Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à cette motion, dont l’adoption aurait pour effet d’empêcher tout débat.
Si j’en crois ce qui a été dit à de nombreuses reprises en commission, à l’Assemblée nationale ou dans la presse, la démocratie représentative a besoin de s’emparer du sujet de notre modèle de sécurité collective.
Nos désaccords sur la dissuasion nucléaire, nos alliances, les coopérations industrielles ou le modèle économique de nos industries feront justement l’objet du débat, monsieur Laurent.
Adopter cette question préalable, c’est tout simplement mettre au classeur cylindrique – pardonnez-moi cette expression – ce projet de loi de programmation militaire. Malheureusement, nous ne pourrons pas opposer une question préalable aux menaces actuelles pesant sur la nation française !
Nous sommes confrontés à une accélération stratégique, qui remet parfois au goût du jour, malheureusement, les problèmes sécuritaires que nous connaissions au temps de la guerre froide ou les questions liées à la prolifération nucléaire.
Certaines menaces se déploient sous nos yeux et ne sont pas suffisamment évoquées. Je le répète, je remercie les sénateurs du groupe socialiste d’avoir demandé un débat sur l’Afrique, la question du terrorisme devant continuer de nous mobiliser. Nous devrons apporter des réponses à ce problème.
Par ailleurs, nous sommes confrontés à des sauts technologiques, qui s’imposent à nous. Je pense notamment à la militarisation du cyber : on ne peut pas, d’un côté, déplorer les cyberattaques menées contre différents hôpitaux français – il s’agit là de cybercriminalité – et, d’un autre côté, ne pas voir que, demain, le cyber sera évidemment utilisé en matière militaire.
On ne peut pas non plus ne pas voir la militarisation de l’espace, que l’on peut regretter sur le terrain des valeurs, mais qui s’imposera à nous, y compris pour l’ensemble de nos infrastructures civiles. Je pense également à la question des fonds sous-marins ou à la guerre des mines.
Ces sujets n’ont pas fait l’objet de longs débats dans cet hémicycle en 2018. Les technologies nous ont rattrapés, ce qui explique la raison pour laquelle nous examinons ce texte avant le terme de la loi de programmation militaire actuelle. En effet, au-delà de la guerre en Ukraine, un certain nombre d’éléments nous conduisent à solliciter de nouveau la représentation nationale.
Il ne s’agit pas uniquement d’une trajectoire budgétaire ou d’aspects normatifs. Il s’agit de soumettre des orientations politiques nouvelles, pivots, en quelque sorte, de notre modèle d’armée.
En outre, ce texte comprend des mesures qu’on peut qualifier de sociales, en particulier la revalorisation des grilles indiciaires et indemnitaires. Je vois mal comment le Gouvernement aurait pu les insérer en loi de finances, sans passer par une mise à jour a minima de la programmation militaire.
Nous souhaitons donc conduire un débat dans le cadre duquel nous pourrons examiner l’ensemble des amendements, y compris ceux du groupe CRCE. Cela permettra de mieux redessiner nos modèles de sécurité ; nous n’aurons peut-être pas la même perspective, monsieur Laurent, mais nos échanges permettront de nourrir les réflexions de chacun.
Je remercie M. le rapporteur d’avoir dit que jamais une programmation militaire n’avait été autant préparée. Certes, cela ne s’est pas fait comme d’habitude. Au moins, les contributions ont été foisonnantes et les rapports parlementaires ont tous été intégrés dans la réflexion globale.
Pour ma part, je saurai défendre les choix militaires qui ont été retenus dans ce texte, sur proposition des états-majors au Président de la République.
Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter cette question préalable.