Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'heure où le congrès des maires et des présidents de communautés de communes de France se termine, où le projet de loi de finances pour 2007 est débattu, à quelques jours de la remise du rapport du Conseil économique et social et, enfin, à quelques mois d'une échéance fondamentale pour notre pays, la résolution des élus locaux, eu égard à l'évolution des finances locales, est plus que jamais déterminée.
Cette détermination, mes chers collègues, n'est autre que l'écho d'une crise des finances locales, désormais avérée, une « crise de confiance autant que de chiffres », comme le soulignait M. Philippe Laurent, président de la commission des finances et de la fiscalité locale de l'AMF.
Les équilibres budgétaires des collectivités locales, a fortiori des petites et moyennes communes, sont maintenant clairement menacés. Ils connaissent un effet de ciseau impitoyable entre des dépenses de fonctionnement plus alourdies à chaque exercice budgétaire et des ressources toujours plus difficiles à obtenir. Durement mises à mal, les relations entre l'État et les élus locaux doivent retrouver, à mon sens, la confiance qui leur fait défaut.
Pour ce faire, les maires et présidents de communautés de communes ont exprimé, notamment lors du congrès, deux attentes fortes : ils demandent un réel partenariat financier équilibré avec l'État et ils proposent une profonde réforme de la fiscalité directe locale.
Dans le projet de loi de finances pour 2007, qui se présente comme un budget de transition sans surprise, les maires ne peuvent qu'accueillir avec une réelle satisfaction la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, pour la quatrième année consécutive, et pour une année encore sous sa forme actuelle.
Ils déplorent en revanche que le mode d'évolution des dotations de l'État aux collectivités locales soit inchangé, réduisant encore les marges de manoeuvre desdites collectivités. À cet égard, on relève déjà, dans le projet de loi, une baisse importante de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui, depuis l'origine du contrat de croissance, sert apparemment de variable d'ajustement et diminuerait, pour 2007, de 11 points, c'est-à-dire de 122 millions d'euros par rapport à 2006.
Je note également que la dotation globale d'équipement, la DGE, et la dotation de développement rural, la DDR, sont quasiment stabilisées. Mais la DGE a diminué d'une manière très sensible l'année dernière, ce qui n'est pas sans poser des problèmes pour les investissements des petites communes.
Si l'on examine par ailleurs l'évolution de la dotation forfaitaire au cours des dernières années, on note que celle-ci est bien inférieure à l'inflation. Sans préjuger le choix que fera le comité des finances locales, l'évolution de la dotation globale de fonctionnement forfaitaire sera encore inférieure à l'inflation. Heureusement, la dotation de solidarité rurale, la DSR, et la dotation de solidarité urbaine, la DSU, progressent, elles, de manière plus sensible. Mais j'ai toujours regretté que la DSR ne progresse pas au même rythme que la DSU et ait pris quelques années de retard en matière de concours financiers.
Les élus locaux ont d'ores et déjà émis une opposition ferme à toute désindexation progressive des concours financiers de l'État aux collectivités locales. Lors du congrès, le président de la commission des finances de l'AMF n'a d'ailleurs pas manqué de rappeler que les dotations de l'État - mais chacun ici le sait, puisque nous avons affaire à des initiés - constituaient non pas des dépenses de l'État, mais un prélèvement sur recettes fiscales, puisqu'il s'agit d'anciens impôts locaux supprimés par décision du pouvoir central au fil du temps. C'est pourquoi les dotations et compensations des collectivités devraient, à notre sens, progresser comme les recettes fiscales de l'État avant tout allégement, et non comme ses dépenses.
En tout état de cause, les élus attendent désormais qu'il soit donné une suite réelle et concrète aux orientations proposées par le Gouvernement consistant à améliorer les relations financières entre l'État et les collectivités locales, notamment à travers le travail de la Conférence nationale des finances publiques et du conseil d'orientation des finances publiques.
Il paraît également utile que l'on s'engage enfin dans une réforme de la fiscalité directe locale. Même si l'on évoque chaque année ce sujet, nous éprouvons quelques difficultés à le faire.
La fiscalité locale, chacun en conviendra, est aujourd'hui à bout de souffle. Elle ne repose que trop sur des bases archaïques, sur une fiscalité cantonnée aux « quatre vieilles » et sur des calculs extrêmement complexes qu'il conviendrait de classer au rang des procédés révolus.
Aussi une réforme profonde de la fiscalité locale devient-elle plus que jamais, après quinze années d'évocation, inéluctable pour la gestion publique locale. Le président de l'AMF, M. Pélissard, en a d'ailleurs fait l'une des revendications principales de l'association nationale, l'élevant au rang d'étape nécessaire à la responsabilisation des gestionnaires publics, et 62 % de maires récemment interrogés l'appellent aussi de leurs voeux. Elle revêt d'ailleurs le caractère de réforme prioritaire dans bien des annonces, déclarations et enquêtes réalisées auprès des élus locaux.
Les principes constitutionnels d'autonomie financière, de péréquation et de libre administration des communes et de leurs groupements, dont il faut obtenir le respect, devront être au coeur des travaux et propositions qu'il convient d'élaborer à cet égard.
Les maires demandent également avec insistance que le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée soit corrigé d'urgence afin d'éviter un transfert fiscal sur les ménages et le développement d'inégalités importantes, mais aussi pour ne pas compromettre durablement la situation financière des collectivités locales. M. le ministre délégué au budget a reçu récemment une délégation d'élus locaux issus des différentes associations nationales et a fait savoir que le moment n'était pas venu d'intervenir sur ce point.
En l'absence de hausse du taux de taxe professionnelle, le seul dynamisme des bases de la taxe pourrait en effet provoquer un dépassement du plafond et pénaliser les communes et leurs groupements, contraints d'acquitter le ticket modérateur.
Il me paraîtrait donc souhaitable que soient adoptés des amendements ayant pour objet d'atténuer le décalage entre le prélèvement sur les recettes fiscales des collectivités l'année N et le remboursement aux entreprises par l'État l'année N+1.
Enfin, les élus locaux aspirent à ce qu'une réforme globale de la fiscalité locale vienne doter les collectivités de ressources pérennes et dynamiques. Une meilleure égalité et une plus grande lisibilité pour nos contribuables sont souhaitables. La réforme devrait contribuer à mieux responsabiliser les élus.
Reste la question des dégrèvements et des exonérations, système mis en place par l'État sans que les collectivités locales l'aient demandé. En aucune façon, il ne doit être accepté de remettre en cause les compensations accordées par l'État. La seule solution qui pourrait d'ailleurs se profiler serait la recherche de bases plus justes pour les collectivités, car, si les dégrèvements bénéficient aux contribuables, ils ont aussi pour effet de diminuer les marges de manoeuvre des collectivités.
C'est pourquoi les élus locaux considèrent que la réforme des finances et de la fiscalité locales devra reposer sur la modernisation de l'assiette des impôts locaux, le partage des impôts nationaux ou une plus grande spécialisation de l'impôt.
Dans ce contexte, beaucoup d'espoirs reposent sur le rapport du Conseil économique et social. Lorsque ce dernier aura été publié et que ses propositions seront connues, sonnera l'heure pour les élus du vrai courage, celui de la mise en oeuvre de la réforme.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, quelques pistes concrètes, dont je me plais à me faire l'écho, sont d'ores et déjà avancées et portées par l'Association des maires de France.
Premièrement, les revenus pourraient être introduits, sous une forme ou une autre, dans l'assiette taxable au niveau local : pas nécessairement dans celle des communes, mais dans celle des départements, par exemple.
Deuxièmement, les valeurs locatives foncières devraient faire l'objet d'une nouvelle fixation, qui tienne compte de la valeur réelle des biens et puisse être adaptée aux différents territoires par les élus eux-mêmes.
Troisièmement, le champ des contribuables de la taxe professionnelle pourrait être étendu et simplifié par une relocalisation des bases.
Quatrièmement, enfin, une nouvelle fiscalité automobile, en lien avec les conséquences environnementales de l'utilisation de la voiture individuelle, pourrait être étudiée.
Mes chers collègues, ces pistes méritent à mon avis d'être explorées. Il faut tendre vers une véritable autonomie financière - pour les recettes et les dépenses - des budgets respectifs de l'État, des collectivités locales et de la sécurité sociale. Mettons un terme à tous ces financements croisés qui font perdre de la lisibilité aux budgets respectifs des uns et des autres et ne permettent pas à chacun d'être seul responsable de ses propres turpitudes.
J'appelle de mes voeux cette véritable autonomie. J'ignore si nous y parviendrons, mais je souhaite que ce chantier soit enfin ouvert un jour ou l'autre, pour que chacun puisse assumer ses responsabilités devant nos concitoyens.