Intervention de Christine Lavarde

Réunion du 3 juillet 2023 à 16h00
Règlement du budget et approbation des comptes des années 2021 et 2022 — Discussion générale commune

Photo de Christine LavardeChristine Lavarde :

Monsieur le ministre, vous l'avez dit, l'analyse des comptes 2022 permet de dresser une photographie de l'économie française. Je peux vous dire que nous aurions aimé avoir une plus belle image à regarder !

L'amélioration, relative, du déficit, qui s'élève tout de même à 4, 7 % du PIB, soit près de 125 milliards d'euros, repose sur la seule dynamique, très forte, des recettes fiscales, supérieure à la dynamique récurrente – il faut le reconnaître – des dépenses, alors même que les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités locales sont en baisse, de 2, 4 milliards d'euros en cumulé.

Je ne peux d'ailleurs pas manquer de souligner que les collectivités sont financées à 93, 4 % par la voie d'affectations d'impôts et de prélèvements sur recettes.

Les recettes publiques représentent 53, 4 % du PIB. Ce chiffre est le même en 2018 et en 2022, mais cette stabilité cache un niveau historique pour les prélèvements obligatoires, qui atteignent 45, 3 % du PIB. Je pense qu'il n'y a pas lieu de se réjouir…

Le déficit structurel, tenant compte de la dernière évaluation du PIB potentiel présentée dans le rapport économique, social et financier pour 2023, est de 4 %. Le déficit structurel attendu pour 2023 est également de 4 %. Par conséquent, il n'y aura aucune amélioration du déficit structurel entre 2022 et 2023… à moins d'une très bonne surprise.

Le Haut Conseil des finances publiques tire pourtant la sonnette d'alarme : « Une nette réduction du déficit structurel est nécessaire pour réduire l'exposition de la France à un risque d'insoutenabilité de sa dette. Alors que de nouvelles dépenses publiques devront être financées, notamment en faveur de la transition énergétique et des investissements pour renforcer la croissance, et au titre des lois de programmation sectorielles votées ou déposées, elle suppose une action résolue sur la dépense publique. » Et tout cela a été écrit avant la visite du Président de la République à Marseille ou encore les événements de ces derniers jours…

L'amélioration affichée du solde budgétaire – il serait de -151 milliards d'euros, après -170 milliards d'euros en 2021 et -178 milliards d'euros en 2020, contre -93 milliards d'euros en 2019 – résulte non pas d'un effort de gestion, mais seulement d'un effort en paiement. En effet, la comptabilité budgétaire permet de reporter le paiement de certaines factures sur l'exercice suivant, tout en reportant les crédits. Ainsi, 25 milliards d'euros de crédits n'ont pas été consommés, et 18 milliards d'euros ont été reportés.

Cela conduit à un constat sévère de la Cour des comptes : « […] la gestion 2022 prolonge ce qui avait été observé en 2020 et 2021 : une tendance marquée à la budgétisation d'enveloppes importantes qui apparaissent sous-consommées en cours d'année, reportées sur l'exercice suivant et parfois en partie redéployées. Cette tendance porte atteinte au principe d'annualité ; elle pose aussi question au regard du principe de spécialité. De surcroît, elle nuit à la lisibilité de l'autorisation parlementaire. »

En comptabilité générale, ou comptabilité d'engagement, la situation est beaucoup moins favorable. Le solde se dégrade, entre les deux exercices, de 4, 5 milliards d'euros.

En effet, les dépenses de fonctionnement ont augmenté de près de 15 milliards d'euros par rapport à 2021. Citons pêle-mêle : 10 milliards d'euros pour la renationalisation d'EDF, 4 milliards d'euros de subventions à France compétences, dont le sous-financement est structurel – j'ai bien noté que le Gouvernement envisageait d'adopter, dans le PLF pour 2024, une mesure que j'ai portée dans cet hémicycle à l'occasion de l'examen du PLF pour 2023 : nous avons perdu un an ! – ; 1, 9 milliard d'euros pour financer l'amortissement de la dette de l'État. Ce ne sont pas des dépenses pour l'avenir, monsieur le ministre : ce sont des dépenses pour sauver des bateaux en train de couler !

Par ailleurs, les lois de programmation sectorielle ont eu un effet à hauteur de 70 milliards d'euros en 2022. Mais, en 2023, la dépense est déjà préengagée à hauteur de 20 %.

La dépense de l'État en 2022 est ainsi supérieure de 109 milliards d'euros à celle de 2019, soit une hausse de 31, 9 %, alors même que l'inflation n'a été, sur la même période, que de 8, 6 %.

Puisque je parle d'inflation, je poursuis naturellement avec la dette.

La hausse du service de la dette, en 2022, n'est qu'un « apéritif ». En effet, la hausse des taux d'intérêt a eu un effet nul en 2022. Ce ne sera plus vrai au cours des prochains exercices budgétaires : une augmentation de 1 % du taux moyen se traduit par un surcoût de 15 milliards d'euros à cinq ans et de 31 milliards d'euros à dix ans.

Par ailleurs, le roulement de la dette va être très rapide au cours des prochaines années : la dette à moyen-long terme doit avoir été remboursée à hauteur de 50 % en 2028, et de près de 75 % d'ici 2032.

Monsieur le ministre, je veux aussi vous parler du schéma d'emploi, qui contribue, en 2022, à la modération de la masse salariale. C'est, en réalité, une source d'inquiétude. Pour mémoire, la loi de finances initiale pour 2022 prévoyait une légère hausse des effectifs de l'État. La baisse constatée, plus forte qu'en 2021, avec 5 700 emplois en moins, est portée par le ministère de l'éducation nationale et celui des armées. Les effectifs de ces deux ministères auraient pourtant dû augmenter !

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