… sans oublier, plus récemment, des mesures financières non compensées comme le protocole Bertrand Jacob.
Cette situation n’est pas bonne. Elle est critiquée par celles et ceux qui œuvrent dans nos hôpitaux psychiatriques. Les médecins l’ont dénoncée. Les infirmiers comme les aides-soignants se sont exprimés. Les directeurs et l’encadrement ont établi des rapports alarmants. Les associations représentant les parents et les usagers n’ont pas non plus été silencieuses.
De plus, des événements très graves ont attiré l’attention de nos concitoyens : un double meurtre à Pau, plus récemment l’assassinat d’un jeune homme par un patient schizophrène à Grenoble, sans oublier nombre d’agressions supportées par le personnel hospitalier. Tout cela conduit à un malaise profond, un sentiment que la psychiatrie française va de plus en plus mal.
Madame la ministre, médecins et soignants ne cessent de vous le crier comme à l’hôpital de la Conception à Marseille, à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu à Lyon, dans les hôpitaux Sainte-Anne, Esquirol, Maison-Blanche à Paris et à l’hôpital Clermont-de-l’Oise, que je connais bien.
Vous appartenez, madame la ministre, à un gouvernement qui accorde une grande importance à la sécurité et en fait un des thèmes favoris de la communication politique en direction de nos concitoyens. Sur ces questions, votre gouvernement ne tarit pas.
Vous me permettrez ainsi, avec mes collègues du groupe socialiste, de déplorer que trop souvent vous privilégiiez la politique de communication au fond des problèmes.
Dans le domaine du logement, votre gouvernement préfère disserter et s’agiter sur la communication autour du droit au logement opposable. Or, ce droit n’aura de sens que quand l’État, dans un domaine régalien, qui est donc le sien, décidera de tout mettre en œuvre pour favoriser la construction des logements cruellement manquants.
Pardonnez-moi cette digression sur un sujet que nous ne traitons pas ce soir. Il en va de même dans un autre domaine, qui n’est pas le vôtre, encore que la situation sanitaire dans le monde carcéral vous concerne au premier chef.
Madame la ministre, la France est montrée du doigt par l’Europe pour l’état de ses prisons, la surpopulation qui y sévit et la manière dont nous y prodiguons les soins.
Vous connaissez, madame la ministre, cette situation. Vous savez qu’un quart des 61 000 détenus des prisons françaises sont des psychotiques. Cette situation doit vous interpeller !
Une des causes de l’insécurité dans notre pays résulte de l’insuffisance des moyens accordés à la psychiatrie pour soigner celles et ceux qui en ont besoin. L’évolution de nos sociétés occidentales génère de plus en plus de victimes qui, faute d’avoir trouvé soit un travail, soit un logement, soit les deux, glissent dans une exclusion sociale certaine et une marginalité progressive.
La rue devient le théâtre de toutes ces évolutions, de toutes ces souffrances qui conduisent à la déraison et à la violence. Les dégâts humains, madame la ministre, sont considérables. Écoutez celles et ceux qui connaissent, qui s’occupent de ces hommes et de ces femmes qualifiés de marginaux ! Ils vous disent tous qu’au bout de plusieurs années de vie dans la rue le point de non-retour est franchi et la situation irrémédiable.
Peut-on, madame la ministre, accepter cela et continuer de disserter dans nos collèges et nos lycées sur les écrits de Montaigne, pour qui « chaque homme porte en lui la forme entière de l’humaine condition » ?
On ne peut pas continuer comme cela ! En ne donnant pas à la psychiatrie suffisamment de moyens pour agir, en poursuivant une politique de réduction des moyens par le sous-financement de cette spécialité, on crée des déficits dont on exige ensuite la réduction par des suppressions de postes et de structures. On met à mal la politique de sectorisation ; on ferme des entités ; on supprime des postes. Vous connaissez les conséquences de telles pratiques !
La crise économique et sociale, qu’on annonce et dont on apprécie déjà l’ampleur des dégâts, ne va pas manquer d’exacerber certains cas de détresse et de rupture d’équilibre. C’est donc avec inquiétude, madame la ministre, que les médecins, soignants et cadres hospitaliers des hôpitaux psychiatriques pressentent l’aggravation d’une situation qu’ils ont déjà beaucoup de difficultés à gérer.
Le plan de santé mentale mis en œuvre pour la période 2005-2008, avec 1, 5 milliard d’euros, est certes nécessaire et utile à la rénovation des établissements, mais il ne peut masquer les efforts qu’il nous reste à accomplir.
Dans un établissement psychiatrique, 80 % des dépenses sont des dépenses de personnel. Placés devant des situations de plus en plus complexes et difficiles, appelés à être de moins en moins nombreux et, en même temps, de plus en plus confrontés aux exigences sécuritaires, les médecins et les soignants auront-ils, madame la ministre, les moyens nécessaires, qui, quand ils sont là, galvanisent les énergies, mais dont l’absence provoque désarroi et résignation ?
Enfin, et peut-être surtout, le traitement de la maladie mentale exige des moyens spécifiques, identifiés et reconnus, qui ne sauraient en aucun cas constituer la variable d’ajustement d’autres politiques.
Madame la ministre, dans le domaine de la psychiatrie comme dans les autres secteurs de la santé, les moyens dont vous disposez vous obligent, nous obligent à faire des choix. Nos choix, vous l’avez compris, n’oublieront pas la santé mentale, à laquelle, je le pense très sincèrement, vous ne réservez pas toute l’attention qu’elle mérite dans vos priorités budgétaires.