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Quant aux dernières, elles ont marqué une opposition, le plus souvent catégorique, évoquant des arguments qui se rejoignent souvent : la perte d’indépendance et de visibilité, l’alourdissement de la procédure, la dilution de savoir-faire et le doute exprimé sur les économies budgétaires espérées d’un tel regroupement.

Même si la commission des lois comprend bien l’intérêt de réduire la profusion des instances, elle a cependant souligné la difficulté de ce regroupement, compte tenu de la diversité des missions concernées.

Le Gouvernement, quant à lui, s’est borné à une pétition de principe : on doit attendre de ce regroupement des économies en termes de moyens et une amélioration de l’efficacité de l’intervention du Défenseur des droits.

La commission des lois souligne que l’opération ne pourra se réaliser dans des conditions satisfaisantes qu’en sauvegardant la spécificité du fonctionnement de chaque instance. La possibilité ouverte par la Constitution d’assister le Défenseur des droits par un collège est une opportunité heureuse. Toutefois, votre commission pense qu’il serait opportun de prévoir plusieurs collèges, ou un collège à géométrie variable, seule solution pour garantir la compétence, l’originalité des procédures, la transparence et l’information objective des citoyens.

Seconde direction, lancée par Jacqueline Gourault, quel est le rapport efficacité-coût des correspondants locaux des autorités administratives indépendantes ? Seuls le Médiateur, la HALDE, le Défenseur des droits et le CSA disposent d’un réseau de délégués. La CNIL et la CADA bénéficient de collaborateurs externes issus de l’administration.

L’étude a porté, à partir d’un questionnaire et d’une visite dans les Yvelines, sur les délégués du Médiateur. Sur ce seul exemple limité, qui appellera un approfondissement et un élargissement dans les mois et les années à venir, mes conclusions, approuvées par la commission des lois, sont très positives.

J’ai constaté des conditions de travail satisfaisantes, une formation régulière et très approfondie, une évaluation continue des délégués au travers d’études de cas transmises par Intranet à l’ensemble du réseau, une mutualisation des savoir-faire, le tout appuyé sur une très grande qualité des délégués.

La conclusion provisoire que j’en tire est que la proximité favorise le contact avec les usagers et le traitement des dossiers ; j’ai ainsi particulièrement apprécié le rôle du Défenseur des droits en milieu carcéral. Le recrutement de haut niveau donne des délégués disponibles, motivés et compétents. Enfin, le coût est peu élevé, de l’ordre de 9 500 euros par délégué et par an.

Il demeure une question qui rejoint notre interrogation de départ : que deviendra tout cela si le Défenseur des droits dispose de délégués uniques et omniscients ? Il me semble en effet difficile, comme le pensent aussi bien le Médiateur, que la HALDE ou encore le Défenseur des enfants, d’imaginer qu’une même personne puisse, seule, exercer les compétences dévolues à plusieurs délégués.

Avant d’aborder rapidement la question budgétaire, j’évoquerai deux aspects particuliers.

D’une part, les loyers acquittés par les AAI m’ont, dans la plupart des cas, paru exorbitants, et je ne suis pas le seul à faire une telle constatation. Ils s’élèvent ainsi à 2, 4 millions d’euros pour le Médiateur ou à 3, 9 millions d’euros pour la HALDE. La commission rappelle aux AAI qu’il peut exister une vie ailleurs que dans les beaux quartiers du centre de Paris, et dans des locaux mieux adaptés.

Par ailleurs, la commission s’est félicitée de l’accord du ministre du budget de revaloriser à la hauteur demandée les indemnités des membres de la CNDS qui réalisent des rapports ; les parlementaires, bien sûr, ne sont pas concernés.

S’agissant de la question budgétaire, les crédits de ce programme, présentés en nette hausse par le Gouvernement, ont été réduits par l’Assemblée nationale sur l’initiative du président de la commission des lois, M. Warsmann. L’augmentation initialement prévue a été diminuée de l’ordre de 1%, soit une progression de 24 % en autorisations d’engagement et de 4, 7 % en crédits de paiement.

Cependant, cette réduction n’est pas uniforme, et la HALDE est plus touchée que les autres AAI, ce qui pourrait freiner le déploiement de son réseau et gêner la mise en place de la sanction transactionnelle qui lui a été confiée depuis 2006.

Malgré ces remarques, la commission des lois a émis un avis conforme à celui de la commission des finances ; elle a jugé ce budget tout à fait convenable. Elle demande toutefois au Gouvernement d’agir avec discernement dans le cadre de la fongibilité pour que les petites structures – notamment celles de l’action 5 – puissent assurer leurs missions dans les meilleures conditions.

Sous ces réserves, mes chers collègues, la commission des lois, saisie pour avis, vous demande d’approuver le budget du programme « Protection des droits et libertés ».

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