Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où les associations d’élus locaux, départementaux et régionaux ont refusé de participer à la grand-messe de l’austérité présentée sous le nom d’Assises des finances publiques, je souhaite, au nom de mon groupe, leur témoigner tout notre soutien : dire que nous n’acceptons pas les décisions non concertées, unilatérales, comme l’indispensable revalorisation du point d’indice, sans moyens nouveaux ; dire que le concept très « bercyen » d’autoassurance revient à s’attaquer non plus aux dépenses des collectivités, comme le faisaient les contrats de Cahors, sur lesquels le Gouvernement s’est obstiné, mais aux recettes cette fois-ci, les obligeant à créer des réserves. En gros, le message aux collectivités est le suivant : « Tu ne pourras compter que sur toi-même ! »
Le ministre Bruno Le Maire, dans une formule dont il a le secret, affirme que « l’assureur en dernier ressort des collectivités locales, c’est l’État ! ». Face à cet affront, qui s’appuie sur le fantasme d’une irresponsabilité des élus, je réponds que les collectivités territoriales n’ont pas besoin de ce cet assureur que serait l’État, celui qui les a laissé tomber et abandonné face aux méandres du marché européen de l’énergie et à l’explosion des denrées alimentaires, nourrie pour moitié par la course au profit.
La loi de règlement pour 2022 est l’occasion de regarder quel assureur fut l’État. Au Sénat, le 2 août 2022, Bruno Le Maire, sous les hourras de l’hémicycle, s’extasiait devant le filet de sécurité : « Ainsi, plus de la moitié des communes françaises seront éligibles à ce dispositif. Je veux saluer une fois encore l’esprit constructif et de compromis ayant présidé à la rédaction de cet amendement et de ce sous-amendement, qui permettent, selon moi, de protéger le bloc communal contre les conséquences de l’inflation ».
Lors du débat sur les finances locales en amont du projet de loi de finances pour 2023, l’ex-ministre chargée des collectivités territoriales confirmait ces propos : « Dès cet été, le Gouvernement a proposé des mesures fortes dans la loi de finances rectificative, que vous avez enrichie et votée, mesdames, messieurs les sénateurs. Je pense en particulier au filet de sécurité de 430 millions d’euros pour aider les communes et les intercommunalités les plus fragiles à faire face à la hausse du point d’indice et des prix de l’alimentation et de l’énergie. »
Sur les 430 millions d’euros promis, ce filet de sécurité, trop complexe et restrictif, n’a finalement débouché que sur 106 millions d’euros de soutien, soit moins d’un quart de la somme initiale. Quant au nombre de communes, vous nous direz, monsieur le ministre, si les 22 000 communes éligibles, tel que cela avait été affirmé à l’époque, en ont effectivement bénéficié.
La situation est pourtant extrêmement grave pour les collectivités locales, qui ont vu leurs dépenses de fonctionnement bondir de 6 %, après 2, 8 % en 2021. L’indice des prix à la consommation alimentaire a augmenté de 12, 1 % sur l’année et l’énergie de 15, 1 %. Le Comité des finances locales a calculé que le poste des charges externes est celui qui a le plus augmenté, à 11, 1 %. Il a été tiré vers le haut par l’augmentation de 30 % de l’ensemble énergie-électricité, combustibles et carburants. Ce sont près de 4 milliards d’euros supplémentaires que les communes ont dépensés sur ce seul poste budgétaire. Que représentent à côté les 106 millions d’euros, avec un quasi-gel de la dotation globale de fonctionnement, qui diminue en volume à mesure que croît l’inflation ?
Les dépenses de personnels bondissent, elles aussi, de 4, 9 %, après 2, 5 %, notamment à cause de la revalorisation du point d’indice et de la revalorisation des carrières des agents de catégorie C.
Un phénomène analogue traverse les départements d’outre-mer, avec une explosion de la charge externe de 11, 2 % à La Réunion et de 6, 9 % à Mayotte, dont les communes subissent une augmentation des dépenses de personnel deux fois supérieure à celle de la métropole.
Je ne reviens pas sur tous les indicateurs financiers, si ce n’est pour rappeler que l’investissement a augmenté de 10, 7 %, un montant « anormal » à cette période, du fait de l’envolée des prix des matériaux. L’autofinancement des communes a ainsi chuté de 2 milliards d’euros à 0, 5 milliard d’euros, ce qui laisse planer la crainte d’un avenir sombre pour l’investissement public, pourtant moteur de la croissance économique.
Il est temps d’instaurer un moratoire sur les baisses de fiscalité locale, de soutenir les collectivités, non pas comme un assureur, mais dans un pacte financier entre l’État et les collectivités territoriales : un pacte renouvelé et respectueux, un pacte dans lequel il n’y aurait ni Cahors, ni injonctions, ni TVA pour seul lien entre la fiscalité et la valeur ajoutée.
Parlons de sécurité financière sans filet. Parlons-en !
Ce projet de loi de règlement nous a donné l’occasion d’évaluer une mesure que vous avez voulu emblématique de votre soutien au bloc local, mais qui n’a pas – sinon bien trop peu – permis aux collectivités d’affronter, en 2022, les aléas des marchés mondiaux et une conjoncture défavorable, dans le cadre budgétaire de gel des dotations que vous avez instauré.