Je m'adresse en cet instant au Gouvernement et à mes collègues : il faut cesser, nous vous le disons depuis le retour de l'inflation sur le sol européen, d'ériger la terrible guerre en Ukraine et la folie des marchés de l'énergie fondée sur des règles politiques absurdes en seules responsables de l'envolée des prix ! Nommez les véritables coupables, à savoir la cupidité de ceux qui s'enrichissent sur la guerre et se servent de prétextes relayés ici ou là pour enrayer l'ardente ambition redistributive.
Non seulement il a été refusé de mettre les entreprises à contribution, mais il nous a fallu les aider massivement face au prix de l'énergie, tout en préservant les marges de celles qui se sont gavées !
Le bouclier tarifaire sur l'électricité a représenté une dépense supplémentaire de 18, 3 milliards d'euros, soit le surplus phénoménal des dépenses budgétaires. La compensation indue aux fournisseurs d'électricité des pertes liées à cette baisse de prix atteste de cette folie dépensière au service du capital.
Les aides aux ménages supplémentaires par rapport à 2021 font pâle figure par rapport à l'arrosage tous azimuts d'argent public pour pallier la folie des marchés.
L'État providence s'est transformé en 2022 en un État ambulance des victimes de la marchandisation de la société et en un État complice de la hausse des profits sans partage !
Au total, toutes recettes supplémentaires – 43 milliards d'euros – et toutes dépenses supplémentaires – 47, 5 milliards d'euros – représentent in fine 59, 8 % du déficit constaté pour l'année 2022. C'est peu dire qu'il y a de l'argent !
Comme nous vous le disions, nous sommes passés du « quoi qu'il en coûte » au « quoi qu'il advienne » ! Les dépenses publiques ont augmenté de 109, 6 milliards d'euros par rapport à l'avant-pandémie. Pour quelles utilités sociales et pour quels progrès sociaux ? Il n'y a eu que des rabots ici et là, au détriment de l'intérêt des classes moyennes et populaires, qui, en 2022, ont eu droit à un chèque, « l'aide exceptionnelle de solidarité » pour les plus précaires, créant 1, 3 million d'« oubliés » qui n'ont pu le percevoir. C'est insuffisant et révoltant !
L'insincérité budgétaire et politique se manifeste également par des pratiques d'affichage dont le plan de relance est l'un des révélateurs.
Le plan de relance est supplanté par un autre plan : celui de la communication. La diminution de 7, 3 milliards d'euros des crédits est imputable en grande majorité aux aides exceptionnelles versées à France Compétences ou à Pôle emploi, lesquelles n'avaient rien à voir avec la relance.
En effet, 3, 7 milliards d'euros de cette économie fictive ont consisté à basculer les aides à l'alternance visant à créer une main-d'œuvre gratuite vers un autre programme budgétaire, tout en faisant coexister les dispositifs d'activités partielles sur plusieurs programmes. Le plan de relance a financé des dépenses qui n'avaient rien à avoir avec la relance…
Le plan de relance est aussi le symbole des annonces non suivies d'effets. En 2021, quelque 24, 9 % des crédits n'ont pas été consommés et, en 2022, ce taux s'élevait à 34, 1 %, selon la Cour des comptes, « en raison de dispositifs au financement plus complexes que prévu ou qui ne trouvent pas leur public », entraînant 6 milliards d'euros pour chacune de ces deux années de reports de crédits sur les années suivantes.
D'autres le souligneront peut-être après moi, toutes ces dépenses annoncées ne bénéficieront pas aux collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, vous avez comparé à plusieurs reprises les comptes administratifs de l'État et ceux des collectivités territoriales : croyez-vous que toutes les collectivités territoriales de France ont les moyens administratifs de l'État ? Connaissez-vous beaucoup de collectivités territoriales ayant mis en débat des comptes administratifs insincères, avec un tel niveau de reports et de telles prévisions erronées ? Je vous mets au défi de me citer un seul exemple !
Cette année encore, 14, 3 milliards d'euros ont été reportés, laissant perdurer ce que je qualifierai de politique de la cagnotte. Les contre-vérités budgétaires, les manœuvres dilatoires et autres négations de la réalité comptable aggravent la situation des finances publiques.
Mes chers collègues, cette motion de rejet est un outil que nous mettons à votre disposition pour envoyer un message clair : le Gouvernement est défaillant dans ses prévisions, dans sa conception et dans ses réalisations budgétaires. Cette défaillance s'appuie sur une volonté politique d'insincérité.
Votons cette question préalable, pour que le prochain projet de loi de finances soit différent. Votons cette question préalable, parce que les erreurs d'hier font les déficits de demain, l'endettement d'après-demain et l'impossibilité d'investir pour la transition écologique et les services publics maintenant !