Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens à nouveau dans ce débat, au nom de mon groupe politique, pour insister sur l’un des volets qui me paraît essentiel dans la politique de lutte contre les drogues et les toxicomanies : je veux parler de la prévention.
Il semble que, ces dernières années, l’action des pouvoirs publics se soit concentrée sur une politique de restriction, d’interdiction et de répression plus que sur une politique de prévention.
Certes, la hausse des taxes sur les tabacs, l’interdiction totale de fumer dans les lieux publics ou la lutte contre la violence routière ont des vertus pédagogiques. L’usage du tabac et la consommation moyenne d’alcool ont d’ailleurs diminué.
Il reste que l’usage des drogues et les abus d’alcool se sont maintenus à un niveau élevé, quand ils n’ont pas connu une hausse significative.
Ainsi, on dénombre à ce jour 1, 2 million d’usagers réguliers de cannabis, dont 550 000 quotidiens. Un adolescent de dix-sept ans sur deux fume ou a fumé ! Le nombre d’usagers de cocaïne a doublé en quelques années, à l’instar des consommateurs d’ecstasy.
Enfin, l’alcool fait l’objet de consommations « problématiques », au moins ponctuellement, chez plus d’un tiers des adultes. Fait encore plus préoccupant, les ivresses répétées chez les jeunes se multiplient ces dernières années, avec notamment de nouveaux modes de consommation, comme l’usage d’alcool pour la « défonce », ou le binge drinking.
La plupart de ces usagers s’exposent à des problèmes sanitaires et sociaux graves : dépendances, comas, violences, accidents de la route, difficultés scolaires ou professionnelles. Par ailleurs, ces phénomènes favorisent l’enracinement, notamment dans les quartiers cibles de la politique de la ville, d’une économie souterraine liée au trafic de substances illicites.
Le coût pour la collectivité est évidemment très important, qu’il s’agisse des dépenses de soins ou de celles qui sont rendues nécessaires pour lutter contre les troubles de l’ordre public.
Finalement, il faut bien admettre l’échec de nos politiques de prévention. Elles ont certes contribué à une meilleure prise en charge sanitaire des personnes dépendantes et à une diminution des usages problématiques, mais, manifestement, elles n’ont pas dissuadé les usages simples ni l’expérimentation par le plus grand nombre, notamment chez les jeunes.
Ce qui me frappe par-dessus tout en effet, c’est le rajeunissement des entrées en consommation.
Les parents ont quelques raisons d’être désorientés et désemparés lorsqu’ils apprennent que treize ans est l’âge moyen du premier contact de leurs enfants avec le cannabis. Et ils sont proprement effrayés si l’on ajoute que ce contact se produit parfois dès neuf ans ! De plus, ce qui est vrai pour le cannabis l’est aussi pour l’alcool.
Tel est l’état des lieux ; il est brutal et doit sonner l’alerte sur la santé et l’avenir de nos enfants.
C’est pourquoi nous devons faire de la prévention une priorité et agir principalement sur les jeunes.
L’objectif est d’éviter ou de réduire les expérimentations, notamment précoces, de drogues illicites, d’alcool ou de tabac.
Cela passe sans doute par la réaffirmation de l’interdit et l’application de la loi ; mais évitons l’écueil d’une stigmatisation des comportements ! Attachons-nous plutôt à renforcer les connaissances des jeunes sur les risques associés à la consommation de drogues ou d’alcool et à développer leurs capacités à faire des choix éclairés.
Information et responsabilisation, voilà les maîtres mots de la prévention.
L’information sur les drogues et l’alcool a certes progressé ces dernières années. Nous avons connu quelques grandes campagnes de communication. Tout le monde se souvient du slogan « Tu t’es vu quand t’as bu ? » Et pourtant, il semble que la perception de la dangerosité des produits ou de leurs effets soit loin d’être suffisante.
Il me paraît indispensable de fonder l’information sur des bases scientifiques validées. De nouvelles études sont nécessaires sur les risques, mais aussi sur les liens entre consommation de drogues, parcours scolaire et délinquance.
Pour se sentir concernés et responsables de leur destin, les jeunes doivent pouvoir dialoguer sur cette question. C’est pourquoi la diffusion des messages de prévention doit passer par les enseignants, les médecins et, bien sûr, les parents, dont il faut renforcer les capacités éducatives par un discours public clair et crédible. Il faut les aider à être en mesure de repérer les usages le plus précocement possible chez leurs enfants.
Quoi qu’il en soit, il faut mettre de la sanction dans l’éducation et de l’éducation dans la sanction.
Le Gouvernement a adopté, en juillet dernier, un plan de lutte contre les drogues et les toxicomanies qui comporte des mesures concrètes et intéressantes. Toutefois, pour espérer obtenir des résultats, il faudra faire travailler ensemble tous les acteurs et mettre en place des formations animées par des formateurs compétents. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d’État.