Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m'efforcer d'être bref, non pas pour abréger nos souffrances, mais parce que j'ai conscience que j'aurai du mal à vous convaincre quand M. le ministre a échoué. Je vais tout de même essayer.
Il n'y a jamais eu de rejet par les deux chambres des projets de loi de règlement depuis 1833, soit 190 ans. L'Assemblée nationale et le Sénat avaient alors rejeté les comptes de Baron de Montbel, ministre des finances au moment des Trois Glorieuses. Depuis, la France a vécu des périodes politiques autrement plus compliquées et tendues que l'actuelle, aux XIXe et XXe siècles. Pour autant, jamais les deux chambres n'ont voté ensemble contre des projets de loi de règlement.
Je ne peux donc y voir qu'un acte politique, comme l'on peut en voir parfois – mais pas toujours ! – dans les collectivités locales. Il se trouve que j'ai été adjoint aux finances d'une grande collectivité locale. Les oppositions avaient à cet égard des attitudes différentes. Il y a eu des moments où elles n'ont pas voté les comptes administratifs, mais, à d'autres, des opposants très déterminés et virulents au moment du vote du budget – je pense par exemple à une personne devenue depuis députée LFI –, choisissaient de faire la part des choses en votant le compte administratif, considérant qu'il retraçait la façon dont nous avions fait appliquer par les services notre projet politique.
Ce n'est pas le choix que vous faites, ce qui me conduit, j'y insiste, à en faire une lecture politique. C'est d'ailleurs honorable, mais ne sous-estimez pas cette attitude en la banalisant. Ne prétendez pas non plus qu'il y a des raisons de fond derrière votre décision. Je le répète : cela fait 190 ans que les deux chambres n'ont pas fait ensemble un tel choix.
Sur le fond, vous comprenez que j'approuve ces deux projets de loi de règlement. En 2021, nous avons eu le plan de la relance, mais aussi le fonds de solidarité, les allocations chômage, le soutien aux ménages, les programmes d'investissements d'avenir (PIA) doublés. En 2022, nous avons eu le budget de la lutte contre les conséquences de l'inflation. Je ne peux que me réjouir que le Gouvernement ait fait tout ce qu'il a fait, notamment avec le chèque carburant, pour limiter l'impact de l'inflation sur nos concitoyens.
Au-delà, je rappelle que la baisse de l'impôt sur les sociétés a paradoxalement permis d'engranger 22 milliards d'euros de plus que ce qui était prévu. C'est la preuve qu'un moindre taux peut rapporter plus de recettes.
En 2022, la croissance a été de 2, 6 %, comme l'a rappelé M. le rapporteur général. Dans un tel contexte international, j'y vois les effets des actions entreprises par le Gouvernement.
Vous l'aurez compris, le groupe RDPI votera ces deux textes, car nous partageons les constats dressés par le Gouvernement.
Pour autant, comme certains l'ont déjà dit, c'est une photographie administrative. Il me semble que s'abstenir ou ne pas prendre part au vote, comme le font beaucoup d'oppositions dans les collectivités, permettrait d'envoyer un message politique tout en laissant passer les textes, qui sont utiles au Gouvernement pour régler des questions administratives. L'exécutif n'aurait ainsi pas à chercher d'autres solutions pour faire approuver le bilan.
C'est dommage d'en arriver là, parce que, contrairement à ce que j'ai pu entendre ici ou là, la Cour des comptes a certifié les comptes. Elle ne parle nulle part d'« insincérité », terme que certains ont employé à tort. Il n'y a pas d'insincérité particulière qui justifierait un acte politiquement fort, à savoir le rejet par les deux chambres, inédit depuis 1833, de ces projets de loi de règlement.
Le moment me semble peu pertinent pour manifester votre opposition, alors que le débat budgétaire à l'automne permet d'avoir ce débat démocratique et de s'opposer aux projets gouvernementaux quand on ne les partage pas.
Je regrette la position du Sénat aujourd'hui, tout en espérant que le Gouvernement trouvera les solutions pour régulariser la situation comptable de l'État et éviter un certain nombre de difficultés qui risqueraient de se produire au bout de quelques années.