Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans les quelques minutes qui me sont imparties, je voudrais vous faire part d'une réalité que la présidente du conseil général de la Réunion, Mme Nassimah Dindar, vous a exposée à plusieurs reprises.
La réforme constitutionnelle et les lois de décentralisation qui en découlent étaient fondées sur trois principes.
Le premier, plusieurs orateurs l'ont rappelé, est l'attribution par l'État, en 2004, de ressources équivalentes à celles de l'année 2003, compte tenu des dépenses engagées. Ce principe a été respecté.
Le deuxième principe, celui de la mise en oeuvre dans un délai raisonnable d'une loi de péréquation, n'a pas été appliqué. Cette loi devait garantir l'équité entre les dépenses des collectivités locales résultant des charges transférées et les ressources qu'elles pourraient obtenir en contrepartie de ces transferts.
Aujourd'hui, en lisant les notes très intéressantes du Conseil constitutionnel, on s'aperçoit que le Gouvernement disposait d'un délai raisonnable pour mettre en oeuvre cette loi de péréquation. Mais qu'est-ce qu'un délai raisonnable ? Nous sommes en 2006, presque en 2007, et la loi de décentralisation a été votée en 2002 !
Messieurs les ministres, ce principe constitutionnel qui prévoit la mise en oeuvre dans un délai raisonnable d'une loi de péréquation doit être respecté pour éviter la situation de détresse dans laquelle se trouvent certains départements métropolitains et ultramarins, notamment la Réunion et la Martinique.
Le troisième principe consiste à conserver une part déterminante de ressources propres. Les collectivités locales sont confrontées à un vrai dilemme. Si elles reçoivent des dotations fixes de l'État, leur autonomie fiscale est entamée. Or l'objectif était, lors des premières lois de décentralisation de 1982 à 1984, d'échapper à ce piège du différentiel qui pourrait exister, au détriment des collectivités locales, entre les recettes et les dépenses engagées, ainsi qu'au risque de la perte de l'autonomie financière.
Nous constatons, pour le RMI, que non seulement le compte n'y est pas, mais que, pour que le compte puisse être approché, le Gouvernement a mis en place le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion, le FMDI. Mais ce dernier n'est qu'une dotation, qui n'est pas modulable par la collectivité locale et ne fait pas l'objet d'une péréquation. Dans la situation actuelle, cette ressource porte atteinte aux principes d'équité et d'autonomie fiscale.
Permettez-moi de vous exposer la situation de la Réunion. Chacun sera juge et appréciera si elle peut perdurer, ce que, pour ma part, je ne pense pas. Messieurs les ministres, le 22 novembre, le préfet de la Réunion vous a écrit une lettre dans laquelle il vous explique que, si rien n'est fait, le département de la Réunion va connaître une véritable asphyxie. Pourquoi ? Parce que, aujourd'hui, alors que le nombre d'allocataires du RMI diminue grâce aux effets très positifs de la loi de programme sur l'emploi et le développement économique de l'île, les dépenses liées au RMI augmentent de 2 % par an. Dans le même temps, les ressources procurées par la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, diminuent de 1, 8 % par an, hors inflation. Voilà l'addition !
Dans le département d'Ille-et-Vilaine, qui compte un million d'habitants, les dépenses liées au RMI atteignent 48 millions d'euros, tandis que les ressources visant à les compenser ne sont que de 33 millions d'euros. Il manque donc 15 millions d'euros.
À la Réunion, les dépenses sont de 438 millions d'euros et les dotations de compensation ne dépassent pas 328 millions d'euros. Il manque donc 100 millions d'euros. Ni l'assiette des impôts locaux ni la faible augmentation des droits de mutation n'offrent au conseil général une marge de manoeuvre suffisante pour faire face à une telle situation.
C'est dans ces conditions, messieurs les ministres, que j'interviens pour relayer une demande formulée tant par le préfet de la Réunion que par la présidente du conseil général, à l'occasion d'une réunion organisée à la préfecture, à laquelle participait également le trésorier-payeur général pour attester de l'exactitude et de l'objectivité des renseignements que j'évoque.
Cette demande porte sur deux points.
Tout d'abord, à l'occasion de l'examen de l'article 10 de la loi de finances rectificative pour 2006, il conviendrait d'adopter un mode de calcul de la dotation du FMDI qui soit différent de celui que vous avez proposé : une quote-part de la dotation globale est attribuée aux départements d'outre-mer, et une fraction de cette quote-part est perçue par la Réunion, dont la situation est pourtant plus proche de celle des Bouches-du-Rhône que de celle des autres départements d'outre-mer. Nous sommes donc lésés dans cette affaire.
Par ailleurs, il conviendrait que vous diligentiez une expertise pour vous rendre compte par vous-mêmes de l'exactitude de mon propos et pour envisager des solutions face à cette situation exceptionnelle.
Si ces demandes ne sont pas satisfaites, le conseil général risque d'être asphyxié, et les actions que nous menons aujourd'hui avec succès seront mises en péril.
Cette année, grâce à l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT, et le conseil général, 4 500 jeunes sont venus se former et travailler en métropole. Ceux-là ne seront pas au RMI !
En outre, nous ouvrons une antenne dans l'Ouest australien, dans laquelle 200 jeunes Réunionnais commencent à travailler. Notre objectif n'est pas que les gens perçoivent le RMI, mais au contraire qu'ils sortent du dispositif ! Pour cela, il nous faut disposer d'une marge de manoeuvre budgétaire suffisante. Or cette dernière est actuellement mise en péril dans le cadre des lois de décentralisation, puisque certains principes constitutionnels ne sont pas encore mis en oeuvre. Ce n'est pas de la mauvaise volonté de la part du Gouvernement, que je soutiens. C'est une réalité qu'il faut progressivement améliorer.