Rien ne démontre que les dispositions proposées dans cet amendement sont financées. Vous nous renvoyez aux travaux de la commission, ce qui revient pour le coup à invoquer un argument d’autorité… Pour ma part, je doute très fortement que ces dispositions soient financées : l’histoire démontrera d’ailleurs très vite que tel n’est pas le cas.
Vous mentionnez les besoins de nos armées. Vous savez que je suis venu à de nombreuses reprises devant votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. C’est précisément un sujet que nous abordons régulièrement et dont, à mon sens, nous devons parler davantage encore. Hier soir, nous avons débattu des uniformes pour la réserve citoyenne pendant quarante minutes ; nous en avons consacré cinq à la dissuasion nucléaire. Ce débat doit aussi nous permettre d’aborder le format des armées.
Selon vous, pourquoi faudrait-il augmenter de 1 milliard d’euros les crédits du programme Scorpion ? Comment justifiez-vous un tel choix ? À quelles fonctions organiques et opérationnelles ces véhicules seraient-ils dédiés ? Pour quelles missions du tableau des contrats opérationnels faudrait-il accélérer la « scorpionisation » à cette hauteur ?
On invoque les chiffres de 2018, comme si le monde n’avait pas changé depuis ; comme si les sauts technologiques successifs ne nous imposaient pas un certain nombre de mises à jour, que vous appelez vous-même de vos vœux au regard du nouveau contexte stratégique.
Nous n’avons toujours pas débattu de l’Otan, alors que le sujet est du plus grand intérêt. On le voit bien : l’action de l’Alliance atlantique s’inscrit aujourd’hui dans un cadre tout à fait nouveau. Sans revenir sur le critère des 2 % du PIB, je rappelle que le statut de nation-cadre va devenir un élément clé.
Ce statut correspond à la capacité pour un pays de mener un combat de défense sur le territoire d’un allié – en l’espèce, pour la France, la Roumanie –, si malheureusement l’Alliance était attaquée.
Nous ne sommes plus du tout dans la logique des dividendes de la paix. Nous ne sommes plus du tout dans la logique de lutte contre le terrorisme qui prévalait depuis le début des années 2000 : notre mode d’emploi au Sahel n’impliquait en rien l’envoi de brigades, de divisions ou de corps d’armée.
Sur la base de la réflexion menée au sein de l’Otan, les états-majors ont été conduits à réexaminer le terrain militaire. Si l’on veut avoir le statut de nation-cadre au niveau brigade ou division, il faut s’en donner les moyens. Il faut être capable d’agir seul sur la base de deux critères : la réactivité, à l’échelle d’un mois, et l’endurance, en étant à même d’intervenir seul pendant au moins plusieurs mois. Viendra ensuite, à l’horizon 2030, la question du statut de nation-cadre de niveau corps d’armée. Voilà de vrais ingrédients pour la construction d’une programmation.
Monsieur le président Cambon, à vous entendre, c’est la réaction du Gouvernement qui suscite le débat. Mais je vous retourne votre question, faute de comprendre l’objet de cet amendement : pourquoi 1 milliard d’euros supplémentaires au profit du programme Scorpion, qui seront nécessairement au détriment de la cohérence organique et opérationnelle telle qu’elle a été conçue ?
Nous touchons là au fondement même de la programmation. Je ne me retranche en rien derrière un argument d’autorité. Je vous expose les ingrédients de la programmation : j’aimerais comprendre ceux que retient le Sénat, ce qui me permettra de me rapprocher de lui, non pas avec autorité, mais avec affection.