Il s’agit d’un sujet important qui revient régulièrement dans les débats parlementaires relatifs au contrôle des ventes d’armes. Nous savons que ce domaine fait l’objet de contrôles beaucoup plus importants dans d’autres parlements.
À l’heure actuelle, les ventes d’armes font l’objet d’un examen par une commission présidée par le Premier ministre, la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), qui examine les licences d’exportation et émet, selon des critères bien identifiés, un avis favorable ou défavorable.
Cependant, l’ensemble de ce travail ne donne lieu qu’à un assez modeste rapport – même s’il a pris, grâce à vous, monsieur le ministre, un peu d’ampleur ces derniers temps – qui ne permet en aucun cas un véritable échange politique, comme on devrait l’avoir dans un régime parlementaire. Cela a été dit, notre pays est en pointe en termes de ventes d’armes, et 200 000 salariés travaillent dans nos industries d’armement : le problème n’est donc pas tout à fait négligeable… J’y insiste, le contrôle et l’échange politique ne peuvent pas avoir lieu.
Il est normal que différents groupes se soient manifestés au sein de la commission pour faire des propositions, que nous avons examinées. Je me suis moi-même engagé, en commission, à déposer un amendement dont le contenu n’est pas tout à fait nouveau puisqu’il faisait l’objet d’une proposition de loi que je n’avais pas défendue alors, même si j’avais reçu les encouragements du ministre de la défense de l’époque.
En l’occurrence, de quoi s’agit-il ? D’utiliser un organisme interparlementaire que vous connaissez bien, au moins par le nom, la délégation parlementaire au renseignement, laquelle rassemble quatre députés et quatre sénateurs et mène un travail de contrôle des activités de renseignement. Elle comprend en son sein une commission chargée du contrôle des fonds secrets.
Cette délégation fonctionne depuis dix ans à la plus grande satisfaction des gouvernements successifs. J’en fais partie, comme d’autres ici : je pense notamment à François-Noël Buffet, qui a présidé la DPR – la présidence faisant l’objet d’une alternance entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Nous respectons strictement les règles extrêmement sévères de secret absolu qui s’imposent aux membres de la DPR. Les réunions se font sans téléphone, dans une salle blanche. Nous auditionnons des personnalités sur les questions du renseignement – je vous laisse imaginer ce que cela a pu être au moment des actions terroristes. La DPR remet ensuite un rapport circonstancié au Président de la République, qui en fait ce qu’il veut : il peut faire retirer des éléments qui ne doivent pas, de son point de vue, être communiqués au public.
Cet organisme existe, fonctionne et est très apprécié. Il n’a jamais porté atteinte aux règles de fonctionnement et de secret que j’évoquais il y a un instant. Aussi, plutôt que de créer une nouvelle délégation, avec tout ce que cela sous-entend, j’ai estimé plus utile de l’utiliser et de créer en son sein une commission, sur le modèle de la commission de vérification des fonds spéciaux, qui vérifierait, évidemment a posteriori, les exportations d’armes.
Concrètement, comment les choses pourraient-elles se passer ? Le rapporteur de la CIEEMG peut venir une ou deux fois par an, lors de séances spécifiques de cette commission, présenter en quelque sorte un bilan des autorisations et des refus de licence. Ainsi, si le Gouvernement est attaqué – et il le sera un jour, car il y aura fatalement un accident déplorable –, il pourra dire qu’il a rendu compte de son activité au Parlement, lequel le confirmera et le rapportera au Président de la République, celui-ci étant, de par ses compétences, tout à fait en mesure de prendre les décisions qui s’imposent.
Voilà pourquoi cet amendement peut se substituer aux amendements, qui sont tout à fait respectables et vont dans le même sens, de mes collègues, avec leur soutien. Mais je supplie le Gouvernement de nous entendre sur ce sujet. De très nombreux journalistes et ONG suivent les activités de ventes d’armes de la France – vous le savez, monsieur le ministre. Un jour ou l’autre, lorsqu’un problème surviendra, et d’ailleurs même s’il n’y en a pas, il faudra bien trancher cette question.
Une ouverture avait été faite par l’ancien Premier ministre Jean Castex – je lui en rends hommage –, qui avait autorisé, par voie de décret, trois ministres – celui des armées, celui des affaires étrangères, et celui de l’économie et des finances – à venir ensemble devant le bureau ou une formation de chacune de nos assemblées. Jusqu’à présent, les trois ministres n’ont pas trouvé le temps de nous rencontrer, mais nous savons que leur emploi du temps est très chargé ; nous n’avons pas renouvelé nos invitations puisque nous n’avons jamais eu de feu vert pour cela.
Pour conclure, cette proposition d’utiliser la DPR serait l’occasion de régler une bonne fois pour toutes le problème et de faire un premier pas – à mon sens, cela s’arrêtera là – qui sera tout de même très utile pour le contrôle parlementaire.