Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Santé » a été très largement remaniée cette année, avec un élargissement de son périmètre. Elle a en effet absorbé le programme « Protection maladie », ainsi que les crédits alloués à la veille et à la sécurité sanitaires, dont j’étais rapporteur encore l’an dernier.
Nous avons donc un budget supérieur à 1, 1 milliard d’euros, qui peut paraître bien limité face à celui de l’assurance maladie, comme vient de le souligner Jean-Claude Etienne. De plus, il sera marqué l’an prochain par les profonds changements résultant du projet de loi « hôpital, patients, santé et territoires ».
Ces changements sont très attendus, car nécessaires, pour consolider les fondements de notre système de santé, assurer l’accès de tous à des soins de qualité et renforcer la prévention dans un cadre de dépenses publiques non extensibles à l’infini.
Certes, 2009 est une année de transition, ce qui ne nous dispense pas de formuler quelques observations sur ce projet de budget.
Ma première observation porte sur le pilotage de la politique de santé.
Comme l’a souligné M. le rapporteur, au cours des années quatre-vingt dix, la succession de crises sanitaires particulièrement graves a très clairement mis en lumière les faiblesses du dispositif français de veille et de sécurité sanitaires. L’État a donc progressivement transféré certaines de ses compétences à des agences. C’est ainsi qu’ont notamment été créées l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, puis l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET.
La mise en place de ces agences a constitué une avancée majeure, permettant d’appuyer la décision publique sur une expertise de haut niveau. Toutefois, leur nombre excessif a fini par brouiller le dispositif, qui présente des insuffisances liées notamment à l’enchevêtrement de certaines compétences, et surtout dont le coût de fonctionnement est exorbitant.
Comme j’ai souvent eu l’occasion de le dire, une réflexion s’impose en la matière. Sans remettre en cause la logique et les principales caractéristiques du dispositif actuel, nous estimons nécessaire d’y apporter plusieurs aménagements afin d’en accroître la qualité, l’efficacité et la lisibilité.
La création d’un comité d’animation du système d’agences est intéressante pour renforcer le pilotage stratégique de ces opérateurs et organiser des synergies. Mais il faut peut-être aller plus loin.
Le rapporteur propose une fusion de l’AFSSA et de l’AFSSET. Il en résulterait, me semble-t-il, un ensemble parfaitement cohérent.
Pourquoi ne pas planifier aussi, à moyen ou court terme, un rapprochement des agences sur un site unique dans le cadre d’une stratégie immobilière ?
Ma deuxième observation porte sur les crédits consacrés à la lutte contre le sida. Ces derniers diminuent fortement, de plus de 20 % par rapport à 2008. Le colloque qui se tient depuis deux jours sur la veille sanitaire a d’ailleurs évoqué ce problème.
Je tiens à exprimer mon inquiétude face à cette baisse. Le programme national arrive à échéance et ne sera pas reconduit, alors même que le nombre de primo-infections au VIH reste supérieur à 1 200 cas recensés par an et que les engagements pris en 2007 en matière d’appartements de coordination thérapeutique n’ont pas encore été tenus en 2008.
Le risque de contamination perdure, en particulier pour certains groupes de population, comme la communauté homosexuelle, les personnes migrantes, les habitants d’outre-mer, particulièrement la Guyane où la prévalence est très forte.
En France, 5 millions de tests VIH sont pratiqués chaque année, mais 36 000 personnes demeurent dans l’ignorance de leur séropositivité. De plus, le diagnostic tardif de l’infection – un tiers des cas – reste encore trop fréquent.
Le Conseil national du sida, dans lequel j’ai l’honneur de représenter notre assemblée, plaide pour un élargissement des propositions de dépistage. L’expérimentation de tests de dépistage rapide du sida, soutenue par le ministère de la santé, l’Agence nationale de recherche sur le sida, l’ANRS et l’association AIDES, devra être analysée avec beaucoup d’attention. Cette initiative, appelée Com’Test, permettra d’aller au-devant des populations les plus vulnérables – jeunes homosexuels, migrants – avec un dépistage hors murs et démédicalisé.
La journée mondiale sur le sida sera organisée lundi prochain. Je voudrais à cette occasion rappeler la situation dramatique de l’Afrique subsaharienne. En 2007, pas moins de 1, 5 million de personnes sont mortes du sida dans cette région.
Le Président de la République s’était engagé solennellement, le 7 juin 2007 au sommet du G8, en faveur d’un accès universel au traitement du VIH d’ici à 2010.
Du fait de l’absence des ministres français à la conférence de Mexico et les coupes imposées par la France, et d’autres pays, dans le budget du Fonds mondial de lutte contre le sida, certains doutes subsistent quant à la détermination de notre pays de rester un moteur dans la lutte contre le VIH dans les pays pauvres.
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, où en sont les négociations avec les industries du médicament pour garantir l’approvisionnement et l’accès des traitements antirétroviraux aux malades du Sud ?
Ma dernière observation porte sur l’offre de soins.
L’année 2009 sera une année de transition pour les agences régionales de l’hospitalisation, qui laisseront la place dès 2010 aux agences régionales de la santé, les ARS.
J’ai souvent appelé de mes vœux un pilotage unifié au niveau régional des soins de ville et de l’hôpital. Une frontière étanche entre ces deux secteurs ne se justifie pas. Seule une structure regroupant l’ensemble des acteurs de la santé peut organiser, de manière globale et surtout cohérente, l’offre de soins sur un territoire.
Chacun doit pouvoir accéder à tout moment et dans de bonnes conditions aux soins dont il a besoin. Cela suppose en premier lieu une permanence des soins organisée, sinon par les professionnels de santé, du moins par les pouvoirs publics.
Aujourd’hui, elle est assurée de façon inégale et aléatoire sur l’ensemble du territoire. Le taux de participation varie ainsi de 20 % à 94 %.
L’évolution de la démographie médicale est sans doute pour beaucoup dans ces déséquilibres. Le vieillissement des praticiens et le manque de médecins se font non seulement sentir dans certaines zones rurales faiblement peuplées, mais aussi dans les départements périurbains ou dans les banlieues en difficulté.
Un autre élément, à savoir le nouveau rapport des professionnels de santé au temps de travail, semble également peser sur la permanence des soins. Les jeunes médecins sont parfois moins disponibles que leurs aînés pour intervenir la nuit ou le week-end. Peut-on les en blâmer ? Ils ont eux aussi droit à une vie de famille et la médecine de premier recours est peu attractive ?
Les agences régionales de santé devront par ailleurs relancer les restructurations hospitalières qui constituent un autre sujet de préoccupation.
Définie en 1996, cette politique de restructuration a, dans un premier temps, mobilisé les ARH, mais la dynamique initiale a été progressivement ralentie, voire interrompue.
Le défaut de pédagogie et de communication, le manque de ligne directrice stable, les signaux contradictoires de l’administration centrale ou encore l’absence d’outils d’évaluation ont freiné les restructurations.
Certaines ARH ont présenté des schémas régionaux d’organisation sanitaires, des SROS, réalistes, mais elles n’ont pas réussi à convaincre les établissements d’abandonner certaines de leurs activités devenues obsolètes. Elles n’ont pas toujours pu résister aux pressions locales des associations ou des élus.
Pourtant, il faut le rappeler avec force, les réorganisations sont souvent justifiées. L’insuffisance de taille critique, que ce soit pour la chirurgie ou la maternité, est dangereuse d’abord pour les patients et de plus coûteuse pour la nation.
Les évolutions technologiques ont véritablement transformé l’exercice de la médecine, nécessitant une optimisation des équipes et des équipements.
Chacun de nous est en droit d’espérer la prise en charge la mieux adaptée et la plus performante. N’instaurons pas une chirurgie à deux vitesses sous le prétexte d’impératifs liés à l’aménagement du territoire ou aux activités économiques de la cité!