Intervention de Gabriel Attal

Réunion du 3 juillet 2023 à 16h00
Règlement du budget et approbation des comptes des années 2021 et 2022 — Rejet définitif en procédure accélérée de deux projets de loi

Gabriel Attal, ministre délégué :

C'est d'autant plus regrettable que cette nouvelle catégorie de loi, consacrée au niveau organique en 2021, était la première du genre. Elle a pour objet de mieux informer le Parlement et de débattre. Je le répète, il ne s'agit pas de changer le passé, car nous n'avons pas encore inventé la DeLorean de Retour vers le futur !

Ce point préalable étant rappelé, permettez-moi de revenir rapidement sur l'exécution budgétaire de l'année 2021.

Vous le savez, 2021 a été une année de bascule, pendant laquelle nous sommes passés, presque sans transition, de la crise du Covid à celle de l'inflation. Dans ce contexte, nous avons agi pour protéger les Français, tout en enclenchant le redressement de nos comptes. Le déficit public a été ramené à 6, 5 % du PIB, contre 8, 9 % en 2020, et la dette publique à 112, 5 %, soit 2 points de moins que l'année précédente.

Ainsi, 2021 a marqué la première année d'une dynamique vertueuse pour nos finances publiques, poursuivie en 2022 et dont nous ne dévierons pas. Non, nous n'en dévierons pas, parce que c'est une question de souveraineté, d'autonomie et de capacité à protéger nos compatriotes face aux menaces et aux crises.

Le projet de loi de règlement 2021 présenté aujourd'hui a fait l'objet, par rapport à la version de l'année dernière, d'une actualisation. Il s'agit simplement de modifier, par amendement, l'article liminaire, pour mettre à jour les chiffres de la croissance pour 2020 et 2021, à la suite de la publication des comptes nationaux de l'Insee, l'Institut national de la statistique et des études économiques, publiés le 31 mai dernier.

L'évolution du PIB en volume a été revue à -7, 5 % en 2020, contre -7, 8 % auparavant – c'était l'effet de la crise de la covid-19 –, et à +6, 4 % en 2021, contre +6, 8 % auparavant. J'en profite pour dire que nous avons également actualisé l'article liminaire du projet de loi de règlement 2022, pour tenir compte de cette publication de l'Insee, qui évalue la croissance de l'année dernière à +2, 5 %, contre +2, 6 % précédemment.

Comme à l'Assemblée nationale, l'amendement déposé par le Gouvernement vise à modifier la décomposition du solde public entre composante structurelle et conjoncturelle, tout en laissant inchangé le déficit public, qui s'est établi à 4, 7 % l'année dernière.

J'en viens maintenant aux principaux enseignements de l'exécution budgétaire de l'année dernière.

Le premier enseignement à tirer, c'est que notre action résolue contre la hausse des prix a produit des résultats, même si, je le sais, la situation reste difficile pour des millions de nos compatriotes. Pourquoi a-t-elle produit des résultats ? En nous attaquant aux prix de l'énergie avec les boucliers gaz et électricité, nous avons cassé la spirale inflationniste et préservé la croissance économique. C'était, je crois, le bon choix.

En effet, en préservant la croissance, nous avons créé les conditions pour que les recettes restent dynamiques. Et c'est précisément le dynamisme des recettes qui explique l'amélioration de notre déficit public l'année dernière : il est passé de 6, 5 % en 2021 à 4, 7 % l'année dernière.

Permettez-moi de vous donner un autre chiffre. Globalement, les recettes ont progressé de 7, 3 % en 2022, après avoir augmenté de 8, 4 % en 2021.

Cette croissance des recettes repose principalement sur la progression de l'impôt sur les sociétés, en hausse de 15, 8 milliards d'euros, ce qui nous a permis d'atteindre un record en la matière, avec 62, 1 milliards d'euros prélevés l'année dernière, alors même que le taux de l'impôt sur les sociétés est passé de 33 % à 25 %.

Je veux aussi relever la hausse des recettes d'impôt sur le revenu de 10, 3 milliards, notamment grâce au dynamisme du prélèvement à la source et du prélèvement forfaitaire unique, ainsi que de la TVA, à hauteur de 5, 3 milliards d'euros.

Comme pendant la crise de la covid, nous avons fait le choix de la protection des Français face à la vie chère, tout en poursuivant le redressement de nos finances publiques.

Ce contexte de crise dans lequel nous avons évolué tout au long de l'année 2022 explique pour une large part le niveau des reports de crédits. En effet, l'année dernière a été marquée par l'extinction de la majorité des mesures de soutien sanitaire, mais aussi par la forte montée en charge des mesures de soutien pour l'énergie, engagées dès l'automne 2021, ainsi que par les conséquences de la guerre en Ukraine sur le budget des armées.

De nombreux dispositifs de soutien ont fait l'objet de crédits dans la première loi de finances rectificative, celle de l'été, et dans la seconde loi de finances rectificative, celle de fin de gestion de l'hiver 2022-2023. Ils ont donc connu des montants importants de reports ; je pense aux chèques exceptionnels à destination des ménages et aux aides ciblées aux entreprises, notamment.

Les reports de 2022 vers 2023, s'ils restent à des niveaux élevés, à 18, 8 milliards d'euros, poursuivent leur réduction, après 23, 2 milliards d'euros l'an passé et 36, 7 milliards d'euros il y a deux ans. Notre objectif, j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, est de revenir à des niveaux proches de ceux que nous avons connus avant la crise, soit autour de 3 milliards d'euros par an.

Le deuxième enseignement que je tire de l'exécution de l'année dernière est que le solde des administrations publiques demeure très dégradé, précisément parce que nous avons consacré des moyens considérables pour casser cette spirale inflationniste.

Au total, pour les années 2021 et 2022, nous avons mis sur la table 34, 5 milliards d'euros nets, en comptant les recettes de contribution au service public de l'électricité (CSPE) et de contribution pour les rentes infra-marginales (CRI), pour lutter contre l'inflation au travers des boucliers énergétiques. Le montant est considérable, mais la vérité est que le coût des boucliers sera toujours moins cher que celui des 2 points d'inflation que nous aurions eus en plus si nous n'avions pas mis ces dispositifs en place. C'est donc un choix que j'assume.

Oui, la situation de nos comptes demeure préoccupante, et c'est la raison pour laquelle nous devons impérativement tenir nos objectifs de finances publiques et accélérer le désendettement de la France à horizon de 2027.

Je vous rappelle les cibles qui sont les nôtres à l'horizon de 2027 : un déficit public ramené à 2, 7 % et une dette réduite de 4 points de produit intérieur brut (PIB).

Pour atteindre ces objectifs, nous avons une méthode désormais éprouvée : celle de la revue des dépenses publiques. Nous ferons des économies grâce à elle.

Tout d'abord, nous voulons responsabiliser les acteurs en matière de dépenses de santé.

Ensuite, il y a deux politiques publiques sur lesquelles nous allons agir : le logement et l'emploi.

Enfin, le dernier axe, c'est la chasse aux niches fiscales qui portent sur les énergies brunes. On ne peut pas vouloir accélérer la transition énergétique et écologique et, dans le même temps, continuer à encourager fiscalement les dépenses et le recours aux énergies les plus polluantes.

Notre stratégie ce n'est pas l'austérité, c'est tout simplement la responsabilité, comme le traduira le projet de loi de finances pour 2024. Je le dis clairement : nous avons besoin de tout le monde pour réussir, et l'État ne pourra pas être le seul à faire des efforts. Ce n'est d'ailleurs d'ors et déjà pas le cas.

La première chose que je veux rappeler, c'est qu'il n'y aura pas de mécanisme de contrainte pour les collectivités territoriales. La Première ministre s'y était engagée, et nous n'y reviendrons pas. Nous voulons la confiance, pas la contrainte.

En revanche, nous prévoyons dans ce projet de loi de programmation pour les collectivités un objectif d'évolution de la dépense de fonctionnement en baisse de 0, 5 point par rapport à l'inflation.

Je rappelle que le dernier programme de stabilité a acté un durcissement de l'objectif sur l'État, qui passe de moins 0, 4 % en volume à moins 0, 8 %, tandis que celui pour les collectivités reste à moins 0, 5 %. On passe donc d'une situation où les collectivités étaient amenées dans la trajectoire à faire davantage d'efforts que l'État à une situation où l'État réalisera plus d'efforts que les collectivités locales.

Oui, nous aurons besoin de tout le monde pour réussir. Nous aurons besoin de l'ensemble des administrations publiques, mais également de tous les groupes politiques, car je pense que nous pouvons nous retrouver autour d'une idée simple : il faut maîtriser nos finances pour conserver la maîtrise de notre destin national.

L'année dernière, nous avons expérimenté ensemble les dialogues de Bercy. La conclusion que j'en tire, c'est que l'on gagne toujours à discuter. Cette année, je veux commencer l'exercice plus en amont, pour travailler de manière plus approfondie et pour essayer de construire ensemble le meilleur budget possible pour les Français.

Nous allons à présent débattre de ces projets de loi de règlement. J'imagine que M. le rapporteur général de la commission des finances et les différents représentants des groupes formuleront des critiques politiques sur les orientations budgétaires du Gouvernement, ce qui est parfaitement légitime en démocratie.

Ils regretteront, probablement, un niveau de déficit encore trop élevé l'an dernier et des niveaux de reports trop importants – nous avons eu l'occasion d'en discuter lors de mon l'audition en commission.

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