Je veux bien faire court, madame la présidente, mais on fait trop souvent au Gouvernement le reproche d’un manque de débat et d’explications ; on prétend que la réflexion stratégique précédant la présentation de ce texte aurait été bâclée… C’est pourquoi, s’il le faut, je serai présent jusqu’au bout dans cet hémicycle pour défendre ce texte. Si je fais ces remarques, c’est pour essayer de présenter de manière cohérente ce que j’ai pu entendre depuis six mois sur la manière dont ce projet de loi a été élaboré.
Monsieur Laurent, le secret défense est assez simple : il y a des choses qui sont classifiées et d’autres qui ne le sont pas. Vous pouvez me poser toutes les questions que vous voudrez ; c’est à moi de faire le tri entre ce que la loi votée par le Parlement m’autorise à dire – ce qui est classifié ou non n’est pas à ma discrétion, tout cela a une base légale – et ce que je n’ai pas le droit de dire. D’ailleurs, objectivement, on peut quand même dire beaucoup de choses !
Au-delà, et j’en prends l’engagement devant le président de votre commission, une audition devant celle-ci qui ne serait pas retransmise me permettrait, non pas de dévoiler des secrets défense, mais d’être encore plus à l’aise pour évoquer un certain nombre de situations ou de cas pratiques sur lesquels, pour le dire très clairement, je n’ai pas forcément envie de susciter une réaction de telle ou telle ambassade de l’un de nos partenaires.
Oui, le format de la dissuasion a évolué dans le temps. Il en est ainsi de l’apparition, puis de la disparition, de ce que l’on a appelé abusivement le nucléaire tactique – je veux parler du missile Pluton employé par l’armée de terre. Je pense aussi à la fermeture du site du plateau d’Albion, dans les années 1990 ; cette décision a été prise à la suite de la dissolution du pacte de Varsovie, comme d’ailleurs la professionnalisation des armées, en particulier de l’armée de terre.
En revanche, le présent projet de loi de programmation militaire ne comprend pas de modification en tant que telle du format de la dissuasion, qui comprend toujours une composante aérienne – les forces aériennes stratégiques (FAS) –, une composante maritime – la force océanique stratégique (Fost), avec des modifications de matériel, mais une cible inchangée de quatre SNLE – et une demi-composante, comme on le dit de manière assez peu élégante : la force aéronavale nucléaire (Fanu), qui peut être embarquée sur le porte-avions.
Il n’y a donc pas de modification de la doctrine en tant que telle. Celle-ci a été réaffirmée par le Président de la République dans son discours à l’École de guerre. C’est un peu une tradition : au cours de chaque mandat, le chef de l’État, quel qu’il soit, précise ses conceptions en la matière. Simplement, au regard des circonstances, le Président a été amené à évoquer ce sujet plus longuement qu’à l’accoutumée.
Il convenait aussi de répondre aux questions que nous avons évoquées voilà un instant sur la nécessaire compréhension de cette politique par la population. On se rappelle sa phrase : « Les intérêts vitaux de la France ont une dimension européenne. » C’est le cas depuis quinze ans, et c’est affiché très clairement dans la doctrine française – nous l’avons répété à de nombreuses reprises ces derniers temps – ; je réponds ainsi aux interrogations de M. Temal.
Beaucoup de sujets relatifs à la dissuasion sont tout à fait en sources ouvertes ; ils sont enseignés à l’École de guerre, au Centre des hautes études militaires (Chem), ou encore à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), où plusieurs parlementaires ont été auditeurs…