Intervention de Daniel Breuiller

Réunion du 3 juillet 2023 à 16h00
Règlement du budget et approbation des comptes des années 2021 et 2022 — Discussion générale commune

Photo de Daniel BreuillerDaniel Breuiller :

Monsieur le ministre, je vous donne acte que les rejets des projets de loi de règlement disent bien quelque chose de notre démocratie mal en point, mais ils n’ont rien de pavlovien.

Comme je ne suis pas sûr que nous nous retrouvions au prochain projet de loi de finances – j’ai eu écho de rumeurs de remanient ministériel §–, je dois vous dire une nouvelle fois ma conviction profonde sur vos choix budgétaires : ils ne répondent ni aux défis climatiques ni aux défis sociaux de notre pays.

L’accroissement de la dette et de la charge de celle-ci ne constitue pas une bonne nouvelle, d’abord parce que cela diminue la capacité à agir de l’État. Les 13 milliards d’euros de hausse de la charge de la dette auraient largement suffi à éviter cette réforme injuste des retraites que vous avez imposée aux Français malgré leurs protestations constantes.

Mais la dette n’est pas mauvaise en soi dès lors qu’elle est consacrée à des investissements qui vont réduire notre dépendance aux fossiles et notre déficit extérieur. C’est la raison pour laquelle nous soutenons les constats et les propositions du rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz. Toutes les dettes ne sont pas bonnes, mais celles pour l’investissement pour le climat le sont. S’endetter pour isoler tous les logements du pays, pour décarboner les transports, pour installer éoliennes et panneaux solaires aurait un impact bénéfique immédiat.

De plus, nous nous privons, ou plutôt, vous nous privez de recettes, puisque vous avez réduit de 50 milliards d’euros la TVA au bénéfice de l’État, afin de compenser les recettes amputées des collectivités, la suppression de la redevance de l’audiovisuel public, ou encore celle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et ce sans contrepartie.

C’est un très mauvais scénario : vous diminuez la capacité à agir de l’État et des collectivités, la qualité dans les services publics, puis vous pleurez que la dette augmente et vous faites dire aux usagers via votre plateforme En avoir pour mes impôts que les services publics ne sont pas bons.

Ne nous privez plus de recettes, monsieur le ministre, pour nous permettre, comme le réclame le rapport de M. Pisani-Ferry et de Mme Mahfouz, de relever le défi climatique. L’exécution budgétaire reflète des petits pas et des demi-mesures, quand les dérèglements avancent, eux, à grands pas, provoquant de forts bouleversements, jusqu’à menacer la ressource en eau de notre pays. Qui eût prédit cela ?

Il nous faut entre 25 milliards d’euros et 34 milliards d’euros de financements publics par an d’ici à 2030 pour lutter contre le dérèglement climatique et s’y adapter. Vous avez écarté d’un revers de main notre ISF climatique. Entendez la proposition qui vous est faite d’appeler à une contribution exceptionnelle les 10 % les plus aisés, qui sont aussi les plus pollueurs, quand les plus modestes sont ceux qui subissent le plus durement les conséquences.

Comme le Réseau Action Climat, nous estimons qu’il faut « davantage détailler l’analyse des politiques de transition écologique sur les inégalités sociales et la pauvreté » et avancer vers un budget vert et sensible aux inégalités.

La Cour des comptes a d’ailleurs qualifié le budget vert annexé au projet de loi de règlement de « démarche inaboutie ». C’est le moins que l’on puisse dire, puisque le bouclier tarifaire de 45 milliards d’euros n’a pas été intégré dans les dépenses défavorables au climat, alors qu’il constitue une aide à la consommation d’énergies fossiles.

Donnons-nous les moyens de réellement évaluer nos actions et de les infléchir. Notre groupe renouvelle sa demande d’une loi de programmation des financements de la transition écologique, car il y a urgence. Face au covid, vous aviez pris des mesures exceptionnelles. D’autres mesures exceptionnelles sont aujourd’hui indispensables face à la crise climatique, dont la gravité n’est pas moindre.

Notre groupe défend également le service public, qui est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas.

L’affaiblissement continu des services publics dans les territoires ruraux, comme dans les quartiers populaires, aboutit à un sentiment d’abandon et de désespérance que les gilets jaunes et la crise actuelle révèlent avec violence. Il y a urgence de plus et mieux de service public. Surtout, la solidarité est indispensable, alors que l’inflation, en grande partie spéculative, attaque le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Enfin, et ce sera mon dernier point, il y a une insincérité des documents présentés : je pense à tous les reports de crédits et à tous les écarts, dans des proportions historiques, qui malmènent les droits du Parlement sur l’élaboration du budget et le contrôle de son exécution.

Dans un contexte d’urgence climatique et d’augmentation des inégalités, les budgets de 2021 et 2022 ont été des occasions manquées, pour les services publics comme pour la transition. Les profits et les dividendes record auraient pu servir au financement d’une véritable bifurcation environnementale et sociale. Par votre politique budgétaire, vous nous privez de recettes fiscales, mais la crise climatique ne repassera pas les plats, et l’insuffisance de l’action aujourd’hui se traduira par l’aggravation des crises demain. C’est pourquoi nous désapprouvons ces projets de loi de règlement.

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