Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis pour voter définitivement le premier texte entièrement consacré aux douanes depuis 1965.
Son parcours législatif n’a pas posé de problèmes significatifs. À ce titre, je tiens à nous féliciter d’avoir trouvé un accord en commission mixte paritaire. C’est parce que nous étions guidés par l’intérêt supérieur des douanes que cet accord a été obtenu.
Ce texte est d’une importance notable, tant les douanes exercent un rôle majeur dans la lutte contre les trafics de toute nature – stupéfiants, armes, tabac – et, plus généralement, contre la criminalité organisée.
Je rappelle que leur niveau d’activité en 2022 atteste de l’importance de leurs missions : elles ont saisi 104 tonnes de drogues pour une valeur supérieure à 1 milliard d’euros, 640 tonnes de tabac et de cigarettes et 11, 5 millions d’articles de contrefaçon.
Pour autant, l’administration des douanes fait aujourd’hui face à un double défi : d’une part, elle est confrontée, comme les autres acteurs de la sécurité intérieure, à une intensification des flux illégaux, à une complexification des trafics et à une adaptabilité de plus en plus forte des réseaux criminels, notamment grâce à l’appui offert aux délinquants par les nouvelles technologies ; d’autre part, elle gère désormais des frontières de natures multiples, puisque la frontière numérique est venue s’ajouter aux traditionnelles frontières terrestres, maritimes et aériennes.
Dans un espace Schengen intégré, les douanes doivent adapter leurs méthodes d’action à la spécificité des flux internationaux auxquels sont exposées les différentes parties de notre territoire. Il n’est pas inutile de rappeler que le code des douanes n’avait plus été réformé depuis 1948 et apparaissait donc largement daté à l’heure où nos douaniers doivent faire face à toutes ces nouvelles menaces.
C’est tout l’objet du texte que de profiter de l’obligation de préciser le droit de visite des douanes, censuré par le Conseil constitutionnel l’année dernière, pour renforcer et adapter les moyens donnés aux douaniers.
Le projet de loi sécurise donc juridiquement en priorité le droit de visite au regard des attentes du Conseil constitutionnel, c’est-à-dire les conditions du contrôle effectif des marchandises, des véhicules et des personnes, ce qui constitue le cœur de l’activité des douanes.
Ce texte d’aspect principalement technique et opérationnel, dont le périmètre est par conséquent relativement limité, ne pose que peu de problèmes politiques. Néanmoins, je tiens à réitérer les doutes qui entourent l’article 7 quant à la création de la réserve opérationnelle, doutes que la commission mixte paritaire n’a pu dissiper.
Ces doutes s’expriment, tout d’abord, sur la crainte, confortée par l’expérience, que la mise en place de ce corps ne se substitue peu à peu aux embauches pérennes de fonctionnaires des douanes.
Les services des douanes françaises ont perdu près de 6 000 postes depuis 1993, dont une centaine depuis 2021, alors que, avec 16 580 équivalents temps plein travaillé (ETPT) aujourd’hui, leurs effectifs sont notoirement insuffisants : en France, on compte un douanier pour 3 800 personnes, contre un pour 1 700 en Allemagne.
Ils concernent, ensuite, la disposition visant à habiliter les réservistes au port et à l’usage d’armes. La question est de principe, mais on notera au surplus que la formation prévue pour les réservistes est de seulement cent vingt-huit heures, qui sont loin d’être toutes dédiées au port d’armes.
Par ailleurs, la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) déclare, comme objectif de cette réserve, qu’elle veut en priorité recruter et fidéliser de jeunes adultes, alors que, comme d’autres administrations, elle peine de plus en plus à recruter et souffre d’un déficit d’attractivité.
Nous estimons que l’on ne répond pas au déficit d’attractivité par un tel pansement. Les douanes doivent bénéficier de revalorisations pérennes, plutôt que de primes, et de meilleures conditions de travail, comme le reste des agents publics.
Enfin, nous considérons toujours que cette réserve ferait double emploi. En effet, pour faire face à un accroissement temporaire de la charge de travail d’une brigade, d’un service ou d’une direction, les douanes disposent déjà aujourd’hui d’un service dédié, le service Paris-Spécial, composé de 315 agents, dont 117 de la branche de la surveillance et 198 de la branche du contrôle des opérations commerciales et d’administration générale, dont il n’est pas précisé l’avenir dans le présent projet de loi.
Néanmoins, je me félicite que l’amendement de mon collègue Bouloux à l’Assemblée nationale ait été retenu : cette demande de rapport confirmera ou infirmera les craintes qui entourent l’article 7.
En conclusion, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, soucieux du respect des libertés fondamentales, votera ce texte, qui permet notamment de donner un cadre juridique solide et rassurant pour nos douaniers dans l’exercice de leurs missions sur le terrain.