Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Pierre Mauroy disait que la rigueur, c'est l'austérité plus l'espoir. En termes mathématiques, cela revient à l'opération suivante : l'espoir, c'est la rigueur moins l'austérité.
Chaque texte budgétaire que nous examinons confirme l'« équation Mauroy ». Lois de finances initiales, rectificatives, de règlement des comptes et autres lois de programmation : tous ces textes suivent des procédures millimétrées, présentent des tableaux, des études d'impact, des prévisions et des ajustements. Ils respectent des règles et les carcans imposés par nos engagements européens. Bref, tous ces textes, que je qualifie de Canada dry, ont la couleur de la rigueur budgétaire, sans le goût de l'austérité. Ainsi entretiennent-ils, année après année, l'espoir d'une amélioration prochaine… Convenons qu'il s'agit plutôt d'une ivresse des profondeurs.
Je n'en tiens pas rigueur, si je puis dire, au Gouvernement, en tout cas pas à vous, monsieur le ministre, car je sais toute l'énergie que vous déployez pour maîtriser les comptes.
Je sais aussi tout l'attachement de notre commission des finances, et singulièrement de notre rapporteur général, à la diminution des dépenses et de la dette publiques. Mais je crois sincèrement que nous devons prendre acte, mes chers collègues, d'un échec collectif : notre approche, pour rigoureuse qu'elle paraisse, ne nous permet pas de changer la donne. Pour reprendre le contrôle de nos comptes, il nous faut changer de logiciel et nous astreindre à la rigueur. Ce changement impliquerait une approche intégrant l'impératif de transformation écologique dans la comptabilité budgétaire, et donc une analyse en valeur plutôt qu'en coût. Mais c'est là un autre débat.
J'en reviens à la rigueur, et je vais illustrer mon propos par un exemple très précis. En 2022, la charge de la dette a augmenté de 12 milliards d'euros. La hausse sur cette seule année est d'un montant supérieur à celui des crédits de la mission « Plan de relance » sur le même exercice. Autrement dit, le poids de notre endettement bride notre capacité à préparer le futur. Ne pas réduire nos dépenses publiques, c'est nous empêcher d'investir à la fois dans nos services publics essentiels, dans les technologies de rupture et dans la transformation écologique.
Pour regagner des marges de manœuvre, il nous faut diminuer drastiquement d'autres dépenses. C'est tout le paradoxe à surmonter.
Ces équations difficiles sont des questions d'arbitrage. Il ne s'agit pas seulement de pointer du doigt telle ou telle dépense ; l'enjeu est bien d'indiquer des préférences, de raisonner de façon globale et, en définitive, de faire des choix.
C'est précisément ce que nous faisons chaque automne. Le vote du budget est un moment fort de la vie parlementaire et l'une des prérogatives essentielles du Parlement. La Constitution de la Ve République ne prévoyait d'ailleurs à l'origine que deux sessions : l'une budgétaire, à l'automne, et l'autre législative, aux beaux jours. Justement, il me semble de bonne politique de réserver les débats budgétaires à l'examen des projets de loi de finances, et, le cas échéant, des projets de loi de finances rectificative.
Un projet de loi de règlement n'est pas censé être l'objet de querelles politiques. Il est de bonne gestion d'arrêter, en année n, les comptes de l'année n-1. Il ne me semble pas opportun de s'opposer à la clôture des comptes.
Un projet de loi de règlement des comptes n'a pas vocation à devenir un règlement de comptes politiques.
Adopter ce texte ne revient pas à souscrire aux orientations budgétaires et politiques qu'il sous-tend : c'est simplement prendre acte des décisions passées, en responsabilité et dans le respect de nos institutions.
J'ai moi-même indiqué les réserves de notre groupe quant à la situation de nos finances publiques. Toutefois, je doute que nous améliorions les choses en rejetant ce texte.
Notre seule préoccupation doit être de faire repasser nos dépenses en deçà de nos recettes, et de limiter le taux de nos prélèvements obligatoires pour préserver la compétitivité du site France. C'est la condition sine qua non pour réindustrialiser notre pays et garder notre souveraineté.
J'espère que le Gouvernement nous soumettra les économies récemment annoncées et que notre commission des finances sera également force de propositions. En tout cas, le groupe Les Indépendants le sera. En attendant, nous soutenons les deux projets de loi de règlement de budget et d'approbation des comptes pour les années 2021 et 2022. §